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  Un destin hors du commun au siècle de Louis XIV

Louise-Gabrielle naît le 25 décembre 1646 à Auxonne, ville frontière entre le duché de Bourgogne français et la Franche-Comté espagnole. Elle y sera baptisée le 27 janvier suivant. Durant son enfance et adolescence, elle sera communément appelée Gabrielle. Elle est la fille de Levi-Pierre de Malot, sieur du Bousquet, Lieutenant au gouvernement de la ville et du Château d’Auxonne et de Humbert Janon, native d’Auxonne.

I) Une enfance dans le milieu de la Contre-Réforme :

A) Par son père, une origine protestante et militaire :

a) Une famille de notaires à Calvinet :

Levi-Pierre dont le prénom occitan sera traduit en Louis, souvent appelé Pierre tout court, appartient à une famille implantée dans la baronnie de Calvinet qui comprend plusieurs notaires, identifiés dès la moitié du seizième siècle.

Les Malot

b) Des militaires protestants loyalistes :

Une branche de la famille va, au cours des guerres de religion fournir des militaires qui se mettront au service du futur Henri IV. Ces Malot là sont protestants.

Calvinet dotée d’une importante forteresse sera un enjeu permanente entre les deux camps. Elle sera plusieurs fois prise et déprise par protestants et catholiques.

Elle sera une des  places fortes attribuées aux protestants après l’Edit de Nantes en 1598.

En 1590, le futur Henri IV y avait nommé gouverneur de Calvinet, Levi de Giou, un de ses fidèles, assisté de Jean de Malot que l’on nomme « le capitaine St. Flour ».

Il est qualifié dans plusieurs documents de « Sieur de St. Flour », comme le sera en 1621 et 1624, un Pierre de Malot, vraisemblablement le frère aîné de Levi-Pierre. Mais la localisation de ce qui doit être une terre possédée par la famille m’a été impossible.

Comme il sera qualifié de « gouverneur de Calvinet ».

Jean de Malot et Lucie ( ou Louise ) de Lonvert ont de nombreux enfants dont Levi-Pierre.

c) Un protestant converti au service du Roi :

Il est peu aisé de déterminer la période de sa naissance.

La légende familiale raconte qu’il aurait eu 14 ans au siège de La Rochelle (1627-28), où sa bravoure l’aurait fait remarquer par Louis XIII qui lui aurait demandé s’il était vrai qu’il était protestant. Il aurait répondu « Oui, Sire, mais mon épée est elle catholique » et il aurait extirpé un chapelet de sa poche.

Même enjolivée, cette anecdote traduit la position de cette petite noblesse protestante souvent anoblie sur les champs de bataille par Henri IV ou qui pouvait accéder à la noblesse personnelle après une durée de services. Elle sert le roi légitime du royaume. Il y aura beaucoup de conversions sur les lieux mêmes du siège de La Rochelle. Après la Paix d’Ales (1629), le pouvoir pratiquera une politique d’intégration et de promotion de ces militaires protestants et surtout ex-protestants au sein des Armées Royales.

On peut penser que la conversion de Levi-Pierre se situe dans ces années.

S’il est bien né vers 1613, on le retrouve à 17 ans, nommé par le Roi au côté d’un fils de Levi de Giou, le sieur de la Roque, au gouvernement du Château de Calvinet, en 1630. 

Ayant perdu son statut de place forte, la citadelle de Calvinet sera détruite en 1634, à la demande des habitants de la région.

Des cette époque, il est nommé « sieur du Bousquet ». Il y a plusieurs lieux appelés Bousquet dans la zone concernée. Il y a de fortes probabilités que ce soit celui qui était situé sur l’ancienne paroisse de Calvinet. Ce devait être une terre possédée par sa famille. Il existe encore de nos jours des habitations, restes d’un hameau.

d) Au gouvernement d’Auxonne :

Le 28 septembre 1636, il est nommé Lieutenant du Roi au gouvernement des villes et château d’Auxonne, au côté d’un nouveau gouverneur, Monsieur de Miraumont.

Il y demeurera jusqu’à son décès qui peut-être situé vers 1658-59, car il sera remplacé en août 1659.

La première guerre de conquête de la Franche-Comté a débuté en 1634. Elle durera 10 ans et sera victorieuse. Mais la Franche-Comté sera restituée à l’Espagne contre d’autres territoires dans le Nord, par le Traité de Wesphalie en 1648.

Du Bousquet, comme tout le monde le nomme, prend une part active à la guerre. Il lève des troupes pour le Roi. Il combat et « s’illustre » dans les incendies et massacres des populations comtoises !

En 1641, il fait partie de l’Etat de la Maison du Roi, comme maître d’hôtel ordinaire. Il porte déjà ce titre en 1638, année de son mariage.

Il a eu aussi de la promotion au sein de l’armée : ainsi en 1645, une quittance de solde indique qu’il est « capitaine appointé au régiment de Picardie ». 

Ce que nous en savons trace le portrait d’un baroudeur, réputé pour son courage physique et ses audaces d’attaquant.

B) Par sa mère, une origine catholique et négociante :

a) Une fille de notables auxonnais :

Humberte Janon est la fille de Etienne Janon, négociant et de Marie Monin.

Elle est née à Auxonne en 1620. Elle a 18 ans, orpheline de père, lorsqu’elle se marie le 9 mai 1638. Le contrat de mariage date du 2 mars, mais les obligations de la guerre primaient. Aucun membre de la famille de son mari n’étant présente pour donner consentement ou attester qu’il est majeur ( 30 ans ) il est précisé que Louis Pierre « a raisonnablement l’âge de se marier ». S’il est bien né vers 1613, il a donc 25 ans.

Les Janon ou Jannon sont une famille installée à Auxonne depuis au moins le début du XVIe siècle.

C’est une famille qui s’est enrichie dans le négoce de l’armement et des poudres. 

Certains de ses membres sont aussi des traitants des gabelles. Elles achètera des charges notamment de justice à Auxonne et dans le bailliage.

Appartenant au groupe des notables, avec lesquels elle pratique l’habituelle endogamie chez ces bourgeois des villes, elle fournira plusieurs édiles municipaux à Auxonne.

b) Une famille de la « robe »  dijonnaise :

Une branche la famille Janon a migré vers Dijon. Elle a abandonné le monde du négoce pour poursuivre le classique parcours de promotion sociale sous l’Ancien Régime en achetant des charges assurant une importante posture sociale.

Ainsi, l’oncle de Humberte est membre du Parlement de Dijon.

Plusieurs Janon s’y succèderont. Nicolas Janon, Président du Parlement de Dijon en 1789, émigrera en Suisse et sera l’auteur de virulents pamphlets anti-républicains.

D’autres Janon occuperont des fonctions judiciaires à Lyon, Besançon, Toul, etc.

c) des membres actifs du parti dévot :

Les Janon sont très représentatifs de ce qu’on appelle alors le parti dévot, support de la mise en œuvre des politiques de la Contre-Réforme.

Ils sont d’ailleurs alliés à la famille de Bossuet.

La branche dijonnaise est particulièrement active. Des Janon sont membres fondateurs et/ou animateurs d’œuvres de charité, de congrégations, confréries, institutions scolaires, etc.

Le frère de Humberte, Hugues, est Jésuite.

Son cousin, qui s’appelle aussi Hugues, sera chanoine de Nuits St.Georges et directeur du couvent des Ursulines de cette ville. Il écrira un ouvrage sur le « 4ème vœu » des Ursulines, celui de l’enseignement des jeunes filles.

Il sera nommé curé d’Auxonne et sera un des protagonistes de l’affaire des Possédées.

D’autres Janon seront prêtres et curés tout au long des décennies suivantes et en particulier les Jannon fourniront des chanoines des Cathédrales de Dijon et de Lyon.

d) Louis-Pierre et Humberte : un couple d’ultra-dévots :

Entre 1640 et 1658, le couple aura 11 enfants, 11 filles dont 9 survivront.

Un témoignage nous apprend que la plupart des filles du Bousquet étaient très belles.

Parions que Louise-Gabrielle en faisait partie.

A une époque où toutes les familles espéraient avoir plutôt des garçons, Louis-Pierre voit dans ces naissances exclusivement féminines, un signe de la Vierge Marie.

Notre protestant converti voue en effet un culte intense à la Vierge.

On sait l’importance du culte marial dans la reconquête catholique de la Contre Réforme et dans les pratiques dévotes.

Les femmes occupent d’ailleurs une place importante dans la renaissance et le développement des  congrégations religieuses au XVIIe siècle mais aussi comme laïques engagées dans les œuvres caritatives.

Humberte Janon explique l’imprévisible comme relevant de miracles.

Une cheminée s’écroule et l’épargne, c’est son défunt mari qui l’a sauvé.

Foudroyé par l’apoplexie dont il mourra, son mari retrouve un temps ses esprits, c’est pour elle un miracle de la Vierge.l

Sur leurs 9 filles, 5 seront religieuses. Sans l’affaire des Possédées, il y en aurait deux de plus, soit 7 !

