Le "Censier" du Prieuré de Monthou-sur Cher (1511-1512),


Une Page d'Histoire Médiévale

Introduction

Les moulins et leurs meuniers occupent une place singulière dans l’histoire de Monthou-sur-Cher.    

Aujourd’hui encore, ils sont au nombre de onze, répartis sur les rives des Aiguilleuses et du Bavet, deux ruisseaux qui serpentent dans la Vallée des Meuniers.

La "Vallée des Meuniers », baptisée ainsi par Mme Armand, ancienne directrice de l’école primaire de Monthou-sur-Cher à la recherche d’un nom pour identifier notre école, caractérise parfaitement le lieu et son histoire.

Monthou-sur-Cher est un haut lieu de la civilisation humaine.

"La Vallée des Meuniers" porte encore les empreintes de nos lointains ancêtres.

Les hommes et les femmes préhistoriques occupèrent ces lieux dès le néolithique vers -5000, - 6000 ans avant Jesus-Christ.

Ils y avaient trouvé des grottes dans une nature luxuriante et giboyeuse pour s’y abriter, s’y protéger et chasser, des ruisseaux poissonneux pour la pèche et les roches sur lesquelles ils ont affûté leurs outils et leurs armes.

Ils s’y sont installés.

Ils nous ont laissé de précieux témoignages de leur présence : outils, pointes de flèches et les polissoirs situés en face du moulin de la Crémaillère.(1)

Ils y ont édifié des habitats et ils y ont fait souche.

Bien plus tard, aidés par les moines ermites évangélisateurs, ils ont défriché et cultivé de nouvelles terres.

Avec le développement de la féodalité et l’extension des abbayes dans les années 1000, sont apparus les moulins.

Les moulins des congrégations religieuses côtoyaient celui du seigneur du Gué-Pean sur notre paroisse et celui du seigneur du Roger situé sur la paroisse de Thenay

De nombreux documents d’archives témoignent de cette longue présence.

Parmi ces documents, il faut souligner l’importance particulière que revêtent les "Censiers de Jean Fumée",(2) Prieur du Prieuré de St Cyr-Ste Julitte de Monthou-sur-Cher, datés l’un de 1511 et l’autre de 1512.

Ces documents sont rares et précieux. Ils nous interrogent aussi.

Le Prieur tout d’abord. Nous verrons plus avant qui était Jean Fumée.

L’abbaye de Beaulieu-lès-Loches ensuite.

En effet, on peut légitimement s’interroger sur le pourquoi de la décision, attribuée à l’évêque d’Orléans, de confier le patronage du Prieuré de Monthou à l’Abbaye de Beaulieu-lès-Loches.

La paroisse de Monthou dépendait de la seigneurie de St.Aignan, territoire blésois, propriété du comte de Blois alors que l’abbaye était en territoire angevin. Elle relevait du comte d’Anjou.

Elle était éloignée du prieuré, alors que celui-ci était entouré de puissantes abbayes, celles de Pontlevoy, de Cornilly. Le Chapitre de St.Aignan disposait aussi de nombreuses propriétés sur la paroisse.

Enfin, la confirmation papale tardive de ce patronage. Elle intervient en 1163 alors que l’abbaye semble avoir été consacrée en 1007.

Faut-il y voir une conséquence, parmi de nombreuses autres, des vicissitudes de ce petit territoire pris dans la tourmente des conflits qui opposeront les Comtes de Blois aux Comtes d’Anjou ?

Autant de questionnements qui m’ont incité a partir à la découverte du Monthou de cette époque là, malgré les difficultés et incertitudes que cette entreprise recèle : la rareté des sources, le déchiffrage complexe des calligraphies anciennes et les variations des orthographes.


Iere Partie

Du Xe Siècle à la Renaissance.


A la découverte du Monthou médiéval


A) Monthou-sur-Cher a l’écart des chemins antiques de communications.

L’espace territorial qui englobe le bourg et le Prieuré forme un triangle. Au sommet, la ville de Blois, à sa base la rivière le Cher.

Les deux cotés de ce triangle était délimités par deux chemins de communications antiques.

Le premier, le chemin d’Aquitaine, reliait Blois à Bordeaux par l’ouest.

A partir de Blois, après avoir franchi le Beuvron aux Montils, le chemin frôlait par l’ouest Pontlevoy, il se poursuivait jusqu’au Mont-Reveau (3)      -futur Montrichard-, franchissait le Cher en direction de Loches et ensuite en direction de l’Aquitaine. Il était considéré, jusqu’à la Révolution, comme le chemin le plus direct pour rejoindre Bordeaux.

Le deuxième chemin conduisait depuis Blois à St-Aignan. Il franchissait le Beuvron aux Montils, bifurquait sur Sambin, puis passait par Monthou-sur-Bièvre, Thenay, Thésée et St-Aignan puis de là, le chemin conduisait à Bourges ou à Tours .
La base de ce triangle formé par ces voies gauloises était selon certains auteurs, l’antique voie qui reliait Bourges à Tours en longeant la rive droite du Cher.

Pontlevoy était caractérisé par sa position stratégique. Le château féodal contrôlait le carrefour du chemin d’Aquitaine et de la vallée de l’Amasse.

L’Amasse est une petite rivière qui prend sa source non loin de l’étang de Sudais et coule dans une vallée en direction d’Amboise et de la Loire.

C’était une voie directe d’accès sur les fortifications d’Amboise qui contrôlaient la navigation du fleuve.

Le Monthou-sur-Cher de l’époque était à l’écart de ces grandes voies antiques. Toutefois, une voie secondaire à partir de Sambin bifurquait à la hauteur de Terre-Neuve, au nord de la paroisse, passait au gué du futur Gué-Péan pour plonger sur Tasciaca et permettre l’accès des voyageurs et des marchandises aux gués du Cher, en contournant la zone marécageuse du Bavet.

Son territoire était, selon différentes chroniques, en grande partie couvert de forêts et traversé par deux ruisseaux. 

A la différence de Pontlevoy, Monthou n'occupait pas une position stratégique mais assumait une fonction économique.

B ) Des prêtres, des guerriers et des paysans

Les fondements du monde chrétien médiéval reposait sur la classification en trois ordres : les prêtres, les guerriers et les paysans.

Des prêtres.

Dès le VIe siècle les moines, dont certains partaient de l’abbaye de St-Martin de Tours, ont emprunté ces chemins pour évangéliser dans ces terres boisées les quelques populations qu’ils y trouvaient.

