La Bataille de Verdun

Titres de la page :

  • Les trois phases de la bataille de Verdun :
    • 21 février 1916 , phase 1,
    • Mars 1916, phase 2,
    • Août 1916, phase 3,
  • La voie Sacrée,
  • Entends tu ...les voix de Verdun,
  • Revue de presse,
  • Le beau nom de Paix (poème de Ronsard),
  • Ils sont morts de à Verdun...ils étaient de monthou.


Les trois phases de la bataille de Verdun

Une bataille symbolique :

La Bataille de Verdun, l’une des batailles la plus symbolique des batailles de la Grande Guerre.

300 jours et 300 nuits de bombardements et de combats, quasi ininterrompus, sur un territoire de moins de 100 km2

A l’échelle du front, la bataille de Verdun se produit dans un « mouchoir de poche ».

Elle se déroule le long du cours de la Meuse, sur les collines boisées qui l’entourent et sur un front de 25 km.

Le front s’étend du village de Malancourt à lOuest  jusqu’au fort de Tavannes vers l’Est.

« Les avancées allemandes vers Verdun sont de 4 km au maximum vers l’Ouest, du village des Forges jusqu’à la butte de Mort-Homme, de 7 à 8 km au centre du bois d’Haumont à la Côte du Poivre, de 5 km à peine vers l’Est du bois d’Hardaumont vers le fort de Souville ». (P. Miguel. Mourir à Verdun).

Des millions d'obus :

La  Bataille de Verdun, ce sont des millions d’obus de tous les calibres, qui défoncent et retournent  continuellement la terre sur laquelle se déroulent, sur de petits territoires, des combats, des attaques, des contre-attaques d’une intensité et d’une violence inégalées jusqu’alors.

Charles Péguy écrira :

« Verdun, c’est une guerre tout entière insérée dans la Grande Guerre. Ce fut aussi une manière de duel devant l’univers, un lutte singulière en champ clos ».

Elle peut se décomposer en trois phases :

1° L’attaque : du 21 février au 11 mars.

L’armée du Kronprinz attaque sur le front nord par les hauts de la Meuse sur la rive droite

2° La bataille d’usure : du 5 mars au 2 septembre 1916.

Les allemands attaquent sur les deux rives de la Meuse.

3° La contre-offensive française : du 24 octobre au 15 décembre 1916.

Les troupes françaises regagnent le terrain perdu.Lorem ipsum dolor sit amet, consectetur adipiscing elit. Curabitur pharetra dapibus pharetra. Donec interdum eros eu turpis pharetra et hendrerit est ornare. Etiam eu nulla sapien. Nullam ultricies posuere nunc, eget mollis nulla malesuada quis.

21 FEVRIER 1916, PHASE 1

L’Offensive de la V° armée allemande.


Une météo exécrable a retardé le déclenchement de l’opération « Jugement », initialement prévue pour le 11 février.

Le lundi 21 février,

« le temps s’était rétabli et, ce matin là, il s’annonçait magnifique. Il gelait juste assez pour maintenir à l’état de dureté convenable le légère couche de neige qui recouvrait le sol … ». (Romain Rolland. Verdun).

7 h 15, 1200 canons déclenchent un feu roulant d’artillerie d’une intensité et d’une puissance inconnue jusqu’alors…

…Les portes de l’enfer de Verdun s’ouvraient.

Le ciel se couvre d’avions allemands.

A 15 h, la cadence de feu s’accentue.

A 16 h, elle devient « furieuse ».

Les obus de tous les calibres, jusqu’aux 420 mm des « Grosses Bertha » labourent, déchiquettent, bouleversent, écrasent… terrains, forêts, abris, armes, hommes. Tout. Un déchainement de fer et de feu qui dévaste le paysage..

« l’ébranlement produit par ce feu roulant est tel qu’il se propagera jusqu’a plus de 150 km au sud de Verdun » dira le Général Passaga.

17 h, le feu d’artillerie cesse.

Un régiment allemand d’infanterie, attaque au nord du Bois des Caures.

Persuadés des effets destructeurs  de la puissance de feu de leur artillerie, les fantassins allemands prennent peu de précautions.

Ils sont accueillis par les survivants des deux bataillons de Chasseurs du Colonel Driant. Ceux-ci défendent avec l’énergie du désespoir leur position.

Cette première attaque allemande n’est pas la réussite escomptée. 

Les fantassins allemands reculent.

22 février,

le bombardement reprend avec la même intensité sur le bois des Caures. 

Les Chasseurs s’accrochent. Ils résistent.

Après des heures d’un pilonnage d’artillerie inouïe, le Colonel donne l’ordre de repli au petit nombre de survivants. 

Le Lieutenant-Colonel Driant sera tué dans le Bois.

Le Bois des Caures est enlevé par les allemands.

Le 23 février,

 après un terrible tir d’artillerie, précédé par deux compagnies de lance-flammes, un bataillon d’élite allemand, qui s’était illustré au Vieil - Armand,  prend le bois et le Village d’Haumont.

Les allemands font un peu plus de 10 000 prisonniers

Les deux compagnies allemandes de lance-flamme qui ont « nettoyé » le terrain, entrent le soir au cantonnement sous les applaudissent de la troupe.  

Le lance-flammes, arme nouvelle, intensément utilisée à Verdun, fait des ravages parmi les soldats français.

24 février,

les allemands reprennent leur progression. Ils prennent le village de Samogneux.

La riposte de l’artillerie française est précise. Elle fait des dégâts importants dans les rangs des fantassins allemands. Ils poursuivent malgré tout, leur avancée et enlèvent la cote 344.

…..Le front est enfoncé.

La suprématie Allemande est incontestable : 

Suprématie numérique tout d’abord, 

6 Divisions Allemandes, 90 000 hommes pour 2 Divisions Françaises, 30 000 hommes,1 contre 3.

Suprématie de l’artillerie ensuite,

La Ve Armée Allemande dispose de1400 tubes de tous les calibres.L’armée Française, sur les 2 rives de la Meuse, dispose de 388 tubes d’artillerie légère, 244 tubes d’artillerie lourde, plus l’artillerie de la Région Fortifiée de Verdun, 1 contre 2.L’armée Allemande  avait utilisé une tactique nouvelle :

1° La préparation d’artillerie est brève, moins de 10 heures, mais d’une violence jamais égalée jusqu’alors.

2° Pour éviter les préparatifs trop voyants l’armée n’a pas creusé de boyaux parallèles de départ pour les fantassins. Elle a tout misé sur la puissance de l’artillerie.

3° Elle fractionne le front de 10 km. Le bombardement est fait sur un secteur. Ce secteur est « encagé » : bombardement devant, derrière et sur les côtés, pour rendre impossible renforts et reculs.

