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 " Une histoire dans l'Histoire : Monthou-sur-Cher et son Eglise "


Pour la deuxième année consécutive, notre Association a organisé ses " 4 heures du patrimoine de Monthou sur Cher ", le 17 septembre 2016, dans le cadre des Journées Européennes du Patrimoine.

Le texte publié ici est la synthèse de la Conférence présentée par Thérèse .


Les origines et les phases de la construction. 


1- un lieu de culte immémorial : 

L'église de Monthou a vraisemblablement été édifiée sur un lieu de culte remontant à la Préhistoire, pour le moins à l'époque celte.

Les vallées du Bavet et des Anguilleuses ont été habitées dès le Néolithique.

Cette zone a été une sorte de " zone frontière ", appuyée aux coteaux et plateaux qui l'enserrent.

Elle délimitait trois tribus celtes (Les Turons, les Carnutes, les Bituriges). Sur le territoire de ces tribus, se sont superposés les structures territoriales gallo-romaines, puis les évêchés mérovingiens et carolingiens.

On connaît la place de l'eau dans les cultes religieux antiques.

L'emplacement de ce lieu de culte se situait alors entre deux bras du Bavet. Celui passant derrière le chevet à été asséché au XVe siècle pour agrandir les possibilités d'inhumation du cimetière.

Une source coule toujours sous l'emplacement des deux chapelles latérales.

2 - La présence d'un monastère dès le VIe siècle ?

Le VIe siècle est une période de christianisation poussée dans notre zone.

Elle est relativement peuplée avec des bourgs actifs : artisanat, commerce Nord-Sud via les gués du Cher, commerce Est-Ouest via le Cher      ( vers la Loire et l'Atlantique, vers le Rhône et la Méditerranée, la route vers l' Espagne par Montrichard-Loches ).

Ce sont les moines de la Région d'Orléans, notamment ceux de l'Abbaye de Micy, qui évangélisent  la Sologne et la vallée du Cher.

La légende dit qu'un petit monastère aurait été construit à Monthou ( dont le nom en serait dérivé mais une autre hypothèse fait découler le nom de Monthou de mots gaulois). Si tel est le cas, on ignore où il fut construit et il n'en subsiste aucune trace. 

C'est à ce monastère qu'appartenait, toujours suivant la légende, le jeune moinillon Lié dont l'histoire est à l'origine des croyances dans les miracles de St. Lié et de la fontaine à l'eau miraculeuse qui porte son nom et qui se trouve près du lieu-dit de la Varenne.

Cette croyance donnera lieu à un important pèlerinage sous l'Ancien Régime qui durera jusqu'au XIXe siècle et contribuera aux ressources de l'Eglise et de la fabrique.


3 - Les hypothèses sur la grandeur de l'édifice :

Cette grandeur ( notamment sa hauteur ) frappe le visiteur et interpelle, en raison de la taille somme toute modeste de la commune.

Quatre hypothèses, certaines se cumulant, peuvent être avancées.

a) Vers l'an mille, la population devait être assez importante :

Outre ce qui est dit plus haut, le développement de notre zone s'est intensifié alors avec les défrichements et la culture étendue de la vigne, l'accroissement de l'élevage ( moutons pour peau et laine), l'installation de 13 moulins sur le Bavet et les Anguilleuses ( à tan, à foulon, à farines).

Ainsi, se sont multipliés des métiers de l'artisanat liés à ces activités et à la catégorie très majoritaire des vignerons.

b) La renommée  du culte de  St. Lié :

Il devait attirer pèlerins et croyants des alentours, rendant nécessaire une capacité d'accueil de l'Eglise.

c) Le besoin d'un abri défensif :

Le château du Gué-Pean qui a assumé un rôle militaire de défense dès ses origines, se situe à près de deux kms du Bourg. Il en est de même du château de Bizard.

L'obligation féodale de défense des paroissiens par le seigneur ( celui du Gué-Péan est le seigneur de la paroisse )  est donc posée. 

On peut penser que l'église a assumé ce rôle.

Cette hypothèse est renforcée par les restes encore visibles dans l'escalier qui monte au clocher de l'emplacement d'une porte et de ses ferrures dans les murs. À hauteur du premier étage. Ainsi les villageois réfugiés dans l'Eglise pouvaient aussi se réfugier plus haut.

Il convient d'avoir à l'esprit que de par son positionnement aux confins de la Touraine et appartenant féodalement aux seigneurs de St Aignan, vassaux des comtes de Bloîs, donc vassaux eux-mêmes du roi de France, Monthou était aux premières loges des escarmouches entre les seigneurs de Pontlevoy et de St. Aignan menées pour leurs suzerains avec les comtes d'Anjou.