Des chroniqueurs évoquent l’existence en l’an 816 d’une maison, abritant des moines de St-Martin, dans un lieu proche du château du Pontlevoy médiéval.

Il s’agissait " d’un hermitage pareil à celui que des moines, venus de St-Martin, habitaient non loin de là, et vers le même temps, au lieu de Saint-Aignan-sur-Cher" affirme Dupré (4).

L'existence de trois ermitages, au moins, pas très éloignés les uns des autres, est une hypothèse probable.

A Monthou, un monastère, plus vraisemblablement un ermitage, abritait une poignée de moines.

Il existe d’ailleurs un lieu-dit Hermitage sur l’actuelle commune de Monthou qui pourrait se référer à cette période.

Les chroniques médiévales leurs attribuaient quantités d’actions miraculeuses.

L’auteur de l’histoire du Diocèse d’Orléans en rapporte de nombreuses.

Nombre de faits inexplicables pour l’époque était interprétés comme des signes divins et conféraient à ceux à qui ils étaient attribués des pouvoirs miraculeux.

Ainsi, se rattache à cette période d’évangélisation, la légende qui entoure le jeune moine Lié ou Lyé qui aurait avec quelques autres de ces ermites, séjourné dans les bois de Monthou. Elle fit de l’une des source du pays, la fontaine St-Lié encore visible aujourd’hui, un lieu de pèlerinage très fréquenté.

Les chroniqueurs se disputèrent le parcours de St-Lié.

Certains affirment qu’il était parti depuis la forêt Orléanaise ou le Berry, pour évangéliser la Sologne où il y rencontra St-Viatre ; d’autres affirment qu’après avoir parcouru la Sologne et une partie du Berry, il se retira dans les bois de l’Abbaye de Micy St Mesmin pour y mourir vers l’an 534 (5).

Ces moines évangélisateurs étaient aussi des défricheurs efficaces.

Le territoire de Monthou avait pour caractéristique d’être, depuis la période celte, un espace frontière entre quatre tribus gauloises, puis de la période féodale à la fin de l’ancien régime à la limite de trois provinces, la Touraine, l’Orléanais, le Berry et de trois évêchés, celui d’Orléans fondé au IIIè siècle, de Tours fondé dès le début du IVè siècle dont St-Martin en fut le troisième évêque de 371 à 397, de celui de Chartres fondé par Saint-Avertin au milieu du IVe siècle.

Le lieu dit des Trois Croix à Monthou-sur-Cher illustre cette situation géographique particulière.

La légende affirmait que les trois évêques pouvaient se rencontrer là, et débattre entre eux, installés chacun sur leur siège épiscopal, sans sortir de leur diocèse.

La présence de moines ermites dès le VIe siècle, Saint-Lié notamment, pourrait dater la formation du village de Monthou dans ce siècle.

Une église primitive fut érigée sous les carolingiens au Xe siècle, sur la base d’un lieu de culte celte.  

Sur cet édifice, une église plus vaste fut ensuite construite dès le XI siècle (6).

Entre ses fondations jaillit encore aujourd’hui une source.

La population de cette paroisse rattachée, peut être dès sa création, au diocèse d’Orléans et à l’Archidiaconé de Sologne, ne devait pas être nombreuse.

La date de création du Prieuré placé sous l’invocation de St-Lié ou de St Cyr et Ste Julitte n’est pas connue.

Enfin, au moyen-âge la paroisse relevait du Comte de Blois dont les possessions comprenaient les terres de Pontlevoy et de Saint-Aignan. Le Seigneur de Saint-Aignan était son vassal. La paroisse de Monthou, avec d’autres comme Choussy, St-Romain, appartenaient à la seigneurie de St-Aignan. Un acte notarié de 1164 en atteste.

A cette date, les héritiers d’un certain Dadon de St-Romain renoncèrent à son héritage, et notamment au Moulin de Brault dont le sieur Dadon avait fait donation aux bénédictins de Pontlevoy. Cet acte de renonciation se déroula dans le Château du Comte Hervé, châtelain de St-Aignan, en présence de son bailli.

Des guerriers….

Deux seigneurs, Eudes II de Blois et Foulques III, dit Foulques Nerra, puissants vassaux du roi Hugues Capet, et leurs vassaux respectifs, convoitent leurs territoires réciproques et se combattent pour les conquérir.

Ils ont joué un rôle central dans l’histoire du Moyen-âge et du territoire qui nous intéresse.

Eudes II, dit le Champenois.

Né vers 987 et mort le 15 novembre 1037, petit-fils de Thibault 1er dit le Tricheur, fils de Eudes 1er, avait hérité de son père les quatre comtés de Blois, de Tours, de Chartres et de Châteaudun.

C’est un seigneur de guerre qui n’aura de cesse de vouloir agrandir ses possessions notamment en direction de la Bretagne, mais aussi au détriment de son voisin le Comte d’Anjou.

Depuis son comté, Eudes II contrôle deux cités stratégiques.

Pontlevoy, tout d’abord, propriété de Guelduin son fidèle vassal. Il peut ainsi accéder rapidement par la vallée de l’Amasse à la fortification d’Amboise.

Guelduin est aussi le seigneur de Nanteuil, du village de Mont-Reveau entre le Cher et la colline, propriété de l’Archevêque de Tours, qui le domine.

St-Aignan ensuite, dont la fortification contrôlait la rive gauche du Cher et les chemins de Bourges et de Tours.

La seigneurie de St-Aignan fait partie du Berry tout en étant rattachée au Blésois. Elle avait été donnée par Eudes Ier, avant sa mort, à Geoffroy de Sémur et de Cosnes (7), dit Geoffroy le Jeune, qui l’a transmise à son fils Hervé, seigneur de Donzy, fidèle vassal du comte de Blois.

Ces deux positions stratégiques, permettant le contrôle des voies terrestres et de la navigation sur le Cher, inquiétaient et intéressaient tout à la fois, le Comte d’Anjou.

Eudes II, pour sa part, convoite Amboise qui contrôle, entre autre la navigation sur la Loire.

Lui ou ses vassaux saccagèrent à maintes reprises les possessions de Foulques.

Foulques III dit Foulques Nerra

Conquérant et bâtisseur d’églises, Comte d’Anjou en 987, il est né vers 965, mort en 1040. Il est le descendant d’Ingelger, fils de Geoffroy-Grisegonelle et de mère inconnue.