4°  Les premières lignes d’attaques sont peu nombreuses, des cisailleurs, des grenadiers et les lances-flammes. Ils feront un massacre parmi les « Poilus »

 L’armée française est au bord de la défaite :

Les effectifs des deux unités qui tenaient le front ont été réduits de plus de la moitié par le pilonnage de l’artillerie allemande.

Le 21 février, elles comptaient 533 officiers et 26 000 hommes. 

Le 25 février, elles comptent 200 officiers et 10 000 hommes.

Dans l’urgence absolue, elles doivent être remplacées.

Les renforts arrivent :

Le 95° RI monte en première ligne. 

Le Lieutenant Jacques Péricard raconte dans son livre « Ceux de Verdun » comment après avoir parcouru pré près de 50 km en 36 heure, à marche forcée, avec 35 kg sur le dos, le 3e Bataillon reçoit l’ordre d’attaque immédiate. Les hommes, le ventre vide, montent vers Douaumont, croisant les troupes en débâcle. «… Plus de pieds boiteux. Plus d’épaules courbées. Plus de bouches crispées. Des jambes alertes, des corps droits, des yeux qui luisent… » écrira Péricard. 

La résistance désespérée des français a retardé l’avance allemande. Les troupes sont épuisées. 

Le 25 février, ces troupes, refusent de poursuivre leur attaque et prennent du repos.

Le fort de Douaumont, gardé mais pas défendu, est pris par une compagnie allemande. 

Un communiqué du GQG déclare que les troupes françaises ont repris le fort.

Ce n’est que le 26 février que le GQG reconnait la chute du fort de Douaumont.

Joffre confie au Général Pétain le commandement de l’armée de défense de Verdun. Il reçoit l’ordre de « tenir ».

Pétain, et son état-Major, dirigé par le colonel de Barescut, réorganisent le commandement et l’artillerie.

26 février, les allemands réarment le fort de Douaumont à leur profit. Les avions allemands dominent le ciel de Verdun.

28 février, le Commandant Charles de Trocart de Rose est chargé par Pétain d’organiser la riposte aérienne. 

C’est l’acte de naissance de l’aviation de chasse.

Pétain semble avoir stabilisé le front.

Mais la situation est des plus précaires.

L’offensive « brusquée » déclenchée le 21 février n’a pas atteint la totalité de son objectif.

Les allemands n’ont attaqué que par les Hauts de Meuse, sur un front de 10 km d’étendue.

Ils ont progressé de 8 km en profondeur, leur front allant de :

Vacherauville aux lisières de Vaux-devant-Damloup en passant par la côte du Poivre, le Fort de Douaumont (mais non le village) et l’ouvrage de Bezonvaux.


Mars 1916, phase  2

La Ve Armée attaque sur les deux rives de la Meuse

Début mars : l'armée du Kronprinz domine le terrain par la suprématie de son artillerie et de son infanterie aguerrie.

Le ciel de Verdun est allemand.

Par contre, le flanc de son armée est menacé par l’artillerie française qui domine la rive gauche de la Meuse et tire à vue.

L'attaque allemande sur la rive gauche :

Forte de sa progression, l’armée Allemande va attaquer sur la rive gauche de la Meuse.

Elle étend son front sur 20 km pour tenter de prendre en tenailles les troupes françaises.

Le 6 mars, après un déchainement discontinu d’artillerie, les troupes allemandes reprennent leur attaque, avec pour objectif d’enlever dans la journée la forêt au pied du Mort-Homme et la cote 304.

Une résistance farouche des "poilus" et des officiers :

Cet objectif ne sera pas atteint. La résistance farouche des « poilus » retarde considérablement l’avancée des soldats allemands.

Antoine Prost et G Kreimeich citent W.Zegler, soldat allemand de l’armée de Verdun et historien de la Bataille : " Il avait fallu 8 journées entières d’efforts à l’attaquant pour réaliser une percée limitée. Le gain de terrain était de 3 km de profondeur et de 5 Km en largeur. Et pourtant les pertes étaient énormes ». (3000 morts).

A partir de cette date, l’état-major Alllemand s’installe dans une bataille d’usure qui doit aspirer les divisions françaises sur le front de Verdun et amener leur usure matérielle et morale.

La bataille devient, sur la rive droite et la rive gauche de la Meuse, un affrontement continu, fait de "coups de bélier" successifs ou simultanés de l’armée allemande, nuit et jour, d’attaques et de contre-attaques.

Les allemands attaquent. Les français se défendent.

C’est une succession de combats localisés, avec un même objectif : avancer le plus possible, tenir et durer pour les allemands, tenir en reculant le moins possible pour les français…

...qui « inventent » la tactique sur le terrain au fur et à mesure ....

Les stratégies élaborées par les Quartiers Généraux sont inopérantes. Dans ces combats l’initiative et la « tactique » appartiennent aux soldats, et à leurs officiers. Il y a peu de de colonels dans "les entonnoirs". 

« Pétain, il le savait bien, n’y était pour rien. C’étaient les hommes (….) qui, à l’énergie, au courage, avec la force du désespoir et la volonté d’espérer, avaient opposé tout ce qu’ils possédaient à l’ennemi : les plis de la terre, leurs armes et leurs vie.. », ( Michel Bernard, Visages de Verdun).

Cet affrontement continu, se poursuivra sans véritable pause, jusqu’à ce que l’offensive sur la Somme, oblige les allemands à réduire leur pression.

Une guerre d'usure sur les deux rives :

Le schéma est fondamentalement le même sur les deux rives : les allemands attaquent sur un secteur relativement étroit, inférieur à 1 kilomètre, mais sur une grande profondeur. Sur un temps très court, avec une artillerie puissante et rapide, ils écrasent les secteurs sous les obus avec une violence extrême.

Ensuite, pour éviter l’arrivée des renforts, ils encagent le secteur par un tir de barrage d’artillerie, sur les côtés et sur le fond.

Les uns après les autres, les ravins, les hauteurs, les bois tombent en sa possession.

Il les perd et les reprend encore.

Le village de Vaux tombe le 31 mars, il est repris le 1er et retombe définitivement le 2 avril.

Le fort, lui, tombera 3 mois après.

Sur la rive gauche, l’armée Allemande cherche à conquérir la Côte d’Oie, Mort-Homme, la cote 304 et le Bois d’Avocourt. Il tombera le 20 mars après une résistance acharnée.

Une dernière offensive allemande ...

Le commandement Allemand lance une grande attaque simultanée sur les deux rives de la Meuse, pour enlever sur la rive gauche la cote 304 et le Mort-Homme et sur la rive droite, la Côte du Poivre.

Il poursuit sur la rive gauche, l’écrasement de l’infanterie française sous ses tirs d’artillerie, et il va concentrer ses efforts sur la rive droite.