II) Une adolescence au cœur de l’affaire des « Possédées » d’Auxonne :

A) Un contexte propice au déclenchement de ce type d’événement :

a/ Le poids des enjeux religieux :

Les affaires dites de « possession » du XVIIe siècle éclatent dans des situation marquées par les séquelles des affrontements des guerres de religion et le prosélytisme dévot de la Contre-Reforme ainsi que des périodes de violences et grandes difficultés pour les populations.

b/ Les séquelles de la guerre de 10 ans :

La guerre de 10 ans s’est achevée en 1644. La région a été dévastée. La Bourgogne en est sortie exsangue. 

Les populations ont été décimées et souffrent de famines.

La restitution de la Franche-Comté en 1648 aux Espagnols a laissé des traces dans les esprits qui se doutent qu’une autre guerre de conquête se profile. Des escarmouches et incidents localisés perdurent.

c) Auxonne agrège ces éléments :

Certes, elle a chassé de la ville depuis longtemps les protestants. Mais leur influence avait été très forte et le restait pour partie. 

Le parti dévot y est bien implanté.

Auxonne a une fonction stratégique de premier plan. 

Elle marque la frontière avec la Comté espagnole, jouant donc un rôle de ville de garnison et défense. 

Elle est un important croisement de voies commerciales de communications, fluvial et routier, vers la vallée du Rhône, la Suisse, la Savoie. 

Elle assume des fonctions économiques non négligeable pour les grains, le vin, les matériaux.

Les rivalités et inimitiés entre les familles de notables de la ville sont affirmées, mariant positions religieuses et concurrences économiques ou d’influence.

Les crises frumentaires ont accru les frustrations et le mécontentement populaire.

Des épidémies sporadiques de peste, souvent attribuées à des pratiques démoniaques ou aux juifs, ont sévi dans ce secteur.

Il y a eu aussi de petites affaires de sorcellerie avec des émeutes environnantes.

Aussi, Auxonne est prompte à bruisser de toutes les « émotions » de l’opinion publique du moment.

B) Des précédents toujours présents dans les esprits :

a) Des affaires connues de l’opinion publique.

Certaines affaires de possession avaient eu un écho bien au-delà du lieu où elles s’étaient développée.

Dans les années 1609-1611, celle du couvent des Ursulines d’Aix en Provence, qui fut prolongée par des troubles dans d’autres couvents de Provence.

De 1630 à 1634, celle du couvent des Ursulines de Loudun qui eu une portée nationale car sa principale protagoniste fit ensuite une tournée nationale pour populariser sa possession et nombre de brochures circulaient sous le manteau : on en trouvera dans des cellules des sœurs à Auxonne !

Enfin celle, 1643 à 1647, du couvent des Ursulines de Louviers qui eut aussi un grand retentissement.

b) Dans des couvents à vocation éducative :

Toutes ces affaires affectent des  congrégations féminines à vocation éducative. 

Depuis le début du XVIIe siècle, l’ordre des Ursulines a multiplié la création de couvents destinés à éduquer les jeunes filles et d’en recruter pour devenir religieuses, est 

C’est l’ordre qui sera donc particulièrement concerné.

L’Eglise,  dans sa reconquête religieuse, considérait que les femmes avaient un rôle majeur dans la transmission des valeurs du catholicisme ou être des exemples de piété en devenant des épouses du Christ.

Beaucoup de ces jeunes filles n’avaient aucune vocation religieuse et rêvaient plutôt au prince charmant. Appartenant généralement à des milieux aisés, il leur était dur d’abandonner leurs colifichets pour l’habit religieux et la vie en clôture.

c) Des ingrédients identiques :

Des jeunes religieuses se disent possédées par des démons et victimes de pratiques de sorcellerie. On est toujours en présence d’actes et et comportement de nature sexuelle et lubrique, de propos immoraux. Un religieux ou une autre personne est l’initiateur, sorte de déclencheur de ces affaires dans lesquelles l’opinion publique et les incidents de foules créent un climat d’insécurité publique.

Les individus jugés responsables sont généralement condamnés au bûcher.

Le pouvoir royal traita ces affaires avec une fermeté à la mesure des dangers qu’elles représentaient.

L’affaire d’Auxonne, avec ses variantes, amorce un tournant décisif.

C) La dernière grande affaire de « Possession » :

a) Une première période « interne » au couvent :

En 1651, une religieuse Barbe Buvée qui appartenait à un autre couvent, revient dans celui des Ursulines d’Auxonne. Elle est parente avec des familles de notables de la ville, dont les Monin qui vont la soutenir sans faille.

Elle subit l’animosité immédiate de la supérieure et d’une partie des religieuses car elle souhaiterait que des mesures soient prises pour que les règles de l’ordre soient respectées dont une stricte clôture.

Il y a à cet égard, fort à faire car deux jeunes et sémillants confesseurs viennent d’y être affectés. On apprendra qu’ils fréquentaient assidûment les cellules de certaines jeunes sœurs !

1658, marque le début des phénomènes de possession. Ils sont tenus secrets à l’intérieur du couvent. Les premiers exorcismes pour déloger les démons des corps de ses victimes ont lieu Hugues Janon, jésuite et oncle des sœurs Malot, est un de ces exorcistes.

Parmi les possédées, il va y avoir Gabrielle et ses sœurs Jeanne et Marie. Elles sont donc vouées à devenir religieuses cloîtrées. Il y avait trois étapes : postulantes, moniales, religieuses professes après les vœux perpétuels.

Elles perdent, rappelons-le, leur père dans les conditions rappelées ci-dessus vers ces années 1658-59. Constatons simplement qu’il y a concordance entre leur entrée en « possession » et cette mort brutale par apoplexie, vraisemblablement traumatisante.

b) En 1660, l’affaire devient publique :

La rumeur propage que quatre femmes habitant Auxonne auraient été « contaminées » par les diableries sévissant au couvent. L’opinion publique entre en délire. Elles sont innocentées par le Parlement de Paris. Des émeutes se déclenchent et elles seront brûlées vives par la foule.

L’hystérie collective va monter d’un cran : plusieurs jeunes moniales accusent Barbe Buvée d’être le démon à l’origine des phénomènes considérés comme diaboliques : des positions acrobatiques, la connaissance de langues étrangères ( comme latin et grec ) non enseignées, des histoires de crapauds et autres bêtes qui sortent de leur bouche et de leur sexe, des images sexuelles particulièrement « crues » et des accusations calomnieuses contre les édiles et notables, etc.

c) La « vedette » Louise Gabrielle : 

Louise Gabrielle est parmi, sinon, la plus virulente.

Elle devient une quasi vedette dans les scènes de dénonciations et d’exorcismes qui maintenant se tiennent en public et font se déplacer des publics nombreux.

Ces filles sont pour les gens des victimes. Elles incarnent la lutte du bien, l’église de la Contre Réforme, contre toutes les forces qui lui sont hostiles. Elles symbolisent la pureté de la Vierge que le ou les démons veulent salir. Les voir, les toucher, c’est pour eux, comme se prosterner devant les reliques des saints.

Les enquêteurs lucides diront de Louise-Gabrielle qu’elle avait un esprit crédule et simple mais ils souligneront aussi son intelligence et sa personnalité.

d) 1660 1662 : la confrontation Parlements et Église :

L’affaire prenait une telle dimension frisant le désordre permanent que les pouvoirs publics décidèrent d’intervenir.

C’est ainsi en effet qu’un de ces exorcismes publics dégénéra. La foule s’en prit à trois jeunes maraîchères. Une vendait des salades or il se colportait qu’on avalait le diable en mangeant de la salade. Les autres des pommes, instruments des maléfices du diable depuis Ève et sa pomme ! Elle furent lynchées !

A la fin de l’année 1660, le Parlement de Dijon constitue une Commission d’enquête confiée au conseiller Legoux. Après une enquête exhaustive, Legoux conclue qu’il n’a pas de phénomène de possession mais des comportements coupables d’adolescentes exaltées.

En 1661, à son tour la Chancellerie, c’est à dire le pouvoir royal, fait diligenter une mission d’enquête confiée à l’intendant Bouchu qui lui aussi conclue à la non possession.

Ces deux résultats mécontent fort le parti dévot et ses soutiens. C’est le curé Janon, le cousin de Louise Gabrielle qui est le curé d’Auxonne, qui active les  réseaux dévots parisiens. Ceux-ci obtiennent du Conseil du Roi que soit nommée une commission d’enquête composée d’évêques.

Elle va, elle, conclure à la possession. Pendant ce temps, les exorcismes publics, devenus de vrais spectacles’, se poursuivent de plus belle.

En août 1662, le Parlement de Dijon confirme ses positions. Il est contraint de placer Barbe Buvée  dans un couvent parisien, pour sa sécurité et il ordonne la dispersion des religieuses incriminées dans d’autres couvents.

e) 1662- 1664 : Un décès relance l’affaire :

La bonne du curé Janon décède brutalement le 8 août 1662.

Celui-ci dénonce un acte du démon.

Il repart derechef à Paris pour obtenir une nouvelle enquête.

Début 1663, la Chancellerie confie une nouvelle commission d’enquête au même Bouchu qui, cette fois estime....qu’il y a bien possession !

Et la même année, une nouvelle commission d’évêques confirme ses premières conclusions sur la présence de possession.

Face à ce double constat concordant, le Conseil du Roi va habilement agir : en novembre 1663, il dessaisit de l’affaire le Parlement de Dijon et en juin 1664, il la transfère au Parlement de Paris , à charge pour lui ... d’enterrer l’affaire ! Ce qui fut fait.

