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À Bourré au début du XVIIIe ...un singulier « mariage secret ».

sommaire

I ) Les protagonistes. 
A ) Jacques-Joseph de Dreux-Nancré. 
B ) Bonne de Lageard.


II ) La législation royale sur les « mariages secrets ».


III ) Les faits.
A ) Les arguments des Dreux-Brézé.
B ) Les arguments de Francois-Léon de Dreux-Nancré.


Sources et bibliographie.

Lors de mes recherches sur l’histoire du Vaulx St. Georges à Thésée, j’avais trouvé cette référence à un mariage secret à Bourré au début du XVIIIe siècle.

Et, je l’avais mise sous le coude.

Comme la préparation de ma conférence du 23 mars 2019 sur la dynastie des Alamant au Château du Gué-Péan m’a fait « replonger » dans l’Ancien Régime, cette affaire m’est revenue à l’esprit.

Et j’y ai regardé de plus près.

Il y avait de quoi nourrir une petite étude significative des mœurs et pratiques sociales de l’Ancien Régime.

Car l’affaire du « mariage secret » entre l’Abbé de Nancré et Bonne de Lageard a en effet donné lieu à un contentieux notoire et une jurisprudence qui lui conférera une place dans les ouvrages spécialisés du XVIIIe siècle.... mais, comme on le verra, la fin de l’histoire reste à trouver !


I ) Les protagonistes :


A / Jacques-Joseph de Dreux-Nancré :

Il est issu d’une famille de vieille noblesse de Touraine, Berry et de l’Anjou, qui compte de nombreux militaires qui se sont illustrés dans les armées royales.

Il est le fils de Claude de Dreux-Nancré, Lieutenant Général des Armées du Roi et de Aimée Thérèse de Montgomery ( descendante du Montgomery qui blessa mortellement Henri II ).

Il est né vers 1662.


En 1688, il a été nommé abbé commentaire de l’abbaye de St. Cybard près d’Angoulême.

C’est un abbé qui n’a pas prononcé de vœux définitifs et donc n’est pas, comme on disait, « engagé dans les ordres », mais qui est tenu au respect de quelques règles dont une essentielle : le non cumul d’un bénéfice et l’état de mariage.

Si un abbé de cette catégorie décidait de se marier, il devait résilier son bénéfice.

La pratique de la nomination de ces abbés commendataires monte en charge à partir de Louis XIV qui en fait un moyen de récompenser, par l’attribution de revenus assurés, les rejetons souvent puînés de sa noblesse de Cour et/ou militaire.

Ces abbés ne résidaient que rarement dans leurs abbayes et demeuraient à Paris, Versailles où dans leurs châteaux provinciaux.

On les appelait souvent « des abbés de Cour ».

L’institution de la commende a contribué à discréditer une partie du clergé se comportant comme des seigneurs avant tout intéressés par les revenus de leurs droits féodaux !


B ) Bonne de Lageard :


Elle appartient, elle aussi, à une très ancienne famille noble de l’Angoumois et de Guyenne, qui s’est démultipliée en de nombreuses branches avec, très classiquement, des officiers dans les armées du Roi et des membres dans les charges royales judiciaires et administratives.

Elle a dû naître vers 1671.

On trouve sa signature sur les registres paroissiaux d’Angouleme en 1688-89.

Elle est la fille de Pierre de Lageard, seigneur de La Grange de Vieux-Pas qui avait épousé en 1666, Charlotte Bonne du Reclus.

C’est ce mariage qui nous ramène à Bourré.

En effet, cette Charlotte Bonne était la fille de François du Reclus qui avait épousé Bonne de Farineau, dame pour partie de Bonroy, l’appellation d’alors de Bourré.

Bonne de Farineau était la sœur de Charlotte de Farineau qui avait épousé, elle, Francois de Gentils de la Valade, d’une famille du Périgord.

Elle était, avec sa sœur, dame de Bonroy pour partie.

Les Farineau, issus d’une famille de Touraine, ayant fait carrière dans les charges royales de justice, sont déjà en possession de la seigneurie de Bonroy en 1408. Cette famille avait été anoblie à la même époque par le Roi.

Outre donc les Lageard, deux branches de la famille de Gentils vont être concernées par la seigneurie de Bonroy et les successions familiales, descendantes de deux des enfants de Charlotte de Farineau et de François de Gentils.

Celle de Henri, seigneur de la Valade, dont la fille Francoise-Sicarie épouse Jean-Adrien de Belcier, seigneur de Villaret, autre vieille famille de Dordogne, père de Raymond de Belcier que nous retrouverons.