Sans parler des querelles belliqueuses entre seigneurs locaux pour agrandir leur fief. 

d ) L'existence d'une Seigneurie en plein développement :

Ce sera le cas dans les luttes qui opposeront les comtes d'Anjou, puis les Rois d'Angleterre possesseurs de l'Anjou, avec les rois de France.

Ce sera encore le cas lors de la guerre de Cent ans.

Le Gué-Péan va peu à peu devenir un château féodal de surveillance et défense que les seigneurs de St.Aignan vont confier à des fidèles.

Les agrandissements du XIII e et du XVe de l'Eglise s'inscrivent dans cette montée en puissance de la seigneurie du Gué-Péan.


4 - L'édifice à l'époque romane :

On peut penser que s'il y a eu un petit édifice consacré au culte chrétien en liaison avec le monastère, celui-ci est en piteux état vers l'an mille ( passages des " barbares " et des wikings ).

L'an mille voit se multiplier les édifices religieux.

La construction de celui de Monthou débute donc au début du XIe siècle.

Il est typique de l'art roman local.

C'est un plan en croix latine.

Il y a eu pas mal d'extrapolations sur le fait que l'abside était légèrement tournée vers la gauche si on se place parmi les fidèles.

Les bâtisseurs avaient-ils rencontré des obstacles : eau, pierre, etc. ?

Avaient-ils reproduit la même position que la tête du Christ sur la Croix.

En fait, l'abside est tournée vers l'orient d'hiver, là où le soleil se lève le 21 décembre.

C'est aussi l'orientation de Jérusalem.

En fait, les bâtisseurs, ont prolongé ainsi une croyance majeure des cultes anciens, notamment celte, sur l'importance du solstice d'hiver symbolisant le renouveau de la vie avec le rallongement de la durée de la clarté diurne.

La nef est très allongée. Des piliers massifs soutenaient la voûte centrale.

Il y a des traces de la présence d'un clocheton pour surveiller, avertir d'un danger et sonner.

A l'extérieur, le chœur et la façade gardent, bien restaurés, des décors réticulés romans.

5 -  L'édifice gothique :

Deux phases de constructions marquent cette période :

La première, au XIIIe, transforme pour partie l'Eglise.

La voûte est rehaussée.

Un clocher de plan carré est élevé. Un escalier se trouve dans un des piliers sur la gauche.

Deux chapelles latérales sont construites : l'une dédiée à St. Lié ( elle le sera ultérieurement à St. Vincent, patron des vignerons) et l'autre à la Vierge Marie. 

Deux caveaux seront creusés au tout début du XVIIe pour les sépultures de notables dans La Chapelle St.Lié et des seigneurs du Gué-Péan dans celle de la Vierge.

La seconde phase intervient au XVe avec, à nouveau, un relèvement de la voûte, la percée de fenêtres en hauteur, des modifications de la façade, et d'autres aménagements secondaires.

6 - L'Eglise ne changera plus beaucoup :

L'Eglise de Monthou ne connaîtra plus par la suite de transformations majeures.

Cette homogénéité complémentaire de ses phases romanes et gothique ( avec peu de gothique flamboyant ) lui confère un style dépouillé et sobre avec une incontestable élégance.

On notera que l'église de Monthou porte encore plusieurs traces bien visibles des litres funéraires de François de la Motte-Villebret, comte d'Aspremont, ingénieur militaire de Louis XIV, mort en 1678, et qui avait acheté la châtellenie du Gué-Péan deux ans auparavant.

Nous reparlerons de la sacristie construite en 1867 et de la question récurrente des travaux d'entretien et de restauration, ainsi que du patrimoine mobilier de l'Eglise.


7 - L'Eglise de Monthou dans l'organisation religieuse :

L'Eglise de Monthou fut placée sous le patronage de St. Cyr et plus tardivement de sa mère Ste. Julitte appelée souvent Juliette par les Anciens. 

Ils s'agit de deux martyrs d'Asie Mineure : St.Cyr, âgé de cinq ans, avait proclamé sa foi chrétienne, face au tribunal condamnant des chrétiens. Le juge lui fracassa le crâne et tortura sa mère. 

La légende dit que St. Lié fut le premier patron de l'Eglise mais rien ne le confirme.