D) Une affaire de grande portée : 

L’affaire d’Auxonne est riche d’enseignements sur plusieurs plans.

a) sur le plan « politique » :

Elle traduit les luttes et oppositions entre les différents acteurs de la société du XVIIe siècle :

-entre le parti dévot et les modérés.

-entre les tendances gallicanes et ultramontaines, autour des Jésuites.

-entre le pouvoir royal, le pouvoir parlementaire, le pouvoir ecclésiastique, au travers des pouvoirs  judiciaires de chacun.

-entre les clans familiaux, pour la maîtrise des lieux de pouvoir.

b) sur le plan judiciaire :

De plus en plus de responsables, dont Colbert, considéraient que toutes ces affaires de sorcellerie, de possession étaient néfastes à l’ordre public et qu’elles posaient de sérieuses questions quant à leur bien fondé. Elles se ressemblaient trop ! Pour eux, il convenait de renforcer les droits de la défense et limiter, voire abroger, le recours à la torture pour faire avouer les accusés.

L’affaire des Poisons va retarder un temps cette évolution du droit.

Mais, enfin, l’ordonnance de 1682, dite d’Aguesseau va dépénaliser cette catégorie de procès : on ne pourra plus condamner pour sorcellerie sans en apporter une véritable preuve au préalable !

c) sur le plan médical :

Elle est considérée comme un cas d’école de l’hystérie.

Elle a donné lieu au XIXe siècle à des études de spécialistes dont celle du Dr.Samuel Garnier, disciple de Charcot. 

Il a lui conclu à des manifestations de l’hystérie, en particulier sous ses formes collectives. 

Sans parler des comportements d’adolescentes portées par l’ivresse d’être au centre de l’intérêt public, encouragées par les positions engagées de leurs familles et les mimétismes libertins au regard des affaires antérieures qu’elles connaissaient.

E) Que sont devenues les trois sœurs Malot du Bousquet « possédées » ?

Marie :

Elle est devenue religieuse professe. Où ? Soit au couvent des Bernardines de Dijon où nous savons que se trouve une sœur Malot mais dont nous ignorons le nom ; soit, elle est la très « vertueuse » sœur Marie Joseph du Bousquet à la Visitation de Macon ; soit, c’est la sœur Marie Suzanne du Bousquet, toujours à la Visitation de Macon.

Jeanne :

Elle s’est d’abord occupée de bonnes œuvres à Dijon. Nous savons qu’une de ses sœurs cadettes avant de consentir à devenir professe à la Visitation de Macon « aurait consenti à renoncer au mariage et à se donner tout à Dieu, pourvu qu’il lui fut consenti de vivre dans le monde comme une de ses sœurs qui par sa haute piété devint l’admiration de la ville de Dijon »

La Visitation de Dijon accueillait en effet des « sœurs associées » leur « facilitant l’exercice de la règle par quelques adoucissements ». Célibataire donc, elle revint à Auxonne où elle se consacra à l’Orphelinat St.Anne.

Louise-Gabrielle :

Elle a dû soit rester à Auxonne, soit y revenir rapidement car on y relève sa présence dès 1665. 


Deux autres sœurs Malot du Bousquet religieuses :

Ce sont sœur Marguerite-Aimee du Bousquet à la Visitation de Macon encore, dont elle fut la mère supérieure et sœur Francoise-Madeleine du Bousquet, à la Visitation de Dijon.

De cette dernière, les Annales de son couvent diront, que bien que décidée à devenir religieuse « elle n’était pas entièrement désabusée des vanités du siècle ....et pendant quelques temps, on lui envoya une sœur faire sa toilette et l’habiller comme elle le faisait dans le siècle ».

Ces témoignages en disent longs sur le destin de ces jeunes filles vouées, souvent malgré elles, à prendre la robe.

La suite de sa vie témoigne que Louise Gabrielle ne voulait pas de ce destin.

III) Un premier mariage « de raison » : François de la Mothe-Villebret.

Au sujet de François de la Mothe-Villebret, nous en tiendrons ici aux données qui nous semblent devoir être soulignées dans sa vie, en rapport avec ce mariage. Nous renvoyons à l’étude le concernant publiée sur ce site.

A) Un beau parti :

François de la Mothe-Villebret arrive à Auxonne (où tout laisse à penser qu’il s’était déjà rendu) début 1673.

Ingénieur du Roi, brigadier de ses armées, il est chargé de parachever les fortifications d’Auxonne, dont le rôle stratégique prend d’autant plus d’importance avec les ambitions de Louis XIV d’une conquête définitive de la Franche-Comté.

Les années précédentes l’ont beaucoup vu dans la région avec des missions d’Inspection et de travaux à Langres, Chalons-sur-Saône, etc.

Il a presque 45 ans. Il est veuf et père de deux enfants. Il est auréolé du prestige de ses fonctions et de sa noblesse immémoriale. On dit qu’il a la confiance du Roi : ce qui est vrai.

Il a un physique qui doit lui laisser à désirer : plus de 12 blessures, la mâchoire fracassée, la hanche percée, etc. !

Mais Louise-Gabrielle a maintenant 27 ans. C’est vieux pour une femme à l’époque. À Auxonne, elle reste liée à l’affaire des Possédées. Et, elle est très belle.

B) Des points communs :

A y regarder de près, François et Louise-Gabrielle ont aussi des points communs.

Tous deux ont une forte personnalité et ce sont des « battants ».

Ils appartiennent au monde des gouverneurs de citadelles, milieu qui a ses spécificités et sa culture propre au sein des armées royales.

Ils partagent les mêmes origines auvergnates, les mêmes fidélités à la famille des Bourbons.

Leurs familles sont très représentatives du parti dévot.

Et chacun a un passé douloureux marqué par par sorcellerie, diablerie, anormalité, dans un couvent.

L’ombre de la tante de François, de Diane-Angelique de la Mothe-Villebret, supérieure des Filles-Dieu de Chartres, accusée d’horreurs par une rivale qui guignait sa fonction. Elle fut condamnée à être brûlée vive, puis sa peine commuée en détention à vie par le Roi. Elle était en fait hermaphrodite. On lira son histoire sur ce site.

L’histoire de Louise-Gabrielle qui pour François ne devait pas être une tare mais plutôt un symbole des attaques des ennemis de la vraie religion, faisant d’elle un ange et non un démon.

C) 1674-78 : une brève union :

Ils se marient à Auxonne le 15 Juillet 1674.

La seconde guerre de Franche-Comté,  qui avait débuté en début d’année, s’achève victorieusement.

François y a joué un rôle de premier plan et Louis XIV vient de le nommer gouverneur de la ville et citadelle de Salins-les-Bains, un verrou stratégique à l’entrée des Alpes, le 22 juin.

Il y retourne avec Louise-Gabrielle le 20 août.

Le contrat de mariage, sous le régime de la communauté de biens, signé aussi le 15 Juillet, influencera en partie la suite de la vie de Louise-Gabrielle : outre bijoux, vaisselle et habits, sa mère Humberte Janon lui donne 40 000 livres pour « acquérir une seigneurie qui devra avoir son agrément ». François comme beaucoup de ces nobles militaires ne roule pas sur l’or. Le service du Roi coûte cher. De plus, il a des enfants d’un premier lit qui émargeront à son héritage. La belle-mère veut donc assurer l’avenir de sa fille en lui constituant un patrimoine foncier propre.

Ce sera chose faite avec l’acquisition fin 1676 de la châtellenie du Gué-Péan à Monthou-sur-Cher,  proche de ses terres de Souvigny de Touraine.

Louise va donner naissance au printemps 1675 à Auxonne à deux jumelles : Jeanne et Humberte.

Elle suit aussi François dans ses déplacements à Versailles et Paris.

Elle séjourne avec lui à Souvigny. En 1677, à la veille de ses ultimes missions, il lui donnera procuration pour gérer ses affaires ; signe de sa confiance en elle.

D) Une succession compliquée :

a) 27 ou 28 juin 1678 : décès de François à Paris

Il était malade depuis presque un an. Et vraisemblablement usé par une vie militaire intense et un corps maintes fois blessé.

Il était venu se faire soigner à Paris.

Il porte sur lui son testament que le Lieutenant Civil du Châtelet de Paris fera déposer chez un notaire.

Le Lieutenant Civil se rendra auprès de Louise-Gabrielle qui s’est réfugiée, quai Malaquais, chez son amie d’enfance, la fille du gouverneur Duplessis-Besançon qui avait épousé un président à mortier du Parlement de Paris.

Dans son testament, il confie sa tendresse pour sa femme et souhaite que le jour venu leurs cœurs soient réunis au même endroit.

Le corps de François semble avoir été inhumé dans la chapelle seigneuriale à Souvigny.

Sur les hypothèses relatives aux deux cœurs présents dans le caveau seigneurial dans l’église de Monthou, celle sur l’appartenance de ces cœurs à François et à la Petite Jeanne, morte à Souvigny en septembre 1678, trois mois donc après son père, est la plus vraisemblable.

Un monument funéraire inachevé est placé au fond, sur la droite, en entrant dans l’Eglise.

b) Conserver la châtellenie du Gué-Péan :

François laisse à ses enfants du premier lit ses possessions tourangelles et uniquement « ce que prévoit la coutûme ». Tout le reste va à ses jumelles.