Foulques III, "ce prince extrême en tout, et qui joignait la férocité du soldat à la dévotion minutieuse du moine", selon la formule de L. Halphen (8) est l’ennemi le plus affirmé du comte Eudes II.

Il fera trois pèlerinages en Terre Sainte, en 1003, 1008, 1038. Ils lui valurent le surnom de "Jerosolomitain".

Il tient, en plus de ses nombreuses autres possessions, deux châteaux fortifiés sur la Loire, le château de Loches et le château d’Amboise. Il avait confié la garde d’Amboise à son vassal, Sulpice de Buzançais.

Selon Raoul Glaber (9), Foulques aurait effectué son premier pèlerinage en 1003, pour expier le sang versé par lui lors de la bataille de Conquereuil (10) en l’an 992. « Il en serait revenu, pour un moment, un peu moins féroce (11) » écrira-t-il.

Ce voyage dura 18 mois environ, de septembre 1003 à décembre 1004.

Son absence fût mise à profit par les vassaux du comte Eudes, notamment Guelduin et le seigneur de St-Aignan, pour conduire de multiples incursions dévastatrices dans le voisinage de Loches et d’Amboise. Ce sont surtout les populations qui subirent les razzias de ces guerriers.

A son retour, Foulques décide de rendre coup pour coup.

En 1005, il détruit Nanteuil et le village de Rabeau-le-Noble.

Il s’empare de la colline de l’archevêque sur laquelle il fera édifier le donjon qui deviendra le donjon de Montrichard.

Il en confiera la garde au Seigneur de Montrésor, un certain Robert le Diable.

La vocation du donjon de Montrichard et sa ceinture de murailles n’était pas d’abriter les villageois en cas d’incursion de l’ennemi. Elle était stratégique : contrôler le Cher et les routes en direction de Loches et de Tours.

Certains chroniqueurs affirment qu’il s’empara, aussi, de Bourré, localité de bateliers et d’extraction de pierres.

Pèlerinages et prises de guerre.

Foulques poursuit ses pèlerinages et ses prises de guerre.

Eudes II, Guelduin et le Seigneur de St-Aignan, ses vassaux, poursuivirent leurs incursions sur les territoires voisins.

Foulques délogea Guelduin dit le "diable de Saumur" de la ville de Saumur.

En 1016, se déroula la fameuse bataille de Pontlevoy. Cette date est incertaine, plusieurs existent.

Des chroniques en relatent par le détail le déroulement. Là aussi avec des variantes.

Gelduin fut une nouvelle fois battu.

Le Comte de Blois a perdu ses possessions de Pontlevoy.

En l’an 1037, le seigneur de St-Aignan était capturé par les vassaux de Foulques et étranglé dans sa prison de Loches.

Selon Delorme (12), Rober le Pieux, alors roi de France "donne l’investiture du château de St. Aignan à Geoffroy-Martel, comte d’Anjou."

La paroisse de Monthou incluse dans la seigneurie de St-Aignan se trouve donc pour un temps dans les domaines du comte d’Anjou.

Cela pourrait expliquer le rattachement du Prieuré de Monthou à l’Abbaye de Beaulieu-lès-Loches par l’archevêque d’Orléans.

Guelduin avait donné la preuve de sa grande bravoure dans les combats contre Foulques. Malgré les défaites, le Comte de Blois l’en récompensa en lui donnant le fief de Chaumont.

Il lui rendit, aussi, le territoire de Pontlevoy.

Guelduin s’y retirera et fondera en 1035 ou 1034, l’Abbaye de Pontlevoy.

Le comte de Blois meurt le 15 novembre 1037.

Foulques meurt le 21 juin 1040.

Il faudra attendre l’an 1163 pour que l’on reparle du Prieuré de Monthou…

Nous l’évoquerons plus loin.


La Fondation de l’abbaye de Beaulieu-Lès-Loches.


Après son retour, Foulques III fonde à Beaulieu-lès-Loches, une abbaye avec son église considérée parmi les plus grandes du XIe siècle.  

Les travaux de construction auraient été achevés en 1007, il la dédie, selon Raoul Glaber à "la mémoire de ces puissances célestes, les Chérubins et les Séraphins » et à la Sainte Trinité.

"Foulques fait don de ce bourg avec le fief et tous les droits de justice, au nouveau monastère, et il veut qu’à partir de ce moment tous les habitants soient affranchis de la servitude. de plus il cède aux moines son droit de fabrication de monnaies à Loches" (13).

L’acte fondateur d’une abbaye n’était pas uniquement un geste pénitentiel, encore que chez Foulques Nerra, cet aspect ait été important.

La fondation d’une abbaye avait aussi pour objectif la recherche d’alliance avec des congrégations religieuses puissantes qui pouvaient s’avérer d’un grand secours dans des conflits avec d’autres princes.

Foulques Nerra, demande à l'archevêque diocésain de Tours, Hugues de Châteaudun, de venir à Beaulieu consacrer l’église.

Hugues de Châteaudun était membre de la maison des comtes de Châteaudun, vassaux de Eudes II, et l’archevêque, lui, était le propriétaire de la colline conquise par Foulques.

Deux raisons puissantes pour que Hugues de Châteaudun refuse de consacrer l’église.

Foulques ne renonce pas.

Une consécration "sacrilège ? ".

Mr Guillot, lors du Colloque Médiéval de Loches de 1973, nous donne une analyse argumentées des faits (13).

Il se rend chez le Pape Jean XVIII avec une copieuse somme d’or et d’argent.

Il en revient accompagné d’un légat, Pierre évêque de Piperno, chargé au nom du pape de procéder à la consécration !

Selon Glaber(14) « Quand tous en eurent connaissance, les évêques des Gaules virent en cela une audace sacrilège procédant d'une aveugle cupidité, où l'un recevait ce que l'autre avait usurpé... Tous s'accordaient à considérer comme détestable et par trop indécent que le Siège Apostolique transgressât la tradition continue, apostolique et canonique, d'autant que par surcroît mainte autorité avait confirmé de toute antiquité qu'aucun évêque n'osât s'ingérer dans le diocèse d'un autre évêque, sauf sur l’ordre ou la permission de ce dernier".

"C'est un légat de Jean XVIII, Pierre, évêque de Piperno, qui est venu la célébrer en se substituant à l'ordinaire, probablement en mai 1007 ; l'église a été vouée ainsi, non sans scandale, à la Trinité ainsi qu'aux Chérubins et Séraphins".

