Dans le Loir et Cher, janvier-avril 1944…..

« L’affaire BAUMANN »


 A la mémoire de

Yvette BAUMANN-BERNARD-FARNOUX,

avec un infini respect.



 Avant-Propos.

En procédant au recensement des femmes déportées pour faits de Résistance du département ou en lien avec lui, j’ai été amenée à rassembler des renseignements sur l’une d’entre elles : Léone Foucher demeurant à Prunay-Cassereau.

La fiche du Comité d’Histoire pour la Seconde Guerre Mondiale (CHSGM ) précise qu’elle fut arrêtée puis déportée pour avoir hébergé une femme résistante.

J’ai évidemment cherché en à savoir plus sur cette femme résistante. Et de découvrir, qu’il s’agissait d’une des plus marquantes résistantes françaises : Yvette Baumann, épouse de Jean-Guy Bernard puis de Abel Farnoux.

Un à un, j’ai tiré les fils de ce que les autorités françaises de Vichy et les autorités d’Occupation vont appeler « l’affaire Baumann », plus précisément « l’affaire Baumann-Lazare Levy ».

Les documents d’archives permettent de reconstituer cette « affaire » qui est une tranche de vie concrète et sans fard de la Résistance, de la complicité des services de Vichy avec les Occupants, des mécanismes nazis de la répression, des comportements de collaboration et de trahison de Français.

Je les ai recoupés avec deux ouvrages qui traitent de cette affaire.

Celui de Ania Francos, « Il était des femmes dans la Résistance » ( 1978 ), dont Yvette Baumann, est une des résistantes dont elle retrace le parcours. Ania Francos est censée avoir rédigé son livre à partir d’interviews des intéressées. Mais à la lumière des erreurs, omissions, approximations et surtout déformations romancées de faits attestés pourtant par des documents d’archives, il est permis de penser que Ania Francos a pris des libertés avec les témoignages de Yvette Baumann.

Celui de André Bessière, « L’Engrenage » ( 1991 ), dans une série consacrée la Résistance dont Pierre Mussetta, un des protagonistes majeurs de son « enlèvement » à l’hôpital de Blois, y donne indirectement sa version des faits. Celle-ci rejoint pour l’essentiel les données des documents d’archives.

Enfin, j’ai confronté ces documents d’archives aux études et articles consacrés à Yvette Baumann et à ses propres écrits, peu nombreux d’ailleurs.


Janvier 1944 : la direction de Résistance-Fer de Combat est décapitée.


28 janvier : arrestation de Jean-Guy Bernard et Yvette Baumann.


Le 28 janvier au soir vers 19h30, la police allemande, assistée de policiers français, arrête au 45, rue Boissy d’Anglas à Paris (8e) un homme et une femme : Berthier Jacques, né le 24 janvier 1916 à Abbeville dans la Somme, ingénieur, qui vit en concubinages avec Rivière Louise, née le 29 janvier 1920 à Perpignan dans les Pyrénées Orientales (1).

Le 30 janvier, aussi le soir, ils sont transférés à la Maison de Correction de Blois avec :

-Lazare-Levy Philippe, né le 6 octobre 1918 à Neuilly-sur-Seine dans les Hauts de Seine, étudiant.

-Théron Jean, né le 1er mai 1920, à Fons dans le Lot, étudiant à Paris (2).

Le Commissaire de Police Lebas chargé des Renseignements Généraux à Blois précise dans sa note du 31 janvier : « On ignore les circonstances de l’arrestation de ces quatre personnes qui auraient été appréhendées pour menées gaullistes, sans autre précision ».

Jacques Berthier n’est autre que Jean-Guy Bernard, 26 ans, un des principaux dirigeants de Combat et responsable de Résistance-Fer, issu de NAP-Fer (3).

Louise Rivière est Yvette Baumann, 24 ans, responsable de tout le Service Social de Combat puis des MUR. Elle est son épouse (4).

Ce sont de jeunes mariés qui se sont unis à la mairie de Margency, le 8 octobre 1943.

C’est Pierre de Bénouville qui s’est occupé de tout pour le mariage. Yvette apparait comme domiciliée dans cette commune pour les besoins juridiques.


Les personnages de gauche à droite : Claude BOURDET, Pierre de BENOUVILLE, Jean-Guy BERNARD, Yvette Baumann, Marcel PECK, Jacqueline BERNARD. 

Le maire Raymond Richard est en fait un agent double ! Il sera, avec ses comparses, fusillé en 1948, au fort de Montrouge (cf. témoignage de Sylviane Toporkoff ).

Claude Bourdet (5) et Pierre de Benouville (6) sont leurs témoins. Deux membres de la direction de Combat. Deux noms très connus de la Résistance.

Yvette est enceinte de presque 8 mois.

Leurs camarades arrêtés sont aussi des responsables de Résistance-Fer.

Philippe Lazare-Levy est le fils du grand compositeur et pianiste Lazare-Levv.

Le 1er Février, sont incarcérés à leur tour à Blois, Louis Martin, âgé de 22 ans, et Oudin Jacques, également âgé de 22 ans.

Le premier est aussi membre du Réseau Jean-Marie du SOE et le second du Réseau Défense de la France.

Ainsi qu’un Jean Verdi, âgé de 26 ans.

Le Commissaire Lebas note que ces trois arrestations « paraissent faire suite » aux précédentes notamment celle de Philippe Lazare-Levy.

A cette date, c’est ce dernier qui focalise l’attention de la police allemande. Il est juif. Son père est très connu et surtout les Allemands n’ont pas encore établi l’identité réelle de Jean-Guy Bernard et de Yvette Baumann.

Alors, pourquoi ces transferts de Paris à Blois ?

Cet important coup de filet contre Combat et Résistance-Fer a été rendu possible par l’arrestation à Blois ou dans sa proximité, d’une certaine Duval Myriam Françoise, censée être née le 15 mars 1917 à Rabat au Maroc.

Arrêtée le 26 décembre1943, elle est incarcérée à la Maison de Correction de Blois, le 27 décembre.

Elle semble avoir été piégée par le sinistre couple de collaborateurs au service direct de la Gestapo à Paris puis dans le Loir et Cher : Roger Calame et Geneviève Danelle. Ce sont eux qui à l’automne 1943, avaient infiltré et démantelé, dans le Vendômois, le groupe Libération Nord autour de Jean Émond et son épouse. Ils seront fusillés pour intelligence avec l’ennemi en 1948.

Le 22 octobre 1945, lors de l’instruction du procès d’épuration contre les Calame, Madeleine Billard appartenant au réseau des Émond, témoignera que Myriam David, véritable identité de Myriam Duval, « a été arrêtée par les époux Calame et sauvagement frappée à la tête ».

Myriam David exprimera « combien les mots manquent pour dire ce qu’est la terreur, être acculée complètement impuissante, n’être qu’une boule d’angoisse ».

Myriam David était l’agent de liaison de Résistance-Fer et travaillait directement avec Jean-Guy Bernard. C’est elle qui avait présenté son cousin Philippe Lazare-Lévy à Jean-Guy Bernard.

Le 10 janvier 1944, il va en découler une autre arrestation dans la chaîne de direction de Résistance-Fer.

Celle de Léopold Turcan, Inspecteur de la SNCF, âgé de 40 ans. Il appartient aussi au réseau Agir et est considéré comme « un de ses meilleurs agents » qui a été « soumis à d’atroces tortures dans une cellule de la prison de Blois » (7).

Yvette Baumann raconte : « L’un de nos camarades avait donné notre adresse après avoir été interrogé et torturé pendant trois semaines. Or nous avions pour consigne de quitter notre domicile pendant quinze jours chaque fois qu’un camarade était arrêté. Après ce délai, nous revenions chez nous » (8).

Ce 28 janvier 1944, ce délai ne fut pas suffisant pour échapper à la Gestapo !

Deux autres arrestations sont à ajouter :

Celle de Christiane David, 30 ans, sœur de Myriam, transférée à la Maison de Correction de Blois le 15 janvier 1944. Cette arrestation affectera particulièrement Myriam David.

Celle de Lucie Morizet, 21 ans, arrêtée elle à Blois, le 9 Février 1944 « au moment où elle venait apporter un colis à la demoiselle Rivière Louise, laquelle a été identifiée depuis comme étant en réalité une nommée Bahomann ( sic ) Yvette de race juive ».

Cette note du commissaire Lebas est datée du 14 février, date à laquelle les deux femmes ont été transférés de la Maison d’Arrêt à la Maison de Correction.

Évidemment, Lebas ignore « les motifs et circonstances de temps et de lieu de ces arrestations » !

Lucie Morizet est la fille du sénateur-maire de Boulogne-Billancourt André Morizet et de Simone Debat-Ponsan, sœur de Jeanne, l’épouse de Robert Debré et la mère de Michel Debré.

Du coup, le sinistre de Brinon (9), Délégué Général du Gouvernement français dans les territoires occupés, se renseigne auprès du Préfet sur la situation de Lucie Morizet.

Le Préfet lui répond « qu’elle a été arrêtée ...alors qu’elle était allée porter un paquet à un prisonnier, Mr. Philippe Lazare-Levy ( cf. ou Yvette Baumann ? )...que les autorités allemandes m’ont laissé entendre que les personnes avec qui celle-ci était en relation étaient inculpées dans une affaire importante ».

Bref, le Préfet ne peut rien faire.

Nombreuses sont les lettres de ce genre, des Préfets successifs de la période de guerre, traduisant leur impuissance, leur dépendance et pour certains leur complaisance, vis à vis des autorités allemandes !

Nuit du 30-31 janvier 1944 : Yvette Baumann tente de se suicider.


A peine incarcérés à la prison de Blois
( nous ignorons si les Allemands les avaient déjà interrogés à Paris ), les détenus sont soumis aux durs interrogatoires de la police allemande.
Yvette Baumann est l’objet d’un dramatique chantage : ou elle parle ou son bébé sera tué à sa naissance ou il sera donné à une famille allemande. En toute hypothèse, elle le perdra à tout jamais (10).

Yvette prend alors la terrible décision de se suicider. Elle a une lame de rasoir cachée dans la doublure de son manteau qu’on lui a laissé.
Elle va se taillader, même se labourer, le poignet gauche.
Elle en gardera les marques bien visibles toute sa vie.