Louise-Gabrielle est propriétaire en propre de la moitié de la châtellenie du Gué-Péan. Ses filles ont l’autre moitié.

François laisse une situation financière déplorable. Il faut solder sa gestion de la garde noble de ses premiers enfants et liquider la succession de la première épouse Catherine Hébert.

La mort de la Petite Jeanne complique la donne car ses aînés entrent en lice pour son héritage.

Louise devra lourdement s’endetter pour leur payer leur dû.

Un accord interviendra en 1680, puis en 1682 la succession de François est totalement liquidée.

Louise-Gabrielle, tutrice de sa fille, prête « en son nom et pour la noble garde de demoiselle Humberte... », Foi et Hommage au duc de St. Aignan.

Louise-Gabrielle est châtelaine et libre. 

IV) Un second mariage « d’inclinaison » : Jean Hippolyte d’Estampes de Valençay.

A) Un cadet de famille en voie d’être sacrifié :

a) Les d’Estampes : une famille prestigieuse mais désargentée :

Jean Hippolyte est le troisième fils ( il a aussi plusieurs sœurs ) de Dominique d’Estampes et de Marie Marguerite de Montmorency. Il titre marquis de Bellebrune, une possession picarde de sa famille.

C’est dire qu’il appartient aux plus grandes familles de la noblesse, notamment celles de la Cour.

Les d’Estampes, possesseurs entre autres du château de Valençay, sont les principaux vassaux des Beauvilliers, ducs et pairs de St.Aignan. Comme eux, les d’Estampes ont été de manière constante des fidèles du Roi, lors des périodes de troubles.

Les d’Estampes ont fourni nombre d’hommes de guerre, d’hommes d’Eglise, notamment des hauts dignitaires de l’ordre de Malte.

Mais les difficultés financières les assaillent. 

En plus du père, deux enfants sont des militaires de rang important au service du Roi qui, redisons-le, coûte fort cher. 

Les mariages des filles qui ont obligé à les doter. 

Les agrandissements et embellissements du château de Valençay qui se sont révélés très onéreux.

Né en 1653, Jean Hippolyte avait été nommé page aux Grandes Écuries du Roy en 1667.

Sa voie, toute tracée, aurait dû le conduire à une carrière militaire comme ses frères.


b) L’ordre de Malte ou un mariage intéressé :

Ses parents veulent qu’ils deviennent, à son tour, chevalier de Malte. Certes, c’est un ordre religieux impliquant célibat et ascèse de vie, mais c’est un  ordre militaire offrant à de jeunes nobles une perspective de vie aventureuse .

En 1683, Jean Hippolyte vient de terminer de « faire ses caravanes ». On dénommait ainsi la période de deux à laquelle était astreint tout postulant qui devait s’occupait des malades dans les hôpitaux de l’ordre et contribuer à la défense de l’île.

Cet avenir ne tente guerre le fringant Jean Hippolyte qui lui préfère les plaisirs de la chasse, les fêtes, les beaux attelages et les habits à la mode !

Il n’y a qu’une solution pour échapper à Malte : se marier.

Il écrira, parlant de lui : « ayant fait ses caravanes à Malte , il vint chez son père. Un voisin lui donna à voir la dame plus âgée de 12 à 15 ans ( sic ! ). Quelques amis de la dame firent entendre qu’elle possédait des biens considérables et qu’étant un cadet de sa maison que son père pressait de faire ses vœux dans l’ordre de Malte, il ne devait pas manquer l’occasion qui se présentait de s’établir dans le monde ».

On ne peut être plus cyniquement clair !

c) Louise-Gabrielle et le droit d’aimer :

Louise-Gabrielle a dû tomber follement amoureuse de Jean Hippolyte.

Elle n’a que 37 ans, un physique agréable.

Elle a effectivement des « biens » mais aussi des dettes qui la poursuivront d’ailleurs toute sa vie.

Elle a un passé qui sous la surface des « possessions » témoigne d’un tempérament porté sur les  plaisirs de la vie. 

Elle a envie de croquer les pommes de l’amour après un premier mariage contraint avec un homme physiquement peu séduisant !

Dans mes recherches, j’ai rencontré d’autres cas de jeunes veuves qui avaient épousé sans amour un mari âgé et qui se remarieront avec un  homme plus jeune qu’elles, devant se « caser » pour des raisons  financières.

C’est dans le contexte d’alors de la situation subordonnée des femmes, c’est une des formes de ur affirmation du droit à l’amour. La plupart comme elle, on va le voir, se battront becs et ongles pour ne pas se faire dépouiller et avoir le droit  de disposer de leurs biens.


d) 31 janvier 1684, à minuit : un mariage secret.

En 1684, il a 31 ans et elle 38.

Ils se marient en secret à minuit le 31 janvier 1684, dans la chapelle du Château du Gué-Péan.Les raisons exactes du caractère secret de ce mariage vont être au centre ds affrontements au sein de leur couple et de sa dislocation.

Pour l’heure, la mère de Jean Hippolyte meurt le 25 août 1684. Dans les mois qui suivent, son père le presse d’entrer enfin dans l’ordre de Malte.

Non seulement il est marié mais Louise-Gabrielle accouche d’un fils en 1685. Un autre fils suivra en 1687.

Il avoue donc la situation à son père qui lui pardonne mais le somme de se mettre en règle des droits de mutation dûs au duc de St.Aignan, puisque s’agissant, affirme Jean Hippolyte, d’un mariage sous le régime de la communauté, cela équivaut à un changement de propriétaire

Ces droits équivalaient quasiment à une année des revenus du Gué-Péan, soit environ 9000 livres.


B) Séparation de biens ou communauté ?

Derrière cette question juridique, se pose une question majeure des droits des femmes sous l’Ancien Régime mais aussi tant que fut appliquée la législation napoléonienne du Code Civil !

Si la femme était mariée sous le régime de la communauté, c’est le mari qui administrait les biens de sa femme et en disposait. En clair, il pouvait piocher dedans pour ses propres besoins.

Si elle était mariée sous le régime de la séparation de biens, elle administrait seule ses biens, sans avoir à tenir compte du mari.

Ce fut un véritable enjeu existentiel pour ces femmes. Il était un symbole de leur  indépendance vis à vis du mari. Il y eut bien des actions en justice de femmes pour obtenir la modification de leur régime matrimonial face aux dilapidations de leurs biens par l’époux. Cette modification se faisait parfois aussi en accord avec le mari criblé de dettes pour sauvegarder une partie des patrimoines !

Louise-Gabrielle est devenue propriétaire. Elle a déjà consenti des sacrifices pour conserver le Gué-Péan. Il va être hors de question pour elle de se laisser déposséder. Peut-être aussi à t’elle compris que son mari l’à épousée par intérêt !

Les factums rédiges pour leurs procès nous permettent de reconstituer les faits.

a) La thèse de Louise-Gabrielle : 

Le mariage devait être secret quelque temps pour ne pas heurter de plein fouet les parents de Jean Hippolyte.

Le 25 décembre 1684, des articles de mariage ont été rédigés ( il s’agissait du plan et des principales dispositions sur lesquels les parties se mettaient d’accord pour servir de base à la rédaction des contrats de mariage ).

Le contrat de mariage a été établi et signé le 31 janvier, jour du mariage.

Il est assis sur la séparation totale des biens de chacun et sur la prise en compte des engagements qu’elle a pris au regard des demandes présentées par le futur époux : habits, attelages et carrosse, paiement de ses domestique ...et la  substitution de Jean Hippolyte aux droits de sa fille, en cas de décès de celle-ci.

Peu de temps après leur mariage, son mari aurait jugé que ce contrat n’était pas assez « avantageux » pour lui. 

Il aurait exigé sous la menace que le notaire rédacteur du contrat, Lecomte qui était le notaire de la châtellenie, lui donne la minute.

Durant des mois, il aurait exercé sur elle des pressions pour lui faire signer un autre contrat basé lui sur le régime de la communauté.

Sous la menace de violences physiques, il lui a fait signer un tel acte le 6 Février 1688.

b) La thèse de Jean Hippolyte :

Le mariage a été tenu secret pour gagner du temps, car Louise-Gabrielle ne voulait pas payer le « droit de relief » au duc de St.Aignan. Il fallait donc faire croire que rien n’était changé.

A la date du mariage, il n’y avait eu ni articles ni contrat de mariage de rédigé.

Dans l’hypothèse de l’absence de contrat de mariage, la coutume particulière de St.Aignan prévoit que c’est le régime de la communauté qui s’impose.

Ne voyant, comme il dit, rien venir, il adresse au notaire à deux reprises des projets d’articles.

Sa femme fait donc rédiger par Lecomte un projet conforme aux souhaits de son mari mais dont elle exige de conserver elle la minute. Jean Hippolyte ironise sur le fait qu’étant à la fois son notaire, son procureur fiscal et son intendant, il ne pouvait rien lui refuser !

Mais lui de guère las, a pris l’initiative de faire rédiger de son côté, un nouvel acte qui confirme qu’ils sont bien mariés sous le régime de la communauté.

Il le lui fait effectivement signer le 6 Février 1688.

Il soutient que c’est en fait le 6 Février au soir, en réaction à ce nouveau contrat que Louise-Gabrielle fait « fabriquer » par Lecomte le dit contrat du 31 Janvier 1684. Ce contrat est donc un faux substitué au précédent dont ( on s’en souvient ) elle avait conservé la minute !