En 1007, la seigneurie de St-Aignan fait encore partie des possessions du comte de Blois.

La confirmation papale enfin…

Mr Quillot dans son article cité, précise (15) : "Pour trouver mention d'une donation de Beaulieu à Saint Pierre dans des bulles authentiques, il faut attendre le pontificat d'Alexandre III. Dès 1163, une première bulle fait état de l'appartenance à Saint Pierre du monastère…"

En 1163, le pape Alexandre III séjourne à Sens. Il y séjournera jusqu'en 1165.

Il est en exil sous la protection du Roi Louis VII le Jeune.

Elu pape en 1159 par 24 voix des 27 électeurs que compte le Saint Siège, Roland Bandinelli, prendra le nom de Alexandre III. Frédéric Barberousse, Empereur d’Allemagne, ne le reconnait pas comme tel et lui préférera son adversaire.

La chrétienté a donc deux papes.

Alexandre III, développera une intense activité diplomatique auprès des églises des royaumes de France et d’Angleterre pour faire admettre son élection.

Et, cela, dans une période agitée par les escarmouches entre les soldats du Roi de France et ceux du Roi d’Angleterre.

Depuis 1159, Louis VII et son vassal, Henri II comte d’Anjou et du Maine, duc de Normandie et d'Aquitaine et roi d'Angleterre sont en guerre.

Le royaume d’Henri II s’étend de l’Ecosse aux Pyrénées. Le petit domaine du Roi Louis VII est comprimé entre les comtés de Flandres, de Champagne et le Duché de Bourgogne, et le comté de Blois, ses vassaux et les territoires du Roi Henri II (en rouge et rose) et d'Aliénor d'Aquitaine sa femme (en orange). 

"L’Anglais" est à Montrichard pourrait-on dire.

C’est donc dans cette situation incertaine que, depuis la ville de Sens, le Pape prendra en 1163, selon Claude Bousserau (16), la bulle qui confirme les droits du Prieuré de Monthou sous le patronage de l’Abbaye de Beaulieu-lès-Loches 

Quelles étaient ses motivations ?

Voulait-il signifier que son pouvoir spirituel était au dessus des conflits des deux rois ?

Faut-il y voir un calcul politique ou simplement, la confirmation d’une décision antérieure ?

… et des paysans

La bulle papale reconnait donc les droits du prieuré (18) " sur l’église, ses dimes, ses vignes, prez et molins" de "Montho sur Chier".

Autant de biens dont l’exploitation nécessitait de la main d’oeuvre.

Nous disposons de très peu d’éléments concernant les paysans de Monthou à cette époque.

Dom Chazal, historien de l’abbaye de Pont-Levoy, nous dit qu’à sa fondation, elle fut richement doté en terres, forêts, fiefs, vignes et serfs.(19)

Quelques actes relatifs à l’exercice ou la transmissions des droits seigneuriaux confirment d’une part, l’existence sur la paroisse de Monthou d’activités agricoles ou d’exploitation de moulins et de carrières qui nécessitaient l’emploi d’une mai d’oeuvre et d’autre part l’existence de serfs sur le territoire de la paroisse ainsi que la présence de petits chevaliers.

Un acte de 1188, évoque l’activité du moulin de la Varenne.  

Un acte de 1228, nous apprend qu’un chevalier, Hubert de la Vernelle, confirme la donation faite antérieurement aux religieux de Pontlevoy par le chevalier Mathieu de Vineuil du droit de prendre des pierres dans sa « perrière sisse près du Moulin Blanc » qui était située près de l'actuelle gare de Bourré. Cette partie de Bourré jusqu’à la place était située sur la paroisse de Monthou.

Deux lettre datées de 1243, évoquent des donations aux religieux de Pontlevoy :

  • la première par Eudes Grosbois. chevalier, de la quatrième partie du four de Monthou-sur-Cher, ainsi que de la concession faite aux moines, pour le chauffage dudit four, des droits d'usage ou bois mort dont jouissait ledit Eudes Grosbois dans la forêt de Saint-Aignan ; et enfin reconnaissance de la libre possession, par l'abbaye, de ses dimes de La Boulaie ,
  • la seconde lettre émane d'Isabelle, veuve de Raynaud Bataille, bourgeois de Pontlevoy, lègue à l'abbaye une autre quatrième partie du four.(20)

En 1250, Guillaume Le Dru, chevalier de Vineuil, s’oblige envers les religieux de Pontlevoy à ne faire au Moulin Blanc aucune excavation ni extraction de pierres.

L’abbaye possédait sur la paroisse de Monthou des terres travaillées par ses serfs. Elle détenait aussi quelques moulins.

Ainsi, selon Chazal (21), Geoffroy 1er, abbé de l'Abbatiale (1251 à 1281) verse a sa "manse quelques moulins placés sous l’étang de Brault, appartenant au prieur de Choussy".

En 1253, Mathieu de Vineuil et sa femme Margarita (22) prennent à leur charge la taille qui pèse sur 2 serfs et leur "accordent un abonnement perpétuel de 15 sous de la monnaie de St-Aignan, afin de solder à l’avenir leur cens".

Par un acte en date 1261, Guillaume Le Dru de Vineuil et sa femme Laurence font donation à l’Abbaye de Pontlevoy d’un rente annuelle de 25 sous à prendre sur la taille de leurs hommes de Vineuil.

En 1271, Geoffroy de Mareuil chevalier, fait cession aux religieux de Pontlevoy, de l'un de ses hommes, "de chef et de corps" appelé André Aconnet que Jean du Bois, écuyer, avait donné audit Geoffroy de Mareuil  tous les biens dudit André, particulièrement d'une partie du moulin Aconnet, situé sur les bords du Cher et près de la ville de Monthou ; le vendeur concède à l’Abbave le droit d'acquérir les autres parties dudit moulin.

En Août 1343, Ingelger (24), seigneur d’Amboise et de Montrichard (23) fait donation à l’Abbaye de Pontlevoy d’un chemin pour aller au moulin Blanc. Cet acte est confirmé par le Bailly de Pontlevoy le 7 mars 1497.

En 1393, les religieux de Pontlevoy font un bail à cens d’une place sise en la "ville de Montho" à Samson de Chanteloue et à Babeau sa femme. Les preneurs s’engagent à édifier sur cette place une maison. Les moines bailleront aux "diz espoux" tout le bois qui, sera nécessaire "a faire la dite maison".