Elle fut donnée à nomination à l'Abbaye de Beaulieu les Loches, fondée par Foulque Nerra, par l'évêque d'Orléans, vraisemblablement durant la période où la seigneurie de St.Aignan fut sous domination angevine. 

Cette donation fut confirmée par une bulle pontificale de 1163.

La paroisse de Monthou relevait donc de l'évêché d'Orleans.

L'Abbaye de tutelle appartenait elle à l'évêché de Tours.

Déjà une dualité qui va caractériser l'histoire de la commune tiraillée aux différentes périodes historiques entre plusieurs pôles .

La propriété foncière dans la paroisse est très majoritairement aux mains du clergé, ainsi qu'une bonne partie des activités économiques ( notamment les moulins).

Celle de Beaulieu les Loches mais surtout celle de Pontlevoy et le chapitre de St.Aignan en sont les principaux propriétaires.

Cyr à été longtemps un prénom très usité à Monthou, voire un patronyme.

Beaucoup moins celui de Juliette pour Julitte.


8 - La présence d'un prieuré :

Il existait un prieuré dont on peut encore voir une partie de la bâtisse délabrée.

Il relevait lui aussi de l'Abbaye de Beaulieu les Loches et avait les mêmes saints patrons que l'Eglise.

C'était un prieuré dit " simple ", c'est à dire sans charge d'âmes.

Il assurait surtout des revenus à ses titulaires qui contractaient à bail les terres et vignes attachées au prieuré.

 Sous l'Ancien Régime, l'Eglise est le centre

de la vie spirituelle et institutionnelle : 


1 - Elle est cœur du Bourg :

Là où se concentrait l'essentiel des activités artisanales, se situaient le four banal, les demeures de notables ( avocat, juge, etc. ).

Monthou se caractérise par un bourg ramassé et de nombreux " villages " et " écarts " sur lesquels s'exerce l'attraction des paroisses avoisinantes notamment Bourré dont le village important de Vineuil est proche ( le territoire de Monthou s'étendait quasiment jusqu'à la place de Bourré jusqu'en 1851 ).

On l'a dit, le Gué-Péan était éloigné et ses seigneurs peu présents.

On notera que les curés successifs devront veiller au respect par les paroissiens de leur appartenance à Monthou.

2 - Une christianisation complexe :

La prégnance celte, la présence de puissantes tribus gauloises et l'importance dans tous les domaines de la civilisation gallo-romaine, avaient profondément marqué Monthou et la Vallee du Cher.

Ce fut particulièrement vrai pour les dieux et divinités dans cette "zone frontière " où nombre de lieux-dits traduisent ces croyances ainsi que la présence de menhirs et dolmens qui deviendront des pierres délimitantes de ces Anciens territoires.

La christianisation y fut difficile.

Ainsi, au XVIIIe siècle, les tournées pastorales des évêques d'Orléans soulignent le faible nombre de ceux qui communient à Pâques, l'absentéisme prononcé à la messe dominicale, l'état de vétusté des Églises, etc.

3 - L'organisation de l'Eglise :

Monthou restera rattachée au diocèse d'Orleans jusqu'à la Révolution et elle faisait partie de l'archidiaconé de Sologne.

La paroisse n'est donc pas concernée par la création du diocèse de Blois en 1697 sous Louis XIV.

Elle le rejoindra lors de la constitution des départements et des nouveaux diocèses. 

Un vicaire assistera le curé à de brèves périodes.

Le clergé est le second ordre de la Nation et l'Eglise perçoit la dîme. 

À Monthou, la dîme est constituée certes de céréales mais aussi de vin et de bois.

Il existait une grange aux dîmes dans le bourg.

Comme nous l'avons souligné, le second ordre est le plus important propriétaire foncier à Monthou et détient les meilleurs vignobles.

Ce patrimoine foncier à été enrichi au fil des siècles par des donations et des rentes gagées sur la terre.

Le clergé tire aussi des revenus des prestations religieuses : sacrements, messes, location des bancs, pèlerinages de St.Lié, etc.

4 - Les missions de l'Eglise :

Elles sont alors très diversifiées.

Il y a bien sur tout ce qui relève du culte et en particulier les derniers sacrements. Les curés successifs de Monthou n'ont cessé de se plaindre des difficultés de déplacements résultant des " débordements des ruisseaux" et " des planches ruinées ", surtout pour assister les mourants. Il en est de même pour les baptêmes qui obligent souvent les sages-femmes à " ondoyer" un nouveau né qui sera baptisé plus tard.

Il y a l'assistance aux pauvres, aux malades.