Après les événements du 6 Février, Jean Hippolyte, pressé par son père, va tout avouer à la duchesse de St. Aignan et négocie un échéancier pour les paiements de la somme due. 

c) La contre-attaque de Louise-Gabrielle :

Le 17 avril 1689, Louise-Gabrielle se rend chez un notaire parisien et lui fait enregistrer « une protestation ». C’est la mise en écrit de sa version des faits.  Elle précise qu’aucun notaire de St.Aignan n’a voulu le faire par crainte de son mari. Elle dépose la minute de ce qu’elle affirme être les articles du 25 Janvier, signée par elle et son mari ainsi que la grosse du contrat de mariage du 31 Janvier. Une grosse seulement car elle accuse son mari d’avoir extorqué sous la contrainte la minute au notaire Lecomte. Elle demande au notaire parisien de faire signer sa protestation et les documents annexés à son mari.

Le notaire Lecomte est mort le 17 septembre 1688, emportant dans sa tombe les preuves sur les  dires et actes des deux époux. Jean Hippolyte estimera que c’est le décès de Lecomte qui incitera sa femme d’initier des actions contre lui.

d) Le tournant du 21 juin 1691 :

Louise-Gabrielle se doute bien que son mari s’apprête à prononcer ses Foi et Hommage à la duchesse de Saint-Aignan pour sa châtellenie du Gué-Péan. Cet acte officialiserait une union fondée sur la communauté de biens. Jean-Hippolyte disposera alors de ses biens. Elle connaît son goût du luxe et surtout son souhait de pouvoir se payer une charge militaire à la mesure du rang de sa famille qui coûte à l’achat et à l’entretien.

En effet, le 21 juin 1691, Jean-Hippolyte régularise la situation auprès de sa suzeraine « comme maître des actions de dame Louise-Gabrielle de Malot du Bousquet, son épouse.

Dominique d’Estampes décède le 20 mars 1692, ouvrant une succession longue et complexe qui n’arrangera pas la situation financière de Jean Hippolyte.

C) 1691-1697 : procès et conflits en escalade :


Louise-Gabrielle était passée à l’offensive sans attendre l’acte du 21 juin 1691.


a) Elle saisit la justice de St.Aignan :

Au début du printemps, elle se tourne vers la justice de St. Aignan.

Le 8 mai 1691, celle-ci estime recevable sa demande et la renvoie donc devant la justice de Montrichard.

Dans sa requête, elle dénonce « les sévices et mauvais traitements commis sur sa personne depuis 7 ans en l’union avec le sieur de Valençay son mari non commun en biens avec elle ».

Elle réclame main levée sur lés obstructions mises par son mari à la libre gestion de ses  biens.

Elle n’en est pas encore à demander la séparation de corps ; ce qu’elle fera plus tard.

Elle va gagner cette première manche puisqu’elle obtient « qu’il soit informé contre le sieur de Valençay ». C’est à dire l’ouverture d’une procédure à l’encontre de son mari.

Il l’accusera de l’avoir fait sans l’avoir informé alors qu’il était malade et séjournait chez son père.

b) Il saisit le Parlement de Paris :

Jean Hippolyte fait appel de ce jugement devant le Parlement de Paris.

Il dénonce en plus les agissements de sa femme « qui dilapiderait l’argent » : elle aurait vendu à Paris de la vaisselle pour 12 000 livres, des bestiaux à Monthou pour 14 000 livres, etc.

Compte-tenu de la nature des accusations de Louise Gabrielle-violences physiques-c’est la Chambre Criminelle dite des Tournelles qui est saisie. 

C’est une instance plus sourcilleuse de préserver l’honorabilité des nobles que les justices locales souvent plus contestataires par rapport aux privilèges et comportements de la noblesse !

Le 3 Juillet 1993, la Chambre Criminelle casse le jugement de Montrichard.

c) renvoi devant la justice de Bourges :

Les Tournelles renvoient l’affaire devant la justice de Bourges.

Le Lieutenant Général de Bourges se prononce ( en 1694 semble t’il ) dans le même sens que le jugement de Montrichard. Il ordonne « qu’il soit procédé extraordinairement contre le sieur de Valençay », c’est à dire poursuivre quelqu’un comme criminel. Il ordonne aussi l’exécution du contrat de mariage du 31 Janvier 1684.

Jean Hippolyte accuse sa femme d’avoir corrompu le juge de Bourges.

Comme les accusations de violences conjugales semblent être un sujet gênant pour lui, il va poursuivre ses actions contre sa femme en relançant ses accusations de fabrication de faux contrat de mariage. Les deux procédures vont s’entremêler dans ce maquis procédurier de l’Ancien Régime, immortalisé par Racine et ses « Plaideurs » !

 c) Il saisit à nouveau le Parlement de Paris :

Jean Hippolyte saisit à nouveau le Parlement de Paris.

Il demande que sa femme soit déboutée au motif donc « qu’elle veut dépouiller son mari de ses droits et autorités ».

Le Parlement casse ( en 1695 ? ) le jugement de Bourges.

Il ordonne par contre une enquête contradictoire. C’est à dire que le procès criminel redevient un procès civil.

Et il renvoie cette fois l’affaire devant la justice de Romorantin.

La prudence du notaire d’alors du Gué-Péan est à signaler : Charles Houssay, en 1694, continue d’appeler sa châtelaine : « épouse non commune en biens » !

d) Le sévère jugement de Romorantin :

Il a dû intervenir vers 1696.

Il est terriblement sévère pour Louise-Gabrielle.

La justice de Romorantin la déboute de sa demande de séparation de corps.

Elle est condamnée « à six mois d’enfermement » dans une maison religieuse le temps de la réflexion avant une reprise de la vie commune, « où le sieur de Valençay aurait la liberté de l’aller voir ». Si elle refuse de se plier volontairement à cette décision, elle serait alors condamnée à un enfermement définitif dans ce couvent.

e) Elle tente de gagner du temps :

Louise-Gabrielle ne s’avoue pas vaincue et va utiliser toutes les ficelles procédurières pour faire durer les choses. 

A défaut de la connaissance exacte de la plupart de ces documents, il est difficile d’être sûrs de la tactique adoptée par Louise-Gabrielle : conduire son mari à la faute ? Pouvoir ainsi relancer l’affaire sur le fond ? Espérer un événement modifiant la donne ?

Elle fait appel de la sentence de Romorantin.

Elle va attaquer son mari sur son terrain vulnérable, l’argent, et lui réclame « 6 000 livres de provisions », c’est à dire une somme d’argent dans l’attente du règlement définitif du contentieux.

f) Il réagit violemment :

Jean Hippolyte voit rouge ! Ses propos sont éloquents.

Il stigmatise sa femme qui serait animée « d’une haine mortelle » à son encontre.

Il rappelle que sa châtellenie lui rapporte environ 9 000 livres.

Il décrit sa piètre situation financière puisqu’il n’a rien perçu « des espérances des grands gains » attendus de son mariage avec « une femme déjà âgée qui avait eu des enfants d’un premier lit ».

Il insiste sur le fait qu’il n’a pu s’offrir qu’un modeste office de « représentant des Maréchaux de France pour le Blaisois ». 

Il précise que « comme tous les revenus de sa femme lui appartiennent, il lui a offert de les consommer avec elle si elle veut revenir ou de lui fournir ses aliments et entretien dans le couvent où elle serait condamnée à aller ».

C’est effectivement un événement qui va modifier la donne ... le décès de Jean Hippolyte !

V) 11 mars 1697 : une veuve « non commune en biens » :


A) Un décès à Paris :

Le 11 mars 1697, Jean Hippolyte meurt, juste après avoir dicté son testament à un notaire. Sa signature est déjà celle d’un mourant.

Il a 44 ans et Louise-Gabrielle est à nouveau veuve à 51 ans.

Il se trouvait à Paris et demeurait dans une chambre au second étage de ce qui semble être une maison meublée appelée « la Carmaux », rue de la Huchette.

B) Un testament non respecté :

La principale disposition de son testament, celle concernant la garde de ses deux fils ne sera pas respectée. 

L’aîné, né en 1685, est toujours « non nommé ». Il n’a donc pas encore reçu le baptême ! 

Le second né en 1687, se nomme Louis. Il mourra jeune, car il n’apparaîtra pas dans les combats de sa mère pour le respect des droits de propriété sur Valençay.

Jean Hippolyte  nomme comme « tuteur filial » de ses fils, un certain « François Lormin qui demeure au baillage d’Evry, province de Champagne ». Il fixe la pension à 400 livres par an, à prendre sur « les affaires des enfants ».

Il demande « à messieurs ses parents et à madame son épouse d’approuver son choix de nomination et à messieurs les magistrats de le confirmer ».

Il semble qu’aucune suite n’a été donnée par la famille à ces demandes et que c’est la procédure pclassique de désignation qui est intervenue. Le Châtelet de Paris nommant Louise-Gabrielle, tutrice, et Georges d’Entraigues, conseiller au Parlement de Metz, et oncle par alliance des adolescents, comme subrogé tuteur. Elle obtient la garde noble, d’once elle sera gestionnaire des biens de son fils durant sa minorité.

Jean Hippolyte souhaite être inhumé dans le caveau parisien des d’Estampes en l’Église des Carmes Déchaussés, rue de Vaugirard.