Celle de François-Sicaire, seigneur de St. Romain ( en Dordogne ) qui épouse Marie de Godefroy, dame du Vaulx St. Georges à Thésée.


La seigneurie de Bonroy, qui semble bien être restée indivise, va donc voir cohabiter et partager ses revenus entre ces deux familles alliées.

D’un côté, on trouve en 1675, la signature de Pierre de Lageard, seigneur pour partie de Bonroy, sur le registre paroissial, comme parrain.

Puis, en 1701 et par deux fois, celle de Bonne de Lageard comme dame pour partie de Bonroy. Son père a dû décéder peu avant.

Parmi les biens de son père, elle a donc hérité de la seigneurie de Bonroy. Elle a un frère et une sœur.

D’un autre côté, les signatures plus nombreuses des de Gentils, puis très régulièrement celle de Raymond de Belcier jusqu’à son décès en 1729.

II ) La législation royale sur les « mariages secrets » :

Nous nous en tiendrons ici aux dispositions concernant le mariage.

Mais à partir de l’ordonnance de Villers-Cotterets ( 1539 ), le pouvoir royal va élargir ses domaines de compétence sur toute la vie familiale ( état-civil, protection de l’enfant, etc. ).

Un édit de 1556 déshérite et met hors la loi les enfants de la noblesse qui se marient sans le consentement de leurs parents.

En 1557, plusieurs mesures sont prises : les coupables de « rapt de séduction » sont passibles de la peine de mort ; les hommes de moins de 30 ans et les femmes de moins de 25 ans qui auraient contracté des unions clandestines peuvent être déshérités.

L’ordonnance de Blois ( 1579 ) ordonne la publication de trois bans au prône des messes des trois dimanches précédant le mariage et la présence de quatre témoins.

Les curés ne doivent pas célébrer le mariage de mineurs sans l’autorisation des parents.

Les curés commencent alors à intégrer la célébration des mariages dans les registres paroissiaux ou en tenir de spécifiques.

En 1639, une ordonnance renforce les dispositions existantes pour lutter contre les mariages secrets ou clandestins, notamment sur leurs non effets civils ( filiation, succession, etc. ). Elle interdit le recours à un prêtre ou un notaire accommodant ne respectant pas la législation royale.

En 1692, la mention des dispenses relatives au degré de parenté est rendue obligatoire dans les actes de mariages.

Cette question du consentement obligatoire des parents est souvent vécue comme un obstacle aux mariages dits « d’inclinaison » y compris à un âge avancé, aussi une procédure de « sommation respectueuse » sera initiée, permettant aux garçons de plus de 30 ans et aux filles de plus de 25 ans de se passer du consentement de leurs parents. Celle-ci est complexe : requête rédigée par un notaire ou avocat auprès du lieutenant civil, puis le procureur accompagné de deux témoins, se rend au domicile des parents en présence des jeunes gens pour obtention accord. La procédure peut être renouvelée. Il s’agissait d’une forme de pression publique sur les parents.


III ) Les faits :

François-Leon de Dreux de Nancré est demandeur en cassation d’un arrêt du 17 août 1747 du Parlement de Paris qui, d’une part reconnaît valable le mariage contracté par ses parents et d’autre part déclare ce mariage sans effets civils car caractérisé de « mariage secret ».

Il est en effet le fils unique de Jacques-Joseph de Dreux, comte de Nancré et de Bonne de Lageard.

Il est lui aussi abbé commendataire. Mais, je n’ai pu établir l’abbaye qui lui confère son bénéfice.

Cet arrêt annule par voie de conséquence la donation que lui avait faite son père de sa terre de Brécourt.

Le procès avait été intenté par des cousins de son père, les Dreux-Brézé, à la suite du décès de Jacques-Joseph en août 1746.


A ) Les arguments des Dreux-Brézé :

Le 18 novembre 1702, Jacques-Joseph de Dreux-Nacré, abbé de « simple tonsure », demeurant habituellement à Paris, passe un contrat de mariage avec Bonne de Lageard de la ville d’Angouleme, à Tours où il venait de fixer son domicile ( note : non respect de la règle de un an de résidence pour pouvoir se marier en ce lieu ).

Ce contrat est signé des deux notaires et des deux contractants...aucun parent n’est signataire ( note : contrairement aux pratiques habituelles dans les milieux sociaux nobles ou bourgeois )

Il ne fut ni insinué ni contrôlé ( note : donc pas de trace et validation officielle ).