La tenue des registres paroissiaux est une de ses missions majeures : à Monthou, les registres paroissiaux pour les baptêmes remontent à 1600.

Le prône du dimanche est le Journal Officiel de l'époque. Le curé informe les paroissiens des nouvelles administratives : telle ordonnance royale, la naissance d'un dauphin, la venue des collecteurs de la taille, etc. 

L'Eglise est le lieu de la vie collective : les ventes aux enchères devant le porche ; lAssemblée Annuelle des Habitants et des Manants ainsi que des réunions de notables, des collecteurs, se tiennent dans l'Eglise ; etc

5 - La fabrique :

La fabrique est une institution composée de paroissiens, généralement des notables, qui assiste le clergé dans la gestion administrative de l'Eglise ( entretien, travaux, cérémonies, comptabilité, etc.)

Ses membres jouissent de certains " privilèges " : places dédiées dans l'Eglise, place en tête des processions et portage des objets du culte, places recherchées pour leur inhumation, etc.)

Les fabriques existeront jusqu'à la loi de séparation en 1905.

Elles seront alors remplacées, avec des modifications, par des conseils paroissiaux.

6 - Cimetière et inhumations : 

Le plus vieux cimetière de la paroisse couvrait l'actuelle place publique jusqu'à hauteur des écoles.

Comme à peu près partout, les notables et les plus riches étaient inhumés dans l'Eglise, si possible le plus près possible de l'autel ; les autres l'étaient à l'extérieur mais là aussi, leur souhait était d'être inhumés le plus près possible du mur du chevet.

En raison des questions d'hygiène publique qui se posaient ( puanteur, chiens déterrant les corps, etc.) et de la raréfaction des surfaces utilisables, une ordonnance royale de Louis XVI en 1776 prescrit l'interdiction d'inhumer dans les Églises et l'obligation de mettre en service de nouveaux cimetières dans des lieux plus adaptés.

Après bien des vicissitudes pour obtenir des parcelles, le " nouveau " cimetière est mis en service ...en 1920. 

Il deviendra à son tour le " vieux cimetière " avec la création d'un nouvel emplacement sur les hauts après-guerre.

7 - Un curé emblématique

d'Ancien Régime : le curé Dubois.

Le curé Charles Dubois fut curé de Monthou pendant 46 ans, de 1732 à 1778, mort à 80 ans

Il décède donc à un âge exceptionnel pour l'époque où la réglementation d'alors qualifiait de " vieillard " un homme de 60 ans.

Outre ses fonctions pastorales, le curé Dubois est propriétaire foncier, faisant cultiver ses vignes, fabriquer et vendre son vin.

Il prête aussi de l'argent aux notables et artisans de Monthou et des autres paroisses environnantes, sous la forme autorisée par l'Eglise, des constitutions de rentes.

Si l'Eglise a depuis fort longtemps interdit l'usure et les prêts, il a bien fallu tenir compte de l'absence de systèmes bancaire et accepter un système qui donne des garanties aux emprunteurs.

Le curé Dubois n'enseigne pas vraiment mais concourt à donner des rudiments de connaissances aux fils des notables. 

Charles Dubois est un homme instruit et lettré ce qui le singularise au regard d'autres curés de campagne.

À son décès, il laisse une très belle bibliothèque, qui à côté d'œuvres religieuses comme celles de Fenelon, comporte des ouvrages de Cervantes, Boileau, etc.

Le curé Dubois a contribué à structurer une attention permanente des municipalités qui géreront la commune aux enjeux de l'éducation.

À son décès, il laisse une très belle bibliothèque, qui à côté d'œuvres religieuses comme celles de Fenelon, comporte des ouvrages de Cervantes, Boileau, etc.

Le curé Dubois a contribué à structurer une attention permanente des municipalités qui géreront la commune aux enjeux de l'éducation.

L'Eglise de Monthou de 1789 à la loi de 

séparation de 1905. 

A - De 1789 à 1830 : une période de " paix religieuse " .

1 - Un clergé assermenté :

On l'a souligné, la paroisse avait une pratique " ad minima " du culte.

Les deux curés de la période révolutionnaire partage les idéaux de 1789.

Ils prêtent sans état d'âme le serment de fidélité à la Constitution.

Ils seront en cela en symbiose avec la très grande majorité de leurs paroissiens, en premier lieu les vignerons.

Le curé sera d'ailleurs le premier maire de la commune, en cumulant avec sa fonction de curé.

Monthou ne connaîtra donc pas de fractures comme d'autres communes dont les curés seront des " réfractaires " au serment.

