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MONTHOU - SUR - CHER, UNE HISTOIRE D'EAU.
L'eau a joué un rôle central dans l'histoire de Monthou-sur-Cher.
Elle y a favorisé l'installation des hommes et femmes de la Préhistoire.
Elle a structuré sa fonction de zone frontière au cours des siècles.
Elle a localisé son lieu de naissance et contraint son développement spatial.
Elle a généré son économie typée, liée à l'eau et aux voies navigables de transport.
C'est pourquoi, ces journées du Patrimoine 2015 sont consacrées à une approche de l'histoire de notre commune au travers du thème de l'eau.
Beaucoup de dimensions et d'événements de cette histoire ne sont donc pas abordés ou de manière succincte.
Un examen de la carte de Cassini permet de situer la problématique de cette conférence.
Elle fait bien apparaître l'importance des bassins du Bavet et des Anguilleuses, leur positionnement au bas du plateau et en fin d'une grande superficie boisée qui l'était encore plus dans les temps préhistoriques.
C'est cet ensemble : eau, plateau et coteau qui sont la matrice de l'histoire spécifique de notre commune.
Certes, elle partage avec d'autres communes environnantes une ou deux caractéristiques.
Le plateau avec Pontlevoy, Thenay, Choussy.
Le coteau avec Bourré et Thésée ainsi que le Cher.
Mais la présence d'autant d'eau, de ravines, de vallons, aux multiples conséquences, est son apanage.
Des caractéristiques favorables à l'installation des humains :
Quelques repères dans le temps...
La Préhistoire :
Paléolithique - plusieurs millions d'années, -8000 ( âge de la pierre taillée )
Apparition Homo Sapiens : - 40 000 ( peintures Lascaux -15 500 )
Néolithique : - 8000, - 3000 ( âge de la pierre polie )
L'Antiquité :
Invasions Celtes ( deviendront les Gaulois ) : - VI eme siècle
Invasion romaine notre zone : - 57
Invasions " barbares" : IIIeme-Veme puis Vikings au IXeme siècle.
Les bassins versants du Bavet et de ses affluents, dont le plus important les Anguilleuses ou Trainefeuilles (comme nous le verrons, Monthou naîtra à leur confluent) ont été des zones propices à l'installation des humains du Néolithique.
Ceux-ci recherchaient ces petites vallées au bord de rivières proches les unes des autres que l'on pouvait franchir à gué et qui constituaient donc aussi des voies de circulation.
C'est toujours la rive la moins inondable, celle qui était à flanc de coteau, qui était la plus utilisée.
Elles étaient abritées du vent car situées sur le revers d'un plateau.
Elles permettaient cultures, pêche et élevage sur le bord des rives.
Les humains pouvaient se réfugier dans les cavernes des roches ou construire des huttes sur les creux.
Les sources et fontaines d'eau potable étaient nombreuses.
Le gibier pullulait dans une zone de sous-bois, forêts et plaines où il pouvait s'abreuver, à portée des lances et des haches.
L'argile à silex était abondante, fournissant une matière première précieuse.
Enfin, des blocs de roche très dure vont leur permettre d'abord de tailler des pierres, puis de les polir pour en faire outils et armes.
De très nombreux objets de ces temps préhistoriques ont été trouvés le long de ces vallées comme à la Mardelle, à Terre-Neuve, la Varenne, le long des Anguilleuses, etc.
Ainsi, les Polissoirs de Monthou sont emblématiques de cette période néolithique.
Ils se situent à la Crémaillère près de l'Anguilleuse et de plusieurs gués.
Comme leur nom l'indique, ils servaient à polir les pierres.
Ils devaient être utilisés par plusieurs tribus, en raison même de leur accessibilité via les gués. Il devait y en avoir d'autres. Au moins un, énorme, dont l'existence est rapportée par la mémoire collective.
Mais durant la première guerre mondiale, les troupes américaines cantonnées dans notre commune avaient installé à cet endroit des concasseurs pour faire du gravier... Plusieurs polissoirs ont dû y être broyés et servir de gravier pour les besoins du Corps Expéditionnaire Américain.
La toponymie de Monthou est riche en noms et lieux dits qui indiquent une vieille présence aqueuse : marchais, rouere, fosse, ruisseau, étang, etc.
Plusieurs petits "ruisseaux", presque tous coulant Nord-Sud, se jetaient dans le Cher.