En 1432, le Bailly de Pontlevoy reconnaissait aux religieux de l’abbaye une rente annuelle d’un setier de seigle sur le moulin Cornet, paroisse de Choussy. Le moulin Cornet est situé sur l’actuel Bavet en amont du moulin de Brault, à la frontière de Monthou.

Le 10 mars 1469, les religieux de Pontlevoy, donnent à "bail emphytéotique de 59 ans à Pierre Forest le Moulin Béraut, pour 30 setiers de grains payables aux dits religieux, à la communauté et utilité du prieur de Clusay (25), membre dépendant de la dite abbaye".

Ces actes relatifs à l’exercice des droits seigneuriaux, attestent de l’existence au XIIe siècle, déjà, d’un nombre important de moulins placés sur les deux ruisseaux qui irriguent la paroisse de Monthou-sur-Cher.


2eme Partie 

Au début de la Renaissance

Le Prieuré de Monthou sur Cher .


Les "censiers" de Jean Fumée

De quoi s’agit-il ?

Ces censiers ou terriers, ce sont 11 parchemins reliés pour l’année 1511 et pour l’année 1512.

Sur ces parchemins sont portés les noms des personnes assujetties au cens ainsi que la descriptions des propriétés : "terres", "vignes", "près", et le "gros (26) du prieuré".

Au total, ce sont 78 articles, dont 54 nominatifs. Ils énumèrent scrupuleusement la description, la localisation des biens qui justifient la rente ou constituent l’assiette ainsi que le montant du cens.

Le cens (27), redevance annuelle, était d’un montant fixe. Il était payé soit en nature soit en argent, soit les deux à la fois par celui qui tenait la terre, la maison, le moulin, appelés "censives ou tenures", du seigneur laïc ou ecclésiastique qui en était le propriétaire.

Le censier était tenu et mis à jour chaque année par un clerc.

C’était le prêtre de l’église de Monthou, Jean Marquet qui en avait la charge. Il administrait le prieuré pour le compte du Prieur.

Chaque article puis le censier dans sa globalité étaient certifiés par le notaire juré de la Cour de St-Aignan en Berry, Gilles Huguet.

Ces articles fondaient la reconnaissance juridique du "droit" de propriété" sur le biens que détenait le seigneur laïc ou ecclésiastique.

Ce fondement juridique explique le fort attachement de la noblesse au cens qui durera jusqu’à la Révolution.

Avec ces registres, nous disposons du premier recensement connu, d’une partie de la population de Monthou, celle du prieuré. Nous y reviendrons.

Ils nous révèlent aussi l’identité des principaux acteurs de la vie rurale ainsi que quelques unes des caractéristiques de l’organisation féodale du bourg.

Enfin, ils nous dessinent les contours géographiques du Prieuré, son étendue et ses frontières avec ses voisins.

Nous le situons ainsi avec plus de précisions dans le puzzle des fiefs féodaux qui couvraient cette partie du blésois.

En cela, ces censiers sont précieux.


En 1511, Louis XII règne sur le royaume de France.

Louis, duc d’Orléans, futur Louis XII, est né à Blois le 27 juin 1462. Il mourut à Paris le 1er janvier 1515.

Le 8 septembre 1476, le duc d’Orléans, alors âgé de 14 ans, épouse, sous la contrainte de son futur beau-père le roi Louis XI, Jeanne de France. Le mariage fut célébré en la chapelle du Château de Montrichard (28) dans lequel Louis XI avait fait construire un logement royal.

En 1498, Louis XII obtient du pape l’annulation de son mariage et il épouse en 1499, Anne de Bretagne.

Louis XII avait fait du château de Blois, sa résidence royale, le siège de son gouvernement et de sa Cour

La période du haut moyen-âge s’est achevée. La Renaissance est à ses débuts.

Les châteaux connaissent leurs premières transformations. Le Gué-Péan aussi.

Le Pape, Jules II, sur son trône pontifical, veille sur le monde chrétien.

A St-Aignan, depuis 1496, c’est la dynastie des Beauvilliers, Emery de Beauvilliers, puis son fils Claude, qui règne sur la baronnie puis le comté de St-Aignan.

Montrichard, fait partie du domaine royal. Ce n’est qu’en 1514 que la ville et son Château " furent aliénés, à faculté de rachat perpétuelle, pour la somme de 7000 livres au seigneur de Grinault, gentilhomme périgourdin (29)."

A Monthou-sur-Cher, les Montigny sont seigneurs de Bizard et du Gué-Péan.

Monseigneur Jean Fumé est le prieur du Prieuré de St. Cyr et Ste. Jullitte.

 Qui était "Jean Fumée" ?

Il appartient à une grande famille de Genillé, en Touraine.

Cette famille compte en son sein, des marchands, des financiers, des conseillers du Parlement de Paris et des ecclésiastiques.

Jean Fumée est chanoine de Saint Martin de Tours.

Il est l’un des fils d’Adam Fumée (1430-1494), seigneur des Roches. Adam avait « noué de riches alliances avec l’élite financière tourangelle. En secondes noces, il épouse Thomine Ruzé, belle-sœur de Jacques de Beaune » (30) et mère de Jean.

Adam fut le médecin de Charles VII, Louis XI, Charles VIII et Garde des sceaux de France en 1479.

La fratrie est composée de six garçons et deux filles.

L’ainé Adam II, seigneur des Roches, était le premier seigneur de Genillé.

L’un de ses frères, Hardouin Fumée, fut chanoine de Notre Dame de Paris, abbé de l’abbaye de Beaulieu-lès-Loches .

Il poursuivit, après son oncle Hugues III Fumée, la reconstruction de l’église de l’abbaye détruite en 1359 par les armées du Roi d’Angleterre pendant la guerre de Cent ans.

La date de naissance de Jean Fumée n’est pas connue, son décès est situé avant 1531.

Jean Fumée de par sa naissance est un personnage important.


Les registres de « Messire Jean Marquet ».

Jean Marquet, dont les possessions sont nombreuses dans le Prieuré tient le censier du Prieur sous la forme d’un "registre"

Il est constitué d’un préambule, de 54 articles nominatifs et des articles listant les terres, moulins, vignes et prés du Prieuré.