Le 1er mai le Général Nivelle remplace Pétain, jugé trop défensif. 

Ile est mis sur la touche avec promotion. Joffre lui confie le commandement du Groupement de l’Armée du Centre.

Le 11 juin, les allemands s’emparent de la ferme de Thiaumont.

…Qui les amène à 4 km de Verdun…

Le 23 juin, avec des troupes fraiches venues de Serbie et le Corps Alpin, ils lancent 19 régiments dans une offensive sur un front de moins de 6 km pour prendre la ferme de Thiaumont et le village de Damloup.

Ils prennent la hauteur et le village détruit de Fleury.

C’est un point stratégique qui domine la Ville de Verdun.

Ils sont à 4 km de Verdun.

…Mais les Français tiennent bon :

Les allemands poursuivent leur attaque sur Verdun pour s’emparer de la hauteur de Souville, Saint-Mihiel, Belleville et celle de Froideterre.  

13 régiments, précédés par un bombardement au gaz, attaquent sur la ligne de  front : village de Damloup, Fleury, ouvrage de Thiaumont.

Ils ne peuvent avancer plus.

Le 1er juillet a commencé la bataille de la Somme.

Les 11 et 12 juillet, marquent le terme de l’avance de l’adversaire vers Verdun.  

Le Général Mangin, second de Nivelle attaque sans relâche.


Les Allemands suspendent l'offensive sur Verdun :

Le 28 août, Falkenhayn est limogé. 

Hindenburg le remplace.

Le 2 septembre, il donne l’ordre à l’état-major du Kronprinz de suspendre l’offensive sur Verdun.

Pour les Allemands la bataille de Verdun est terminée à cette date.

Ils laissent sur le terrain 7 divisions.

Ils vont concentrer leurs efforts sur la Somme.


AOUT 1916, PHASE 3

La contre offensive Française 


L’initiative change de camp en Août - Septembre.

Une nouvelle phase de la Bataille de Verdun :

Depuis le 1er Juillet, date de l’offensive sur la Somme, l’état-major allemand a desserré son étreinte sur Verdun.

7 divisions Allemandes et une artillerie puissante tiennent encore le front qui s’étend des carrières d’Houdremont aux batteries de Damloup.

 24 octobre, l'offensive française :

Le Général Mangin avec l’accord de Nivelle, décide son offensive avec 3 divisions seulement.

Cette attaque est préparée avec autant de minutie que le fut celle du 21 février des Allemands. 

Une météo détestable transforme le champ de bataille en cloaque, en une mer de boue.

Des hommes périrent noyés dans les entonnoirs.

Il a fallu construire 48 km de pistes avec des rondins et des cailloux pour faire passer les canons, les roulantes, les ambulances.

La pluie cesse et l’offensive est décidée pour le 24 octobre.

Le 21 octobre commence le tir d’artillerie de préparation : « une terrible avalanche de fer et de feu s’abattit dès lors, sur les retranchements, les zones d’entonnoirs supposées occupées, l’ouvrage de Thiaumont et les batterie de Damloup, les fort de Vaux et de Douaumont, les communications et les batteries d’artillerie des Allemands », dira le général Passaga qui participe avec sa division- la Gauloise - et les troupes coloniales, à la reconquête du terrain perdu. 

Dans un épais brouillard, à 11h 40, l’offensive est déclenchée. 

Reprise de Douaumont et du fort de Vaux :

Les Français, notamment les troupes coloniales composées en particulier de Sénégalais, reprennent le fort et le village de Douaumont.

Les contre-attaques Allemandes échouent.

Ils abandonnent le fort de Vaux.

Les français l’occupent.

Les français déclenchent une nouvelle offensive le 15 décembre. Ce sera la dernière. 

Les Français reprennent la côte du Poivre, Louvemont, l’ouvrage et le village de Bezonvaux.

La  Ve armée allemande, fatiguée et découragée, est « raccompagnée » sur la ligne de son point de départ du 21 février.

La Bataille de Verdun est terminée, pour l’état-major français.

La cote 304 et le Mort-Homme restent aux mains des Allemands. Ils ne seront repris qu’en 1917, après de sanglants combats.

Le bilan de la bataille de Verdun est effrayant.

LA VOIE SACREE

L’axe logistique de Verdun : « La Voie Sacrée »

Le saillant de la place forte de Verdun dans le front allemand est un danger permanent pour l’armée du Kronprinz.

Mais par contre, il est mal relié à la zone arrière française.

Les deux lignes de chemins de fer sont, l’une sous le feu de l’artillerie Allemande à la sortie des l’Argone, l’autre coupée à la hauteur de Saint - Mihiel.

Verdun mal relié à l'arrière :

Le train, « le Petit Meusien » à voie métrique et le chemin de communication n° 6 en direction de Bar-le-duc sont les deux axes de liaison avec la zone arrière.

Plus de 20 divisions sont face à face. Elles ont besoins de 200 tonnes/jours de munitions et matériels. 

L’armée allemande, elle, est bien reliée à sa zone arrière par des voies de chemins de fer en nombre suffisant.

Pour l’armée française, la logistique va prendre une importance décisive. Elle ne dispose que de la route et du Meusien pour relier Bar-le-Duc à Verdun.

La mise en place de la "voie sacrée"  :

A titre préventif, le général Herr, avait crée une Commission Régulatrice Automobile dont le commandement avait été confié au Capitaine Doumenc.

En 1915, la route avait été élargie à 7 mètres permettant la circulation sur plusieurs voies dans deux sens. Il s’agit d’une simple route empierrée.

Le 19 février 1916, une décision du GQG réserve « complètement et exclusivement la route de Bar à Verdun aux transports par automobiles ».

Le 20 février, un parc automobile composé de 2000 camions et autobus est mis en place.

Le 22 février à midi, le dispositif est activé.

Il s’agit donc d’un dispositif mis en place avant le déclenchement de l’offensive de l’armée allemande.

Elle assure une fonction capitale ...

Tout au long de la bataille de Verdun, cet axe logistique occupera une fonction capitale. 

Son fonctionnement repose sur le principe qu’il doit être constamment libre à la circulation.

Les chargements et déchargements des camions s’effectuent sur des emplacements réservés à cet effet.

Un camion qui tombe en panne est immédiatement poussé sur le bas côté.

Les véhicules se suivent à la cadence de un toutes les 14 secondes, à la vitesse de 15 km par heure. 

Les temps de conduite sont de l’ordre de 18 heures.

En Mars 1916, 6000 camions/jour ont emprunté cette route empierrée.

8000 territoriaux, secondés par des prisonniers allemands,  rechargent sans cesse la route pour qu’elle soit praticable. 