Certains n'ont pas de noms comme ceux qui longent l'actuelle route de Verrerie ou la vallée de Champhlé. On les appelle encore de nos jours, " le ruisseau".
On trouve aussi des traces de la peur du loup depuis la nuit des temps : gué au loup, rouere au loup.
Il y avait abondance de sources et fontaines. Plusieurs de ces sources et fontaines sont aujourd'hui obstruées ou se sont taries.
Mais en ces temps immémoriaux, cette zone était considérée comme ayant aussi des " montagnes" , au sens de hauteurs avec la présence d'un plateau qui se situe à 128 m au dessus de la mer à la Jarellerie ou au Peu.
Le coteau, partie incurvée du plateau vers les cours d'eau et qui plus tard sera le royaume de la vigne, avait des parties très abruptes comme celles dominant le Cher.
Là encore, le vocabulaire en porte trace : vallée, pied, peu, côte, etc.
Une fonction permanente de zone frontière :
La triple caractéristique de notre territoire, et en premier lieu les lits de nos deux principales rivières, permet de comprendre la fonction de frontière qu'il va tenir.
On emploie aussi les termes de " no man's land " ou " zone tampon" où " zone désert " pour les temps les plus reculés.
La frontière n'est pas encore une ligne mais un espace.
Cette notion perdurera longtemps jusqu'à la construction progressive de la féodalité.
Des la Préhistoire, cette partie au bout de la fameuse " Lunga Silva" qui recouvrait la plus grande partie de notre département, avec son plateau et ses rivières permettant l'accès au Cher, seule voie de navigation Est-Ouest et riche en gués pour accéder vers le Sud, fut un lieu de présence humaine comme nous l'avons décrit.
Il allait devenir peu à peu un lieu d'échanges, de passage mais aussi de surveillance et de défense entre les groupes humains.
Les pierres délimitantes et les points de repère :
Les hommes de Préhistoire ont jalonné de marques cette zone frontière pour l'identifier et aussi la délimiter.
Elle constituait un territoire non hostile consacré donc aux échanges, aux passages.
Ils ont recours à des marques reconnaissables et acceptées par tous : dolmens, menhirs, " grosses" pierres ou cailloux, bornes mais aussi des arbres comme les chênes, les êtres, des massifs épineux comme les buissons, etc.
Les grands fleuves ne constituaient pas des frontières chez les celtes car ils considéraient nécessaire de posséder les deux rives pour maîtriser ces espaces. Ce qui était difficile pour les grands cours d'eau.
Dans les croyances celtes l'eau, les arbres, les mégalithes représentaient des symboles forts, souvent des dieux.
L'eau et les sources revêtaient pour nos ancêtres un caractère miraculeux, qui a d'ailleurs perduré. On le verra ci-dessous pour Monthou.
On relèvera ici seulement quelques toponymes liés à ces délimitations : les Quatre Pierres, la pierre de Justice dans la grosse tour du Gué-Péan, la pierre de Minuit à la Crémaillère détruite ( une aussi à Pontlevoy), une borne à la Rouerie en limite Monthou détruite, le Gros Buisson, le Chêne Chalopin, etc.
La répartition des tribus celtes et peuples gallo-romaines :
La répartition territoriale des tribus celtes initie un véritable mille-feuilles des " frontières " et des limites institutionnelles et religieuses de notre zone, articulé sur cette " barrière" aqueuse qui deviendra Monthou.
En recoupant les données connues, on peut dessiner approximativement une répartition de ces tribus faisant de Monthou le lieu d'intersection des tribus Turonnes et Carnutes.
Une importante réforme administrative au III eme siècle divisera la cité des Carnutes en deux entités.
Il convient de ne pas perdre de vue que nous n'en sommes pas encore à la précision cadastrale !
En gros donc :
Les Turons allaient jusqu'à Bourré-Vineuil ( le Vineuil jusqu'aux Vaublins).Les Carnutes dits "de Chartres" englobaient Pontlevoy, Thenay, Champhlé.
Les Carnutes dits "d' Orléans" comprenaient ce qui sera le vieux Monthou, Choussy et Thésée.
Les Bituriges sont à Saint-Aignan.
C' est dans ce contexte qu'il faut replacer le site des Mazelles.
Il a été établi aux confins des Aureliani et des Bituriges, avec les Turons de l'autre côté du Cher. Comme dans la direction de Monthou, c'était une zone d'eau et de ravines, la "mancio" est située en zone encore accessible.