Écoutons le compte-rendu du Sous-Directeur de la Maison de Correction au Préfet, en date du 31 janvier :

«...Une femme écrouée sous le nom de Rivière Louise, née le 29 janvier 1920 à Perpignan, demeurant à Paris, 45 rue Boissy d’Anglas, a tenté de se suicider ce matin en se tailladant le poignet gauche à l’aide d’une lame

de rasoir mécanique. Elle réussit à se faire une blessure profonde qui a entraîné une perte de sang assez abondante. Néanmoins, son état n’est pas grave sauf complications qui pourraient résulter du fait qu’elle est enceinte de 7 mois. Mr. le docteur Brun chirurgien-adjoint de l’Hôtel-Dieu lui a donné des soins en l’absence de Mr. le docteur Meunier, empêché par suite de maladie. Un docteur allemand l’a également visitée.
Cette détenue a été écrouée cette nuit à 3 heures par ordre de l’autorité allemande. Comme il n’y a pas de surveillante à l’établissement, elle n’a pu être fouillée à son entrée. Ce matin, j’ai détaché une surveillante de la Maison d’Arrêt pour assurer le service à Blois-Correction et comme cette détenue manifeste toujours des intentions de se donner la mort, j’ai choisi une détenue de droit commun à la Maison d’Arrêt pour la placer dans sa cellule et veiller sur elle nuit et jour. J’ai effectué cette opération avec l’autorisation de Mr. le Secrétaire Général et avec l’approbation de l’autorité allemande ».

Le Commissaire Lebas informe bien sûr, à son tour, le Préfet le même jour, en reprenant les données de l’Administration Pénitentiaire et en insistant sur le fait « que son état, bien que grave, ne paraît pas devoir inspirer des inquiétudes ».

De toute évidence, les autorités françaises et allemandes n’ont pas renoncé à faire parler Yvette Baumann.

Vraisemblablement au moment de la naissance du bébé, en accentuant leur odieux chantage.

Encore faut-il la conserver en vie.

5 Février 1944 : Yvette Baumann est transférée à l’hôpital de Blois.

Les autorités allemandes, plus précisément la Sicherheitspolizei de Blois, décide de faire transférer Yvette Baumann à l’Hôtel-Dieu (11).

On relèvera que dans sa note du 9 février, le Commissaire Lebas fait encore état « de la nommée Louise Rivière ».

Donc soit l’identité de l’intéressée n’a pas encore été établie, soit le Commissaire n’en a pas été informé par les autorités.

Ce sera chose faite le 11 février.


11 février 1944 : une petite-fille morte née.

C’est donc le onze février 1944, à quinze heures quinze, qu’Yvette Baumann accouche à l’hôpital de Blois, « d’un enfant présentement sans vie ». 

Il s’agit d’une petite fille, morte née.

Elle a accouché prématurément.

L’identité de Yvette est maintenant connue.

Son nom de jeune fille, ses prénoms, date et lieu de naissance et adresse parisienne sont portés sur cet acte n°74, en date du 12 février 1944 (12).

Mais il n’est pas fait état de son état de femme mariée.

Yvette Baumann a dû vouloir protéger jusqu’où bout du possible Jean-Guy.

Un grand amour les unissait, véritable petite lumière dans la nuit noire de l’Occupation.

C’est René Calenge, maire-adjoint, qui signe l’acte.

Yvette Baumann dédiera un bouleversant poème à cette petite-fille, victime de la barbarie nazie.

C’est une fille

Heureusement, dans ma merde, c’était une fille. C'était une fille, née, morte depuis 17 jours.
À l’époque, on avait l’impression que l’on n’honorait pas le mec que l’on aimait Si ce n’était pas aussi un petit mec

Qui sortait de ses entrailles
Alors de ma cellule de Fresnes, j’ai hurlé
Hurlé à Jean-Guy que c’était une fille.
ll devait le savoir.
Mais moi je hurlais comme une bête, de désespoir, Comment était-elle ?
Quelle couleur ?
Je n’ai pas voulu la voir.
Où est cette petite chose ?
Dans quelle fosse ?
Dans quel autoclave ?
Rien.
Je ne sais rien.
Les nazis n’ont pas pu s’en servir.
Et cela est une fiert
é.

(Texte sous-titré Blois, février 1944). (Revue d’histoire de la Shoah 2017/1 n° 206)

15 février 1944 : les détenus sont transférés «  pour une destination inconnue ».

Après avoir tous été rassemblés à la Maison de Correction :

  • Turcan Léopold
  • Lazare-Levy Philippe
  • Théron Jean
  • Bernard Jean
  • Martin Louis
  • Oudin Jacques
  • Morizet Lucie
  • David Christiane
  • David Myriam

ont été dirigés « vers une destination inconnue », le 15 février à 4 heures trente du matin (13).

Pas de Jean Verdi dans cette liste. Je n’ai d’ailleurs trouvé aucune information sur lui.

Le commissaire Lebas précise dans son rapport au Préfet : « Des déclarations faites par la police allemande, il ressort que les neufs personnes ci-dessus faisaient toutes partie d’une organisation de résistance ayant à son actif de nombreux attentats notamment sur les voies ferrées, organisation ayant à sa tête le nommé Bernard Jean qui aurait passé des aveux complets ».

On notera la prudence du commissaire qui emploie le conditionnel pour notamment qualifier les supposés aveux de Jean-Guy Bernard.

Yvette Baumann soulignera à plusieurs reprises, que c’était leur honneur et leur satisfaction, qu’après son arrestation et celle de son mari et leurs interrogatoires, il n’y avait plus eu d’arrestations. Ce qui permet se situer les arrestations de leurs camarades entre celle de Léopold Turcan et les leurs.

« L’enlèvement » de Yvette Baumann à l’hôpital de Blois.

C’est la direction de l’Etat-Major de Combat qui décide d’organiser l’évasion de Yvette Baumann.

Pour des raisons de sécurité, en raison d’une probable reprise des interrogatoires par les Allemands.

Elle est physiquement épuisée. Malgré sa force de caractère, son moral a été mis à rude épreuve. Or, Yvette détient des informations stratégiques concernant la Résistance.

Mais pour aussi, des raisons humanitaires et affectives. Les liens d’amitié d’Yvette avec les principaux dirigeants de Combat sont étroits.

C’est Pierre de Bénouville qui va organiser cette évasion. Il va la confier à son fidèle lieutenant et inséparable ami, « Pierrot » Mussetta.

Ils se sont connus au service militaire.

Mussetta passera ensuite cinq ans à la Légion Étrangère.

Ils se retrouveront dans la « drôle de guerre » et ne se quitteront plus.

Il partage les opinions d’extrême droite de Bénouville, l’ancien cagoulard.

Mussetta est représentatif de ces nationalistes qui par refus de l’Armistice, de l’Occupation par les « boches » mais aussi par anticommunisme, rejoindront des mouvements de Résistance, classés plutôt à droite et d’obédience généralement gaulliste.

Pierre Mussetta est un « dur », un baroudeur qui n’a peur de rien. Il inspirera le personnage du « Bison » dans l’ouvrage de Joseph Kessel, « l’Armée des Ombres ».

Il sera le garde du corps de Bénouville et l’homme de main des opérations délicates sous ses ordres.

Il est alors responsable des corps francs de Combat pour la zone Nord (14).

Il va composer un commando à sa main pour l’évasion de Yvette Baumann.


Le même scénario que pour l’évasion non réalisée en juin 1943 de Yvonne Rudellat du Réseau Adolphe/SOE.

Yvonne Rudellat, grièvement blessée à la tête après son arrestation avec Pierre Culioli, le 21 juin 1943, avait été hospitalisée à l’hôpital de Blois (15).

Ses amis du réseau Adolphe, avec en tête le couple de Bernard et Marcel Buhler du groupe de Blois et les Gatignon du groupe de Noyers/St.Aignan avaient décidé de la faire évader.

Ils étaient en relation avec des sympathisants actifs de leur mouvement de Résistance : Joseph Drussy, directeur de l’Hôpital et frère du maire de Blois, Henry Drussy, acquis à la Résistance ; Pierre Allard, intendant ; d’autres membres du personnel administratif ; des membres du personnel soignant dont le Dr. Brun et le Dr. Luzy, connu lui avant guerre pour ses positions d’extrême-droite.

Ils avaient fait mouler et façonner un double de la clé de la petite porte faisant communiquer l’Eglise St. Nicolas à l’Hôtel-Dieu.

Yvonne Rudellat, habillée en soeur, devait traverser les salles, fuir par cette porte et quitter lieux dans une voiture stationnée devant le parvis de L’Eglise.

Son état de santé ne permettra pas de réaliser son évasion.

Puis, les membres du réseau Adolphe seront arrêtés et presque tous déportés, durant l’été 1943.

Mais les autres acteurs locaux sont eux toujours présents et de plus en plus impliqués dans la Résistance.

On peut affirmer que « l’enlèvement » de Yvette Baumann a été coordonné avec eux.

Et, c’est probablement eux qui ont informé les dirigeants de Combat de la décision des Allemands de transférer Yvette Baumann à Paris le 21 Février comme ils ont communiqué les renseignements sur les lieux à l’extérieur et l’intérieur.

Il fallait agir vite.

Après midi, le 18 février, le groupe Mussetta passe à l’action.

L’ouvrage « L’Engrenage » rédigé, rappelons-le, à partir des confidences des intéressés, rapporte les faits en sur-dimensionnant le rôle de Mussetta (16).

Ainsi, « l’urgence de la mission ne lui permettant ni de déléguer sa responsabilité, ni de rechercher des complicités sur place, Pierre Mussetta, chef des Groupes Francs de la Zone Nord, décide de conduire lui-même l’opération. Après une discrète mais minutieuse visite des lieux, il conclut que pour bénéficier de l’effet de surprise, il faut agir à l’heure de pointe des visites et pénétrer dans l’hôpital par la petite chapelle .... ».

Le corps-franc est composé de Guy Martin, fidèle second de Mussetta, de Hervé Thierry membre actif de Combat et Résistance-Fer qui conduit la voiture, d’un certain Bonnere, de Françoise une étudiante et d’une doctoresse. Je n’ai pu identifier ces trois derniers personnages.

Quant à Hervé Thierry, il est le fils du Colonel Albert Thierry, issu de l’Action Française, très nationaliste et xénophobe, d’abord très lié à Vichy, puis qui entrera en Résistance.

De fait, il a joué un rôle essentiel dans cette évasion ( cf. témoignage Sylviane Toporkoff ).

Le récit de l’évasion décrit des scènes musclées avec deux sentinelles, des armes à la main, des bousculades, des coups de feu contre le commando et une alarme qui sonne.

Pierre Mussetta aurait noué les extrémités du drap d’Yvette Baumann et il « charge sans ménagement Yvette Baumann sur ses épaules ». « D’une voix gémissante et étouffée », elle aurait murmuré : « Vous me faites mal ».

Mussetta lui aurait répondu : « On manque de temps pour les précautions » et cela « sur un ton volontairement ironique » ! Rester fidèle à son image de dur en toutes circonstances !

La version des autorités françaises sur cet « enlèvement ».

C’est bien sûr notre Commissaire Lebas qui le jour même, complète un premier coup de téléphone, par une note au Préfet.

