Chapitre III

Une demande incessante de locaux et de terrains.

Une quête permanente de locaux :


L’armée américaine est très loin de sa base, ses effectifs en constante augmentation. Il lui faut, toujours plus d’habitations pour y loger ses officiers et sous-officiers ; des terrains pour le cantonnement des hommes de troupes, le pacage des chevaux, construire ses installations ; des hangars et des granges pour stocker son matériels ; des locaux suffisamment vastes pour ses services sanitaires.

Sa quête exigeante de locaux a, quelques fois, des relents expansionnistes.


Le recensement des locaux susceptibles de devenir des hôpitaux militaires :


Un télégramme en date du 17 juillet 1918, du Ministre de l’Intérieur invite les Préfets à recenser, dans les plus brefs délais, tous les établissements publics et privés de toutes natures qui seraient disponibles en totalité ou en partie et susceptibles d’être transformés en hôpital pour accueillir les militaires français et américains mais aussi des vieillards et des « incurables. »

Une lettre confidentielle du 27 juillet, leur demande de recenser les établissements des ordres religieux contemplatifs.

Sous-Préfets , Commissaires de police, brigades de gendarmerie vont se mobiliser pour mener à bien ce recensement.

Le 15 août, le Ministre accentue la pression. Les états qui lui parviennent ne sont pas assez détaillés.

Les maires de toutes les communes sont sollicités dans l’urgence.

Des efforts considérables ont déjà été réalisés. Néanmoins une liste détaillée des locaux disponibles pour les armées française et américaine est dressée.

Nous disposons de deux listes, l’une pour l’arrondissent de Blois, l’autre pour celui de Vendôme.

Sur l’arrondissement de Blois, 28 établissements sont inventoriés, 17 sont des châteaux. Sur l’arrondissement de Vendôme, 21 établissements sont inventoriés dont 19 châteaux.

Les réponses des maires, peu nombreuses, montrent qu’il reste peu de locaux privés ou publics disponibles.

A noter celle du maire de Cour-Cheverny, qui le 22 mars, informe le Préfet que la Comtesse de Vibraye est entrée en contact avec les officiers américains, pour faire de son château de Chantreuil un hôpital, et celle du maire de Mesland, qui note que tous les châteaux de sa commune sont habités à l’exception de celui du Bois Guillot. Il est loué à Mr Jules Mary homme de lettre parisien (1).

Ce sont les gendarmes qui ont procédé à l’essentiel du recensement.

Une première sélection des immeubles susceptibles de remplir les critères pour devenir un établissement hospitalier est opérée.

Globalement, les châteaux ne seront pas retenus.

La description qui est faite de ces établissements nous donne une image de l’habitat de cette époque.


A Pontlevoy : quelques immeubles pourraient convenir,

Lécole de filles de St Gilles. Il s’agit d’une école privée, propriété de Mr Garnier, domiciliée à Romorantin.  

Pendant la période des vacances, cette maison sert de logement à 7 personnes évacuées de Château-Thierry. C’est une maison d’habitation à un étage avec au rez-de-chaussée, une cuisine, un cabinet, au 1er étage, 3 chambres à coucher, 1 salle de classe indépendante, une buanderie. Enfin, la maison comprend un jardin, une cour et un préau de 120 m2 environ. 

L’eau est à la pompe, dans la cour.  

Trois lits sont sur place.

Dix personnes peuvent y être hospitalisées.

Elle n’est pas éloignée de la Gare de Pontlevoy (200 mètres environ).

Les gendarmes ont également relevé le Collège et l’ancien Couvent de la Nativité.

Le collège est la propriété du Marquis de Vibraye et du Marquis de la Roche-Aymon.

Il est libre jusqu’au mois d’octobre. A cette date, 90 personnes et 350 élèves s’y installeront.

Le Manège est lors du recensement occupé par l’Y.M.C.A

En 1914, le Collège avait été transformé en hôpital temporaire N° 38.

400 blessés y furent hospitalisés. Il fut supprimé en 1917.

Il est donc possible d’installer 400 lits.

L’ancien couvent de la Nativité. L’Etat en est le propriétaire. Au moment des faits, 12 sœurs y vivent et 120 soldats américains l’occupent.