Des carrières ont été ouvertes à proximité. Dans les trois premiers mois, 386 000 tonnes de cailloux en seront extraits pour l’entretien de la route. 

Pour toute la durée de la bataille, ce seront plus de 900 000 tonnes de pierre qui seront utilisées.

Chaque jour ce sont entre 12 et 15 000 hommes, soit une division, qui sont transportés. 

Chaque mois, jusqu’en juin 1916, seront acheminés entre 400 et 426 000 hommes, entre 450 et 500 000 tonnes de matériel, pour la durée de la bataille.

....Avec le train le "Meusien" :

Le Meusien va jouer aussi un rôle important.

Cette voie ferrée à voie métrique avait été améliorée en 1915. 

La réalisation de  12 gares, et de vecteurs  à double voies va porter ses capacité de 400 à 1200 tonnes/ jour et ensuite à 36 trains, transportant 1800 tonnes, soit la matériel et la nourriture de 300 000 hommes et 130 000 chevaux, avec 2000 tonnes de munitions.

Il participa à l’évacuation de 200 à 220 000 blessés.

La "voie sacrée" a nourri le symbole de Verdun :

De par la masse des hommes qui l’emprunteront pour monter au front, qui la maintiendront en état, qui conduiront les véhicules, cette route que Barrès appellera " la Voie sacrée ", jouera un rôle capital dans l’appropriation de cette bataille par l’ensemble des poilus de l’active ou de la territoriale.

Tous auront participé à la bataille. Tous auront contribué  à l’issue de cette bataille.

Véritable cordon ombilical entre la zone de combat et la zone arrière, la Voie Sacrée a contribué à façonner le symbole de Verdun : celui d’une France debout contre l’envahisseur   

La Voie Sacrée, peinture

"La Noria" : les 3/4 des soldats ont participé à la bataille de Verdun.

Les « Poilus » ne faisaient que passer à Verdun.

Verdun, la bataille de tous les Poilus :

Les divisions allemandes, elles, restent sur place, les pertes sont comblées et les divisions sont reconstituées avec des renforts.

Les divisions Française, qui selon le colonel de Barescut « flambent dans la bataille comme des fétus de paille » sont relevées par des divisions fraiches qui viennent d’autres secteurs du front et vont se reconstituer ailleurs.

Sur l’ensemble du front qui comprend environ une centaine de divisions, 73 sont « montées » à Verdun. 

Certaines sont « montées » plusieurs fois, en 1ère ligne.


La " noria ", un principe d'égalité :

La bataille de Verdun a été la bataille à laquelle ont participé le plus grand nombre de soldats français, environ les 3/4 de ceux de 1916.

C’est « la » bataille française de la guerre 14-18.

La noria répond à un principe d’égalité. 

L’épreuve était d’une dureté exceptionnelle. 

Il aurait été injuste que seuls certains la subisse.

Toutes les unités sont concernées, c’est ce qui fait que Verdun n’est pas une bataille comme les autres et que dans quasiment toutes les familles, un soldat de 14-18 « a fait Verdun ».

ENTENDS TU...LES VOIX DE VERDUN

La dernière lettre du Lieutenant-Colonel DRIANT à sa femme.

20 février 1916.

à Marcelle Driant,

« Je ne t'écris que quelques lignes hâtives, car je monte là-haut encourager tout mon monde, voir les derniers préparatifs ; l'ordre du Général Bapst que je t'envoie, la visite de Joffre hier prouvent que l'heure est proche et au fond, j'éprouve une satisfaction à voir que je ne me suis pas trompé en annonçant il y à un mois ce qui arrive, par l'ordre du bataillon que je t'ai envoyé. 

A la grâce de Dieu ! Vois-tu je ferai de mon mieux et je me sens très calme. J'ai toujours eu une telle chance que j'y crois encore pour une fois. 

Leur assaut peut avoir lieu cette nuit comme il peut encore reculer de plusieurs jours. Mais il est certain. Notre bois aura ses premières tranchées prises dés les premières minutes, car ils emploieront flammes et gaz. Nous le savons par un prisonnier de ce matin. Mes pauvres bataillons si épargnés jusqu'ici ! Enfin, eux aussi ont eu de la chance jusqu'à présent...Qui sait ! Mais comme on se sent peu de chose à ces heures- là ! ».

Lieutenant-Colonel Emile Cyprien DRIANT


Guillaume Apollinaire, soldat

Demain l'assaut

Nuit violente ô nuit dont l'épouvantable cri profond

Devenait plus intense de minute en minute

Nuit qui criât comme une femme qui accouche

Nuit des hommes seulement

                                                                    Poème « Désir ».

(Le grand poète Apollinaire, gravement blessé, a consacré un grand nombre de ses poèmes à la Guerre).

« C'était l’innommable… »

François DUHOURCAU.

(grand mutilé de guerre. Discours prononcé en 1939).

" Camarades, vous souvient-il du Tourniquet, sur la Voie sacrée, la route de Bar-le-Duc à Verdun, cordon ombilical de tous les organes de la résistance ? Ainsi les poilus dénommaient-ils le point terminus où les déposaient les camions, au soleil du royaume de la mort.

C'était quelque chose comme la rive du pays souterrain où Charon avec sa barque attend les trépassés. Là aurait pu être gravée, en lettres sanglantes, l'inscription que Dante met au seuil de son Enfer : " Vous qui entrez ici, laissez toute espérance ". Oui toute espérance de vivre, car ceux qui repasseront ce seuil-là seront vraiment des miraculés, des revenants, qui demeureront marqués de l'épouvante subie chez les morts.

Là, tout poilu, dans son cœur, même s'il ne retournait la tête vers le cher pays qu'il pensait ne plus revoir, lui disait secrètement le dernier salut des gladiateurs, ou mieux des Martyrs, pénétrant dans le cirque du Colisée : " Adieu ! ceux qui vont mourir te saluent ! " A ce Tourniquet chacun payait pour passer dans l'enceinte réservée : il payait du sacrifice accepté de sa vie ; il remettait, en vérité, son ticket de vivant. Il le reprendrait à la sortie si Dieu lui prêtait vie jusqu'à une autre fois…

… Alors commençait les boyaux d'accès, ces canaux de l'enfer, où maints blessés, épaves de la bataille, s'étaient réfugiés, n'en pouvant plus, blessés que trop souvent, hélas ! achevait l'aveugles piétinement des relèves nocturnes.

