LES FEMMES, UN ROLE DECISIF

Les femmes dans la guerre de 14-18 :

 " Remplacez sur le champ du travail ceux qui sont sur les champs de bataille..."

La déclaration de guerre est une catastrophe pour les campagnes. 

On est en pleine moisson, fenaison, travail de la vigne.

Plus de trois millions trois cent mille hommes viennent de partir.

Et il va falloir nourrir troupes et civils.

Le gouvernement ne s'y trompe pas, même si on croit alors que la guerre sera courte et victorieuse.

Dés le 7 août, le Président du Conseil René VIVIANI lance un appel aux femmes françaises, en fait aux femmes des campagnes, pour les appeler à remplacer maris, pères et frères : " préparez-vous à leur montrer demain la terre cultivéeles récoltes rentréesles champs ensemencés.."

Cet engagement des femmes va se prolonger quatre ans et pas seulement le temps de la  moisson et des vendanges 1914 !

... À Monthou, comme ailleurs :

Certes, elles participaient déjà aux travaux des champs ; certes elles en connaissent les gestes ; mais maintenant elles doivent tout faire avec l'aide des anciens et des enfants.

C'est un engagement physique total qui leur est imposé.

Les chevaux réquisitionnés, il faut souvent tirer la charrue à l'épaule. 

Si il y a encore un vieux cheval, "passer le collier à chabines sur le garrot du cheval" est difficile, disaient ces femmes à Monthou.

Il leur faut assumer toutes les phases de la vendange, manipuler pressoir, cuves et muids.

Très vite, la pénurie va s’installer et les prix flamber.

Même à la campagne la vie devient très difficile. On manquait de tout. Bien des produits de première nécessité avaient disparu de l’épicerie ont rapporté des grands-mères de Monthou à leur petites-filles.

…Et les remplacer dans les usines.

Dés 1915, on sait que la guerre va durer. Le problème de la main d'œuvre devient vital en premier lieu dans les usines d'armement.

Il va être fait massivement appel aux femmes. En 1917, elles seront plus de 420 000 dans les usines d'armement.

Ainsi, les fameuses " munitionnettes" construiront 300 millions d'obus et 4 milliards de cartouches.

Les conditions de travail y sont très difficiles, dangereuses et insalubres. Des grèves importantes de ces femmes auront lieu.

Outre leur sens patriotique, ces femmes ont besoin de travailler pour survivre elles et leur famille.

Les salaires y sont plus élevés que dans les métiers traditionnellement féminins, mais elles demeurent moins payées que les hommes.

Appel aux femmes françaises du Président du Conseil des Ministres René Viviani

 

La guerre a été déchaînée par l'Allemagne malgré les efforts de la France, de la Russie et de l'Angleterre pour maintenir la paix. A l'appel de la Patrie, vos frères, vos fils et vos maris se sont levés et demain ils auront relevé le défi. Le départ pour l'armée de tous ceux qui peuvent porter des armes laisse les travaux des champs interrompus. La moisson est inachevée, le temps des vendanges est proche. Au nom du gouvernement de la République, au nom de la Nation tout entière groupée derrière lui je fais appel à vos vaillances, à celles des enfants que leur âge seul et non leur courage dérobe au combat. Je vous demande de maintenir l'activité des campagnes, de terminer les récoltes de l'année et de préparer celle de l'année prochaine. Vous ne pouvez pas rendre à la Patrie un plus grand service. Ce n'est pas pour vous, c'est pour Elle que je m'adresse à votre cœur. Il faut sauvegarder votre subsistance, l'approvisionnement des populations urbaines et surtout l'approvisionnement de ceux qui défendent à la frontière, avec l'indépendance du pays, la Civilisation et le Droit.

Debout donc femmes françaises, jeunes filles et fils de la Patrie ! Remplacez sur le champ du travail ceux qui sont sur le champ de bataille. Préparez-vous à leur montrer demain la terre cultivée, les récoltes rentrées, les champs ensemencés ! Il n'y a pas dans ces heures graves de labeur infime, tout est grand qui sert le pays. Debout, à l'action, au labeur ! Il y aura demain de la gloire pour tout le monde.

Vive la République! Vive la France !

Pour le Gouvernement de la République : le Président du Conseil des Ministres René Viviani

2 août 1914

 


...Dans notre région aussi : 

Les femmes vont aller travailler dans les usines de Gievres, Salbris, Romorantin, avec l'arrivée des troupes américaines.

Dés le 17 juin 1917, elles sont 18 ouvrières à Pruniers avec un contrat de travail de trois mois renouvelable.

Le 26 juin, l'armée US en recrute 81 toujours à Pruniers.

Puis, le 4 juillet, ce seront 46 ouvrières recrutées à Romorantin, etc.

Elles perçoivent des salaires de 6,50 à 7,50 F par jour ; elles sont logées et nourries pour 2,50 F par jour près des lieux de travail ; bénéficient de primes de rendement, de fin de contrat ou de licenciement ; de majorations de 50% pour le travail de nuit ; pour des horaires du matin 6h15 à 17h30 le soir.

Ces femmes viennent pour beaucoup de la Région Parisienne ou sont des réfugiées des zones de combats.

Il y une forte demande car pour l'époque ce sont des salaires très élevés, encore plus pour les hommes. 

Au point que l'UCI (Union des Commerçants et Industriels) proteste vivement car tout le monde veut aller travailler chez les Américains et les ouvriers demandent des augmentations !

Mais, après l'Armistice, les Américains  préparent leur départ : le 21 novembre 1918, 179 ouvrières sont licenciées.

… Au Front et à l'arrière :

Ce sont toutes ces femmes infirmières et bénévoles qui assument un rôle irremplaçable pour les soins aux blessés. Et tout autant pour leur apporter un réconfort moral et affectif.

Elles seront aussi "marraines de guerre", correspondant avec les poilus au front et les blessés dans les hôpitaux.

A Monthou, elles aideront les médecins américains à la Villa Ariane, transformée en maison de soins et de convalescence.

Ce sont toutes ces femmes qui vont investir bien des métiers.

A Monthou, le boulanger est au Front. Sa femme fait venir de Saint Georges son frère réformé. Il apprend en quelques jours à faire le pain ; et elle, elle s'en va faire les tournées en carriole.

Le marchand et photographe ambulant, qui stationne sur la place de la Mairie, lui aussi est mobilisé : sa femme le remplace et en voiture à cheval, visite villages et bourgs autour de Monthou.

Une étape sur  le long chemin des droits des femmes :

Contrairement à une idée acquise, les femmes étaient déjà nombreuses à travailler avant la guerre. 

Mais la guerre a fait exploser l'activité salariée des femmes.

A la fin de la guerre, la plupart d'entre elles doivent abandonner leur travail et le "rendre" aux hommes de retour. 

Le travail des femmes pendant la guerre est mal vu, accusé de leur donner des idées émancipatrices et de mauvaises mœurs.

Les droits civils et politiques leurs sont toujours refusés.

Pourtant plus rien ne sera comme avant et elles vont engranger d'abord des droits sociaux : amorce du congé maternité, de la retraite, de l'accès à des études et des métiers encore réservés aux hommes, etc. 

Et poursuivre lentement mais sûrement leur accès à tous les niveaux d'enseignement et au monde du travail.

Mais il faudra, hélas, une autre guerre mondiale pour qu'elles acquièrent enfin le droit de vote.


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