Selon ses informations « le 18 février à 13h20, dix à douze hommes, correctement vêtus et paraissant âgés de 25 ans environ ont, après avoir dévissé la serrure d’une porte située à l’intérieur de l’Eglise Saint Nicolas à Blois et séparant celle-ci des locaux de l’Hôtel-Dieu, pénétré à l’intérieur de celui-ci. Pendant que plusieurs des intéressés, lesquels n’ont exhibé aucune arme, faisaient le gué à l’intérieur de l’établissement, quatre autres d’entre eux se sont dirigés vers la salle St. Louis où sont alités six malades, puis salle du petit St. Louis contiguë où ils ont enlevé la nommée Baumann Yvette....

....Les quatre hommes ont ensuite quitté les lieux par le même chemin qu’à l’aller et ont déposé la malade dans une voiture Citroën traction avant de couleur bleu-marine, immatriculation 6443 PF, en stationnement sur le parvis de l’ église et à l’intérieur de laquelle se trouvait une femme.... »

La direction prise par la voiture des fugitifs n’a pu être établie ni celle prise par les autres membres de l’organisation qui ont dû quitter l’église St. Nicolas par une autre porte et gagner des voitures dissimulées dans les rues avoisinantes ...Les mesures prises immédiatement par les polices française et allemande n’ont donné aucun résultat ».

Le commissaire Lebas pointe à juste titre que : « Le trajet suivi par les jeune gens et la parfaite connaissance des lieux dont ils ont témoigné sont de nature à supposer qu’ils disposaient de complices à l’intérieur de l’Hôpital où la demoiselle Baumann n’était l’objet d’aucune surveillance particulière, cela en accord avec la police allemande, l’établissement ne possédant pas de chambre de sûreté ».

Plusieurs témoins ont assisté à l’événement et donneront l’alarme.

Le Commissaire de Police de Blois envoie lui aussi un rapport au Préfet le 19 février qui reprend en gros les informations données par Lebas.

Il nous apprend, en plus, que la voiture du groupe Mussetta a eu des problèmes techniques.

Elle a été conduite chez Mr. Georgeat, garagiste, rue d’Artois, pour une petite réparation. Les occupants semblaient « anxieux » et ont offert « n’importe quel prix » pour que l’auto soit réparée rapidement.

Le numéro de cette voiture semblait maquillé. Le laissez-passer avait été délivré par la Préfecture de Lyon pour un trajet Lyon, Paris, Blois.

Un gardien de la prison de Blois faisait partie de la chaine de complicités de cette évasion. Yvette Baumann et lui se rencontreront avec beaucoup d’émotion à Blois en 1970 (cf. témoignage de Sylviane Toporkoff ).

Des arrestations immédiates mais sans suite à l’hôpital de Blois.


La police allemande amène immédiatement dans ses locaux, rue Augustin Thierry, plusieurs personnes de l’hôpital de Blois :

Mr. Drussy Joseph, 42 ans, directeur de l’Hôtel-Dieu.

Melle. Gorgeon Rose, 20 ans, fille de salle, qui était de service à la Salle St. Louis, lors des faits.

Melle. Gorgeon Rose, 20 ans, fille de salle, qui était de service à la Salle St. Louis, lors des faits.

Melle. Leloup Jeanne, 27 ans, employée au magasin de l’Hôtel-Dieu.

Melle. Bouquin Christiane, 22 ans, employée au magasin de l’Hôtel-Dieu, « local duquel elle a été témoin du transport de la nommée Baumann dans la voiture en stationnement sur le parvis de l’église ».

Ainsi que « les sœurs Georges et Gemma appartenant au personnel hospitalier de l’Hôtel-Dieu »

Lorsque Lebas termine son rapport, le 18, dans l’après-midi : « aucune de ces personnes n’a encore été relâchée ».

C’´est le commissaire de Police de Blois qui indique que le directeur Drussy « a été relâché le soir même vers 19 heures ». Les autres prévenus aussi.

Il avait été mis en état d’arrestation par Mr. Bauer, chef de la Gestapo, lors de son arrivée.

En effet, « sa responsabilité dans cette affaire paraît absolument dégagée, attendu que l’interprète de la police allemande, Mme Mouna ( cf. sic ! il s’agit de « Mona », maîtresse de Bauer et toute puissante collaboratrice de la Gestapo ) lui avait délivré par écrit, l’autorisation de laisser Mme. Baumann dans une salle commune ».

Les Allemands n’imaginaient donc pas que Yvette Baumann serait l’objet d’une initiative aussi spectaculaire de son réseau de Résistance !

Ce qui confirme à leurs yeux son rang élevé dans la Résistance.

La retrouver va devenir un enjeu majeur.

Et notre commissaire insiste : « Il y a lieu de noter que la police allemande semble attacher une grande importance à la découverte de la dame Baumann. Il s’agirait d’une Israélite qui doit faire partie d’un centre de Résistance. Elle devait être transférée le 21 février en ambulance à Paris par les soins de la Police allemande ».

Dès le 19 février, fin de cavale du groupe Mussetta.


Donnons la parole à notre chroniqueur, le Commissaire Lebas, qui le 21 février informe ses interlocuteurs habituels : « Le 19 février vers 11 heures, les gendarmes de la brigade de Tours ont procédé à l’arrestation de trois des auteurs de l’enlèvement, les nommés :

Martin Guy, 23 ans...ouvrier soudeur, demeurant 290, rue des Pyramides Paris ( 20e ).

Mussetta Pierre, 31 ans....traceur en chaudronnerie, demeurant également Hôtel St. Hubert, 290 rue des Pyramides.

Breda Raymond, 33 ans....inspecteur des Chemins de Fer à la SNCF, domicilié en Dordogne, dont l’identité n’est pas certaine.

Ce dernier a été grièvement blessé...( perforation à la rate ) et a dû être transféré à l’hôpital de Tours où il est gardé à vue par la police française ».

Effectivement, ce Breda s’avèrera être Hervé Thierry.

« L’Engrenage » nous apporte des informations complémentaires, à peu près cohérentes avec la version des autorités (17).

La voiture du groupe Mussetta se dirige ensuite sur Tours.

Ils tombent en panne d’essence aux abords de Monthodon, camouflent la voiture dans une grange abandonnée et cherchent refuge dans l’église.

Le curé leur propose de s’installer dans la salle paroissiale en attendant le car pour Tours le lendemain de bonne heure. Ils y trouvent des déguisements d’une récente fête.

Ils ont besoin de décompresser et se livrent à un beau chahut !

Mais un individu fait irruption en pyjama, furieux et les somme « d’arrêter ce bordel » !

Le même individu les verra prendre le car pour Tours : les quatre hommes portant une canadienne.

Ils envisagent un moment de descendre à l’entrée de Tours et de se rendre à pied à la gare mais comme tout le monde est fatigué, Mussetta décide de rester dans le car.

Il fait chaud dans le car : Bonnere enlève sa canadienne qu’il va oublier sur son siège.

Arrivés à destination, ils constatent que les gendarmes ceinturent la gare routière.

Françoise, la doctoresse et Bonnere descendent du car sans être contrôlés.

Mais les gendarmes demandent leurs papiers aux trois autres en canadienne !

Ils comprennent alors qu’ils ont été signalés comme suspects car reconnaissables par ce vêtement !

Ils avaient effectivement été dénoncés « à la gendarmerie ( de Monthodon ) comme étant les auteurs d’actes de maraudage non précisés et signalés ...comme ayant emprunté le car... ».

Ils tentent de fuir mais la police allemande arrive en renfort et tire à vue.

Hervé Thierry est gravement atteint non seulement à la rate mais également au poumon ; il sera diminué toute sa vie ( cf. témoignage de Sylviane Toporkoff ).

Mussetta et Guy Martin, arrêtés, sont conduits au siège de la Gestapo de Tours, qui avait vite fait le rapprochement avec « l’enlèvement » de Blois puis ils sont dirigés sur la Maison de Correction de Blois.

L’Engrenage rapporte que les trois hommes y ont été torturés et notamment Mussetta. « Geneviève Calame ( cf. ou Danelle), la tigresse de Blois, lui brûle profondément ses mains avec sa cigarette ou lâche deux dobermans affamés dans sa cellule ».

Notre Lebas estime que ce sont leurs complices « qui au cours de la nuit du 19 au 20 février ont repris la voiture n° 6443 P.G 2 qui avait été garée dans une grange... ».

La Police de Sûreté d’Orléans signalera cette voiture comme s’étant dirigée « vers le Nord ».

Le 22 Février, Pierre Mussetta et Guy Martin sont transférés vers «  une destination inconnue qui parait être celle de Paris », selon Lebas.

Celui-ci souligne : « En prévision d’un coup de main, les autorités allemandes avaient pris au cours de la nuit du 21 au 22 février des mesures exceptionnelles de précaution en faisant assurer la garde de la Maison de Correction par 20 soldats armés. Cette mesure paraît motivée par une information selon laquelle 60 terroristes appartenant au même mouvement de Résistance dirigé par le nommé Berthier Jacques, avaient la semaine dernière formé le projet, non mis à exécution pour une cause inconnue, d’attaquer la Maison de Correction de Blois pour délivrer les membres de leur organisation ».

Ce projet a t’il réellement existé ?

Mais ce qui ressort, c’est que la police allemande a pris la dimension du réseau de Résistance animé par Jean-Guy Bernard et ses camarades.

L’hébergement de Yvette Baumann dans le Vendômois.

Du 18 février au 25 février 1944 : Yvette Baumann est hébergée chez Léone Foucher à Prunay-Cassereau.

Faute de documents d’archives, je n’ai pu établir avec certitude les conditions dans lesquelles Yvette Baumann est arrivée chez Léone Foucher à Prunay-Cassereau, le 18 février.

« L’Engrenage » écrit que Yvette Baumann aurait été déposée par le corps franc « comme convenu ...dans une ferme isolée, proche de Vendôme ». Sans plus de précisions.

L’Abbé Guillaume qui a dû accéder à des sources sérieuses après la guerre pour la rédaction de ses ouvrages sur la Résistance précise lui : « Avec l’aide de Mr. Van Den Broek d’Obrenan, maire de Huisseau-en-Beauce et de résistants de la Région de Vendôme, elle fut transportée, puis cachée à Prunay et ensuite à Lunay »(18).

Selon Ania Francos, Yvette Baumann devait être « déposée chez une riche Hollandaise qui possède une propriété dans la Région. Mais la dame ne peut garder Yvette car sa maison est surveillée. Elle leur communique l’adresse d’une dame N..., à Vendôme qui l’hébergera... ».

Nous retrouvons donc les Van Den Broek d’Obrenan et Léone Foucher.

Le fils de la jeune bonne de Léone Foucher, Jeanne Gachet, confirme que sa mère a donné des soins à Yvette Baumann, notamment pour son poignet, durant plusieurs jours. On lui avait dit qu’il s’agissait d’une jeune femme anglaise et que la discrétion s’imposait (19).

Toujours d’après Ania Francos, Jacqueline Bernard, sœur de Jean-Guy et elle aussi dirigeante de Combat et du journal du même nom, serait venue à Prunay pour récupérer Yvette. Mais l’état de santé d’Yvette exclut qu’elle prenne le train ou le car.