2 - Une adhésion populaire à la vente des biens du second ordre :

La vente des biens ecclésiastiques débute à Monthou en novembre 1789.

Elle s'étendra sur plusieurs années.

C'est le grand basculement de la propriété privée.

Vignerons, meuniers, laboureurs, etc. achètent ces biens.

L'Eglise de Monthou ne sera pas vendue ni la curé, car selon la réglementation, les habitants n'ont pas expressément dit qu'ils abandonnaient l'exercice du culte !

Par contre, la grange aux dîmes sera vendue.

Le curé de Monthou sera acquéreur de vignes ex-ecclésiastiques !

Les décisions nationales y seront appliquées : saisie des objets en métal, vente aux enchères des biens mobiliers, etc.

Une des deux cloches sera descendue et fondue. 

"Marie-Charlotte", la deuxième cloche, a été conservée. Elle était quasiment neuve car posée en 1765.

3 - Une autorité seigneuriale inexistante :

Après la résidence à demeure pendant plusieurs décennies de Marie-Philiberte Amelot, décédée en 1778, le marquis de Gué-Péan son neveu qui a hérité du domaine, y réside peu. 

René-Michel Amelot, capitaine de cavalerie réformé, est plutôt favorables aux idées nouvelles.

Son beau-père Edouard-Jean de Luker est très engagé dans la mise en place du nouveau régime à Beaugency.

Les droits seigneuriaux pèsent peu et, dans la pratique, la grande majorité de la population est de facto propriétaire de son lopin de vigne ou de terre.

À Monthou, il n'y aura pas d'incident, encore moins d'affrontement, entre tenants de l'ancien ou du nouveau régime politique et religieux.

René-Michel Amelot émigrera tardivement en août 1792 et dans des circonstances particulières.

4 - Une déchristianisation passive :

Cette déchristianisation à été caractérisée ici comme ailleurs par : la perte de la tenue des registres de naissances, mariages, décès (1792) ;  le calendrier républicain ; la déprêtisation : les persécutions des prêtres réfractaires ; le culte de la Raison puis de l'Etre Suprême ; l'interdiction des signes religieux ; l'interdiction de sonner les cloches sauf pour le tocsin ; etc.

Le concordat de 1801, effectif en 1802, rétablit la vie religieuse et l'organise.

Les églises rouvriront en 1795.

Ni les archives ni la mémoire collective n'ont mentionné d'incidents religieux à Monthou.

5 - Les premiers travaux d'entretien de l'Eglise :

Au début du XIXe, sous le Premier Empire, l'Eglise et le presbytère sont en très mauvais état.

Les premiers travaux sont un vrai parcours du combattant pour l'accord du Ministère des Cultes, l'établissement des devis, l'imposition à concurrence de la commune et enfin les travaux.

L'affaire dure de 1804 à 1811.

Nous le verrons, un autre train de gros travaux interviendra plus tard, avec la course aux financements, en parant au plus urgent bien souvent en attendant !

La fabrique de son côté va embellir l'Eglise, après l'arrivée à Monthou de la famille de Cassin.

Clef de voûte, détail. (Photo Guibout. Propriété de l'auteur).


6 - Deux curés emblématiques de la période révolutionnaire.


Le curé Meyssonnier des Brueres :

Il était issu de ce fameux Chapitre des Chanoines de St.Aignan qui fournira nombre de dirigeants et fonctionnaires aux administrations révolutionnaires du Loir et Cher.

Il était assermenté et très engagé dans le processus révolutionnaire.

C'est lui qui fut le premier maire élu et chargé à ce titre de la mise en œuvre de la réformes fiscale.

Nommé à Monthou en 1785, il était très vigilant sur les respect de ses prérogatives et faisait la chasse aux paroissiens qui fréquentaient une Eglise plus proche de leur domicile ou y recevaient des sacrements.

Il fut particulièrement pugnace face aux velléités d'une partie des habitants de Bourré qui dans une pétition réclamaient, en 1790, leur rattachement à cette commune. Ce qui se réalisera en partie en 1851.

Mais Monthou était un cadre trop étroit pour les ambitions du curé Meyssonnier.

En 1791, il sera élu vicaire général de l'évêché de Blois aux côtés de l'Abbé Grégoire.

Le curé Gatignon :

Il succède au précédent et comme lui, il appartenait au Chapitre de St.Aignan.

Le curé Gatignon va traverser tous les régimes de cette période.

Il sera le curé de Monthou pendant presque 40 ans.