L’année suivante, il y eut trois bancs publiés dans la paroisse de Bourré où Bonne de Lageard avait une terre ( note : les curés à Bourré n’inscrivaient pas les bans sur les registres paroissiaux ; ils s’en tenaient à en faire état au début de l’acte de mariage ainsi que l’autorisation des évêques concernés si un ou les mariés demeuraient ailleurs ).

Le 6 juillet 1703, le prêtre desservant la paroisse de Bourré les unit dans la Chapelle du Château de Chenonceaux ( note : les chapelles avaient un statut d’ex-territorialité par rapport à la paroisse ; normalement leur vocation était la célébration des offices pour le seigneur et elles n’avaient pas de compétence sur les actes d’état-civil ).

L’acte de célébration ne fut contrôlé que vingt-deux ans après ( note : lors des procédures engagées par Francois-Léon à l’encontre de son père ).

Le 5 mars 1706, François-Léon fut ondoyé « à la maison », le château de Bourré, par un chirurgien de Chenonceaux qui l’avait mis au monde.

Il fut nommé Francois-Léon Forest ( note : nom d’un fief de son père ).


Bonne de Lageard décède le 11 avril 1713 à Bourré : l’acte de décès la qualifie de « demoiselle » et elle est donc inhumée comme « fille » ( note : au sens de célibataire ).

Le 16 novembre 1721, le comté-abbé de Nancré demande et autorise le curé de Bourré à baptiser Francois-Leon qui est dit dans l’acte être son fils et celui de Bonne de Lageard.

Pourtant, Francois-Leon continuera à être appelé Forest dans les actes et procédures avec son père.

Il lui intentera procès pour se faire reconnaître légitime et obtient satisfaction sur ce point.

Son père lui fait des donations.

La famille pensait donc « que l’harmonie régnait entre père et fils ».


Mais en 1735, le comté-abbé poursuivi de remords envoie une supplique au Pape où il lui expose toutes les causes de nullité de son mariage avec Bonne de Lageard.

Le Vatican lui donne le choix suivant : s’il n’avait pas eu vraiment l’intention de se marier, il devait le dire et dans ce cas, il pouvait garder son bénéfice ; s’il avait vraiment voulu contracter mariage, alors il se devait se se démettre de son bénéfice ....et rembourser tous les revenus perçus !

Non seulement « l’Abbé de Nancré conserva son abbaye mais il y joignit encore un prieuré » ( note : celui de Bouteville en Charente ).

En 1744, François-Léon « dépouille » son père « du seul fonds qui lui restait, la terre de Brécourt en Normandie, d’une valeur de 50 000 livres », en se faisant faire une donation.

Au décès de son père et face à son attitude de « contestation sérieuse » de l’inventaire après décès , la famille de Dreux-Brezé qui s’estime héritière du comte-abbé, entame une procédure « d’appel comme d’abus du mariage du décédé » ( note : il s’agissait d’un recours pour remettre en cause une décision abusive d’une instance ecclésiastique non respectueuse de ses compétences, en la portant devant une juridiction royale ; ici donc le respect par l’Eglise de la législation sur le mariage. ).

Francois-Léon renonce alors à la succession de son père.

Les Dreux-Brezé poursuivent néanmoins leur action pour faire annuler la donation de la terre de Brécourt.

Ils vont pour cela développer tous les vices de forme et de fonds du mariage :

 - non respect du délai de résidence de un an pour s’y marier

 - bénédiction nuptiale dans une simple chapelle.

 - présence de deux témoins au lieu des quatre requis.

Ils soutiennent que François-Léon avait été élevé comme un batard, appelé durablement par un autre nom notamment par son géniteur.

Enfin, les arguments de la famille portaient sur le fait que Bonne de Lageard était considérée comme « fille » ( note : aucun texte en effet ne mentionne l’appellation « épouse de... » ).

B ) Les arguments de Francois-Léon de Dreux-Nancré :

Francois-Léon de Dreux-Nancré rappelle qu’effectivement son père « était avant son mariage, pourvu de Bénéfices qui semblaient devoir éloigner de lui l’idée d’un engagement de cette nature. Mais l’inclinaison qu’il prit pour Bonne de Lageard le détermina à renoncer au célibat ».

Il souligne qu’elle était d’une excellente famille, « dame en partie de la paroisse de Bourré où elle faisait sa résidence ».

Aussi « dans le dessein de l’épouser, le Comte de Nancré acquit dans la même paroisse un domicile suffisant pour que les bans y fussent publiés » ( note : on relèvera la variante avec la version Deux-Brezé. Tours ou Bourré ? ).

Comme, « il n’y a point de notaire dans le village, les deux futurs époux se transportèrent à Tours la ville la plus prochaine » ( note : et Montrichard ? qui était dans la même généralité que Tours et Bourré et où étaient établis plusieurs notaires ).