Puis, c'était l'innommable… Sous la cataracte de flamme et d'acier, le champs de bataille de Verdun, celui que nul autre n'a jamais égalé, au dire de tous les combattants qui connurent les autres terrains de morts, ce paysage de planète foudroyée et submergée tout ensemble, où les chicots des arbres et les vestiges du matériel détruit imposait l'idée d'un fantastique naufrage, d'un engloutissement à la fois par le déluge et par l'incendie, d'une fin atroce dans un cataclysme indicible…

… Là, à la pointe de ce môle de Verdun qu'assaillait l'océan concentré des forces de l'ennemi, la France jetait tous ses fils, régiment par régiment, comme des blocs de granit destinés à briser les flots germaniques déchaînés.

Là, le barrage fut consolidé à force de cadavres. Il a tenu, il devait tenir. " Dût la France entière s'engloutir là, ils ne passeront pas. " Telle fut la résolution que signifia au monde glacé d'effroi le dramatique holocauste de Verdun… "


RUDI, soldat Allemand.

21 février 1916

« Chère mère,

Je vous annonce que nous arrivons à un grand moment ; 

Nous avons reçu l'ordre de prendre d'assaut la côte 344 près de Verdun  et Verdun lui-même. 

Je vous écris cette lettre le 21 février à 14 heures. L'artillerie a déjà commencé à tirer depuis 8 heures avec les plus gros canons, des mortiers de 42, de 38, et de 30. Il va y avoir une lutte comme le monde n'en a pas encore vu. Nos chefs nous ont renseignés et nous ont dit que l'Allemagne et nos chères familles attendaient de nous de grandes choses. Espérons que notre entreprise va réussir et que Dieu sera avec nous... Nous sommes désignés pour la plus grande tâche qui va peut être amener la décision dans cette lutte effroyable. Tous seraient bien heureux si c'était la fin, car tous voudraient rentrer chez eux, mais un malheur est si vite arrivé surtout quand on doit prendre une forteresse comme celle-ci, la plus grande forteresse des Français. »

 Ed. BOUGARD, soldat au 208e R.I. :

" En avant de Beaumont, le 208e qui, le 22, a repoussé trois attaques allemandes, doit subir, toute la nuit et toute la matinée, un tir d'artillerie tellement vif que tout saute autour des tranchées. La fumée des éclatements est comme un brouillard. Les blessés agonisent sans soins ; ils sont trop. De tous les coureurs envoyés aux ordres, pas un ne revient. Les cartouches manquent, on prend celles des morts. A 8 heures du soir, un obus tombe en plein dans la tranchée, semant les blessés et les cadavres. Une cervelle est sur ma capote, je suis plein de sang des copains. Au fracas des obus, se joignent les plaintes des agonisants. La neige tombe, il fait très froid. On se bâtit un abri avec les cadavres. »

(Témoignage sur la bataille du fort de Douaumont, le 23 février 1916.)




Jacques PERICARD, lieutenant au 95 ème RI.

« Sur Verdun le canon tonne, tonne, tonne. Il a fait taire tous les bruits de la journée et son tumulte emplit le silence...

Où-serai-je demain ? »….

« Et les obus tombent, tombent, tombent, giboulée infernale dont chaque goutte est un obus. Les tranchées s'effondrent, les cadavres s'entassent. Le tumulte des éclatements martèle les  cerveaux. Le sol bout comme l'eau d'une chaudière. Le ciel se disloque »...

« Chaque coup de pic déterre un cadavre ; chaque obus qui tombe met à nu un squelette. Vous ramassez un soulier qui traîne en arrière d'une tranchée : il contient un pied qui achève de pourrir. Vous grattez un morceau d'étoffe qui sort d'un parapet : cette étoffe est celle d'une capote qui est encore habitée. Certaines tranchées, certains boyaux, ont dû être ouverts à travers des blocs de cadavres : il a fallu tailler dans ces blocs comme dans les rochers d'une carrière. Qui passe par l'ouvrage avant son parachèvement marche sur des putréfactions, une odeur à vomissements le suffoque et des tibias sournois l'accrochent au passage »…

« Là Méphisto convoque au sabbat ses larves et ses groupes. Là triomphe et règne la trinité sinistre : la Boue, l'Epouvante et la Mort »..   

« Et contre cet ouragan, contre cette avalanche, des poitrines d'hommes se dressent, de moins en moins nombreuses, de plus en plus droites et résolues »…

          … et la fameuse prière de PERICARD

" Notre père qui êtes aux cieux, élargissez mon cœur. Afin qu'il puisse contenir plus de haine. "

( Il sera l’un des fondateurs de l’Association d’Anciens Combattants « Ceux de Verdun »).


 Ed. BOUGARD, soldat au 208e R.I. :

" Nous attendons la mort qui plane au-dessus de nos têtes ; il est huit heures du soir ; une marmite tombe en plein dans la tranchée ; je roule par terre ; je n'ai rien. Par contre, une cervelle est sur ma capote ; je suis plein de sang des copains. Mon ami Béthouart a la bouche fendue jusqu'aux oreilles et mon pauvre camarade Jules Fontain, qui ne m'avait pas quitté depuis le début de la campagne, a les deux jambes coupées. Les blessés pouvant marcher se sauvent au poste de secours ; les mourants agonisent dans la tranchée. Quand ils sont morts, on les place au-dessus du parapet. « 

(Témoignage de « quelque part à Verdun).



25 février 1916,

J.-P., lieutenant au 95e R.I. :

" Le bombardement dans les journées du 25 et du 26 février, a atteint une violence qui a dépassé peut-être celle des plus mauvais jours. Le front d'attaque s'était, en effet, rétréci ; toute la force de l'artillerie ennemie pouvait se porter sur l'obstacle restreint dont elle voulait triompher : le fort de Douaumont d'abord, puis le village de Douaumont.
Les obus tombent, tombent, les tranchées s'effondrent, les cadavres s'entassent, le tumulte des éclatements martèle les cerveaux, le sol bout, le ciel se disloque.
Qui pourra jamais fixer sur la plaque photographique le tourbillon des pensées, des craintes, des espoirs fous, des terreurs, des regrets, des projets, des détresses dans le cerveau du condamné conduit à l'échafaud ?
Ce martyr de quelques minutes, multipliez-le par des heures, multipliez-le par des jours, et vous aurez
une idée de ce que fut la vie des défenseurs de Douaumont sous cette artillerie saisie de delirium tremens.
Au-dessus de nous, à 200 mètres au plus, deux avions ennemis passent et repassent, observant le terrain tout à leur aise.
Mais nous "faisons les morts" couchés pêle-mêle, au fond de la tranchée, par-dessus les morts véritables, les bras étendus, la bouche ouverte,
afin de donner aux observateurs l'illusion que tous les défenseurs du village sont tués, que toutes nos défenses ne sont plus qu'un vaste cimetière. "

(lettre du 25 février, jour de la prise du fort de Douaumont).