Il est aussi vigneron à ses heures et notamment pendant la déchristianisation.

Il deviendra " officier public ", ne sera plus prêtre. 

C'est lui donc qui en sa nouvelle qualité, prononcera le divorce du couple Amelot.

Divorce lui aussi de circonstance pour tenter de sauver le patrimoine d'un noble émigré.

Le curé Gatignon a joué un rôle charnière dans cette " paix religieuse ".

Il meurt en 1830.

Il fut unanimement pleuré et regretté. Sa tombe à l'inscription effacée est dans le vieux cimetière, en haut, à gauche.


B - De 1830 à la loi de 1905 : une période plus clivée sur les questions religieuses :

1 - Le rôle de la famille de Cassin :


 Alphonse de Cassin, militaire réformé, acquiert le domaine du Gué-Péan en 1832, à la suite du décès du dernier Amelot.

C est une famille originaire d'Angers qui appartient à la fraction la plus conservatrice et traditionaliste de la noblesse. Sur le plan religieux, ils soutiennent les positions " ultramontaines ".

Elle va jouer un rôle moteur dans la naissance puis l'exacerbation des divisions communales, notamment autour de la double bipolarité : pratiquants/ non pratiquants ; monarchistes/ républicains et bonapartistes.

Les barons successifs parviendront à se faire élire au Conseil Municipal ( puis y renonceront ) mais jamais à se faire élire maire !


La famille de Cassin va assurer le financement d'oeuvres et d' initiatives pour l'Eglise de Monthou.

2 - Les enjeux autour des réparations de L'Eglise, de la sacristie et du presbytère :

Depuis les travaux sous le Premier Empire, il n'avait été procédé qu'à des rafistolages.

Le clocher menace de s'écrouler en 1873. Un âpre débat à lieu entre la mairie et la fabrique sur qui prend en charge quoi ! Finalement, la mairie assurera le financement des travaux car les contreforts commencent à s'écarter !

La construction d'une sacristie ( accolée à l'Eglise ) en 1867 et d'un nouveau presbytère ( derrière l'école ) en 1862 sera prise en charge par la mairie. 

Le maire ( Victor Deniau, bonapartiste ) va appliquer la stratégie du donnant-donnant : l'Eglise donnera en contrepartie au financement municipal, des terrains attachés au presbytère pour construire l'Ecole et une mairie.

Ce qui fut fait.

3 - L'âge d'or de l'Eglise de Monthou :

La fabrique est dirigée par un conseil de 5 membres, plus deux membres de droit ( le curé et le maire ).

Grâce aux subsides des Cassin, l'Eglise prend fière allure.

Des chaises remplacent les vieux bancs. Des boiseries sont installées.

Des instruments de musique sont achetés avec des partitions.

Un chemin de Croix est posé.

On acquiert un baldaquin, un dais.

Un autel neuf est acheté en 1881.

Les portes de l'entrée sont refaites, grâce à un donateur, en 1900.

Ainsi, en 1895, l'Eglise emploie : une sacristaine, deux chantres, un organiste, un souffleur, un instrumentaliste, un balayeur et pour les cérémonies importantes .... un Suisse.

4 - La création de l'école confessionnelle pour les filles : 

Après l'instauration définitive de la République et l'essor des idées laïques, la papauté met l'accent sur le rôle des femmes dans la transmission des valeurs religieuses.

Il convient de les éduquer pour cette mission et favoriser la création d'écoles confessionnelles pour  filles.

Le débat de l'enseignement religieux avait été relancé après l'éphémère seconde république en 1848. 

On connaît le rôle de Mgr. Dupanloup, évêque d'Orléans, en ce domaine.

Ainsi, Monthou, sera la seule commune du canton à avoir une école confessionnelle de filles.

Celle- ci est entièrement financée par les Cassin : local, matériel, enseignantes.

Ce sont les religieuses de la Congrégation de la Providence de la Pommeray qui y enseigneront.

Sa fréquentation fut toujours modeste, cantonnée aux filles des employés du baron et celles du cercle de paroissiens liés à la fabrique.

5 - L'affaire de la donation du baron Alphonse de Cassin :

Cette affaire va envenimer les rapports mairie / Eglise.

Léonce de Cassin meurt en 1893.

Par testament, il lègue 5000 francs " aux pauvres " de la commune, en faisant confiance aux membres de la fabrique pour leur affectation.

Un imbroglio juridique va s'en suivre sur le fait de savoir si un tel legs relève de la fabrique ou du bureau de bienfaisance municipal qui a en charge les pauvres.