Jacqueline serait repartie le soir même pour trouver une ambulance. Mais avant son départ, Jacqueline Bernard aurait insisté pour qu’Yvette déménage rapidement car la maison de Mme. Foucher semblait être aussi surveillée.

Effectivement, quelques jours après, la Feldgendarmerie de Vendôme fera une visite au domicile de Mme. Foucher, perquisition demeurée infructueuse, car Yvette en est partie le 25 février.

...une veuve aisée.

Léone Blanche Foucher, 46 ans, est une veuve aisée, native de Prunay-Cassereau.

Elle a une fille Christiane, 22 ans, célibataire, étudiante à la Croix-Rouge à Paris, présente alors chez sa mère.

Dans le petit article qu’il lui a consacré, Peter Booth la décrit comme « une patriote » (20).

Au début de la guerre, le conseil municipal la nomma régisseur pour contrôler les dépenses relatives à l’hébergement des réfugiés.

Elle « faisait partie d’un réseau de Résistance dirigé par 

les Van Den Broek »


Il poursuit « nous savons qu’à de nombreuses reprises Léone Foucher avait caché des aviateurs alliés ainsi que des agents secrets envoyés par les Alliés pour aider la Résistance. Cachés chez elle, elle les envoyait ensuite à Vendôme, et puis, ils étaient rapatriés par le réseau de Résistance de Fréteval ».

Ce « nous savons » semble découler de sources orales d’Anciens de la commune et d’un neveu de Léone Foucher, maintenant décédé. Je n’ai pas trouvé trace des activités de Résistance de Léone Foucher, en dehors de l’hébergement de Yvette Baumann.

Mais Peter Booth rapporte une donnée qui intrigue : « Elle cachait un lourd secret : elle accepta d’être courtisée par les Allemands installés à Vendôme pour être sûre, qu’ils auraient confiance en elle ». Nous y reviendrons.

… et de richissimes châtelains.

Ce sont les parents de Frantz Van Den Broek d’Obrenan qui ont acheté le château du Plessis-Fortia à Huisseau-en-Beauce, en 1913 (21).

C’est une très riche famille d’origine hollandaise qui a construit sa fortune dans l’industrie du sucre en Indonésie. Frantz Van Den Broek qui a épousé sa cousine, elle aussi riche héritière javanaise, a appartenu à l’extrême droite.

Il fut de 1925 à 1928, un des principaux financeurs du « Nouveau Siècle », organe du « Faisceau », le parti fasciste de Georges Valois.

Retiré au moment de la guerre à Huisseau-en-Beauce, il en devient le maire.

L’Abbé Guillaume nous apprend que le 22 juin 1943, un parachutage était attendu « chez Mr. et Mme. Van Den Broek d’Obrenan au Château du Plessis », c’est à dire le lendemain de l’arrestation de Pierre Culioli et Yvonne Rudellat et du groupe Couffrant, en Sologne. Il faut tout annuler. Ce sont les de Bernard qui avertiront Marcel Buhler qui à son tour avertira Mr. Grelet, notaire et maire de St. Amand qui devait participer à la réception.

Les Van Den Broek étaient donc bien en liaison avec le Réseau Adolphe/SOE.

Leur fils Charles travaillait lui pour le BCRA (22).

De son côté, Gilbert Rigollet rappelle l’aide apportée à un groupe de jeunes de Huisseau sous la menace du départ au STO, qui seront cachés en 1943, par les Van Den Broek dans des dépendances de leur propriété et qu’ils projetaient de faire passer en Angleterre avec l’aide de leur fils. Projet qui n’aura pas de suite.

25 février 1944 : Yvette Baumann est transférée à Lunay.


C’est à nouveau, notre Commissaire Lebas qui informe ses interlocuteurs habituels sur ces événements.

«  Le vendredi 25 février vers 21 heures, trois hommes venus en voiture, probablement de marque Buick, se sont présentés chez Mr. Bataille, boucher à Lunay. En l’absence de ce dernier, ils se sont adressés à son épouse à laquelle ils ont demandé d’héberger une femme. Celle-ci ayant refusé, les trois hommes ont abandonné la femme en question, laquelle était simplement vêtue d’un pyjama et portait un pansement à l’avant bras gauche, dans la cour de l’habitation de sa femme de ménage, laquelle avait manifesté de la pitié pour l’intéressée et l’avait recueillie.

Le lendemain, les trois hommes ne s’étant pas présentés vers 9 heures pour enlever cette dernière comme ils l’avaient promis, Mme. Bataille dépêcha son commis au café « La Comédie » tenu par un nommé Pelletier André, qu’elle avait indiqué la veille figurer parmi ses trois visiteurs. A cet endroit, le commis découvrit les trois hommes de la veille qui lui promirent de venir chercher leur protégée le jour même vers 21 heures... ».



26 février 1944 : arrestation d’une certaine « Foucher Denise ».


« A l’heure susindiquée, le nommé Pelletier s’est en effet présenté au rendez-vous, mais menottes aux mains et escorté de Feldgendarmes qui ont procédé à l’arrestation de la femme recueillie par la femme de ménage des époux Bataille. C’est alors que l’intéressée a été identifiée comme étant la nommée Yvette Baumann ».

Les autres comparses de Pelletier « paraissent avoir échappé aux investigations de la police allemande »

Le Commissaire Lebas, qui écrit son rapport le 29 février, a zappé un épisode dont il n’a peut-être pas été informé.

L’identité d’Yvette Baumann ne sera établie que le lendemain de son arrestation.

Celle qui est écrouée le 26 février à la prison de Vendôme est une certaine Denise Foucher, née le 17 novembre 1921 à Paris ( 9e ), demeurant 9, route de Vendôme à Paris, célibataire et infirmière.

Il n’y a pas de Denise Foucher née au lieu et date indiqués.

Il n’y a pas de route de Vendôme à Paris.

Faux papiers d’identité établis pendant son séjour chez Mme. Foucher ?

Identité improvisée lors de son arrestation comme si elle était parente des Foucher ?

Le registre d’écrou de la prison de Vendôme ne laisse place à aucun doute : la Denise Foucher emprisonnée le 26 février est bien Yvette Baumann (23).

Une note d’un Commissaire remplaçant temporairement Lebas, en date du 17 mars ( donc après un premier train d’arrestation parmi les protagonistes ), précise deux détails intéressants : Léone Foucher était en liaison avec Roger Godin, le secrétaire de Mr. Van Den Broek d’Obrenan que nous allons retrouver et d’autre part « Mme. Foucher, possédant des notions d’infirmière a été amenée à soigner, alors qu’elle était malade, la nommée Foucher Denise, née le 17 novembre 1921 à Paris 9e de Georges et Dumas Alice, infirmière, demeurant à Paris, 9 route de Vendôme, quelques jours avant son arrestation, le 25 février 1944, par l’autorité allemande ».( cf. il s’agit du 26 )


29 février 1944 : les Allemands dirigent Yvette Baumann sur Paris.


Le 28 février 1944, Yvette Baumann sera transférée à la Maison de Correction de Blois, et le lendemain 29 février, les Allemands la dirigent sur Paris.

Le Commissaire Lebas, dans sa note du 1er Mars, estime qu’André Pelletier, ayant été libéré dès le 27 février « est de ce fait considéré comme ayant joué le rôle d’indicateur dans l’affaire ».

Le procès, qui sera intenté à André Pelletier à la Libération pour collaboration avec l’ennemi, éclaire cette dernière partie de l’affaire Baumann dans notre département.

La trahison d’un français.

Un cafetier membre du RNP.

André Pelletier, né en 1912 dans les Vosges, prend en gérance le café « La Comédie » à Vendôme en 1941 (24).

Il adopte un comportement « obséquieux » vis à vis de l’Occupant, comme le souligne le Commissaire de Police de Vendôme dans son rapport du 21 septembre 1944.

Il multiplie les contacts et relations avec la Feldkommandantur.

La Kommandantur s’installera d’ailleurs jusqu’en 1943 dans les dépendances du café au premier étage.

Pelletier obtient rapidement d’être le seul café à Vendôme à rester ouvert après l’heure du couvre-feu et à s’assurer l’exclusivité de donner des concerts dans l’établissement.

Il va réaliser de jolis bénéfices !

Les Allemands de Vendôme constituent une bonne partie de la clientèle de « La Comédie », en compagnie de tous les collaborateurs que compte la ville et des agents de la Gestapo de Blois.

Les témoignages recueillis pour son procès seront nombreux, attestant crûment du comportement collaborationniste de Pelletier qui est, par ailleurs, membre du RNP.

Pelletier sera compromis dans diverses affaires où seront inquiétés des français opposés au gouvernement de Vichy.


Un indicateur des Allemands.

Mais le commissaire souligne que la plus importante est celle en relation avec l’affaire Baumann.

« Le secrétaire de Mr. Van Den Broek ( cf. Roger Godin ) s’est présenté à Pelletier, lui demandant de fournir une voiture pour transporter une patriote cachée dans le château de son patron à un endroit où elle ne risquerait pas d’être inquiétée. Pelletier proposa la maison des époux Bataille à Lunay ce qui fut adopté. Le lendemain même de cet entretien, l’opération était mise à exécution... ».

Dans sa déposition du 19 octobre 1944, Pelletier précise les choses : « Un jour, le secrétaire de Mr. Van Den Broek est venu me voir pour me demander une voiture afin de faire transporter une patriote en lieu sûr. Nous avons demandé la voiture de Mr. Mortier, industriel à Vendôme, qui n’a pas voulu nous la prêter. Finalement nous avons pris celle du secrétaire de Mr. Van Den Broek ( cf. la fameuse Buick ).....

Ce Mortier, administrateur de la société A.M.A à Vendôme était un collaborateur patenté et connu publiquement comme tel.

Pelletier niera toute responsabilité dans les arrestations qui s’en sont suivies.

À la question que les enquêteurs lui poseront sur comment il expliquait qu’il fut le seul à ne pas être arrêté, il répondît avec aplomb : « J’ai entendu dire que Mr. Mortier avait donné dix mille francs pour obtenir ma liberté. J’en ai parlé à cet homme qui en a reconnu l’exactitude et ne m’a jamais demandé aucun remboursement » !


Le « lourd secret » de Léone Foucher.


Les Allemands conseillèrent, avec menaces à l’appui, au couple Bataille de s’écraser car les malheureux avaient protesté et dénoncé la vile attitude de Pelletier qu’ils devaient prendre pour un patriote !

On se souvient de ce qu’a écrit Peter Booth sur « le lourd secret » de Léone Foucher.

Elle et Roger Godin, dont tout laisse à penser qu’il était dans le coup des activités anti-allemandes des Van Den Broek, fréquentaient-ils « La Comédie » pour y glaner des renseignements pouvant servir à la Résistance ?