Louis BRAYELLE, soldat-mitrailleur au 110e R.I. :

" Le 26 février, chargés comme des mulets, avec nos pièces en plus de nos équipements, nous suons, geignons, soufflons pour avancer dans la terre glaise… Qu'allons nous trouver ?.
A un certain moment,
nous sommes croisés par deux fuyards dont l'un, ivre de sang et de terreur, nous crie : "N'allez pas là-bas ! n'allez pas là-bas ! " Soudain, un gros obus vient éclaircir nos rangs, des éclairs rouges nous frôlent avec une vitesse prodigieuse, des blessés crient. Mais aussitôt, s'élève la voix calme de notre capitaine : "Serrez les rangs ! ". 

(Témoignage sur la « montée » à Verdun) 


Louis CORTI, Soldat du 30e R.I. :

"Il a plu et la boue a envahi tout le secteur. Cherchant un abri, un homme s'est jeté dans le boyau, et la boue est aussitôt montée jusqu'à sa ceinture.
Il demande de l'aide ;
2 hommes lui ont tendu leurs fusils, mais ils ont glissé et vite, ils ont repris place dans la colonne qui passe tout près, sourde aux supplications de l'enlisé qui s'enfonce, sans secours.
Car on meurt de la boue comme des balles.
Des blessés sont engloutis dans ce marais perfide. Ici, c'est la boue qui obsède, la boue glissante et liquide, l'affreuse boue meusienne soulevée, piétinée, tassée par des centaines de milliers d'hommes, de chevaux, de voitures.
Une mer de boue jaune qui pénètre jusqu'à la peau, elle réussit à se glisser sous les planches et les couvertures.
Nous vivons sous la boue, nous voyons de la boue partout, et des cadavres, des cadavres, et encore de la boue, et encore des cadavres. On a appris à vivre dans la terre avant de mourir. »

(Témoignage sur la lutte pour le Mort-Homme, le 22 avril 1916).

Albert CHEREL, Lieutenant

" C'est le 7 mars, que le fort de Vaux commença d'être systématiquement bombardé. Durant 8 heures, sans arrêt, une averse de projectiles s'abattit sur le fort. Il y en avait de tous les calibres : du 77, du 105, à l'éclatement déchirant ; du 210, du 380, que les soldats avaient surnommé le « Nord-Sud" à cause du grondement strident de son sillage dans l'air ; peut-être du 420, car on en trouva un culot près du corps de garde le lendemain. Ces obus, à certains moments, tombaient à la cadence de 6 par minute. Il nous semblait vivre au milieu d'une effroyable tempête. "

( Témoignage de la prise du fort de Vaux par les Allemands, le 7 juin 1916).

LECUELLE, Soldat 170e R.I. :

" Rien que des troncs calcinés, des fils de fer déchiquetés, des trous, des débris informes. Des geysers de terre jaillissaient de tous côtés, mêlés à une fumée jaune verdâtre et traversée de langues de flammes livides. Une odeur de cadavres, de sang, de poudre, de gaz, nous écœurait et nous suffoquait ». 

(Témoignage de « quelque part à Verdun).


J.-B.-André CHAROY, soldat au 9e Génie, compagnie 6/1 :

" En haut du tunnel de Tavannes, un spectacle horrible nous attend avec les premières lueurs de l'aube ; une section de mitrailleuses, peut-être plus, est là, anéantie, broyée sur une longueur de 50 mètres de boyau. Je reconnais l'uniforme bleu foncé des chasseurs à pied, l'écusson 26, je distingue les corps tourmentés, crispés dans d'affreuses convulsions, par endroits projetés les uns sur les autres ou massés par une commune terreur ; des flaques rouges et fraîches, des mitrailleuses tordues, fracassées…  Quelle atroce agonie ont-ils dû subir cette nuit sous le barrage

 allemand ? Je retiens à peine mes larmes et dans une prière fervente, je salue mes pauvres camarades !… "

(Témoignage sur la lutte pour l’ouvrage de Froideterre, le 24 juin).


Marcel PIC, soldat au 143e R.I. : 

 

" Pendant 5 jours et 5 nuits, et surtout le 14 et 15, ce fut un enfer terrible de bombardement ; nous étions écrasés par les obus. Personne ne bougeait ; on attendait la mort, avec la soif, la faim, et 10 centimètres d'épaisseur de mouches que nous avions dessus.
Nous avions assez de travail, avec le bout de la baïonnette, pour rejeter les morceaux de cadavres qui nous recouvraient chaque fois qu'un obus tombait tout près. "

(du 12 au 16 août, les Allemands mènent une nouvelle attaque sur le fort de Souville ….pourtant pour les journées du 14 et du 15 août, "rien à signaler", du moins dans les documents officiels !)


Louis MADELIN, sergent au 44e R.I.T. :

" L'idée de la Voie Sacrée remonte à 1915.
Depuis août 1915, la route de Bar à Verdun avait été élargie à 7 mètres, ce qui permettait le passage de trois voitures de front. Ainsi pourrait-on organiser une "chaîne sans fin" de camions montant et descendant, sans fermer la voie aux voitures plus rapides ; le général Herr faisait, depuis quelques semaines, raffermir la chaussée, tandis que, par ailleurs, il fortifiait aux points faibles la petite voie de fer meusienne. Mais pour les camions, l'essentiel était que leurs allées et venues fussent réglées comme un mouvement d'horlogerie.
Ainsi éviterait-on des "accrochages" susceptibles d'avoir, quand il faudrait précipiter le mouvement, les plus funestes conséquences. On fit appel au service automobile, qui, fort heureusement, était depuis peu, en mesure de fournir, sur "la réserve des transports à la disposition du général en chef", le matériel nécessaire.
Le 19 février, le capitaine Doumenc, de la direction des services automobiles, se transportait à Bar-le-Duc et d'accord avec l'état-major de Verdun y créait cette Commission Régulatrice Automobile qui, ayant aussitôt organisé dans la région de Bar le mouvement de la "courroie de transmission" se tenait prête à fonctionner exactement dans la journée du 20.
La voie s'organisait par où allaient s'acheminer les sauveurs. « 

(Témoignage sur la « Voie Sacrée »).

Témoignage du Général Passaga.

« Ceux qui n’ont pas vécu dans ces déchainements de fer et de feu peuvent se demander ce qu’ils pouvaient être et ce que devenaient l’homme, le défenseur des retranchements, dans un pareil milieu.

Ce qu’étaient ces déchainements ? l’enfer !

C’étaient des ébranlements formidables, des explosions déchirantes, des gerbes de flammes, des tourbillons de fumée, une pluie de terre, de pierres, de fer. Le souffle de l’explosion bousculait les choses et les hommes. Il y avait des armes, des munitions détruites, dispersées, enfouies, des tranchées dévastées comblées, des abris écrasés, des hommes enterrés, des blessés, des morts.