Le préambule fixe :

  • l’objet : « Ce sont les cens et rentes dus chaque an à Monseigneur Jean Fumée présentement Prieur du prieuré de Monthou »,
  • la date et le lieu du paiement : les cens et rentes sont "payables le jour et fête de la décollation de Saint Jean Baptiste",
  • la procédure d’élaboration du carnet : "reçu par moi Messire Jean Marquet prêtre devant la porte de l’église du dit prieuré à la date du 28 idem jour d’aout l’an mille cinq cent onze et en présence de Gillet Huguet, Notaire Juré à la cour de St-Aignan en Berry …"

Puis, suivent les 54 articles constatant et fixant le cens et la rente.

Ces articles nous fournissent des indications précieuses sur la géographie et la sociologie du prieuré.

Les personnages qui peuplaient le prieuré :

Les articles sont nominatifs.

Ils nous présentent ainsi les personnages marquants de la population du Prieuré.

Toutefois, le cens étant assis sur le bien, un personnage peut être cité une première fois pour une vigne, une deuxième fois pour une maison ou ne pas habiter sur le territoire du Prieuré.

Enfin, quelques articles concernent les héritiers d’une succession sans pour autant en préciser le nombre.

Il est donc difficile de déterminer avec précision le nombre d’habitants relevant du Prieuré.


Quelques noms extraits des articles.

Certains patronymes sont encore en usage aujourd’hui, d’autres ont disparu de Monthou.

En cas de décès de la personne assujettie, le patronyme du défunt est remplacé par les termes : sa "hoirie"(31).

Chaque patronyme est accompagné de la nature et d’une brève description du bien qu’il exploite : maison, ouche, courtil, près, vignes, terres, moulins.

Sa provenance est indiquée par la formule "acquis de…" ; sa localisation géographique est indiquée par le nom de celui qui tient le bien qui le jouxte sous la formulation du type "le long du chemin qui" ou" la terre de..".

Quelques exemples tiré du registre de 1511 :

  • "Etienne Gastignon, pour sa maison et son "courtil", (un courtil est un petit jardin attenant à une maison généralement clos de haies ou de barrières);
  • « Macé le mestayer » ;  
  • "Pierre Bigot et ses enfants, pour leur « maison et vignes au lieu dit Monthou joignant au chemin de Pontlevoy a Saint-Aignan » ;
  • Vincent Marquet et Jacques David au lieu de Jehan David le Sabotier ; de Messire Jean David prêtre;
  • Philippon Fierasson et Jehan Gastignon ;
  • Jean Pigier , Denys Pigier ;
  • Jolly le Marechal ; « Jullian Porsche pour sa maison et verger assises devant la Bouscherie du dit Monthou »
  • « Pierre Viman pour sa maison et ouche assise devant le dit Prieuré et pour son ouche de la "Tricherie" joignant au "rüau" du dit Moulin (moulin Bahuet) ;
  • "Les hoirs feu Vincent Bahuet" pour son moulin (le moulin Bahuet) ;
  • "Les hoirs feu Gillot Le Roy" (ou Le Roy, ou Leroy) pour leur maison et vignes au lieu de la Tricherie joignant d’un bout aux ouches de Mathurin Gillet d’autre bout a la rue de la "Tricherie, d’un long au chemin qui vient de "la Croix a la Fontaine" ;
  • "Thomas de Montigny" pour sa maison et vignes assise au lieu dit de la Tricherie ; etc….."

Les descriptions fournies dans les articles dessinent aussi le bourg.

L’église, le moulin Bahuet, le ruisseau, sont les points de références.

Le nombre de maisons situées dans le bourg peut être évalué à cinq au moins dont une construite sur le Carroy,. Le prieuré en compte vingt-cinq au total.

Ces cinq maisons sont positionnées autour de l’Eglise. Le presbytère est entouré de murailles.

Le curé est imposé au cens pour "sa maison, son ouche, sa vigne et son verger". 

Le cimetière semble un peu à l’écart de l’église, sans que l’on puisse dire où avec certitude.

Cette hypothèse est confortée par l’indication "du chemin de la Tricherie par où on mène la procession tous les dimanches au cimetière".

Le rituel de la procession du dimanche, de l’église jusqu’au cimetière, suppose un parcours d’une certaine longueur.

Les ruisseaux, le Bavet et les Anguilleuses, ne sont pas nommés : ce sont "le rü du moulin" , et "le rü qui descend de Pontlevoy à Monthou".

Il est précisé l’existence "du four banal du prieuré". Mais en revanche aucune mention d’un moulin banal.

La présence d’une boucherie du prieuré située dans le bourg peut surprendre.

Certes, on consomme beaucoup de viande au Moyen-Age. Mais les boucheries étaient généralement installées dans les villes, le bétail était tué dans la rue puis découpé dans l’échoppe.

A la campagne, c’est la consommation de porc qui domine. Le cochon est élevé et tué à la maison.

Un article du registre mentionne l’existence d’une porcherie à Champhlé.

Alors, pourquoi une boucherie dans le Bourg ?  

On peut émettre l’hypothèse qu’elle était la pourvoyeuse des peaux tannées et travaillées à Monthou, notamment dans le village de la Croix et que renforce la présence des moulins à tan.

Une paroisse viticole

La vigne domine l’activité agricole sur le territoire du Prieuré.

Les près réservés à la pâture des "bêtes à laine" sont distingués des terres dites labourables.

Les vergers sont peu nombreux à la différence des "ouches"(32), abondantes, souvent les unes à coté des autres.

Certaines étaient réservées à la culture du chanvre pour des usages domestiques, vêtements, draps, couvertures, mais aussi à destination des "ateliers" de draps installés à St. Aignan.

Les voies de communications.

Les chemins qui traversent le prieuré, ou relient le bourg à un autre, sont nombreux.

Les chemins qui parcourent le prieuré :

Au départ du Bourg, un chemin conduisait de la Croix à la Fontaine (33) ou à Toucheronde.

Du Bourg, par un chemin qui formait une boucle, il était possible de se rendre au "Guay-Péan", puis à Bizard et enfin à Ferrand.

Un autre conduisait à la Varenne.

Un chemin, conduisait du Bourg aux terres de Ferrand en longeant le moulin de la Coudre, puis un pont, permettait d’accéder depuis les terres de Ferrand, aux terres du Rhu, et ainsi au Cher.

Comme on l’a vu, tous les dimanches, la procession empruntait depuis l'église le chemin de la Tricherie jusqu’au cimetière.