Pelletier et son compère Mortier se faisaient-ils eux passer pour des patriotes jouant un double jeu auprès des Allemands, pour mieux infiltrer la Résistance ?

Questions qui, sauf élément nouveaux, resteront sans réponse.

Yvette Baumann a été la victime de cet engrenage de la délation.

Par contre, Ania Francos accuse la « fille adoptive » de Mme. Foucher d’être la dénonciatrice.

Ce terme « fille adoptive » est une fausse fenêtre car l’écrivaine croit alors que Christiane Foucher, la fille unique de Léone, est toujours en vie en 1978. 

« Après la guerre, on la fera passer pour folle. Elle échappera à la justice....peut-être la rencontre-t-on, aux soirées officielles de la Préfecture ».

Terrible accusation sans l’ombre d’un début de preuve !

Pour ma part, je n’ai trouvé aucun élément ni écrit ni oral transmis par la mémoire d’Anciens sur le rôle qu’aurait pu avoir joué la fille de Mme. Foucher dans cette tragédie.


Des arrestations en cascade.


Le 27 février, c’est l’arrestation de Roger Godin, le secrétaire des Van Den Broek, au château du Plessis-Fortia.

Il a 35 ans, natif de Levallois-Perret.

Il sera transféré à la Maison de Correction de Blois, le 29 (25).

Dans son rapport du 1er mars, Lebas précise : « L’intéressé a été identifié comme faisant partie du groupe des trois hommes qui ont déposé le 25 février la nommée Baumann au domicile de la femme de ménage des époux Bataille à Lunay ».

Par contre, le troisième homme dit « le chauffeur » n’a pas été retrouvé.


Le 14 mars, c’est le tour de Léone Foucher.

Le remplaçant de Lebas note le 17 mars :

« Le motif de l’arrestation n’est pas connu...tout permet de penser qu’elle a hébergé chez elle la nommée Yvette Baumann ».

Elle est incarcérée à la prison de Vendôme (26).


Le 18 mars, ce sera l’arrestation de sa fille Christiane, écrouée à la prison de Vendôme et transférée à la Maison de Correction de Blois, le 19 (27).


Le 24 mars, suivra Jeanne Gachet, 16 ans, sa bonne.

Mr. Denis Gachet, son fils, m’a raconté son arrestation : on sonne, elle ouvre la porte, reçoit un coup de poing en pleine figure…de Mona, venue en personne procéder à l’arrestation et la ramener à Blois où elle est écrouée (28).

Pour Lebas dans son rapport du lendemain : « Il n’est pas douteux que l’arrestation de la demoiselle Gachet soit en relation avec la même affaire ».


Le 3 avril, les époux Van Den Broek, à leur tour, sont arrêtés et incarcérés à la maison de Correction de Blois ( 29).

Notre commissaire Lebas précise : « Les renseignements recueillis antérieurement permettent de supposer que les susnommés sont compromis dans l’affaire d’hébergement de la nommée Baumann....transférée le 25 février à bord de leur voiture de marque Buick dans laquelle avait pris place le secrétaire de Mr. Van Den Broek, Godin Roger....

Ces arrestations paraissent également avoir un lien étroit avec celle de Mr. Drussy, maire de Blois, appréhendé le même jour, lequel après avoir été confronté avec le nommé Godin, a été finalement mis hors de cause et libéré ».

Un vrai coup de tonnerre, deux maires arrêtés le même jour dont le maire de Blois ! (30).

Le 6 avril, le Préfet rend compte de cette situation au Ministre de L’Intérieur : « M’étant rendu aussitôt auprès des autorités allemandes, j’ai pu, après une longue négociation, obtenir la libération du maire de Blois, qui est devenue effective dans la soirée du 4 avril.

Quant à Mr. Van Den Broek, je n’ai pu en démêler exactement les motifs réels et tout en gardant l’espoir d’obtenir sa libération, je dois attendre que l’instruction soit expirée pour discuter de la réalité des chefs d’accusation qui seront portés contre lui ».

Le Préfet fait preuve de peu de conviction dans la défense de Frantz Van Den Broek !


14 avril 1944, Henri Drussy est à nouveau arrêté par la police allemande et transféré le 15 avril à la prison d’Orléans, « menottes aux mains, par le train de 9 heures 22 ».

Le Préfet avertit les ministres concernés et de Brinon le 18 avril : « L’arrestation de Mr. Drussy coïncide avec les arrestations de plusieurs personnes de la région de Vendôme et entre autres, celles de Mr. et Mme. Van Den Broek, maire de Huisseau-en-Beauce que les services de police allemande accuseraient d’avoir facilité l’évasion d’une nommée Baumann Yvette, de race juive, 24 ans, ... Je suis personnellement cette affaire de très près. Ce matin même, j’ai vu à Orléans à ce sujet, le Kommandeur de la Sicherheispolizei, et la promesse m’a été faite que cette affaire serait réglée d’ici la fin de la semaine ».

Le Préfet n’avait pas manqué de souligner « une certaine émotion parmi la population du département » et « toutes les conséquences regrettables qui pourraient résulter d’une détention prolongée si aucune preuve ne pouvait être relevée contre Mr. Drussy ».

Et pour cause ! Lebas avait signalé que si la nouvelle arrestation de Drussy devait entraîner sa démission, des candidats à sa succession s’agitaient déjà, notamment : Mr. Bouton Eugène, chef départemental du P.P.F et Louis Legrand, aussi membre du P.P.F et Président du Comité Ouvrier de Secours Immédiat....deux actifs collaborateurs ! Et d’insister sur le fait « que la population n’avait cessé de conserver l’espoir de la libération de Mr. Drussy ».

Le 21 avril, de Brinon vient aux nouvelles auprès du Préfet qui lui répond le 26 que « à la suite de mon intervention personnelle auprès des autorités occupantes, Mr. Drussy a été libéré aujourd’hui ».

Que sont-ils et elles devenu(e)s ?

Jean-Guy Bernard :

Il est d’abord détenu à la prison de Fresnes, jusqu’en juillet 1944.

Il fut « horriblement torturé», rapportera Yvette Baumann.

En tant que juif, il est ensuite transféré à Drancy.

Il est déporté dans le convoi N°77 du 31 juillet 1944. C’est le dernier grand convoi de déportation des juifs de France à destination de Auschwitz.

Yvette Baumann savait que son mari était parti de Drancy sur un brancard : « Je ne me faisais plus aucune illusion : je savais que je ne le reverrai pas. Tout s’est d’ailleurs vérifié par la suite. Il a été gazé dès son arrivée à Auschwitz ». Il se dit aussi que Jean-Guy Bernard est décédé durant le trajet.

Yvette Baumann était convaincue, elle, que son mari avait été blessé par balle à la jambe à Drancy pour pouvoir le gazer à son arrivée à Auschwitz en tant qu’invalide, après un voyage dans un wagon où avaient été tassés, nus, 150 à 200 déportés.

Une amie lui a décrit un homme arrivé sur un brancard correspondant au physique de Jean-Guy Bernard et amené à la chambre gaz ( cf. témoignage Sylviane Toporkoff ).

Il est titulaire de la Médaille de la Résistance française.

Une stèle rappelle son souvenir dans le bureau de Louis Armand, directeur général, au siège de la SNCF, qui lui avait succédé à la tête de Résistance-Fer.

Une plaque commémorative a été apposée au 20, rue Vauban à Lyon, où se tenait les réunions du Secrétariat Régional de Combat.


Philippe Lazare-Levy :

Après un séjour à Fresnes, il est transféré à Drancy et torturé par Alois Brunner en personne, le chef nazi du camp de Drancy.

Il est déporté par le convoi N°71 du 13 avril 1944.

Avec ses cousines Myriam et Christiane David.

Avec Simone Veil, sa mère et sa sœur.

Avec les enfants d’Yzieu.

Avec Ginette Kolinka, qui revenue et âgée aujourd’hui de 95 ans, déploie une inlassable activité pour la mémoire de la Shoah.

Il est gazé à son arrivée à Auschwitz.

Myriam David et sa sœur Christiane :


Avec sa sœur Christiane, qui survivra aussi à la déportation, elle est déportée donc de Drancy à Auschwitz, par le convoi 71 du 13 avril 1944.

Médecin de formation ( elle avait soutenu sa thèse deux jours avant la rafle du Vel’dHiv ), elle sera affectée au Revier, l’hôpital du camp.

Les deux sœurs sont transférées en août 1944 au camp de Taucha, un kommando de Buchenwald.



Lors de l’évacuation du camp en avril 1945, elles s’évadent et rentrent à Paris par leurs propres moyens.

Myriam David connaît alors les « les pires difficultés à reprendre pied dans la vie. Elle est hantée par la mort de Jean-Guy Bernard et de son cousin Philippe, s’estimant responsable de leur arrestation... »

Après un séjour professionnel aux USA, Myriam David mènera une remarquable carrière de psychanalyste, pédiatre et psychiatre pour enfants faisant d’elle une des plus grandes spécialistes françaises en ces domaines.

Elle meurt le 28 décembre 2004 à 87 ans et est inhumée au Père-Lachaise.

Six autres membres de Combat seront déportés dans le fameux convoi des « tatoués » du 27 avril 1944 :


Parti de Compiègne, c’est le troisième convoi de non-Juifs à destination d’Auschwitz.

Il comporte à l’arrivée 1652 hommes, essentiellement des résistants.

On ne sait trop la raison de cet envoi à Auschwitz où ils seront tatoués comme tous les déportés dans ce camp.

Le 12 mai, presque tous sont transférés au camp de Buchenwald, puis répartis dans des kommandos :

  • Martin Guy, N°186029. Il rentrera de déportation.
  • Martin Louis, N°186033. Il sera libéré le 23 avril 1945.
  • Musetta Pierre, N°186120. Il s’évade du kommando de Schwerte, le 29 juin 1944, rentre à Paris par ses propres moyens et prend part aux combats de la Libération.
  • Oudin Jacques, N°186155. Il décède à Dora, le 8 avril 1945.
  • Théron Jean, N°186461. Il semble être revenu.
  • Turcan Léopold, N°186498. Il est rentré de déportation.


Hervé Thierry :

Blessé très gravement, il sera « transportable » comme disait les Allemands, plus tardivement.

Il est déporté dans le convoi du 15 août 1944, le dernier convoi parti de Pantin à destination de Buchenwald pour 1654 hommes et de Ravensbrück pour 546 femmes.

A Buchenwald, ce convoi sera appelé celui des « 77000 ».

Hervé Thierry est le N°77232.

Il sera libéré le 11 avril 1945.


Lucie Morizet :

Incarcérée à Fresnes, elle n’a pas été déportée.

Jacqueline Bernard :

Elle est arrêtée en juillet 1944 par la Gestapo et déportée à Ravensbrück par le transport du 15 août 1944.

Sous le N° 57774, elle sera affectée dans plusieurs Kommandos, subira « les marches de la mort » jusqu’au camp de Leitmertiz, comme sa belle-sœur.