Elle devait être multi-fonctionnelle : gîte d'étape, dépôt et poste de douane pour les marchandises transitant de l'autre côté du Cher, lieu de cantonnement militaire pour la surveillance des frontières, lieu administratif, prison temporaire, etc.
On sait que "Tasciaca " se trouve sur la fameuse carte de Peutinger reproduisant les grandes voies romaines de l'Empire mais elle ne l'est pas sur la tout aussi importante carte d'Antonin.
La voie romaine de Bourges à Tours passait-elle à Thésée ? On ne le sait pas.
On peut s'interroger.
Les observations présentées sur l'inaccessibilité de cette zone après les Mazelles et les difficultés topographiques jusqu'à Montrichard au moins, semblent l'exclure.
Pour ma part, je pense qu'il faut la chercher plus au nord sur le plateau ( si ce n' est sur la rive gauche du Cher) .
Ce plateau et plaine, étaient riches en sites d'origine romaine ( Thenay, Pontlevoy, etc.)
Il y avait, par contre, tout un réseau de voies secondaires dans une Gaule aux productions et commerce actifs, ainsi qu'un traffic soutenu sur le Cher. Nous y reviendrons.
De même existait un lacis de petites voies ancillaires, ancêtres de nos "chemins".
Un système de défense utilisant l'eau :
Les bords du coteau surplombant le Cher constituaient des points de surveillance et d'alerte appréciables.
Les ennemis et envahisseurs arrivaient par le Cher. Il en fut ainsi pour la colonisation par les Romains.
Mais les systèmes de défense se situaient eux dans les terres.
Monthou est représentatif des deux principaux.
Le plus ancien est celui de Champhlé, typique des défenses celtes.
Il s'agissait d'un vaste vallon, invisible des bords du Cher et au pied d'un coteau.
On l'inondait par un système de vannes ( comme pour les étangs de Sologne), en cas de débarquement d'ennemis.
En raison de l'inaccessibilité de cette zone à plusieurs endroits, notamment l'embouchure du Bavet et le flanc abrupt du coteau sur le Cher, c'était un passage obligé .... Où on pouvait les accueillir!
Le second concerne le Gué-Péan.
Ce fut très vraisemblablement une " motte" celte dominant le Bavet, aux limites de l'antique zone frontière. Cette motte permettait aussi de surveiller ( et faire payer une taxe) pour le passage du gué ( à l'emplacement de ce qui sera le moulin du Gué ) par lequel transitait une voie venant de Sambin via Thenay qui par Bizard rejoignait la mancio des Mazelles.
Il convient de relever que les gués très utilisés situés sur ces voies secondaires étaient "pierrés" pour permettre le passage des chariots. C' est le cas du gué du moulin du Gué ou du gué " perreux " , près du moulin de la Crémaillère et des polissoirs.
Avec les invasions barbares, ces petits points de défense on été renforcés.
En effet, vikings et autres "barbares" rencontrant de petites rivières se jetant dans le Cher, débarquaient une équipe d'éclaireurs qui remontait ces cours d'eau en petites barques.
S'ils avaient été interceptés, ne les voyant pas revenir et ignorants donc les réalités du terrain, les bateaux repartaient le plus souvent et tentaient leur chance ailleurs.
Un « mille-feuille » institutionnel :
Les structures civiles et religieuses vont, à quelques modifications près, se superposer sur ces délimitations originelles des peuples celto-gaulois.
Les civitates gallo-romaines prolongent en gros les espaces occupés par les tribus celtes.
Les évêchés vers le VI eme siècle, institutions religieuses mais aussi administratives, vont les remplacer en s'y substituant.
Ainsi, à Monthou, un lieu dit en porte encore le nom : les Trois Croix marque ce qui devait être les limites des évêchés de Tours, Chartres et Orléans.
Comme l'Ile des 3 évêchés, plus en amont sur le Cher vers Noyers, entre celles des diocèses d'Orleans, de Bourges et de Tours.
Comme la Borne Blanche, aujourd'hui disparue en limite du bois de la Garette et de Bourré, marquait, elle, les délimitations entre les diocèses de Tours, Chartres et Orléans.
Les vieilles provinces de Touraine, Blaisois, Orléanais, Berry à leur tour seront de nouvelles feuilles de ce mille-feuilles.
Les généralités de Tours, Orléans, Bourges avec leurs structures internes, les élections, assureront cette continuité institutionnelle jusqu'à la Révolution.