Ce que devenait le défenseur ? une loque !

L’homme allait se blottir dans un abri, s’il le pouvait, ou bien, au profond de la tranchée, ou encore derrière le moindre couvert qui lui paraissait protecteur. Il s’y faisait petit, petit, se tassait, se recroquevillait au possible.

Hébété, tête vide, l’oeil fixe, hagard, la pupille dilatée, les vaisseaux sanguins contractés à l’extrême, il avait les nerfs brisés.

Et l’oeuvre infernale se poursuivait, les projectiles tombaient ! tombaient !

Le défenseur du retranchement n’existe plus, parce que momentanément du moins, sa volonté était abolie : il était littéralement réduit à l’état de loque humaine ».

PASSAGA Fénelon, François, Germain (1863 - 1939). 

Participa aux journées des 24 octobre et 15 décembre 1916, avec sa division.

Les lettres des poilus de Verdun sont extraites de l'ouvrage de Jean-pierre Guéno, "Paroles de Verdun" publié aux editions Perrin


Ils ont "fait Verdun"...


REVUE DE PRESSE

L'Echo du Centre et l'Indépendant de Loir et Cher, de tendance conservatrice, vont exalter la mort héroïque et le sacrifice pour la Patrie, en omettant d' informer sur la réalité de la situation du Front et les responsabilités de l'Etat-major.... Certes sous l'œil vigilant de la censure militaire !

Le Progrès de Loir et Cher, journal de la SFIO, se limite à publier les communiqués officiels de l'Etat-Major.

Il fallait à tout prix ne pas démoraliser l'arrière, maintenir l'Union Sacrée et juguler la montée de l'aspiration à la Paix.


L’Indépendant de

Loir et Cher.

Editorial du 27 Février 1916 : 

A propos de la prise du village de Douaumont par les Allemands :

«….c’est surtout autour de Douaumont que la lutte est acharnée.

Les Allemands  sont parvenus à y entrer au prix de sacrifices énormes…..

… Du reste, il ne faut pas exagérer l’importance ni de l’agglomération, ni de la population.

Le village est situé sur une pente dont nous tenons la crête. Et avant la guerre, il abritait 200 habitants. C’est dire que le monceau de pierres éparpillées qu’il constitue aujourd’hui ne présente pas un bien fameux abri pour les troupes qui l’occupent;

Cependant deux journées de combats ont été nécessaires à l’ennemi par s’en emparer ».

L’éditorialiste développe des thèmes identiques à ceux de la presse nationale selon laquelle les  pertes de l’Armée Allemande s’élèveraient  à 510 000 hommes à la date du 24 mars et que

Verdun serait un appât pour épuiser l’armée allemande !

Le journal reprend dans son édition du 26 mai, la publication par le journal "le Petit Marseillais" de la lettre d’un soldat du génie :

« 11 mai 1916 :

Je suis encore sur la liste des « présents ». Je rentre sain et sauf de l’attaque que nous venons de faire entre Mort-Homme et la cote 304.

« Quelle bataille ! Quel carnage ! Mais quelles heures inoubliables !

Nous avions faim et soif ! Après 36 heures d’approche……les musettes et les bidons étaient vides.

… Le carnage a alors commencé… Il en tombe, trop de notre belle infanterie, pour payer cette  viande de boches ! Jamais, jamais on ne saura ce qu’ils ont fait nos fantassin...c’est au dessous de ce qu’on peut croire. Il faut y être !  Il faut être mêlé à eux. Vivre des heures sublimes dans leurs rangs, c’est si je puis dire « survivre ».

 

A propos de la prise par les allemands du fort de Vaux :

« ….. car c’ est leur ténacité qui  importe, car c’est elle qui permet d’user l’ennemi, de l’épuiser, de le décourager, quand pour déloger nos braves poilus il lui faut s ‘avancer, pris entre les mitrailleuses qui le menacent par derrière et les mitrailleuses qui le fusillent par devant avec l’aide des 75 ; quelles hécatombes nos défenseurs n’ont-ils pas  la satisfaction consolante de voir s’amonceler devant eux ».

Editorial du 16 juin 1916 intitulé :   Les résultats de la bataille de Verdun .

« …. Que les allemands aient attaqué Verdun le 21 février, on ne saurait les en critiquer : ils ont cru nous surprendre. …(l’erreur c’est de s’être obstiné)…

« Mais en agissant ainsi, ils ont contribué notablement à avancer la fin de la guerre, voilà ce dont il faut se convaincre.

En effet s’ils étaient restés inactifs, rien ne se serait encore, à l’heure actuelle passé sur notre front…

…Nous n’étions pas prêts pour une offensive…

Le moral de nos troupes et du pays se serait ressenti de cette inertie »……

L’Echo du centre :

 Editorial du 19 Mars 1916.

« Dans l’histoire il n’est pas d’exemple de combats plus gigantesques; jamais nos héros français n’eurent l’occasion de déplier plus de vaillance………

…..devant ses hordes de sauvages, Guillaume a trouvé les poitrines de nos glorieux poilus… ».

Editorial du 26 Avril 1916. 

« Voila six semaines que se poursuit autour de Verdun la plus sanglante de toutes les batailles de la guerre, six semaines que les cadavres des boches s’amoncellent en "tas" autour de la forteresse vers laquelle l'ennemi n’avance pas, six semaines que les nôtres continuent de stupéfier le monde par un héroïsme qui dépasse les limites même du vraisemblable ».

LE BEAU NOM DE PAIX

L’Holocauste de Verdun.


La bataille de Verdun dura 300 jours et 300 nuits.

Elle fit plus de 700 000 victimes dont :

 

306 000 morts et disparus :163 000 Français143 000 Allemands, (les chiffres sont incertains car les Archives de l’Armée Allemande ont été détruites par les bombardements de Berlin, lors de la seconde guerre).  406 000 blessés :216 000 Français190 000 Allemands.

9 villages ont été totalement détruits : Beaumont, Bezonvaux, Cumières, Douaumont, Fleury, Haumont, Louvemont, Ornes, Vaux.

 

Sur le champs de bataille, 100 km2 environ, il est tombé 30 millions d’obus allemands et 20 millions d’obus français, soit 50 millions d’obus de tous les calibres.

 

Sur les 59 Montholiens morts en 1914 -1918,  quatre, sont tombés à Verdun :

BIGOT Toussaint, le 22 mai 1916 dans le secteur de Douaumont ;  CRESPIN René, le 6 novembre 1916 au village de Douaumont ;  JAMET Paul, le 7 novembre 1916 à Vaux ;  VAVASSEUR Léon, le 18 décembre 1916, dans le secteur de Bezonvaux.