L'affaire est aggravée par l'existence d'un autre testament, les querelles entre héritiers et la contestation dû legs par une partie des héritiers !

Après plusieurs années de procédures, un décret présidentiel en 1900, établira que ni la fabrique, ni le bureau de bienfaisance ne peuvent recevoir ce legs !

La fabrique percevra la modique somme correspondant aux messes souhaitées par le baron.


c) De la loi de séparation à l'après guerre :


1 -  Le prologue : l'affaire de l'école des filles :

La loi de 1901 sur les Associations impose aux congrégations une demande d'autorisation légale pour leurs établissements scolaires, sinon elles prennent le risque d'être obligées de les fermer.

L'école de filles de Monthou refuse de faire la demande.

Après plusieurs rappels de la procédure à respecter, elle sera fermée en novembre 1902, malgré les protestations d'un Comité de défense des écoles libres de Loir et Cher.

Une partie des élèves rejoint l'école publique.

Les sœurs donnent quelques cours particuliers à leur domicile à une poignée d'élèves.

En mars 1903, coup de théâtre à Monthou : une école libre ouvre avec d'ex-religieuses qui se sont sécularisées !

La municipalité le prend très mal et intente un procès à l'instigateur de cette habile utilisation de la nouvelle législation, le baron de Cassin ! Qui obtiendra un non lieu....

2 - La mise en œuvre de la loi du 12 décembre 1905 à Monthou :

À Monthou, depuis la Révolution et confirmée par le Concordat, la commune est propriétaire de l'Eglise et du presbytère. Ce qui simplifie la situation.

L'application de la loi va donc porter sur les biens mobiliers.

L'inventaire prévu par la loi a lieu le 10 mars 1906.

Il comprend trois parties.

La liste des biens relevant de la fabrique (ornements, chaises, orgue, lutrin, etc.). Ce sont en gros les objets qui peuvent être déplacés.

Celle des biens de l'Eglise dont la fabrique n'a que la jouissance ( sols, autel, chaire, bénitiers, vitraux, etc.).

Enfin l'argent disponible ( on y note la somme placée en rentes de l'Etat pour les messes à Léonce de Cassin ).

Deux annexes sont ajoutées à l'inventaire.

Une du baron qui réserve ses droits sur des statues et les vitraux de La Chapelle de la Vierge, offerts par sa famille et, en tant que mandataire, il réserve aussi ´ceux de deux bienfaitrices.

Une autre du curé qui précise que sa signature de l'inventaire ne vaut pas adhésion à une loi qu'il condamne.

Un conseil paroissial remplace dorénavant la fabrique.

3 - Les rapports de la municipalité et de l'Eglise après 1905 :

Le rapport des forces au sein du conseil municipal tournera durablement autour des 2/3 pour les républicains laïques, sauf en 1924.

Les rapports seront souvent tendus.

En 1920, le choix du lieu d'implantation du Monument  aux Morts donnera lieu à un sévère affrontement.

La municipalité souhaite qu'il soit sur la place publique, bien visible.

Le baron initie une pétition pour qu'il soit installé dans le cimetière.

La majorité municipale imposera sa position.

Le montant du loyer du presbytère sera une question récurrente. Pendant la guerre, le curé est au front. La municipalité ne fait plus payer le curé. Mais les troupes américaines s'installent au presbytère et dédommagent le curé ! La mairie lui réclame de l'argent. 

Finalement, le curé ira habiter ailleurs et le presbytère sera loué.

L' entretien de l'Eglise fera l'objet de débats pour savoir quels sont les travaux d'entretien qui incombent à la mairie ou au conseil paroissial. 

C'est après la seconde guerre qu'interviendront de très gros travaux de restauration.

Enfin, ces rapports tendus sont nourris par les rivalités et tensions entre les Associations mises en place par la municipalité et celles créées par les barons de Cassin qui " doublonnent " tout : gymnastique, musique, aide aux pauvres, etc.

4 - Le classement de l'Eglise :

Les conseils municipaux de Monthou attacheront toujours de l'importance à l'Eglise en tant qu'édifice historique, culturel et mémoriel.

Dès les années 1870, son inscription est demandée à l'inventaire des Monuments Historiques.

Un dossier sera établi avec photos à l'appui.

Cette inscription interviendra en 1926.

Certes, elle offre une réglementation protectrice et un accès à des subventions.

Mais il aurait fallu que l'Eglise soit classée monument historique pour pouvoir bénéficier d'une participation financière plus soutenue de l'Etat.