Ce caractère de "frontière" à été encore accentué par les péripéties de l'histoire.
Limitons-nous deux les plus emblématiques : le drapeau des rois d'Angleterre flottera longtemps sur le donjon de Montrichard, alors que celui des rois de France symbolisera la France sur celui du Gué-Péan ( devenu un château féodal de défense durant la guerre de Cent Ans) et sur celui de Saint-Aignan.
Et le Cher à son tour deviendra une terrible frontière, celle de la Ligne de Démarcation durant la seconde guerre mondiale.
Monthou : une naissance et une construction au fil de l'eau.
Vers l'an 1000, la plupart des paroisses, qui sont elles aussi des territoires religieux et institutionnels, sont pour la plupart constituées.
Ce doit être vraisemblablement le cas de Monthou.
Elles vont coupler les vieilles délimitations et les modifications découlant des constructions féodales de vassalité et suzeraineté
Ainsi, il a été avancé que Vineuil ( la partie autour du manoir de La Salle) a dû être une paroisse indépendante rattachée comme le fief du même nom à celle de Monthou vers le XIII eme siècle).
1191 : Mustelium ( on trouve aussi Mostellum dans cette fin du XII eme).
1294 : Monto ( idem 1313, 1375, 1395 ).
1436 : Monto sur Chier.
XVIeme : Monthou sur Cher ( traduit Montollio sur les premiers registres paroissiaux).
Le Monthou féodal ( et jusqu'en 1851) allait jusqu'à quasiment l'actuelle place de Bourré.
En gros, la seigneurie de Champhlé étendait ses possessions foncières sur la rive droite du Bavet et le long des Anguilleuses ( le Bois de Vineuil, les deux Boulay et Assenay) comme les possessions de l'Abbaye de Pontlevoy sur Monthou.
La Seigneurie puis châtellenie du Gué-Péan comprenait une partie de Choussy et de Thésée, le centre bourg ( son seigneur est seigneur de la paroisse) donc sur la rive gauche du Bavet, comme pour les possessions du chapitre de Saint - Aignan sur notre paroisse.
D'où vient le nom de Monthou : païen ou chrétien ?
Il y a deux thèses en présence.
La première estime que Monthou dérive de " monasterollium " ou monastère.
C'est celle qui est privilégiée en raison de la légende de Saint Lié dont nous parlerons ci-dessous, mais aussi parce qu'au XIXeme siècle, beaucoup de ceux qui s'intéressaient à l'histoire locale étaient des religieux.
La seconde considère que Monthou a pour origine une expression celte " Monthaw " qui signifie le "mont au dessus de la rivière", avec sa variante latinisée de " Montellum ".
Il est difficile de trancher. Mais la seconde explication rattache directement Monthou à l'eau (et la première aussi d'ailleurs ! )
Elle est d'autant plus plausible qu'il faut imaginer ce qu'était la topographie d'alors.
Toute la partie allant de l'église au Cher était à la fois le lit d'un Bavet plus large, sa zone d'épandage, un marécage. Ce n'était guère mieux en amont du bourg - sans le plan d'eau bien évidemment - mais où se trouvait une veste zone herbeuse appelée " les grands prés " très souvent inondée.
Le nom même du Bavet indique sa propension à sortir de son lit.
Comme le nom des Anguilleuses permet d'imaginer sa richesse en anguilles ou son surnom de Trainefeuilles, car cet affluent du Bavet traverse des zones bordées d'arbres encore de nos jours.
Hormis quelques " trous " dans le rocher le long de la route des Caves servant d'habitat troglodyte, il n'y avait pas d'habitations sur cette portion du centre bourg actuel au Cher ni de routes. Ce sont les " rotes barossieres" à flanc de coteaux et les petits chemins sur les coteaux joignant les écarts entre eux ou rejoignant d'autres axes de circulation, qui permettaient les déplacements.
Le coteau tant du côté des Quatre Pierres que du côté des Épinettes était plus abrupt qu'aujourd'hui hui avec un Cher plus large, plus propice alors à la navigation, mais connaissant aussi des périodes d'étiage bas qui permettaient de le franchir à gué.
Ce n est donc pas pour distinguer notre Monthou du Monthou sur Biévre qu'il s'appelle sur Cher, malgré qu'il en soit éloigné de plus de deux km.