A son retour de déportation, elle devient secrétaire générale et membre du comité éditorial de « Combat », devenu un quotidien édité par Albert Camus.

Elle quitte le journal en 1948, et mènera une carrière de journaliste indépendante et de conférencière notamment sur Camus et Malraux.

Elle est co-fondatrice avec Jacques et Philippe Monod, de la Fondation Jacques Monod.

Elle a reçu de nombreuses décorations.

Elle décède à Paris en 1998.

Léone Foucher :

Après avoir été transférée à la Maison de Correction de Blois, elle est conduite à Orléans en même temps que Roger Godin, les Van Den Broek et Henry Drussy, le 15 avril 1944.

Puis, incarcérée à Compiègne.

Elle est déportée le 25 mai 1944 au camp de Ravensbrück avec le N° 42095.

Le 9 avril 1945, elle est libérée à la frontière germano-suisse par la Croix-Rouge, dans le cadre des libérations anticipées négociées par la Suède, notamment pour des déportées âgées et malades.

Arrivée entre le 12 et le 14 avril à Annemasse, elle est hospitalisée à l’hôpital et y décède le 18 avril 1945.

Peter Booth indique que son corps sera rapatrié en 1948 par l’armée et qu’elle a été inhumée dans le caveau familial des Foucher au cimetière de Prunay.


Christiane Foucher et Jeanne Gachet :

Elles seront toutes les deux libérées par les autorités allemandes, le 29 mars 1944.

Christiane Foucher se mariera en province en 1948 et décédera dans le Midi de la France, en 1972.

Jeanne Gachet reprendra son métier d’employée de maison et deviendra femme de ménage à France Télecom. Elle décèdera en décembre 2013.

Roger Godin :

Il est déporté par le transport du 4 juin 1944 au départ de Compiègne, avec 2062 autres hommes, au camp de Neuengamme.

C’est un des plus importants transports de résistants et de victimes des représailles allemandes.

Claude Bourdet en fait partie.

Roger Godin porte le N°33474 et est affecté au kommando de Watenstedt-Leinde.

Il sera libéré et rentre en France mais décède en 1948 à Paris.


Frantz et Anna Van Den Broek d’Obrenan :

A la prison d’Orléans, Frantz Van Den Broek a confié à son entourage, nous rapporte l’Abbé Guillaume, les mauvais traitements que la fameuse Mona lui a fait subir durant ses interrogatoires.

Elle le frappera violemment au visage, lui cassant son œil de verre et lui abîmant l’autre.

Faute de soins, il devient aveugle.

Il aimait à répéter à ses compagnons de cellule, qu’à la Libération, s’il était encore vivant, il la ferait fusiller.

Mais, transféré comme sa femme au camp de Compiègne, il y décède le 28 juillet 1944.

Anna sa femme est, elle, déportée le 15 août 1944 à Ravensbrück.

Avec le N° 57 932, elle est affectée au Kommando de Torgau.

Elle décède en déportation, le 2 janvier 1945.

Henri Drussy :

Henry Drussy est malade. Il avait dû être hospitalisé durant sa détention à la prison d’Orléans du 15 au 27 avril 1944.

Il est contraint à la démission. Et c’est son adjoint René Calenge qui lui succède.

Il est très affaibli.

Il aura la joie d’assister à la libération de Blois dans la nuit du 31 août au 1er septembre 1944.

Il meurt d’une crise d’urémie le 24 octobre suivant et est inhumé le 27 au cimetière de Blois.

Son nom reste attaché à la défense des Anciens Combattants et Victimes de Guerre et à l’action courageuse d’un maire sous l’Occupation pour aider ses concitoyens et la Résistance.

Le Commissaire Lebas :

Le Commissaire Raymond Lebas est arrêté par les Allemands au siège de la Préfecture de Blois, le 16 juin 1944.

Il avait refusé de leur fournir des renseignements sur des Résistants. Il délivrait aussi de faux papiers.

Il travaillait depuis 1943 pour le groupe de résistants de la Préfecture, en liaison avec le réseau Adolphe/SOE.

Il est déporté dans le transport du 15 août 1944 à Buchenwald.

Sous le N° 77518, il est affecté au Kommando de Ellrich.

Il y décède le 6 novembre 1944.


Auguste Grelet :

Notaire et maire de St. Amand de Vendôme, un des animateurs du réseau Adolphe dans la Région vendômoise, en liaison avec les Van Den Broek.

Il devient Vice-Président du Conseil Général à la Libération.

Il sera Président du Conseil Général de Loir et Cher de 1960 à son décès en 1973.

Il est Commandeur de la Légion d’Honneur en 1965.


…et aussi les docteurs Brun, chirurgien attaché à l’Hôtel-Dieu, et Meunier, le médecin des prisons de Blois, dont les résistants souligneront à la Libération, l’aide médicale soutenue qu’ils ont apportée aux résistants blessés et/ou emprisonnés, dans des conditions difficiles et dangereuses pour eux.


André Pelletier :

Le 15 janvier 1947, André Pelletier est condamné par la Chambre Civique d’Orléans « à la dégradation nationale et à vingt ans d’interdiction de résider dans toutes les localités du Loir et Cher.

Ses comptes avaient été bloqués le 16 septembre 1944 et il avait été interné administrativement au camp de Pithiviers, le 19 octobre 1944.

Il est accusé d’intelligence avec l’ennemi. Les témoignages recueillis dans le cadre de l’enquête menée sur commission rogatoire d’un juge d’instruction de Blois à partir de juin 1945, sont accablants sur sa collaboration avec les Allemands.

L’abbé Guillaume indique que « Mona déposa sévèrement contre lui à l’instruction, affirmant que l’intéressé était un indicateur très prisé des Allemands. À l’audience, elle se rétracta et innocenta l’accusé ».

Sa condamnation légère renvoie à la complexité et aux contradictions de l’Epuration. Tout comme pour son comparse Henri Mortier.

Mortier a été arrêté à Paris et détenu à Drancy et ses biens mis sous séquestres.

Il semble avoir été libéré en octobre 1944 contre paiement d’une caution de deux millions francs. Le nouveau Sous-préfet de Vendôme, qui est le résistant Gérard Graveau, protestera vivement auprès du Préfet : « Je considère que maintenir Mortier en liberté serait un scandale ».


.... et Yvette Baumann :

Transférée le 29 février à la prison de Fresnes, elle subira encore un interrogatoire au siège de la Gestapo, rue des Saussaies à Paris.

Puis, le 29 avril, elle est déportée à Auschwitz par le convoi N°72 qui comprend 1004 juifs dont 139 enfants.

Seuls 37 de ces déportés survivront dont 25 femmes.

Le matricule d’Yvette tatoué sur son bras gauche est le 80583 ( cf. témoignage de Sylviane Toporkoff ).

Elle est placée dans une baraque de femmes d’Europe Centrale et ne parle aucune de leurs langues.

Le petit groupe de françaises survivantes du convoi des « 31 000 » du 24 janvier 1943, autour de Marie-Claude Vaillant-Couturier, lui propose de les rejoindre. Ce convoi avait été le premier déportant des femmes résistantes. Elle refusera préférant rester avec ses compagnes juives.

Ces françaises quitteront Auschwitz pour Ravensbruck fin août 1944.

Yvette reste elle à Auschwitz et sera affectée dans un kommando au bord de la Vistule.

Immergée dans une eau glacée, elle doit draguer le fleuve à coups de pelle.

Puis elle sera évacuée sur Ravensbrück.

Yvette Baumann peut alors se procurer le numéro d’une jeune fille dont nul ne sait ce qu’elle était devenue, cache avec un bandage son numéro tatoué d’Auschwitz et arrive à s’intégrer dans un transport de non-juifs qui quittait Ravensbrück.

Face à l’avancée des troupes soviétiques, les nazis organisent à partir de janvier 1945, les meurtrières « marches de la mort » qui mèneront Yvette au camp de Leitmeritz ( ville tchèque annexée au Reich par les accords de Munich ) aux conditions plus vivables mais où sévissait le typhus.

Elle est libérée par les Soviétiques le 11 mai 1945 et rentre à Paris le 30 mai.

Yvette dira combien : « Le retour à été horrible, tous les déportés l’ont dit. L’impossibilité de communiquer, de « raconter », l’incompréhension, l’isolement. En ce qui me concerne, je n’ai pas supporté de rester en France, cette France en laquelle mon père et ses pareils avaient tellement cru ».

Effectivement, elle passera plusieurs années dans des pays étrangers dont l’Algérie, avec sa famille.

Elle avait rencontré après la libération de son camp, un résistant échappé du camp de Buchenwald et que les américains avaient chargé d’assurer le rapatriement des déportés : Abel Farnoux.

Ils se marieront en 1947.

Yvette revient en France en 1957, se consacre à ses activités d’assistante sociale et crée plusieurs associations en soutien aux victimes de la déportation, notamment pour les enfants.

Abel Farnoux, très actif dans le développement technologique de l’électronique et de la télévision, deviendra conseiller de Edith Cresson en 1988 et décédera en 2008.

Il était Grand-Officier de la Légion d’Honneur.

Yvette Baumann-Bernard-Farnoux a reçu de très nombreuses décorations et distinctions attachées à la guerre et à la Résistance.

Ainsi, en 2009, elle sera la 8e femme à être élevée à la dignité de Grand-Croix de la Légion d’honneur...ce qui est bien peu au regard de la place et du rôle des femmes dans la Résistance et dans l’histoire de notre pays en général !

Yvette a eu trois enfants, neuf petits-enfants et huit arrière-petits-enfants.

Elle décède le 7 novembre 2015, à Vanves.

Elle a reçu les honneurs militaires dans la Cour d’Honneur des Invalides, le 17 novembre 2015.


Comptables

Ma vengeance sur la mort
Trois enfants, neuf petits-enfants
Je ne veux pas qu’ils comprennent
Je ne veux pas qu’ils se sentent comptables Toutes les nuits, je sanglote à froid... Savez-vous ce que c’est
Sangloter à froid ?
C’est comme ça peut
C’est sans but
C’est pour elles, toutes mes camarades
Qui ne peuvent plus le faire à chaud
Je meurs un peu pour elles tous les jours
Je meurs chaque jour complètement
Pour toutes elles...

Texte sans date. (Revue d’histoire de la Shoah 2017/1 n° 206)


Si on met à part les déportations des membres de Résistance-Fer transférés à Blois, « l’affaire Baumann » à proprement parler, s’est soldée par sept déportations : trois membres du corps franc qui a organisé l’évasion de Yvette Baumann et quatre du groupe vendômois qui a assuré son hébergement, dont trois décéderont. Il convient d’y ajouter trois autres détentions provisoires.

La dérisoire peine infligée à André Pelletier demeurera une grave faute judiciaire qui acte les limites de la portée de ce que fut l’Epuration, au regard de toutes ces souffrances et ces vies brisées.

