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A la Libération …


….L’inéligibilité de l’ancien maire André Troupeau

Un notable à la formation militaire

André Troupeau est né le 30 août 1878 à Montrichard. Ses parents sont qualifiés de « propriétaires » et son grand-père maternel est médecin.

il est diplômé de l’Ecole Supérieure de Commerce du Havre, en 1901.

Il se marie à Angers en 1906 avec Marie-Madeleine Gripat dont le père est médecin des Armées.

Le couple aura deux filles.

En 1925, il a le grade de chef de bataillon de réserve, après 25 ans de services, plusieurs blessures et une citation très élogieuse à l’ordre du 5e corps d’armée.

Il a été nommé Chevalier de la Légion d’Honneur en 1917 et Officier en 1925.

Dès 1905, on le trouve domicilié à Montrichard.

André Troupeau s’intéresse à la vie publique dans sa commune et s’y engage.

Il entre au Conseil Municipal en 1919. Il sera réélu en 1925 et 1929 mais ne parvient pas alors à se faire élire adjoint.

Il devient maire aux élections municipales de 1935.

Le 18 décembre 1942, il est nommé administrateur provisoire « de l’immeuble situé à Thenay appartenant à Lanzberg dit Lambert Xavier » dans le cadre de la politique d’aryanisation des entreprises et biens juifs.

André Troupeau est un modéré dont l’origine sociale, la formation et la carrière militaire le font pencher vers les idées d’ordre et de discipline que porte l’idéologie de la Révolution Nationale de Pétain.


Un maire nommé par Vichy

Le gouvernement de Vichy procède rapidement à des réorganisations des institutions et notamment des corps municipaux par la loi du 16 novembre 1940.

De nombreux maires sont révoqués, des conseils municipaux dissous, des délégations spéciales installées.

Le Conseil Municipal de Montrichard est lui maintenu et par arrêté du Préfet de Loir et Cher du 20 mars 1941, André Troupeau est nommé maire.

Les témoignages dessinent le profil d’un maire « légaliste » : il va appliquer la règlementation de Vichy et celle des Occupants sans zèle mais aussi sans protestation ni résistance.

Par cette attitude du « dos rond », il espère vraisemblablement éviter le pire à ses concitoyens. Il va ainsi déployer une activité notable pour la Défense Passive de sa ville.

Le 2 septembre 1944, après les derniers accrochages avec les soldats allemands dans lesquels le jeune FFI Frideloux fut tué, la ville est définitivement libérée.

Dès le 31 août au matin, le docteur Roger Phèlebon ( Comité Médical de la Résistance ) et le receveur-perceptieu Edouard Hippeau ( Libération Nord ) avaient amorcé la création d’un Comité Local de Libération de Montrichard qui sera constitué officiellement le 1er septembre.


Un maire reconduit par Comité Local de Libération

Le 4 septembre, le CLL décide de reconduire le maire André Troupeau dans ses fonctions.

Le 17 septembre, des cérémonies civiles et religieuses célèbrent la libération de Montrichard.

Le Conseil Municipal se réunit le 21 : c’est la première fois depuis le 15 mars. C’est celui maintenu par vichy.

Le maire se félicite « du départ de l’ennemi » et juge que « nous n’avons pas eu de trop grosses difficultés pendant l’Occupation ; ceci est dû à la parfaite correction de la population et à la dignité qu’elle a eu pendant ces quatre années ».

Le Conseil rend un vibrant hommage à André Troupeau. il lui adresse « ses félicitations et ses remerciements pour son attitude ferme et digne au cours de la délicate période de l’Occupation allemande. Grâce à son sang froid, la ville de Montrichard n’a pas eu à supporter de représailles sanglantes, sa personnalité a été le bouclier de la population. Au cours des bombardements aériens et pendant la retraite de l’armée ennemie, il s’est montré nuit et jour, le chef incontesté de notre cité ».