C) Un étrange inventaire après décès :

Il a lieu le 18 mars 1698, plus d’un après le décès

Généralement, l’autorisation de la justice de faire inventaire après décès, permettait aux familles de décider au vu des résultats ( notamment les dettes ) d’accepter ou non la succession du défunt.

Dans le cas présent, Louise-Gabrielle a déjà accepté, au nom de ses fils mineurs, la succession de leur père. Il faut dire que les enjeux des successions en cours des Valençay sont de taille, même si les dettes de son défunt mari, énumérées dans l’inventaire, sont non négligeables.

Mais la présence et l’absence de certains papiers intriguent.

Ainsi, citée en premier dans les papiers du défunt, on trouve la notification de la fameuse protestation de 1689 et ses annexes : les articles du 25 Janvier et le contrat de mariage du 31 Janvier 1684. C’est à dire les documents légitimant le régime de séparation de biens.

Mais nulle trace du contrat du 6 Février 1688, pièce maîtresse pourtant de l’argumentation de Jean-Hippolyte.

C’est l’expression « veuve non commune en biens » qui sera dorénavant toujours employée !

La mort de son mari a éteint une procédure qui n’était pas achevée.

VI)  Au services des intérêts de son fils :

Il a enfin un nom : Hubert-Henry.

Elle va consacrer son énergie à la défense des intérêts de son fils.

C’est une vraie lionne qui va conduire une sacrée bataille judiciaire de longue durée. 

A) La dame du Gué-Péan :

Louise-Gabrielle demeure dans son château du Gué-Péan qu’elle administre elle-même.

Elle veut faire respecter ses droits seigneuriaux dont certains étaient tombés en désuétude.

Les conflits sont nombreux avec les meuniers, ses fermiers et aussi les vignerons. Elle leur intente facilement procès mais en perdra souvent !

Sa fille survivante Humberte était entrée au Couvent Notre-Dame des Anges à Saint-Aignan.

En 1700, devenue majeure et novice au couvent, elle cède ses droits sur le Gué-Péan à sa mère.

Ainsi,  Louise-Gabrielle est totalement propriétaire et sa fille, bientôt religieuse professe, donc relevant des dispositions de « main morte », ne pourra hériter de sa mère. 

Tout ira à ce fils qu’elle semble chérir.

B) Sauver le patrimoine paternel de Hubert-Henry :

a) Des successions entrelacées :

Pour l’heure Louise-Gabrielle est confrontée aux successions croisées de la famille d’Estampes.

Celles des père et mère de Jean-Hippolyte.

Celle de son frère Henri-Dominique, son frère aîné et de ses enfants, Jacques-Dominique et François-Louis, tous décédés.

Celle donc de son mari ( et de son second fils à une date proche mais inconnue ).

A la fin de 1700, parmi les enfants de Dominique d’Estampes et de Marie Louise Thérèse de Montmorency, quatre demeurent en vie :

François-Henry marié à Angélique-Francoise de Raimond, qui ont une fille Françoise-Angélique.

Marie-Louise mariée à Gaspard de Cavagnac.

Julie mariée à Georges d’Enraigues.

Henriette qui est religieuse, donc hors course des successions.

b) Faire reconnaître les droits de son fils :

Une femme va être l’âme de cette bataille : Angélique de Raimond.

Elle se révèlera une redoutable adversaire, pour conserver la plus grande partie possible de l’héritage des d’Estampes à sa fille. Elle deviendra l’ennemie mortelle de Louise-Gabrielle. Ces successions vont être jalonnées, outre leur effroyable complexité juridique, d’intrigues, complots, d’accusations en tous genres. Mais cette fois, les coups bas viendront surtout de la part de Angélique de Raimond.

Elle conteste le droit à succession de Hubert -Henry sur l’essentiel de ce patrimoine dont les terres et de Valençay, à partir d’une argumentation fondée sur les règles coutumières du droit d’aînesse pour les successions nobles.

En 1701, Louise-Gabrielle fera admettre le droit de son fils à participer à la succession par le Parlement de Paris. Elle bénéficiait du soutien des Montmorency-Luxembourg. Militaires alliés aux Condé, ils avaient en commun les participations aux mêmes guerres via de Malot du Bousquet et François de la Mothe-Villebret.

Le 19 Juillet 1708, le Parlement reconnaît les droits cumulatifs de son fils sur ces successions.

Mais en 1711, François Henry d’Estampes décède. 

Sa veuve intensifie les contestations et procédures.

Ce ne sera que le 27 juin 1714, que le Parlement attribuera à Hubert-Henry le droit à la possession de la moitié de la terre de Valençay, l’autre va à sa cousine Françoise Angélique.

Et il faudra attendre le 8 mai 1717, pour qu’Hubert Henry obtienne la mise au point de la délimitation du partage pour moitié du Château de Valençay.

Un compromis avait par ailleurs été mis au point pour assurer leur part de la succession à ses tantes.

En fait, ces conflits de famille pour Valençay perdureront durant de très nombreuses années !

c) Assurer son avenir financier :

La situation financière de Louise-Gabrielle et de son fils est catastrophique.

Les frais de justice coûtent très cher. 

Elle est en procès de famille depuis 1688. Sans parler des certes plus modestes procès en tant que châtelaine.

Elle jongle de remboursement en nouvel emprunt.

Les créanciers se font de plus en plus pressants.

Au premier rang de ces créanciers, Dénis Michel Amelot de Chaillou. Parlementaire lui-même, il appartient à une des plus grandes familles du Parlement de Paris.

Depuis 1698, il a acheté la belle seigneurie de Châtillon-sur-Indre, proche de Valençay.

Le contrat de mariage entre Hubert Henry et Philiberte, fille de Dénis Michel Amelot est signé le 29 septembre 1715.

Il apporte sa noblesse et ses prestigieux lignages et la moitié des terres et du château de Valençay.

Elle apporte, certes un rang social non négligeable mais issue de la bourgeoisie robine, mais surtout une dot de 150 000 livres ... dont 100 000 comptant ! De quoi éponger la plus grande partie des dettes de la belle-famille.

A cela s’ajoute s’ajoute trois années de logement et nourriture chez les Amelot, des attelages, habits, bijoux et un pied à terre parisien, etc.

Mais Dénis Michel exige des garanties en contrepartie : régime de la communauté de biens, donation entre vifs des biens détenus avant le mariage et à venir. 

Louise Gabrielle fait ainsi donation à son fils de la châtellenie du Gué-Péan qui sera mentionnée dans le contrat de mariage.

d) Les dernières années de la « douairière de Valençay ».

Elle s’était installée à Valençay dès 1714, après la reconnaissance du droit à la jouissance.

Dans ce cadre, elle avait le 28 décembre 1714, nommé Jean Bardon le Jeune, marchand demeurant à St.Aignan, son procureur général et spécial pour gérer les affaires du Gué-Péan.

Elle verra naître ses trois petits enfants : Paul Sigismond, le 18 août 1716 ;  Denise Louise, le 24 juillet 1717 ; Dominique Jacques, le 10 août 1718.


Quels sentiments l’habitent en cet été 1717 pour le baptême de sa petite fille dont elle est la marraine, en présence de toute la famille Amelot au grand complet et de nombreux invités, festoyant dans les jardins de Valençay ?

Quel chemin parcouru de l’austère citadelle d’Auxonne à un des plus élégants châteaux du Val de Loire !

Louise-Gabrielle s’éteint le 8 octobre 1718 à Valençay. 

L’acte de décès précise qu’elles est âgée « d’environ 72 ans » et qu’elle « fut mise au charnier seigneurial », seulement accompagnée des curés des paroisses environnantes, du bailli et du procureur fiscal.

Son ennemie, Angélique de Raimond avait fait allumer des feux de joie sur le trajet que devait emprunter le convoi funéraire... pour fêter cet événement si heureux pour elle !

Jusqu’à son dernier jour, Louise Gabrielle de Malot du Bousquet a suscitées sentiments à la mesure de sa personnalité hors du commun.

J’avais titré le premier article écrit sur elle, il y a quelques années : « un ange ou un démon » et j’avais déjà conclu à l’époque que ce n’était ni l’un ni l’autre. Mais, qu’elle et Jean Hippolyte reflétaient des réalités sociales et culturelles de leur temps. J’avais aussi pointé les éléments de « modernité » qui se dégageaient de ce personnage féminin. Tout en étant lucide sur les traits de dureté de son caractère.

Les recherches que j’ai poursuivies depuis renforcent cette double constatation.

Je dirais même que tous deux ont été plutôt des victimes des normes et contraintes du système social d’Ancien Régime.

Elle, mise au couvent sans vocation après une enfance dans une ambiance d’hystérie dévote, mariée sans amour à un mari hideux, puis folle amoureuse d’un second mari que seul son argent intéresse.

Lui, cadet d’une grande famille qui est sacrifié au bénéfice de ses aînés et qui n’a de choix qu’entre entrer en religion fut-ce dans un ordre militaire ou se marier avec « une vieille femme « pour de l’argent pour garder son rang et mener la belle vie.

Leur histoire traduit bien la situation de ces femmes de la noblesse et les contradictions qu’elles vivaient.

Elles sont sous la domination de leurs maris qui peut les dépouiller à loisirs ! Leur révolte et leur lutte pour la maîtrise de leurs biens prend rang dans le long combat des femmes pour leur indépendance comme celui du droit d’aimer qui elles veulent.