Thérèse GALLO-VILLA

Monthou-sur-Cher

Mars 2020


ANNEXE 1


Jean-Guy Bernard : « Un jeune fauve ...il ressemblait à un jeune leader de Mai 68 ».

 ( Claude Bourdet, L’aventure incertaine )


C’est ainsi que Claude Bourdet le caractérisait, soulignant ses exceptionnelles qualités d’organisation et de commandement.

Jean-Guy Bernard est né à Paris dans le 16e, le 22 novembre 1917.

Il est le fils de Fernand Bernard et de Marguerite Ettlinger.

Celui-ci né en 1866 à Nîmes, est polytechnicien et servira en tant que colonel d’artillerie en Indochine. Puis, à la retraite, il présidera la Compagnie des Caoutchoucs d’Indochine et se constituera une coquette fortune.

Son frère, le journaliste Lazare Bernard dit Bernard Lazare, journaliste, fera « éclater » l’affaire Dreyfus et agira sans relâche pour la réhabilitation du capitaine Dreyfus.

À son tour, Jean-Guy entre à Polytechnique. Il s’engage en 1939 dans l’aviation de chasse qui le passionnait. Il est un des rares aviateurs à avoir bombardé Berlin en 1940.

Après l’armistice, il réintègre l’École Polytechnique repliée à Lyon où s’installe sa famille.

Il en est exclu sur la base des premières mesures anti-juives du gouvernement de Vichy.

Sa sœur aînée Jacqueline avait rencontré Berty Albrecht. Celle-ci les met en contact avec Henri Frenay, fondateur du Mouvement de Libération Nationale qui va devenir Combat.

Son père Fernand sera un important bailleur de fonds de Combat.

Jean-Guy s’engagea à fond dans la Résistance.

Il devient secrétaire général de Combat et bras droit de Henri Frenay, sous les pseudonymes de Thélis, Navarre, etc.

Il assure la liaison entre le mouvement et les chefs régionaux.

Dès 1941, il organise le mouvement dans plusieurs régions.

Il sera chargé de mission auprès de Jean Moulin.

Puis, on lui confiera la réorganisation du mouvement dans la zone de Montpellier, minée par des querelles internes.

Son nom reste notamment attaché à la mise en place en zone Nord du NAP, le Noyautage des Administrations Publiques, créé au sein de Combat par Claude Bourdet.

Il impulse NAP-PTT et NAP-FER qui va devenir avec le concours de nombreux responsables de la SNCF, dont Louis Armand, Résistance-FER.

En 1943, il travaille avec les cheminots du Réseau Cohors-Asturies ( crée par Christiane Pineau et Jean Cavaillès à la demande du BCRA), en vue de leur intégration à Résistance-Fer.

Il épouse Yvette Baumann, le 8 octobre 1943.

Résistance-Fer, déjà l’objet d’arrestations, va subir de lourdes pertes au début de 1944.

Le 28 janvier au soir, la Gestapo fait irruption chez Jean-Guy Bernard et Yvette Baumann.

Ils attendaient Jacqueline Bernard qui devait souper avec eux. Heureusement, elle sera en retard...

....la suite dans le présent article.



ANNEXE 2


Yvette Baumann : « Tu avais 25 ans, j’en avais 23

                                Tu es mort, je vis.. »


Poème d’Yvette Baumann, « A quoi bon ? » 25 mars 1987.


Elle est née à Paris ( 9e ), le 17 octobre 1919. Elle appartient à une famille d’origine alsacienne venue s’installer à Paris après le rattachement de l’Alsace-Lorraine à l’empire allemand après 1870.

Son père Georges Baumann est courtier, sa mère Alice Neuburger, sans profession.

Elle effectue ses études primaires et secondaires au Lycée Molière dans le 16e où sa famille habite. Elle est bachelière en 1937.

Elle est élevée comme le seront beaucoup de ces jeunes de vieilles familles de juifs français : dans l’amour de la France, dans la conviction que leur pays les défendra toujours, dans le respect d’un état laïque.

En 1939, elle entre à l’école des surintendantes d’usine, mi-assistantes sociales, mi-inspectrices du travail. La directrice en est Jeanne Sivadon. Berty Albrecht avait elle aussi suivi cette scolarité en 1937, à 40, alors que financièrement, elle n’en avait pas besoin.

Cette école deviendra un actif centre de Résistance, lié au mouvement Combat Zone Nord.

Jeanne Sivadon envoie Yvette à Lyon auprès de Berty pour y trouver un emploi.

Elle sera employée au Bureau du Chômage.

Elle va accomplir une mission complexe de ravitaillement pour des « prisonniers de guerre » de Clermont-Ferrand qui s’avéreront être des prisonniers politiques...véritable test de Berty sur Yvette.

Yvette vient d’entrer ainsi dans la Résistance.

Elle passe dans la clandestinité sous le nom de « Claude » et devient l’adjointe de Berty au Service Social de Combat qui s’occupe des résistants, des disparus, des emprisonnés, de leurs familles. C’est énorme travail plein de risques.

Yvette va sillonner départements et communes à vélo pour mettre sur pied des structures locales du Service Social.

Puis, elle assurera après l’arrestation et la mort de Berty, la direction du Service Social des M.U.R qui décuple ses responsabilités.

C’est au Commissariat du Chômage qu’elle rencontre Jean-Guy Bernard. Ce sera le coup de foudre immédiat. Ils vivent en couple rapidement. Ils se marient en octobre 1943. Yvette attend un bébé.

Après l’Occupation de toute la France par les Allemands, en Novembre 1942, les divers services de Combat avaient quitté Lyon et s’étaient installés à Paris.

Jean-Guy et Yvette et leurs camarades sont des clandestins dans la capitale.

En cette fin 1943 où la France espère dans un prochain débarquement des Alliés et qui connaît un développement des actions de Résistance - et de sa répression, Jean-Guy est tout particulièrement recherché par la police allemande.

Tout va basculer, le 28 janvier 1944 au soir....

...la suite dans le présent article.


ANNEXE 3


Les VAN DEN BROEK : de l’extrême-droite à la Résistance.


Les Van Den Broek sont une famille d’origine hollandaise, comprenant de nombreuses branches dont celle des d’Obrenan. On les trouve aussi en Belgique.

Leur noblesse n’est pas prouvée suivant les généalogistes.

Les sources de leur fortune résident dans de multiples activités industrielles et financières à l’échelle internationale : dans les colonies hollandaises, dans la banque, les assurances maritimes notamment la Lloyd et le bureau Veritas, etc.

Frantz Van Den Broek d’Obrenan est né à St. Germain en Laye en 1880. Son père est naturalisé. Sa mère une Dodun de Keroman, de Bretagne, descend de dirigeants de la Compagnie des Indes.

Ce sont eux qui achètent le château du Plessis-Fortia en 1913.

Il épousera en 1907, à La Haye, sa cousine Anna Van Den Broek, née elle à Java.

Sa famille et celle de sa femme ont fait fortune dans la culture, la transformation et l’exportation du sucre indonésien.

Dans sa jeunesse, il avait été membre de la suite du Duc d’Orléans et baignait dans ces milieux royalistes.

Il devient proche de Georges Valois. Il est candidat sur sa liste aux élections de 1924.

Après sa rupture avec l’Action Française, Valois fonde ce qui est considéré comme le premier parti fasciste français, le Faisceau.

Frantz Van Den Broek, qui a investi au Maroc où il a travaillé pour Lyautey et accru sensiblement sa fortune, devient un des principaux financiers du journal du Faisceau, le Nouveau Siècle.

Il est décrit comme un dandy, n’assumant pas de rôle politique, mais mettant à disposition de ses amis du Faisceau : voitures, maisons, argent, etc.

Il était membre des cercles les plus huppés et fermés de Paris.

Son fils unique Charles naît à Pais en 1909. Il épouse en 1931, Régine de Ganay.

Ce couple va, lui, passer à la postérité avec Étienne de Ganay et son épouse, ainsi que Jean Rastibonne.

Ils effectuent, en effet, de 1934 à 1936, un voyage scientifique dans l’Océan Pacifique sous les auspices du Musée du Trocadéro. Sur la fameuse « Korrigane », un brick-goélette.

Ce qui apparut au départ comme une expédition mondaine permit de ramener des objets d’une grande valeur ethnographique, des milliers de photos, une meilleure connaissance de ces civilisations.

Après la guerre, Charles Van Den Broek poursuivra ses recherches et entreprit le classement des sites et monuments de la Polynésie française. Il est inhumé à Tahiti.

Quant à Frantz et Anna, lors de l’exode en 1940, ils séjournent à Castillonnes ( 47 ), puis s’installent à Cannes.

Après l’occupation de toute la France par les Allemands en novembre 1942, ils retournent vivre au Château du Plessis-Fortia avec leurs petits-enfants.

Frantz Van Den Broek est nommé maire de Huisseau-en-Beauce au printemps 1943.

Il va alors travailler avec la Résistance.

.....la suite dans le présent article.



LES NOTES :