Mais on l'aura compris. C'est parce que toute cette partie supérieure du Bavet jusqu'à sa confluence avec le Cher, constituait une sorte de continuum d'eau qui, de manière obligée, imposait la construction du bourg dans un lieu plus protégé des inondations, sans qu'il existât une menace d'implantation d'un bourg rival plus près du Cher.
Au VI eme siècle : un monastère et une fontaine miraculeuse.
Vers le VI eme siècle, la France connaît une phase forte de spiritualité, en liaison avec les efforts de christianisation des peuples gallo-romains.
Des moines viennent s'installer dans des zones isolées pour y mener tout à la fois vie contemplative et s'adonner à des travaux de défrichements pour la mise en culture ...et en vigne pour les besoins des offices.
Ils auraient fondé à Monthou un petit monastère dirigé par le moine Triécius. On ne sait où avec précision mais on peut avancer l'hypothèse qu'il devait se situer dans la zone de la Varenne où se joignent Bavet et Anguilleuses, au bas du Pied Bruneau, près de l'endroit où sera construit le plus vieux moulin de Monthou.
Le jeune Lié, natif du Berry, est accepté comme moinillon.
On lui confie le troupeau de moutons qu'il amène brouter précisément le long du Bavet. Il affectionne particulièrement une fontaine au pied du coteau où il conduit boire ses bêtes.
Il s'y construit un petit oratoire pour prier et méditer.
Il est doux, obéissant et plein de ferveur.
Aussi, l'abbé le fait accéder au diaconat.
Cette promotion déchaîne la jalousie des autres moinillons qui décident de se venger.
Alors que Lié est en prière dans son oratoire, un groupe le roue de coups de bâtons et le laissent là, persuadés qu'il est mort.
Mais Lié est vivant. Il a la force de se traîner vers la fontaine et de s'immerger dans l'eau claire et fraîche..... Et ses plaies se referment ; il n'a plus aucune trace des violences subies.
Le lendemain les moinillons passant près de fontaine y voient des pierres toutes rouges qu'ils pensent tachées du sang de Lié.
Ils sont convaincus que Lié à été guéri par la main de Dieu et ils implorent le pardon de Lié.
Lié serait resté encore 16 ans à Monthou, puis il aurait rejoint le monastère de Micy. On dit qu'il se retira dans le forêt d'Orleans, en ermite. Il serait mort en 534.
Il sera béatifié.
Ainsi va naître la légende de la fontaine Saint Lié.
Les pierres se couvrent de tâche rouge brun à certaines époques de l'année. La population croyait que le sang de Saint Lié coulait à nouveau et qu'il s'agissait d'un miracle.
Cette fontaine va devenir l'objet et le lieu de pèlerinages, tout au long de l'Ancien Régime, et longtemps encore après d'ailleurs.
La croyance populaire voulait qu'elle ait des vertus curatives pour " dénouer " les enfants atteints de maladies osseuses ou nerveuses déformantes, les enfants chétifs ou de faible taille.
Ces pèlerinages, très renommés, ont aussi arrondi les finances de la paroisse de Monthou.
Les curés d'alors percevaient des honoraires pour officier devant les pèlerins à la fontaine et verser l'eau sur les malades.
En fait, ce phénomène est le résultat de la présence sur les pierres d'une algue appelée hildenbranchia rivularis ou fluviatilus.
On peut toujours se rendre à la fontaine Saint Lié située à 400 mètres de la route qui va de Monthou à Choussy. Le chemin qui y mène se trouve sur la droite, après les vieilles bâtisses au bas du pied Bruneau.
Une église bâtie sur l'eau et entourée d'eau :
Nous ne narrerons pas ici l'histoire de l'église de Monthou qui dépasse le cadre de cette conférence.
L'église de Monthou date de l'époque romane.
Les premières constructions doivent se situer dans la période de constitution de la paroisse.
Elle sera remaniée plusieurs fois pour donner un édifice de taille imposante à la mesure, non de la taille du bourg, mais de l'existence d'une seigneurie avec haute, moyenne et basse justice, puis de la châtellenie importante du Gué-Péan avec la famille Alamant.
Ce qu'il convient de souligner c'est que tout laisse à penser que l'église a été construite (comme ce fut souvent le cas), sur des lieux de cultes antérieurs celtes puis gallo-romains, à l'emplacement d'une source-fontaine....qui existe toujours !
En effet, il y a environ quinze ans, à l'occasion de travaux dans l'église, l'un des deux caveaux qui entourent l'hôtel a été ouvert.