Les bans ont été publiés : le premier le jour de Pâques, le second le jour de Quasimodo, le troisième le premier mai 1703.

Le mariage fut célébré le 6 juillet 1703 ( note : François-Léon ne précise pas où ).

Il décrit que « les deux époux demeurèrent ensuite publiquement ensemble au Château de Bourré....mais si le Comte de Dreux avait cru trouver le bonheur dans son alliance avec Bonne de Lageard, il ne souhaita pas moins conserver ses Bénéfices. Devenu père, cette résolution...ne fit que se fortifier et l’empêcha de consigner dans les registres civils la preuve de la naissance de son fils ». Cette conduite critiquable ne peut toutefois « nuire à la légitimité de l’enfant ».

Il fut « élevé et connu comme enfant légitime » et appelé le marquis de Forest.

Le mariage de ses parents dura dix ans et « ils ne cessèrent point de demeurer ensemble... connus sous le nom de Mr et Mme. de Bourré ...du nom des terres où ils font leur demeure ( note : il n’y a aucune trace des deux sur les registres paroissiaux de 1702 à 1713 comme parrain, marraine, témoin de mariage comme cela était fréquent avec les seigneurs de paroisse ).

Il affirme que dans l’acte de décès de sa mère en avril 1713 : « si elle avait été connue pour fille, on l’aurait sans doute enterrée en qualité de Demoiselle ; cependant son extrait mortuaire lui donne la qualité de Dame » même s’il doit reconnaître qu’il n’est pas fait état de « épouse de... ».

( note : c’est faux. Bonne de Lageard a bien été inhumée en tant que « Demoiselle », dans l’acte de décès. Le vocable de « dame » accolé au nom d’une seigneurie ou d’une seigneurie de paroisse était le pendant féminin de seigneur, utilisé aussi pour les femmes célibataires ; c’est le cas pour les deux actes de 1701, antérieurs à son mariage ).


Il rappelle « que la tendresse paternelle et l’intérêt de la vérité » déterminèrent son père à le faire publiquement baptiser. C’est le cousin Raymond de Belcier ancien porte-étendard de la Garde du Roi et sa femme qui furent ses parrain et marraine ( note : il est muet sur l’intervention de son père auprès du Pape sur son mariage ).

Il reconnaît « que toujours avec la même crainte de perdre ses Bénéfices », son père « continua à traiter avec lui sous le nom de Forest dans des actes portant sur une rente viagère et la donation incriminée de la terre de Brécourt ».

C’est donc à sa majorité que Francois-Leon passe à l’offensive car « il sentit que peut-être un jour l’on voudrait tirer avantage de l’imputation du nom de Forest ».

Il poursuit en justice son père pour faire reconnaître « son état » d’enfant légitime et de seul héritier. Il obtient gain de cause.

Il le poursuit encore pour faire reconnaître ses droits sur les biens de sa mère. Il aura aussi satisfaction malgré la rude « résistance » de son père.

Le père et le fils se réconcilient et Francois-Léon cite plusieurs extraits de lettres : différents membres de sa famille paternelle le qualifient de « cousin ».

C’est à mort de son père en 1746, que les Dreux-Brezé vont contester ses droits à la succession de son père.

D’abord, ils lui contestèrent le droit de faire faire « inventaire » mais sans succès.

Puis, ils firent appel comme d’abus pour démontrer son état d’enfant non légitime.

Là encore, ils furent déboutés. La justice considérant qu’il n’y a eu pas eu « abus »

Mais, les Dreux-Brezé persévérèrent et poursuivirent leurs procédures en arguant du caractère secret de ce mariage et donc l’impossibilité pour François-Léon d’hériter.

Les Deux-Brezé contestent ainsi la légitimité de la donation de la terre de Brécourt.

L’arrêt du Parlement de Paris ( dont la date n’apparaît pas dans le pourvoi en Cassation ) reconnaît la validité du mariage et l’état d’enfant légitime. Les preuves fournies par François-Léon ont donc dues suffire. En particulier, la publicité par voie de bans et la célébration par le curé de Bourré y compris dans la Chapelle de Chenonceaux qui relevait du même diocèse.

Par contre, le Parlement a jugé que ce mariage était secret et qu’il ne pouvait avoir d’effets civils. En clair, Francois-Léon ne peut hériter de ses parents si quelqu’un conteste cette succession.

La donation de la terre de Brécourt fut ainsi annulée.

Le Parlement avait suivi les conclusions du rapporteur d’Ormesson, de la fameuse famille de juristes du Parlement de Paris.