  1. ADLC 1375 W 72, Dossier 1310. Je ne citerai plus cette source car tous les documents de l’affaire Baumann en font partie : rapports du Commissaire Lebas, référence aux écrous, lettres du Préfet, etc. Pour ne pas alourdir ces notes.
  2. ADLC 1585 W 24
  3. Annexe 1
  4. Annexe 2
  5. Claude Bourdet (1909-1996) : ingénieur de formation, il entre dans la Résistance dès l’automne 1940. Il participe avec Henri Frenay à la fondation de Combat, devient membre de son comité directeur et remplace Frenay après son départ à Londres. A partir de 1942, il créé le service du Noyautage des Administrations Publiques (NAP). Il représentera Combat au sein du CNR. Il est arrêté et déporté en 1944. A son retour, il milite pour « un socialisme non stalinien ». Il sera un des fondateurs du Parti Socialiste Unifié (PSU). Il mène jusqu’à sa mort, une intense carrière de journaliste, écrivain et polémiste.
  6. Pierre Bénouville dit de Bénouville (1914-2001) : étudiant à la Faculté des lettres de Paris, il milite aux Camelots du Roi, participe aux émeutes du 6 février 1934, fréquente les chefs de la Cagoule. Durant l’été 1936, il combat en Espagne dans les troupes carlistes. Il rompt avec l’Action française car il est opposé aux accords de Munich. Son nationalisme le conduira à rejoindre les rangs de la Résistance, d’abord Radio-Patrie rattaché au SOE, puis au sein de Combat et au NAP. Il deviendra membre du Comité Directeur des MUR, s’attache à développer les liens entre la Résistance intérieure et la France Libre. En 1944, il rejoint Alger et ira combattre en Italie. Il fut nommé Compagnon de la Libération.
  7. Citation dans « L’Homme qui a sauvé Londres » de Georges Martelli, 2016.
  8. Discours de Yvette Baumann prononcé devant le Sénat en novembre 1988.
  9. Fernand de Brinon (1885-1947) : il appartient à une vieille famille noble du Bourbonnais. Avocat et journaliste, il affiche très tôt des positions pro-allemandes entre les deux guerres. Il est un des fondateurs du Comité France-Allemagne en 1935. Il va occuper au sein de l’Administration de Vichy des postes en relation directe avec l’Occupant dont celui de Délégué Général du gouvernement français dans les territoires occupés. En aout 1944, il se réfugie en Allemagne puis se rendra aux autorités américaines. Il sera condamné à mort le 6 mars 1947 et fusillé le 15 avril au fort de Montrouge.
  10. (10) Abbé Paul Guillaume, ouvrage cité dans la bibliographie, p.128.
  11. (11) 1585 W 24
  12. (12) Registre des décès 1944 : Archives de la ville de Blois.
  13. (13) 1585 W 24
  14. (14) Les corps francs de Combat : l’avocat Jacques Renouvin ( 1905-1944 ), ayant milité à l’Action française qu’il quitte en 1934, est un opposant aux accords de Munich. Après sa démobilisation en 1940, il rejoint le Mouvement Liberté qui fusionnera avec Les Petites Ailes pour créer le Mouvement Combat. Il propose à Frenay d’organiser des corps francs pour des actions importantes et très visibles. En 1942, il en devient le chef national. Ce sont ces corps francs qui font évader Paul Reynaud, Berty Albrecht, etc. Arrêté en janvier1943, il est déporté à Mauthausen et y meurt le 24 janvier 1944.
  15. (15) Les ouvrages sur le réseau Adolphe et le réseau Prosper sont trop nombreux pour être cités ici et plusieurs manquent de fiabilité quant aux sources. L’ouvrage de l’Abbé Guillaume alimenté par les archives des procès de Pierre Culioli est lui très documenté. Sur Yvonne Rudellat, on peut se référer à Stella King, Jacqueline, Pionnier héroine of the Résistance, Arm and Armour, 1989.
  16. (16) L’Engrenage, ouvrage cité dans la bibliographie, chapitre XXXIX, p. 665-672. Par ailleurs, Mussetta avait mené avec ses corps francs, deux tentatives infructueuses d’assassinat de Philippe Henriot, Secrétaire d’Etat à l’Information et à la Propagande de Pétain. Ce dernier sera exécuté par un commando du COMAC le 28 juin1944 : dans Christian Delaporte, Philippe Henriot, Flammarion, 2018. De même, le 5 août 1944, il ratera avec un corps franc l’assassinat du journaliste collaborationniste, Jean Hérold-Paquis.
  17. (17) L’Engrenage, o.c, chapitre XXXIX.
  18. (18) L’Engrenage, o.c, même chapitre.
  19. (19) Abbé Guillaume, o.c, même page.
  20. (20) Denis Gachet, témoignage Janvier 2020.
  21. (21) Peter Booth, voir bibliographie.
  22. (22) Annexe 3.
  23. (23) Information aimablement transmise par mail par Mr. Christian Coiffier, voir bibliographie, en janvier 2020.
  24. (24) 1585 W 35
  25. (25) 607 W 36 : Dossier Pelletier ; 1701 W 54 et 54
  26. (26) 1585 W 24, 1585 W 35
  27. (27) 1585 W 24
  28. (28) 1375 W 64 ; 1585 W 35 ; 1585 W 24.
  29. (29) 1375 W 24 ; 1375 W 72
  30. (30) 1375 W 64 ; 1585 W 24
  31. (31) Abbé Guillaume, o.c, p.50-51 : fin mai-début juin 1943, une rencontre a lieu chez les de Bernard à laquelle participent le Préfet Bussières qui veut entrer en Résistance, Pierre Culioli, Jacqueline Rudellat et Henri Drussy « depuis longtemps en rapport avec le réseau de Sologne ». Melle Monique Fermé, fille du résistant Georges Fermé de Montrichard, témoigne que dès l’Armistice, Henry Drussy entre en contact avec son père, épicier en gros, qui assure le ravitaillement de l’autre coté du Cher, pour lui demander d’en profiter pour faire passer clandestinement la ligne de démarcation ( Janvier 2020 ).


LES SOURCES :

Elles proviennent pour l’essentiel des Archives Départementales de Loir et Cher.

Le dossier de « l’affaire Baumann » est contenu dans la série 1375 W 72 N° 1310. Ce dossier rassemble maintenant les pièces précédemment éparses dans d’autres séries et liasses.

Les registres d’écrou des prisons de Blois-Maison d’Arrêt et Maison de Correction- et de Vendôme : 1585 W 24 et 28 ; 1585 W 35.

Les fiches d’arrestations et condamnations par les autorités allemandes : 1375 62-76.

Les archives du Commissariat de Police de Vendôme et les dossiers établis sur les collaborateurs de cette ville : 1701 W 54-58 ; 607 W 36.

Les fichiers des Renseignements Généraux : 1652 W 19 ( mais la plupart des rapports des RG sur l’affaire Baumann ont été intégrés dans 1375 W 72 N° 1310 ) et du Commissariat de Blois 1375 W 50.

Le fichier des déportés du Loir et Cher constitué par le Comité d’Histoire sur la Seconde Guerre Mondiale : 55 J 5.

Les fichiers des Cartes de Volontaires de la Résistance du Loir et Cher (CVR) : 1693 W 48-52.

Le témoignage de Denis Gachet, fils de Jeanne Gachet et de Monique Fermé, fille du résistant Georges Fermé, recueillis au téléphone en janvier 2020 par l’auteure.

Le témoignage de Sylviane Farnoux-Topotkoff, fille aînée de Yvette Baumann.


BIBLIOGRAPHIE :

BESSIERE André, L’Engrenage, Ed. Buchet/Chastel, 1990.

BOOTH Peter, Une résistante à Prunay : Léone Foucher, CDPA41, Patrimoine dans votre commune/Prunay-Cassereau, N°50, 2016.

BOURDET Claude, L’aventure incertaine : de la Résistance à la Restauration, Stock, 1975.

COIFFIER Christian, Régine Van Den Broek d’Obrenan, une artiste à bord de la Korrigane, Ed. Somogy, 2014.

DOUGLAS Allen, From fascism to libertarian communism : Georges Valois against the Third Republic, Ed. University of California Press, 1993.

DOUZOU L. et autres, Dictionnaire Historique de la Résistance, Robert Laffont, 2006.

EPSTEIN Simon, Un paradoxe français, Antiracistes dans la Collaboration, Antisémites dans la Résistance, Albin Michel, 2008.

FRANCOS Ania, Il était des femmes en Résistance, Stock, 1978.

FRENAY Henri, La nuit finira, Mémoires de Résistance 1940-1945, Robert Laffont, 1973.

GUILLAUME Paul ( Abbé ), La Sologne au temps de l’héroïsme et de la Trahison, Imprimerie Nouvelle Orléans, 1950.

MIANNAY Patrice, Dictionnaire des agents doubles dans la Résistance, Ed. Cherche-Midi, 2005.

MUSÉE de la RÉSISTANCE, Blois, Dossier Pédagogique : Henri Drussy.

NOVODORSKI Monique, interview de Myriam David, Paroles et Libertés, ENS de Lyon, avril 1996.

PEAN Pierre, Vies et morts de Jean Moulin, Fayard, 1998.

RIBEILL Georges, Résistance-Fer, du « réseau » à l’association : une dynamique corporative intéressée ?, Revue d’Histoire des Chemins de Fer, N°34, 2006.

RIGOLLET Gilbert, Le Vendomois sous l’Occupation, PUF Vendôme, 1984.

TOPORKOFF Irène et TOPORKOFF-FARNOUX Sylviane, Hommage à Yvette Baumann-Bernard-Farnoux, Revue de la Shoah, n° 206, 2017/1. Il contient le discours prononcé par Yvette Baumann devant le Sénat, en novembre 1988.

VERGEZ-CHAIGNON Bénédicte, Les vichysto-résistants, Ed. Perrin, 2016.



LES SITES INTERNET :

Je me limite ici à citer les principaux sites consultés ayant un lien direct avec cet article :

Wikipedia

Généanet

Le Mémorial de la Shoah pour les recherches de personnes juives déportées.

La Fondation pour la Mémoire de la Déportation ( FMD ) pour la recherche des déportés « non raciaux » ( expression officielle à l’époque de la Libération ).

Le site consacré par sa famille à Jacques Oudin : www.jacques-oudin-resistant.fr

Le site de Bernard Lefresne pour son étude sur l’épuration en Loir et Cher : www.histoire41.fr

Le site Maitron sur les résistants : maitron-en-ligne.univ-paris1.fr

Les sites du Service Historique du Ministère de la Défense à Vincennes et Caen pour les dossiers de résistants, de déportés-résistants, de déportés politiques ( mais il faut plusieurs mois pour obtenir, s’ils existent, les dossiers concernés limités à cinq à chaque demande ).


LES SIGLES :

BCRA : le Bureau Central de renseignements et d’action est un service de la France Libre, créé à Londres ,en juillet 1940, par le général de Gaulle. il sera dirigé par le très connu colonel Passy ( de son vrai nom André Dewavrin ).

COMAC : le Comité d’Action Militaire, organe créé le 1er février 1944 par le Comité Central des mouvements de Résistance, pour diriger les FFI, Forces françaises de l’Intérieur.

MUR  : Mouvements Unis de Résistance : créés le 26 janvier 1943 par la fusion des trois grands mouvements non communistes de la zone sud : Combat ( Henri Frenay ), Franc Tireur (Jean-Pierre Levy ), Libération Sud (Emmanuel d’Astier de la Vigerie ).

PPF : Parti Populaire Français, créé en juin 1936 par Jacques Doriot, ancien dirigeant et député du PCF. C’est un parti fasciste, violemment anti-communiste et antisémite qui prônera la collaboration.

RNP : Rassemblement National Populaire, fondé par Marcel Déat en février 1941. Il fut l’autre principal parti collaborationniste, au sein duquel les dirigeants du courant « pacifiste », issus du syndicalisme et de la SFIO d’avant-guerre, jouèrent un rôle important.



POST-SCRIPTUM :

Pour le chapitre « Que sont-ils et elles devenu(e)s », je n’ai pas retenu l’ordre alphabétique des protagonistes mais un déroulé plus conforme à la structure de l’article.

Enfin, je souhaitais effectuer quelques ultimes vérifications aux AD41 : mais les mesures de confinement qui viennent d’être prises par le gouvernement renvoient ce travail à plus tard.

Si besoin, je complèterai donc cet article ultérieurement.


Je tiens à remercier tout particulièrement Mme. Sylviane Toporkoff pour l’accueil qu’elle m’a réservé et pour son témoignage qui a permis d’apporter des précisions et des compléments à cet article ainsi que pour son autorisation à publier des photos et documents relatifs à sa mère.