C'était celui de droite qui servait de tombeau aux seigneurs du Gué-Péan.
J'y ai vu couler l'eau d'un ruisseau souterrain qui devait alimenter la source antique.
Il semble que l'église a été construite sur un ilot situé entre deux bras du Bavet.
Celui que nos connaissons avec la présence du moulin du bourg.
L'autre bras qui entourait le chœur a été asséché plus tard, vraisemblablement pour les besoins d'expansion du premier cimetière qui s'étendait sur l'actuelle place de l'église.
Un espace de développement contraint :
Les obstacles que nous avons décrits expliquent la physionomie de notre commune.
Le centre bourg a été construit sur la partie de la rive la moins inondable du Bavet.
Il est de taille réduite.
Le vieux Monthou des débuts du Moyen-Age, construit lui sur les " hauteurs " de la Croix, de la Bocagerie, par où arrivaient les vieux chemins permettant d'accéder à l'église.
L'habitat était éparpillé dans les "écarts", n'ayant que peu de contacts avec le bourg.
L'essentiel de l'habitat troglodyte se nichait à flanc de coteau, comme sur la route des Caves.
Cette configuration spécifique à encore aujourd'hui des conséquences notables : un centre bourg éloigné de la D76, axe important de la circulation Est-Ouest ; des écarts attirés par les centres bourgs voisins ; une désertification du centre bourg plus accentuée que dans les communes limitrophes ; de forts enjeux liés à l'eau et aux zones inondables ainsi qu'aux questions environnementales.
Une vie paroissiale puis communale perturbée par l'eau :L'eau a donc constitué un obstacle au regard des besoins de la circulation.
Les inondations étaient abondantes et fréquentes.
Ainsi en 1709, le curé note sur le registre paroissial : " la rivière a été plus grande que jamais ayant perdu sous la vue ".
Ou encore, le 17 avril 1702, à l'Assemblée des Habitants, ceux-ci ont été amenés à débattre " à l'issue de la grande messe, sur la remontrance que leur a faite messire Germain Lullier, prestre-curé de leur paroisse, qu'il lui est impossible d'aller administrer le saint viatique au-delà du ruisseau, que les habitants assistent au service divin les jours de fête et dimanches, par la difficulté des grandes eaux, la grande planche étant entièrement ruinée et dans l'impossibilité de pouvoir passer".
C'était, au regard des réalités et convictions de l'époque, une situation angoissante et dramatique pour beaucoup d'habitants.
Si Monthou, comme une partie de la Vallée du Cher et de La Sologne, a été longtemps rebelle à la christianisation, puis peu religieuse comme le soulignent toutes les tournées des différents évêques d'Orleans sous l'Ancien Régime, recevoir les derniers sacrements était existentiel pour nos ancêtres.
Ce sont les mêmes raisons qui vont être utilisées de la Révolution à 1851 par une partie des habitants du " hameau " de Vineuil pour obtenir leur rattachement à Bourré.
Ils se plaignent des difficultés à se rendre à l'église en raison de la présence de " trois ravins et une petite rivière " et des inondations. Les enfants ne peuvent pas aller régulièrement au catéchisme et le curé ne peut se déplacer auprès des malades et mourants.
Or, l'église est certes un lieu de culte mais aussi administratif ( état-civil, saisies et ventes, communication des ordonnances royales et informations officielles, comme la venue des collecteurs des tailles ou autres).
Il y a bien évidemment d'autres raisons plus matérielles et vénales ! Mais c'est une autre histoire.
En 1851, Vineuil sera coupé en deux : la partie du Menais aux Vaublins sera annexée à Bourré. L'autre partie demeurera incluse dans Monthou
Des activités économiques favorisées par cette présence de l'eau :
De tout temps, les activités économiques de la commune ont été tributaires de l'eau.
Ainsi, une économie variée a pu être développée en exploitant aussi sa topographie spécifique.
Une plus grande polyculture :Certes le vignoble a été l'activité agricole dominante de la commune.
Elle y occupait un espace bien plus étendu qu'aujourd'hui, couvrant une partie de la plaine jusqu'aux limites de Choussy et Thenay.
Mais contrairement à ses voisines Bourré et Thésée où la vigne était une quasi monoculture, Monthou sera marquée par une agriculture plus diversifiée grâce à l'eau.
On y trouve d'ailleurs un nombre non négligeable de " laboureurs".