Dans son recours en Cassation ( là aussi il n’est pas daté ), Francois-Léon développera plus particulièrement trois arguments.

Il a renoncé à la succession de son père donc les membres collatéraux de la famille de Dreux-Brézé n’ont pas d’intérêt à des procédures contre lui, comme le retient la jurisprudence.

Il développe la thèse selon laquelle l’ordonnance de 1639 porte sur les successions et non sur les donations.

Il tente de démontrer que cette donation n’en est pas vraiment une : « qu’elle n’était autre chose qu’une transaction déguisée et une restitution que le père faisait à son fils » et « cette donation était donc moins une libéralité que le prix du sacrifice que l’Abbé de Nancré faisait des demandes qu’il avait droit de former contre son père pour le forcer à le remplir du bien de sa mère ».

La liquidation des biens de sa mère avait été effectuée le 17 mai 1736 et son père avait utilisé pour lui, dit-il, une somme de 20 000 livres, qui était un bien propre de sa mère !

Carré de Busserolles indique que Francois-Léon aurait prêté Foi et Hommage pour la seigneurie de Bourré, en 1734.

Nous ignorons quel sort fut réservé à ce pourvoi en Cassation.

Nous savons, par contre, que Francois-Léon quittera son état d’abbé de simple tonsure et se mariera fort publiquement, le 18 avril 1754, avec Suzanne Charlotte Pauline de Ste. Hyacinthe de Marconnay. Ils auront une descendance.

Francois-Leon décèdera à Paris le 22 mars 1774.


Et que devint la seigneurie de Bourré ?

Il y a trop de « trous » dans les informations que j’ai rassemblées pour l’instant pour établir avec certitude la chronologie exacte et surtout les modalités de sa transmission. Je vais poursuive mes recherches sur ces points.

La famille de Gentils semble avoir « récupéré », si l’on peut dire, les deux parties de la seigneurie de Bourré.

Après 1629, celle de Raymond de Belcier : sa veuve Francoise Jouanne a passé cette année là une transaction avec Henry de Gentils, sieur de la Valade.

A une date non connue encore, mais vraisemblablement dans la fourchette 1734-36, celle de Bonne de Lageard.

C’est en effet, Jean de Gentils, seigneur de St. Romain, capitaine au Régiment du Poitou, qui revend la seigneurie de Bourré à Jacques Béraud, gentilhomme servant du Roi.

Ainsi, le 26 novembre 1736, Jacques Béraud « seigneur de cette paroisse » et sa femme Claire Vieilh sont témoins à un mariage.


En terminant ce petit papier, je me dis que Bonne de Lageard a dû beaucoup aimer ce Jacques-Joseph de Dreux-Nancré pour accepter une telle situation pendant dix ans ! Un mariage secret pour une histoire d’argent, un fils qui ne peut porter le nom de son père, une sociabilité forcément réduite et, elle, considérée comme célibataire, ce qui à l’époque était un quasi déshonneur pour une femme.

Quand on a en tête le statut des femmes sous l’Ancien Régime, le poids de l’Eglise et les codes sociaux de la noblesse, on peut imaginer que les choses n’ont pas dû être simples pour Bonne de Lageard, morte à 42 ans.


Thérèse GALLO-VILLA
Monthou-sur-Cher, ( Avril 2019)


Sources et bibliographie :


Les registres paroissiaux de Bourré, Thenay, Thésée.

Les ouvrages généraux de généalogie ( d’Hozier, La Chesnay, etc. )

Les ouvrages de généalogies régionales pour l’Angoumois, la Touraine, le Périgord, etc.

Généanet pour les familles citées.

Carré de Busserolle, Dictionnaire géographique, historique et biographique d’Indre et Loire et de l’ancienne province de Touraine, 6 tomes, Tours, 1878-1884

Le mémoire du célèbre avocat Damours, rédacteur du Mémoire de Cassation pour Francois-Léon de Dreux-Nancré, aimablement communiqué par la Bibliothèque de l’Ordre des Avocats de Paris.

Code Matrimonial où Recueil complet de toutes les lois canoniques, vol 2, Paris, 1770.

La réglementation familiale sous l’Ancien Régime ( www.Histoire-Généalogie.com ).

Jasques-Henry Houtaille, Célibat et âge au mariage au XVIIIe-XIXe siècles, revue Population, 1979, 34/2.

Les données rassemblées par l’auteure, pour des travaux antérieurs, notamment sur l’histoire du Vaulx St. Georges à Thésée ( cf. Voir l’article sur ce site ).