Les chemins de Monthou vers les autres bourgs :

De la Varenne, il était possible de se rendre à Thésée et rejoindre le Cher par les hauts.

Le bourg était aussi relié à Choussy et Thenay.

Un chemin conduisait de Pontlevoy à S-Aignan en traversant Monthou.

De Vineuil, on accédait à Monthou et inversement, par l’intérieur des terres., en raison du nombre des petits rus se jetant dans le Cher.

Ces chemins, qui fixaient la position géographique d’une terre, d’une ouche ou d’un autre bien permettaient d’identifier le propriétaire ou l’exploitant.

Ils s’entrecoupaient les uns les autres et constituaient une réseau dense de communications.

Ainsi, le Prieuré disposait de plusieurs débouchés sur Thésée et le Cher.

On retrouve les chemins avec leurs appellations, du début de la Renaissance sur le plan dressé par le service des Ponts et Chaussées, dans la courant de la deuxième moitié du 19e siècle (34) qui reprenait le plan général du cadastre napoléonien de 1809-11.

 L’étendue du territoire du Prieuré :

Le territoire du Prieuré était assis sur la vallée du Bavet et ses coteaux.

Ses limites peuvent ainsi être fixées :

  • Au nord, les Landes, la Varenne, son moulins et ses dépendances.
  • En se dirigeant vers le Nord-Ouest, la terre d’Assenet qui appartient au seigneur de Champhlé ; puis, les terres du seigneur du Guay, en fait celui du Gué-Péan.
  • En descendant vers le sud, Toucheronde, les terres de Ferrand et du Rhu sur les rives du Cher.
  • Depuis le moulin Bahuet dans le bourg, en direction du Sud-Est, le long des Caves, Champhlé, les Arcis, Vineuil.

Les appellations de lieux.

Les censiers portent de nombreuses appellations de lieux. Elles étaient utilisées pour localiser les biens imposés aux cens.

On trouve : Assenet, les Landes, la terre des Sablons, la Varanne devenu la Varenne, le Peu, Ferand, Brunetz devenu Bernet, les Arcis, Champhlé, la Verrerie, la Champlonnière, Toucheronde, la Croix, le Gros Buisson, les Vallées, la Boulaie, les terres du Ru, Vineuil.

Ces appellations persistent aujourd’hui encore sous la dénomination lieux-dits. Ils émaillent la commune de Monthou-sur Cher.


Les terres, les vignes et les près du Prieuré:

Le Prieur prélève le cens sur une quarantaine d’arpents (35) de terres, de vignes et de près à Monthou sans que l’on puisse les situer avec précision sur le territoire.

A noter que l’exploitation la plus importante est celle de "Maistre Jacques de Largy Chirurgien du Roy pour 23 arpents (…) de terre labourables au Landes paroisse de Monthou : et pour un arpent de près assis près la fontaine dudit Monthou du Moulin Bahuet …doit pour ce 8 sols ».


Le "gros" du prieuré :

Deux articles pour le "gros" (36).

Le "gros-cens"  ou "cher-cens" représentait une grande part du revenu de la censive.

Le premier article concerne le moulin de la Varenne. Il est détaillé dans le paragraphe ci-dessous relatif aux moulins du prieuré.

Le second concerne la dîme de Vineuil : " la dixme (37) de Vineuil doit pour chaque an au terme de la St-Michel 54 boisseaux  de seigle, (…..)"

Les moulins sur le territoire du Prieuré :

Le relevé des cens et des rentes affirme l’existence de trois moulins sur son territoire et relevant de lui d’un point de vue fiscal. Il en évoque un possible quatrième. Il est muet sur les autres moulins existants déjà au début de la Renaissance : le moulin Blanc et le moulin de Brault, dont nous sommes sûrs de la présence.

Le moulin de la Varenne :

Le moulin de la Varenne appartient avec ses dépendances et ses terres à l’abbaye de Cornilly.

Ce moulin fait partie du "gros" du prieuré.

En effet, "le moulin de la Varenne doibt pour chacun an au jour et terme de la Toussaint, 14 boisseaux  de bled mouture de moulin."

On peut penser que le moulin de la Varenne avait une activité importante car bénéficiant de la la confluence des deux rus, avec une abondance d’eau.

Le Moulin Bahuet :  

C’est la "hoirie" Vincent Bahuet qui est assujettie à une rente de douze deniers pour le moulin, les ouches, vignes et les près.

En 1511, Vincent Bahuet est donc décédé, sa succession est ouverte. En 1512, Jean Bahuet a remplacé Vincent au moulin. Il habite une maison sise au 

« Carroi ». Le moulin était donc situé au carrefour de plusieurs chemins. Le « carroi » pouvait être utilisé comme place publique. La place du Carroy existe encore de nos jours dans le bourg de Monthou.

Selon un acte de propriété daté de 1471, le moulin "estoit à draps".

Il s’agit donc d’un moulin à foulon.

Le moulin à foulon battait les tissus pour en renforcer le tissage.

Au XIIe siècle, l’industrie du drap notamment à Romorantin, mais aussi à St Aignan, pour ne citer que ces deux lieux, était une activité en plein essor.

L’hypothèse probable est que le Moulin Bahuet. - le moulin du bourg aujourd’hui - était une usine de foulonnage qui s'inscrivait dans le circuit médiéval de la fabrication des draps de laine ou de chanvre.

On peut imaginer l’activité que cela représentait dans ce petit bourg de l’époque.


Le Moulin de la Coudre :

Le moulin de la Coudre fait l’objet de 3 articles qui concernent « La Bouregelle ».

Le tenancier, "La Bouregelle", difficilement identifiable, doit pour :

  • "le moulin de la coudre et ses appartenances et pour le près de Ponay (?) joignant au chemin de monthou à Ferand, d’autre à la terre de Brunetz, d’autre part au près du chapitre de Saint-Aignan en bout il doit pour chaque an au dit jour de rente douze deniers".
  • le moulin et près, douze sols tournois de rente au terme de St-Michel.
  • le moulin, 14 septiers  de "bled mouture" payables à deux termes, le premier à la St. Michel, sept septiers et 2 poulets et à la mi août sept autre septiers "rendus et conduits au grenier du dit prieuré",

Le paiement en deux fois, d’un cens de 14 septiers de blé moulu, indique qu’il s’agit d’un moulin à blé.

Je n’ai trouvé aucune signification au nom indiqué de "La Bouregelle" : nom du tenancier ? nom d’un lieu ?