La production de céréales pour la nourriture des hommes et des bêtes mais aussi le petit élevage de bovins et d'ovins, la culture potagère dans les "jardins" au bord des ruisseaux étaient assez développés.
La production de primeurs comme les petits pois était une des spécialités de Monthou.
Une proximité des lieux de productions et de transports :Le Cher fut un extraordinaire atout économique de la vallée du Cher.
Le Cher qui via la Loire joignait Nantes et Tours à Lyon et Marseille ( on débarquait les marchandises à Roanne et on les rembarquait sur le Rhône ; ou Orléans et Paris par Tours.
Il était navigable une bonne partie de l'année et y prospérait une imposante batellerie avec ses gabares, ses " ports".
Nous avons trouvé plusieurs contrats de transports de marchandises du début du XVIeme siècle passés par Nicolas Alamant alors financier-négociant ( qui achètera la Seigneurie du Gué-Péan ) pour des transports entre Tours et Bourges, Thésée ou Saint-Aignan... de briques, de bois, de pierres.
La pierre dite de Bourré ( et aussi en fait de Monthou sur l'ancien Vineuil ) était produite à quelques dizaines de mètres du Cher.
Les pierres étaient mises à tremper sur les rives pour assurer leur durcissement et leur blanchiment.
Puis, elles étaient transportée vers d'autres lieux d'acheminements ou d'utilisation.
Il en était de même pour les tuileries implantées sur les bords du Cher, notamment à Vineuil.
Elles représentaient, avant la Révolution, une vraie richesse pour Monthou.
Il est inutile de souligner le rôle irremplaçable du Cher pour le transport des tonneaux de vin et le commerce du vin en général.
Les champignons seront une activité plus tardive qui prendra pour partie la relève de l'extraction de la pierre.
Une véritable " vallée des meuniers " :
Monthou comptera douze moulins.
Ses deux rivières favorisent cette implantation ainsi que la présence de productions céréalières notamment sur plateau et plaine au-delà des limites paroissiales.
Mais aussi les productions drapières bien implantées dans la région des le moyen-âge ainsi que le tannage des peaux avec l'élevage surtout d'ovins.
La Seigneurie du Gué-Péan possède le moulin du Gué mais ce n'est pas un moulin banal.
Les habitants peuvent donc utiliser les services du moulin de leur choix et des particuliers peuvent faire jouer la concurrence et construire leur moulin, tout en s'acquittant d'une taxe exigée par le seigneur de la paroisse!
Les moulins de Monthou seront donc à farine, à foulon ou à tan
La paroisse possède l'argile nécessaire au dégraissage des peaux et l'eau du Bavet est réputée pour le mouillage des draps.
Quant aux écorces de chêne pour le tannage, il suffit de les prendre dans les forêts de Monthou ou Choussy.
Le plus vieux texte connu concerne le moulin de Brault et date de 1164.
Ce sont pour les moulins relevant féodalement du clergé qu'il subsiste quelques archives car les religieux entretenaient bien leurs " chartriers".
Pour les autres elles très rares avant la fin du XVIIeme ou le début du XVIIIeme..
Plusieurs de nos moulins relevaient donc de l'abbaye de Pontlevoy, du chapitre de Saint-Aignan ou du Prieuré de Monthou.
Le seigneur de Champhlé en possédait aussi un.
Ainsi nous trouvons :
Sur le Bavet inférieur :
Le moulin de Brault, le moulin du Gué.
Au confluent du Bavet et des Anguilleuses :
Le moulin de la Varenne, un des plus anciens, ravagé pendant la guerre de Cent Ans, par le Prince Noir, puis reconstruit et démoli car en mauvais état vers les années 1780.
Sur les Anguilleuses :
Le moulin Roland dont on sait peu de choses avant la fin du XVIII eme.Le moulin d'Assenay qui appartenait aux seigneurs de Champhlé.
Le moulin de la Crémaillère possédé par un particulier.
Sur le Bavet :
Le moulin Bahuet, c'est celui qu'on appellera le moulin du Bourg. On a déjà trace de lui en 1471. Il est alors à tan. Fin XVIII eme, il est en ruines. Il sera reconstruit deux fois. Il deviendra à farine.Le moulin de la Coudre aux bâtiments élégants.
Le moulin Bernet au lieu dit du même nom.
L'imposant moulin Ferrand dont l'origine remonte à la fin du XVI eme.
Le moulin du Rû de l'autre côté de la D 76, longtemps moulin à tan.