Il y a des ferments de féminisme dans le personnage de Louise-Gabrielle qui, décidément oui, lui confèrent une singulière modernité.

Lecteurs, vous l’aurez compris : depuis que nous nous côtoyons par archives interposées, j’éprouve de l’affection et pourquoi ne pas le dire, une certaine admiration pour Louise Gabrielle.

Sauf miracle de la recherche, je n’ai que très peu de chances de trouver de nouveaux documents ou un portait d’elle. 

Donc, au revoir Louise-Gabrielle, et merci pour ces moments mémorables passés ensemble.




Etude complémentaire sur le père :

Au gouvernement des villes et châteaux de Calvinet, de la Vinzelle et de St. Parthem : Levy-Pierre de Malot, sieur du Bousquet                                                   

( 1613 ?- 1659 ? )

1) Des origines familiales difficiles à établir :

Nous possédons quelques données sur les origines de cette famille de Malot, car il en existe plusieurs. Mais, il est peu aisé d’établir des liens entre ces informations.

Toutefois, elles permettent de formuler des hypothèses qui nécessiteraient d’autres recherches, en d’autres lieux en Auvergne.

A / Une famille de notaires :

Sa présence est attestée à Calvinet et Mourjou dès la moitié du XVIe siècle : Jean de Malot est notaire à Calvinet et établit dans les années 1560 une liève pour le commandeur de l’hôpital de Carlat, de l’Ordre des Hospitaliers. Il s’agissait d’extraits des terriers qui permettaient aux receveurs de faire payer cens et droits seigneuriaux. Un livre de raison qui va jusqu’à la fin du XVIe est rédigé au verso des feuillets.

Nous retrouvons un autre Jean de Malot, aussi notaire mais sur Mourjou, semble t’il, ou Calvinet, dont l’inventaire des biens de l’étude et ses minutes sont remis en 1635, à sa veuve, une de Servans et au notaire Guillaume Gleyal qui doit être son neveu car sa mère est aussi une de Servans, qui avait épousé Antoine Gleyal, notaire. 

Les Gleyal sont une dynastie de notaires locaux sur plusieurs générations.

B / Une famille de militaires aussi :

Durant les guerres de religion, on sait combien Calvinet fut l’objet d’enjeux. Elle a été prise, déprise et reprise. 

Les petits châteaux de la Vinzelle et de St. Parthem avaient le statut d’annexes de celui de   Calvinet et généralement le même gouverneur les commandait.

En 1589, Raymond Chapt de Rastignac, seigneur de Messilhac, Lieutenant général du Roi, arrive enfin à reprendre Calvinet aux protestants qui l’occupaient alors. 

Messilhac est certes catholique mais il appartient à ce qu’on appelle alors les loyalistes ou les royalistes. En clair, il sert avec fidélité le roi légitime. En l’occurrence, le futur Henri IV, toujours huguenot, mais désigné par Henri III, peu avant son assassinat, comme son seul héritier.

Henri abjurera sa foi protestante définitivement le 25 Juillet 1593 ( sixième aller-retour religieux ! ).

Messilhac combat donc aussi bien les violences des Ligueurs qui refusent de reconnaître les droits à la couronne de Henri, que celles des Huguenots qui veulent plus de garanties. Ces deux partis sont  sont jugés comme des entraves à la « pacification » du Royaume et la montée effective d’Henri de Navarre sur le trône.

A ses côtés, se trouve un Jean de Malot, sieur de St. Flour, dit le « capitaine St. Flour ».

On lui « confia » le château de Calvinet. 

Le parcours ultérieur des de Malot confirme qu’ils appartenaient eux aussi au parti loyaliste, côté huguenots.

On peut penser qu’il en fut une sorte de gouverneur intérimaire en attendant la nomination de Levy de Giou et qu’il a dû ensuite assumer des fonctions d’adjoint. 

Très souvent, effet, les gouvernements de ces citadelles royales étaient exercées par un binôme : le gouverneur et le lieutenant, son second.

Lévi Giou, seigneur de Caylus, est nommé gouverneur de Calvinet pour Henry de Navarre, le 29 décembre 1590. Il sera invité au sacre du nouveau roi de France. Il avait été écuyer de la sœur du roi. En 1592, avait participé à la défaite des troupes de la Ligue conduites par le duc de Joyeuse à la bataille de Montauban.

Ce sieur de St. Flour va faire souche à Calvinet. Il avait épousé Lucie ou Louise de Lonvert ou Longvert, dont nous n’avons pas réussi à localiser l’origine de sa famille.

Elle est veuve en 1631.

Il sera qualifié de « noble » et « d’écuyer ». 

On sait que Henri IV avait édicté des mesures d’anoblissement à titre personnel pour les militaires, sous certaines conditions de durée de services. Ce qui fut peut-être le cas pour Jean de Malot.

On a aussi trace à Paris dans des actes notariés d’un Pierre de Malot, sieur de St. Flour, en 1621 et 1624 qui appartient de toute évidence à la même famille, mais je n’ai pas pu établir le lien exact mais qui a tout l’air d’être un frère de Jean de Malot. Il était gentilhomme ordinaire de la Chambre du Roi.

(Cf. Annexe)

C) Une famille dans la clientèle des ducs de Bourbons ?

D’où vient ce nom de St. Flour ?

Il s’agit du nom d’une terre possédée par cette famille. 

Comme il faut exclure bien évidemment la ville de St. Flour, il reste deux possibilités.

St Flour de Mercoire en Lozère, mais surtout St. Flour sous Courpière devenue St. Flour l’Etang dans le Puy de Dôme, donc située sur les possessions des Bourbons.

Il y avait d’ailleurs à St. Flour sous Courpière une petite citadelle qui sera arasée sur ordre de Richelieu, comme tant d’autres.

Or, les gouverneurs de citadelles, l’étaient souvent de père en fils et détenaient une véritable spécificité au sein des Armées du Roy.

On peut avancer l’hypothèse que des de Malot, la branche des notaires, avait suivi dans les bagages des Bourbons.

Soit lors de l’achat de Calvinet par Jean II, duc de Bourbon et d’Auvergne en 1429.

Soit lorsque Pierre de Beaujeu, duc de Bourbon et d’Auvergne, achètera en 1490, la vicomté du Carlades. 

Soit après le mariage de sa fille Suzanne avec Charles III de Bourbon-Montpensier.

C’était une pratique très usitée par ces grands seigneurs d’employer dans leurs nouvelles possessions pour les fonctions de fonctionnaires ou autres charges publiques, des gens issus de la clientèle de leur fief d’origine.

Ainsi, on trouve des Malot dans des charges de finances et de justice dans le comté de Montpensier au XIVe siècle.

Les guerres de religion ont t’elles conduit les de Malot militaires à revenir sur Calvinet où se trouvait une partie de leur famille ou s’y trouvaient-ils déjà ?

( Cf. Annexe)

D) Une famille protestante :

C’est une famille protestante dont il est impossible de savoir si tous les membres l’étaient. Dans beaucoup de familles, les deux religions s’opposaient.

Ils ont dû se convertir peu à peu, à la suite de Henri IV, mais aussi après l’écrasement des révoltes protestantes par Louis XIII et Richelieu, officialisé par la Paix d’Ales.

Ainsi, en 1610, un fils de Jean de Malot et Lucie de Lonvert, Pierre, avocat au Praesidial de Bourges se marie dans cette ville. Il est intéressant de relever que dans les parents et témoins du côté de sa femme, se trouvent plusieurs anciens protestants et aussi d’anciens ligueurs !

Jean de Malot et sa femme sont absents représentés par Berengon de Lonvert, oncle maternel du marié et neveu de Berengon d’Ayrolles, contrôleur général des Finances du Berry, nommé par Henry IV et qui était décédé en 1608.

Ce même Berengon qui en 1568 avait signé un texte de 238 habitants de Bourges appelant à combattre les huguenots, puis échevin de Bourges en 1577, 1578 et 1587, 1588. Il sera contraint de fuir Bourges et se réfugiera à Ayrolles-Vieille. Puis, il retournera à Bourges.

Ses descendants occuperont des charges publiques à Calvinet.

2) Lévy-Pierre de Malot et la citadelle de Calvinet :

A) Un « baroudeur » précoce :

Si l’on en croit certaines sources, Levi-Pierre de Malot aurait eu 14 ans au siège de La Rochelle ( 19-9-1627 / 28-10-1628 ) auquel il participa avec la noblesse huguenote loyaliste, au sein des armées royales. 

Il serait donc né en ou vers 1613. 

La majorité noble était effective à 14 ans.

Mais, les jeunes nobles pouvaient rejoindre l’armée dès 12-13 ans, notamment en période de guerres.

Ainsi, on relève un sieur du Bousquet qui, en 1625, était enseigne au Régiment de Picardie et aurait eu 12-13 ans.

Il convient de noter que dans son contrat de mariage en 1638, aucun parent ou témoin n’étant présent de son côté pour attester qu’il était majeur (30 ans pour l’église), le notaire indiquera « qu’il a raisonnablement l’âge de se marier ». Il aurait eu alors 25 ans.

Il avait déjà une renommée de bravoure et s’était fait remarquer par le Roi.