Un maire « démissionné » par les nouvelles autorités

L’ordonnance du 21 avril 1944 définissait la réorganisation des pouvoirs publics lorsque le territoire national serait libéré et elle prévoyait notamment la dissolution « des assemblées communales nommées par l’usurpateur ».

C’est la cas du Conseil Municipal de Montrichard. André Troupeau a été « démissionné d’office » par le nouveau Préfet, le résistant Louis Keller.

Une Délégation Spéciale a été nommée, dirigée par Gaston Beaufrère, membre de l’ancien Conseil.

Elle a à charge de composer un nouveau Conseil Municipal et de le proposer à la validation du Préfet.

Ce sera chose faite en novembre. Des membres de l’ancien Conseil dont le comportement pendant l’Occupation ne pose pas problème et dont certains furent des Résistants, sont maintenus. De nouveaux membres sont nommés en complément, quasiment tous sont des résistants actifs, membres du CLL.

Marius Bigot, chef de la 10e compagnie des FFI, lui aussi ancien militaire, demeurant à Montrichard, est élu maire.

C’est un homme respecté. Il a été membre du Groupe Fermé du Réseau Adolphe/SOE. Il a la confiance de la population.

Ce Conseil est transitoire en attendant la remise en route institutionnelle du pays et sa libération totale.

Les premières élections municipales de l’après-guerre ont lieu les 29 avril et 13 mai 1945. Les femmes votent pour la première fois.

Inéligible aux élections municipales de 1945

Deux listes se présentent dont une conduite par André Troupeau. C’est lui qui obtient le maximum de voix de tous les candidats et il est élu Conseiller Municipal au premier tour.

Ce qui tend à établir deux réalités : d’une part, la population ne lui manifeste pas d’hostilité majeure pour son comportement de maire sous Vichy et d’autre part, son positionnement politique, on dirait aujourd’hui de centre droit, est en phase avec une large partie de l’opinion publique montrichardaise.

Mais un problème juridique de taille se pose : le 22 mai 1943, le Préfet avait nommé André Troupeau membre du Conseil Départemental, collectivité qui avait remplacé les Conseils Généraux supprimés. Or, l’ordonnance du 21 avril 1941 interdisait l’élection dans une Assemblée Municipale d’un Conseiller Départemental nommé par Vichy s’il n’avait pas été Conseiller Général au moment de la suppression des Conseils Généraux.

L’ordonnance prévoyait toutefois la levée possible de l’interdiction « prévue pour des français qui ont participé à la lutte contre l’ennemi ou l’usurpateur ».

Il aura gain de cause

Le cas d’André Troupeau est soumis à un Jury d’Honneur national, créé pour examiner les situations litigieuses, présidé par René Cassin, qui fut le juriste de la France Libre à Londres, futur prix Nobel de la Paix en 1968.

Le 19 juillet 1945, le Jury rend sa décision. Il considère « qu’il n’est pas établi que l’intéressé ait accompli des actes impliquant une participation à cette lutte ». André Troupeau reste soumis à l’inéligibilité.

André Troupeau fera appel. Il obtiendra satisfaction auprès du gouvernement.

Il conduit une des deux listes en présence aux élections de 1947. Il sera simplement élu Conseiller Municipal.

En 1950, il sera proposé pour la Médaille Nationale de la Défense Passive. Un rapport des Renseignements Généraux souligne « qu’il se tint constamment au poste de secours lors des alertes et mitraillages » et que « rien ne s’oppose à cette distinction », d’autant que « le maire actuel n’y voit aucun inconvénient ».

André Troupeau se retirera de la vie publique et décède à Montrichard, le 21 février 1956.


                                                                                                                     

Thérèse GALLO-VILLA


Sources : 

ADLC : 1375 W 87 ; 1375 W 121 ; 3 M 897 ; 3 M 1130 ; 1652 W 33 ; 3 W 408 ; 3 W 369

Archives militaires : Registres Matricules

Archives du docteur Phélebon

Interview de Monique Fermé.