Sur le Cher:
Le moulin Blanc à Vineuil aux confins avec Bourré. Il devait tirait son nom son nom de sa belle pierre de tuffeau. Très vieux moulin, disparu avant la fin du XVII eme siècle.
Les moulins suivants fonctionnaient encore entre les deux guerres, certains jusqu'après la seconde guerre : le moulin du Rû ( blé ), le moulin Ferrand ( avoine et orge pour les bêtes ), moulin Bernet ( blé et céréales pour les bêtes ), moulin de la Coudre ( céréales pour les bêtes ), le bourg ( blé), moulin de la Crémaillère ( céréales pour bêtes).
Les deux plus importants étaient les moulins à blé du Rû et du Bourg.
Sous l'Ancien Régime, les meuniers se situaient dans les catégories sociales les plus aisées de la commune.
Plus tard, les plus gros vignerons et polyculteurs auront un statut social plus élevé.
A Monthou, contrairement à d'autres paroisses, les meuniers ne feront pas l'objets de plaintes dans les cahiers de doléances. Ils y furent corrects dans les pratiques et prix. Une tradition qui perdurera notamment pendant les deux guerres mondiales.
Les bâtiments des moulins du Rû, de Ferrand, Bernet, la Coudre, du Bourg, d'Assenay et de Brault subsistent et une partie des ouvrages hydrauliques du Rû, de Ferrand, Bernet et Bourg.
Mais toujours les mêmes handicaps pour Monthou :
.....elle n'aura pas de pont, mais un simple bac :
Contrairement à Thésée et Bourré, et toujours pour les mêmes raisons, Monthou n'a pas eu de vrai " port" d'embarquement.
Elle n'aura pas de pont la reliant à l'autre rive du Cher, mais un simple bac aux Épinettes.
Son écluse se trouvait aux confins de Bourré et Vineuil.
....elle n'aura pas de gare, mais une simple halte :
Monthou devra se satisfaire en 1950 d'une " halte" où peu de trains ( déjà ! ) s'arrêteront.
Il n'y a même pas un abri refusé par la SNCF. Il sera construit en 1955 .... Et la halte sera supprimée en 1969 !!
Les gares de Bourre et Thésés avaient été inaugurées, elles, en 1908....
....et elle obtiendra de justesse le passage de la route 76 :
Monthou aura des sueurs froides au début du XIXeme siècle lorsque fut décidé le prolongement de la route alors royale pour finir de relier Tours à Nevers.
Il fallut beaucoup d'interventions des communes pour que le tracé de la route passe sur la rive droite du Cher.
Il était prévu de la faire passer sur la rive gauche.
Puis, il y eu des tergiversations pour la faire passer à Monthou. Les rapports techniques soulignaient ( et encore! ) les difficultés inhérentes " aux seuils formés par les dépôts qu'amènent les ravins" et le " crochet intolérable de Vineuil ". Des solutions de contournements avaient été envisagées.
Finalement la route passera à Monthou et la municipalité y contribuera de manière substantielle car les travaux sur son tronçon furent importants et chers.
En guise de conclusion : les enjeux de l'eau à Monthou se sont renouvelés dans les réalités d'aujourd'hui :
Risques d'inondations.
Pollution et questions environnementales.
Préservation de ce qu'il subsiste de nos moulins.
Mise en valeur de notre histoire , de notre patrimoine.
.... Et ainsi au fil de l'eau continue l'histoire de " Monto sur Chier ".
SOURCES :
Il n' est pas possible de citer ici toutes les sources et documents utilisés.
L' auteure a puisé dans ses travaux, ses conférences et expositions sur Monthou et cette partie de la Vallée du Cher, menés depuis plus de quinze ans.
Notre commune a eu la chance d'avoir deux citoyens ayant travaillé déjà sur son histoire.
Octave HENAULT, dans les années 20, avec son ouvrage manuscrit : " Monthou, une petite histoire locale"
Claude BOUSSEREAU, dans les années 80, avec son livre : " Monthou, une histoire de village".
L'auteure a aussi utilisé les recherches de Mr.DELETANG et Mr.LEYMERIOS pour les parties concernant préhistoire et antiquité ainsi que les travaux des abbés VOISIN et PRAT.
Sans oublier les ouvrages de DUBY et LONGNON, pour le moyen - âge et la Gaule.
Les collections des périodiques des " Amis du Vieux Montrichard " et des " Amis du site et musée de Thésée " ont été une ressource précieuse.