On rapporte le dialogue suivant entre le Roi et lui « Est-il vrai, du Bousquet, que vous êtes huguenot ? » « Oui, sire, mais mon épée est, elle, très catholique » et il sortit un chapelet de sa poche. 

La conversion de Levi-Pierre a dû intervenir peu après. Peut-être durant le siège ou après la Paix d’Ales ( 28 juin 1629 ), comme ce fut le cas d’une bonne partie de la petite noblesse protestante, en premier lieu les loyalistes, fidèles au fils d’Henri IV.

Louis XIII et Richelieu pratiquèrent à leur égard une politique d’intégration et de promotion dans les armées royales.

Ce fut de toute évidence le cas pour Levi-Pierre.

Nous allons le retrouver au gouvernement de la citadelle de Calvinet et Lieutenant d’une compagnie du régiment de Picardie ( mentionné en 1631).

Dès cette époque, il porte le nom de sieur du Bousquet.

Parmi les lieux-dits appelés, Bousquet, dans les communes environnantes, il est vraisemblable qu’il s’agisse du Bousquet, plus précisément les Bois du Bousquet, situé anciennement sur Calvinet et aujourd’hui sur Cassanouize. On peut y observer encore quelques vieilles maisons.

Ce devait être une terre possédée par la famille Malot.

Les quelques données que nous avons sur sa carrière ultérieure confirment cette réputation de « baroudeur », de prise de risques mais aussi de violences à l’égard des populations civiles.

B) Au gouvernement de la citadelle de Calvinet :

Avec l’Edit de Nantes en 1598, Calvinet devient une des places de sûreté octroyées aux Huguenots. 

Elle le sera effectivement en 1603.

Les gouverneurs et leurs adjoints de ces citadelles étaient présentés par les instances protestantes mais nommés par le Roi qu’ils représentaient.

Après Lévi de Giou, c’est son fils Jacques de Giou, seigneur de Caylus et de Sales, qui prendra sa suite. 

Jacques de Giou s’était illustré dans les guerres du Languedoc et au siège de La Rochelle, dans l’armée royale.

C’est lui aussi qui, après la confirmation par Henri IV en 1603, de la décision du « rasement » de la citadelle de Carlat prise déjà par Henri III, obtiendra l’adjudication de ces travaux. Un juteux marché ! Les travaux débuteront le 22 décembre 1603.

En 1621, Calvinet compte une garnison de seulement 13 soldats. 

Mais malgré la Paix d’Ales, des troubles se poursuivaient dans la région, avec des protestants sous les ordres du duc de Rohan.

Les protestants ne détenaient plus de places de sûreté.

Le 5 octobre 1621, Jacques de Giou « fait entendre au Roi son intention de remettre en ses mains le dit Château » et le Roi lui accorde 16 000 livres à prendre « sur le général du Haut et Bas Pays ». Cette proposition souleva beaucoup d’oppositions car notamment des élus locaux d’alors  estimaient que la somme ( à prélever sur leur budget ! ) était trop élevée par rapport au peu d’utilité maintenant de la citadelle.

Jacques de Giou meurt en 1630.

En 1630 donc, c’est son frère Henri de Giou de la Roque, protestant lui aussi, qui sollicite le poste de gouverneur, assisté par du Bousquet, qui lui ne doit plus l’être à cette époque.

Les consuls d’Aurillac qui craignaient que, dans le cas de reprise de luttes religieuses, Calvinet ne soit à nouveau tenue par les protestants, souhaitent sa destruction. 

Mais ceux de Maurs ne s’associent pas au départ à cette demande. Ils s’y rallieront par la suite.

Le 10 janvier 1631, les consuls d’Aurillac décident d’envoyer à Paris, le sieur de Boissières pour réclamer le « rasement » de Calvinet car « cette place est du tout inutile » et elle a causé « une infinité de maux et de ravages pour la Province ».

En juin, de Boissieres a obtenu l’accord de principe de la démolition de la citadelle de Calvinet.

Mais les consuls sont conscients que comme la Roque et du Bousquet viennent « d’être mis en possession du château », il va falloir « s’entendre avec eux pour les désintéresser » .... en clair les dédommager !

Le 21 septembre 1632, du Bousquet propose la venue en garnison à Aurillac du régiment de Tonneins qui avait été levé en 1630 par Jean Jacob de Caumont de la Force, protestant loyaliste, en soutien au Roi contre les protestants qui voulaient poursuivre la lutte contre le pouvoir royal. Les consuls n’en veulent pas !

C’est l’ordonnance royale du 16 juin1633, qui prescrit à Voyer d’Argenson, intendant d’Auvergne, de faire procéder à la destruction de toute une série de citadelles dont Calvinet.

D’Argenson fit obtenir à la famille de Giou les marchés de la démolition de plusieurs de ces citadelles.

La citadelle de Calvinet fut rasée en 1634.

C) Au gouvernement d’Auxonne :

La guerre dite de « dix ans » (1634-1644) contre les Espagnols, qui verra la première conquête de la Franche-Comté, débute donc juste après la destruction de la citadelle de Calvinet.

Levi-Pierre doit y participer.

Car le 22 septembre 1636, il est nommé lieutenant pour le Roi au gouvernement de la ville et château d’Auxonne.

Il sera dorénavant nommé Louis-Pierre, et parfois Pierre tout court.

Il y demeurera jusqu’à son décès en 1658 ou début 1659.

Il avait alors le grade de capitaine appointé ( on dirait aujourd’hui émérite ) toujours au Régiment de Picardie et occupait une charge de maître d’hôtel au sein de la maison du Roi.

Auxonne, ville française, marquait la frontière avec la Franche-Comté espagnole.

Il y avait épousé une fille de négociants et notables d’Auxonne , appartenant au parti Dévot.

Lui même était devenu un dévot, pratiquant un culte appuyé à la Vierge Marie.

Le couple aura 11 enfants.... 11 filles, des signes de la Vierge, croyait-il !

9 survivront et 5 seront religieuses. Il faillit y en avoir deux de plus. 

Une de ses filles, Louise-Gabrielle, connaîtra un destin hors du commun. 

Elle sera une des protagonistes de l’affaire des Ursulines possédées d’Auxonne. Elle épousera François de la Mothe-Villebret, ingénieur du Roi, considéré un temps comme le rival de Vauban et vivra une seconde et ravageuse union.

La biographie de ces deux personnages se trouve sur le site www. tharva.fr.

Thérèse GALLO-VILLA

Les sources :

L’auteure a utilisé les données qu’elle a recueillies depuis une vingtaine d’années concernant les familles Malot, la Mothe-Villebret, Janon, etc....leurs origines, leurs parcours et les contextes institutionnels, culturels, militaires, religieux dans lesquels elles ont évolué.

Concernant plus précisément Calvinet, l’auteure a consulté :

- aux Archives départementales du Cantal : les séries notariales, les registres paroissiaux et les archives  municipales d’Aurillac ( Consulat Delaurens ).

- les ouvrages sur Calvinet, le Carlades, l’Auvergne, les guerres de religion, etc. dont :

Deribier-Duchatelet, Dictionnaire Statistique du département du Cantal, 1858.

Felgeres Charles, Annuaire du Cantal, 1932.

Jalenques Félix, Les vieux Châteaux de Pays, RHA, 19371938, qui contient une liste importante de sources.

Jalenques Roger, Maurs au fil des siecles, 1976.

Joubert Édouard, Les vieilles pierres de la Châtaigneraie, 1968.



Annexes :


Les Bourbons : le Carlades et Calvinet

Jean, duc de Berry (1340-1416), fils du roi Jean le Bon, achète le Carlades en 1360.

Il achète le comté de Montpensier en 1384.

Le Carlades passe à sa fille Bonne de Berry (1367-1435), vicomtesse de Carlat, remariée avec Bernard d’Armagnac.

Le comté de Montpensier passe à Marie de Berry (1375-1434), autre fille de Jean de Berry, mariée avec Jean 1e de Bourbon ( 1381-1434).

Pierre Il de Beaujeu (1438-1503), duc de Bourbon et d’Auvergne, époux de Anne de France, reçoit en 1472, une partie des biens saisis sur les Armagnac et acquiert la totalité de la vicomté de Carlat en 1490.

Leur fille Suzanne (1491-1521) épouse Charles III de Bourbon-Montpensier (1490-1527).

Après la trahison de Charles de Bourbon, tous ses biens sont réunis à la Couronne et une partie donnée en apanage à Louise de Savoie, mère de François Ie.

En 1429, le Duc Jean II de Bourbon (1426-1488), duc d’Auvergne, était lui devenu propriétaire effectif de Calvinet.

Depuis 1490, sous Pierre II de Bourbon, le sort de Calvinet est donc lié à celui de la Vicomté de Carlat, tout en ayant conservé une administration autonome.

Les enfants de Jean de Malot et Lucie de Lonvert :

- Marie mariée à Pierre Bessiere ( Calvinet )

- Antoinette mariée à Guillaume Mossé 

- Jacqueline ( elle sera marraine par procuration d’une des filles de Levi-Pierre )

- Pierre marié à Catherine Labbé ( Bourges )

- Marie marié à Guillaume Gleyal ( Calvinet )

- Suzanne

- Marguerite mariée à Bertrand Delcamp ( Calvinet )

- Lévi-Pierre marié à Humberte Janon (Auxonne)


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