Un possible quatrième moulin

Le Chapitre de St-Aignan était propriétaire, sur le territoire du prieuré d’une terre : la terre de Ferrand.

Elle se situait entre les terres de "Brunetz" en aval du moulin de la Coudre et en amont des terres du "Rhu".

Un article du censier de 1511 impose au cens la "hoirie Fagot » pour la terre de Ferrand avec mention d’un bief sans autre indication que des points de suspension. Impossible d’affirmer si un moulin existait à cet emplacement, mais on peut l’imaginer.

Sur le censier de 1512, l’imposition au cens de la "hoirie fagot" est reconduite pour "leurs ouches et maison de Ferrand". Il n’est plus fait mention d’un bief.

Conclusion

Ainsi s’achève le voyage dans le Prieuré de St. Cyr et St. Julitte. Il ne s’agit que d’une partie de Monthou.

Les études de Thérèse sur le Gué-Pean, Champhlé, Terre-Neuve, Bizard, la Croix, Bonroy, qui figurent sur ce site complètent le panorama.

Les "censiers" de Jean Fumée sont un apport notable pour notre connaissance de Monthou au début de la Renaissance.

Armand Villa
Octobre 2023


Sources et Notes :


1 - Villa A, De l’Âge de la Pierre Polie à… la pierre concassée. Site www. tharva.fr

2 - ADLC, série 10 H 2

3 - Labreuillle C, Etude historique sur Montrichard et Nanteuil, (Ed. Régionale de L’Ouest Mayenne 1997), p.16.

4 - Dupré A. Pontlevoy (essais sur la seigneurie, le monastère et l’école de), page 7,s.d.

5 - Duchateau E. Abbé, Histoire du Diocèse D’Orléans depuis son origine jusqu’à nos jours Ed.Herluison, 1888.

6 - Gallo-Villa T , " Une histoire dans l'Histoire : Monthou-sur-Cher et son Eglise ". Site www.tharva.fr

7 - Delorme J.J, Histoire de la ville de Saint-Aignan (Loir et Cher) Ed. Laffitte Marseille,1979.

8 - Halphen L. Le Comte D'Anjou Au XIe S.

9 - Raoul Glaber : Moine bourguignon, Raoul (Radulphus) Glaber, ou le Glabre, appartint à de nombreux monastères (Saint-Léger de Champeaux, Moutiers, Saint-Germain d'Auxerre, Bèze, Saint-Bénigne de Dijon, Cluny enfin). Raoul Glaber composa, dans les dernières années de sa vie, une Histoire où il prétendit rapporter tout ce qui s'était passé d'important en Occident depuis l'an 900. Sources : https://www.universalis.fr/encyclopedie/raoul-glaber/

10 - La seconde bataille de Conquereuil se déroule le 27 juin 992.

Le comte d'Anjou Foulques III, soutenu par les Nantais, et allié des rois Capétiens, y défait et tue Conan Ier, duc de Bretagne depuis 990, soutenu par le comte de Blois et les Normands et qui contrôlait le Nantais avec son allié Orscand de Vannes.

Chronique de Raoul Glaber, chapitre III de Conan duc des Bretons et de Foulques comte des Angevins. SourceWikipédia.

11 - in O. Guillot, La consécration de l’Abbaye de Beaulieu-lès-Loches. Colloque Médiéval de Loches 1973, Mémoires de la Société archéologique de Touraine. Série in-4, ISSN 1149-4670 ; 9

12 - Ouvrage déjà cité.

13 - Carré de Busseroles : Dictionnaire géographique, Mémoire de la Société Archéologique de Touraine, Tome XXVII.

14 - Guillot O. Ouvrage déjà cité

15 - O.Guillot, Ouvrage déjà cité

16 - O.Guillot, Ouvrage déjà cité

17 - Boussereau C, Monthou-sur-cher une historie de village. ed, Le Clairmirouere du temps, 1991

18 - ©Par Sémhur (talk) — Own work. Based on Image : France 1154 Eng.jpg by Lotroo under copyleftfrance_1154_1184.jpg from the Historical Atlas by William R. Shepherd, 1911., CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=2696615

19 - Le prieuré de Monthou est un Prieuré simple à simple tonsure, pour la possession duquel il suffit d'être clerc tonsuré, à la différence des prieurés-cures pour lesquels il faut être prêtre, ou du moins en état de le devenir dans l’an.

20 - Porcher, Revue de la Société des Sciences et Lettres de Loir et Cher, 7e volume page 35 :

21 - Porcher, n° 237 ; ibid., 1908, col. 110.

22 - Dom François Chazal, Histoire de l’Abbaye de Pontlevoy. Série 842 PER 1901

23 - Porcher, ouvrage déjà cité.

24 - Ingelger 1er d’Amboise, né vers 1300 et mort en 1373.

25 - Prieuré de Clusay : paroisse de Choussy.

 26 - Le "Gros-Cens": représentait la grande partie du revenu de la censive. Vocabulaire de Géographie agraire (Paul Fénelon Norois Année 1962 N° 34 pp. 199-212, Norois, n°34, Avril-Juin 1962.)

27 - Cens : en droit féodal le cens était une redevance en argent ou en nature due annuellement par les roturiers au seigneur du fief dont leur terre relevait.

28 - Aujourd’hui, l’église Sainte-Croix.

29 - Labreuille, t 1 page 146.

30 - Source : Partours, site web www. partours-univ.fr

31 - "hoirie" désigne globalement soit l'ensemble des personnes qui héritent du défunt, soit l'ensemble des biens et des droits que reçoivent ses héritiers (Dictionnaire du droit privé)

32 - Terrain, généralement de bonne qualité, proche de l'habitation et enclos, servant de potager ou de verger ou de petit pâturage.

33 - Il s’agit de la Fontaine St-Lié.

34 - © ADLC 411 Fi 832/39, Sologne : atlas de plans dressés par le service des Ponts-et-Chaussées pour l'amélioration de La Sologne […] : plan d'assemblage de la commune de Monthou-sur-Cher,.

35 - Arpents : un arpent est l’équivalent de un hectare.

36 - Le "Gros-Cens": représentait la grande partie du revenu de la censive. Vocabulaire de Géographie agraire. Paul Fénelon, Vocabulaire de Géographie agraire, In: Norois, n°34, Avril-Juin 1962. pp. 199-212

37 - Dixme ou dîme.