 

 … et le massacre se poursuivit notamment lors : 

 

de l’offensive Franco - Britanique sur la Somme (juillet 1916). Le 1er jour, 60 000 britanniques sont hors de combat, 20 000 sont tués. C’est le jour le plus meurtrier de la guerre. Pour un gain de 10 km, le prix fut exorbitant : 400 000 Britanniques, 200 00 Français, 450 000 Allemands, tués ou blessés.de la bataille du Chemin des Dames (avril 1917), qui fit 200 000 tués et blessés parmi les Français, (les tirailleurs Sénégalais laisseront sur les champs de bataille, dès les premiers jours, 7000 victimes sur les 16 500 hommes engagés), et 300 000 soldats Allemands.de l’offensive Meuse-Argone ( automne 1918), 26 000 Américains seront tués et 96 000 blessés.

Imaginons, comme l’a fait le professeur A. Prost, les morts de Verdun, couchés à terre, épaule conte épaule, serrés les uns contre les autres. Ils formeraient un alignement  macabre de 183 km !


"Exhortation pour la Paix" 

(…)

Pour ce nobles soldats et vous nobles gendarmes,

Et de bouches et de cœur détestez moi les armes :

Au croc vos morions pour jamais soient liés,

Alentour l'araignée en filant de ses pieds

Y ourdisse ses rets, et en vos creuses targes

Les ouvrières du miel y déposent leurs charges ;

Reformez pour jamais le bout de votre estoc,

Le bout de votre pique en la pointe d'un soc ;

Vos lances désormais en voûtes soient trempées,

Et en faux désormais couvez-moi vos épées,

Et que le nom de Mars, ses crimes et ses faits

Ne soit plus entendus, mais le beau nom de Paix...

                                        Pierre de Ronsard. 

                                                      La Patrie, 

                                                          1558


ILS SONT MORTS A VERDUN

ILS ETAIENT DE MONTHOU

 

BIGOT Toussaint

 

Toussaint est né le Lundi 1er Novembre 1886, à Monthou sur Cher.

Son père, jean, 46 ans est propriétaire. Sa mère, Clémentine Marcadet est âgée de 44 ans.

Nous ne disposons d’aucune indication quant au parcours militaire de Toussaint.

En 1916, Toussaint est soldat au 36e RI, dans le secteur de Douaumont (Meuse).

Il est porté «disparu à l’ennemi», le 22 mai 1916.

Ce jour là..,

11 h 50, trois bataillons sont lancés dans l’attaque. L’objectif est de prendre aux allemands des tranchées,  jusqu’au point 323.

Deux vagues de compagnies montent à l’assaut. Leur avancée est retardée par un bombardement très violent et le tir des mitrailleuses, les tranchées sont prises, le point 323 est atteint.

Les pertes sont très sévères. Le bombardement intensif des premières lignes françaises, obligent les deux compagnies à revenir à « nos positions avant l’attaque ».

Les pertes : 175 tués, 670 blessés, 459 disparus,

dont Toussaint.

Mort pour la France

Il avait 29 ans.

CRESPIN René 

René est né le Mercredi 12 décembre 1894, à Vineuil. Il est le fils de Mathieu et de Jousset Léontine.

René, cheveux châtains, yeux bleus, 1,67 m, sait lire, écrire et compter. Il exerce l’activité de vigneron - agriculteur.

Il est incorporé le 8 septembre 1914 et arrive  à la compagnie 4/1, du 1er régiment du génie,  le même jour.

Cette compagnie est à la disposition d’un régiment de la 7e Division d’infanterie.

En octobre 16, la 7e Div est à Verdun, en ligne du bois d’Haudraumont au village de Douaumont.

Les combats sont rudes, les conditions de survie des poilus sont inimaginables.

« L’enfer de Verdun » ne traduit que faiblement ce que fut la réalité de la plus grande boucherie de tous les temps..

René est tué le 6 Novembre 1916.

Ce jour là…,

Les bombardements ennemis assomment de façon discontinue les Premières lignes françaises.

Au cours de la nuit, le Ravin du Bois des Trois Cornes près Bras, est la cible de l’artillerie allemande.

Les pertes de ce jour : 5 tués, 13 blessés, 1 disparu,

dont René.

Mort pour la France.

Il avait 21 ans.

 

Sepulture : Cimetière du Ravin du Bois des Trois Cornes près Bras, Tombe n°22 bis, 2e Rangée, sortie du Boyau Nieuport vers le sud.

JAMET Paul

 Paul est né le Mercredi 14 Mars 1894, à Saint-Georges en  Loir et Cher. Il est le fils de Eugène, vigneron 28 ans, et de Eugènie Verrier.

Cheveux noirs, yeux bleus, 1,54 m, il sait lire, écrire et compter. IL exerce l'activité de cultivateur - vigneron et habite Monthou sur Cher avec sa mère, veuve.

En 1914 (Classe 14) il est ajourné à un an « pour faiblesse ». Mais en décembre de la même année le même conseil de révision le déclare « bon pour le service armé »

Il est affecté au 4ème RI.

Nommé caporal le 7 Octobre 1915. 

Il est tué à l'ennemi à Vaux le 7 Novembre 1916.

Ce jour là….,

Nous ne disposons pas d'archives officielles concernant le 4ème RI.

Des historiques anonymes sont parvenus jusqu'à nous. 

Mort pour la France

Il avait 22 ans.

Sépulture provisoire : inhumé à 200 mètres Nord-est de la digue de l'étang de Vaux, commune de Vaux.

VAVASSEUR 

LéonLéon est né le Vendredi 22 Mars 1889, au bourg à Trois - Moutier dans le département de la Vienne.

Sont père, louis 41 ans, sa mère Elise Pilu 38 ans, sont tous deux marchands ambulants.

Léon exerce l’activité commerciale de ses parents. Il est marchand ambulant.

Cheveux châtains, yeux gris, 1,60 m, il sait lire, écrire, compter.

En 1910, il est exempté pour « faiblesse irrémédiable ».

Néanmoins, le 20 février 1915, il est incorporé au 46è RI, passe au 131e puis au 119e le 19 novembre 1916, 7e compagnie, 2e Bataillon.

Il est tué le 18 Décembre 1916 dans le secteur de Bezonvaux .

Ce jour là…,

Le 119e occupe la zone de Bezonvaux, ville comprise, prises aux Allemands  depuis la veille. Il doit être prêt à intervenir en cas de réaction de l’ennemi.

Toute la journée et toute la nuit, les bombardements restent violents.

Les lignes ennemies sont très proches, 50 m selon les lieux.

Les pertes sont sensibles, 13 tués, 44 blessés et 4 disparus.

De plus, « la température froide et la nécessité de rester dans la boue occasionnent une certaine quantité de gelures de pieds. »

Mort pour la France

Il avait 27 ans