5 - Un curé charismatique : Guy Godin.

Guy Godin était un solognot, né à Souvigny en 1914. Son père mobilisé est tué la même année.

Il est élevé par son oncle et entre au séminaire.

Il sera affecté en tant que vicaire à Romorantin en 1937.

Il est nommé curé de Monthou en mars 1942.

L'abbé Godin est un Résistant. Il devient un " passeur " assidu du franchissement de la ligne de démarcation. Il cache les candidats au passage dans le presbytère.

Des paroissiens forment autour de lui un noyau de passeurs.

Il sera décoré de la médaille de la Reconnaissance Française sur proposition de personnes qu'il avait faites passer en zone libre.

L'abbé Godin est un battant, qui consacre du temps et de l'enthousiasme à s'occuper des jeunes.

Il recevra à ce titre la médaille d'argent du Ministère de la Jeunesse et des Sports.

Il va donner un second souffle aux œuvres caritatives des Cassin.

Il sera ensuite curé de Contres en 1964, où il décède en 2010.

C'était, à la lumière des témoignages de "tous bords" un personnage à la forte personnalité, engagé dans ses convictions.

Il entretenait avec le maire communiste d'alors, André Beauvais, des rapports qui ressemblaient fort ( avec les connivences solognotes de l'amour de la chasse et de la pêche ) à ceux de Don Camillo et du maire Peppone.

Le " mystère de l'Eglise de Monthou " 


On connaît les membres de la famille Alamant inhumés dans le caveau des Seigneurs du Gué-Péan.

On peut penser probable que les restes du brancard funéraire (qui semble avoir été recouvert de brocard) est celui ayant servi à l'inhumation de Marie-Philiberte Amelot, décédée au Gué-Pean, .

Mais à qui appartiennent ces deux cœurs dont un est nettement plus petit que l'autre ?

On sait que pour les nobles d'importance et pour les militaires, morts loin de leurs terres, la coutume sous l'Ancien Régime, était souvent de prélever leur cœur et de les inhumer dans le caveau familial de leur paroisse nobiliaire.

Aussi trois hypothèses peuvent être avancées :

Ces cœurs peuvent être ceux de Hubert-Henry d'Estampes, mari de Marie-Philiberte Amelot, mort à Paris ( 1734 ) et de leur fils Dominique-Jacques, militaire, mort en Bohême ( 1738 )

Ou ceux de François de La Motte-Villebret ( mort en 1678 ) à Paris et de sa fille Jeanne, morte à Souvigny en Touraine, un mois après lui, à 3 ans.

Les litres funéraires et un début de ce qui semble être un monument funéraire resté anonyme vont dans ce sens.

Ou ceux de René Michel Amelot ( mort en 1813 ) à Paris et de sa femme Émilie de Luker ( morte en 1822 ) à Beaugency, de par la volonté de leur fils, attaché jusqu'à l'obsession à la reconstitution du passé familial et aux droits de la noblesse.

Ces hypothèses sont difficiles à vérifier car l'essentiel des archives utiles sur ce sujet n'existent plus.

Mais la conférencière ne renonce pas à poursuivre ses recherches pour résoudre ce mystère.

 En guise de conclusion : 

La chaire, le lutrin, l'orgue, le chemin de croix, etc. n'existent plus. 

Vétustes et délabrés, ils ont été enlevés et détruits après- guerre.

Par contre l'Eglise de Monthou a fait l'objet de travaux de restauration et d'entretien qui donnent belle allure à cet édifice.

Le Syndicat d'Initiative de Monthou a, sous la présidence de Claude Mouzay, fait restaurer le tableau dit " de la Vierge Marie enfant et sa mère Ste.Anne" et, sous la présidence de Paul Dervaux, fait placer des vitraux représentant une version très moderne de l'arbre de Jessé.

L'histoire de l'Eglise et celle de la commune sont intimement liées avec des caractéristiques spécifiques certes mais qui reflètent bien ce qui furent les grands courants d'idées politiques et religieux du XIXe et XXe siècles en France.


Sources et documents :

Claude Boussereau, " Monthou sur Cher, une histoire de village",   Chailles, 1991.

Octave Henault, " Monthou, petite histoire locale ", manuscrit, Monthou, 1924.

La série V des AD 41.

Alain Perrot, "L'église de Monthou-sur-Cher", Mémoires de la SSL de Loir et Cher, T.40, 1985.

Les recherches et travaux de la conférencière menés sur Monthou et notamment le Gué-Péan, dont certains sont déjà publiés sur ce site.


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