Il est possible d’y loger 50 à 60 lits. La gare est à 200 mètres.

A Contres, le Gendarme commandant la brigade  inscrit à l’inventaire l’école libre de filles de la commune.

L’école fonctionne. Une centaines d’élèves environ y sont scolarisées, 4 maîtresses enseignent, 2 pensionnaires y vivent,

Au rez-de-chaussée se trouvent 4 classes de 50 m2, quelques autres pièces. L’établissement dispose d’une cours de 250 m2.

L’eau est à la pompe dans l’établissement. La gare est à 300 mètres environ.

Il est possible d’y loger 50 personnes.

Dans l’arrondissent de Vendôme, le Sous-Préfet fournit une liste de 15 demeures et châteaux, inoccupés.  

L’ensemble pourrait accueillir environ 1400 personnes.

Les plus caractéristiques sont :

Le Château de la Gaudinière, de la Ville aux Clercs, somptueuse demeure Renaissance, peut accueillir plus de 300 personnes.

Le Château de la Ribochère à Villedieu. Le Château est la propriété de Jean-Martin Gallevier de Mierry, aide de camp du maréchal Foch.

Deux pensionnats, celui de Notre Dame et celui de la rue du Docteur Fanton, et une école privée figurent sur la liste.

Aucune indication n’est donnée sur l’état de ces demeures.  

A Romorantin, et ses environs plusieurs sites sont retenus.

La Providence, un atelier de couture qui accueille 38 pensionnaires. Cet immeuble est composé de deux dortoirs, d’une infirmerie, d’un réfectoire, d'un salon, de deux classes, d’une cuisine, sur une surface de 150 m2 avec un jardin attenant de 130 m2, l’eau de la ville est installée. 39 lits sont déjà dans la place.

Sa capacité peut être de 40 militaires hospitalisés.

La propriétaire est Mme de Lauzon, demeurant 4, rue du Haut Bourg à Blois,

 L'École libre et l'atelier de couture. La propriétaire en est Mme Lionel Normant, domiciliée rue St Roch à Romorantin.

Cette école-atelier accueille 250 élèves et 6 personnes selon le recensement. Le bâtiment comprend, 2 classes, une salle pour les ouvrières, un salon, un préau et à l’étage, six pièces,

Le tout sur un surface de 150 m2, plus 200 m2 non couverts. L’eau de la ville est installée. La capacité de l’établissement est estimée à 50 lits d’hospitalisation.

A Selles sur Cher, ce sont les Communs du Château qui pourraient être utilisés. Leur capacité est estimée entre 20 et 25 lits.

Il ont été occupés, de 1914 à fin 1916, par l’ambulance 37 bis (Annexe de l’hôpital mixte de Romorantin).

Mr de Hardemare, le châtelain, est aussi propriétaire de l’Ecole libre, rue de Clamecy qui comprend quatre salles pour 200 élèves.


A Vernou, le Château de la Borde est vacant. Il appartient à Mr Hanguerlot, adjudant à la 17ème Cie de Remonte à Saumur.

Il peut accueillir entre 20 et 25 personnes. En 1916, 20 soldats français y étaient en convalescence.

Mme Lambert Champy, belle-mère de l’adjudant, infirmière major, se déclare désireuse de soigner des soldats.


Quant aux établissements religieux la cause est entendue :

Le Couvent des Carmélites de Blois, ne peut convenir comme établissement hospitalier.

Le Refuge, rue de la Paix, est une maison hospitalière et de « correction pour filles repenties. »

Le Calvaire, à Vendôme est déjà occupé pour partie par le Service de santé.

Hormis ces sites, le recensement fait apparaître que dans la quasi totalité des communes, il n’y en a que très peu de locaux disponibles.

Certains ne peuvent être utilisés parce que non chauffés ou nécessitent des travaux importants.

Les petites unités éparpillées, ne peuvent accueillir qu’un petit nombre de lits. Elles se prêtent mal à un usage médical.

Une grande partie des écoles ont, déjà, été attribuées et les élèves ont été regroupés dans d’autres écoles.

Une sélection « fine » des locaux « utilisables » :

Les services préfectoraux vont, pour dresser une liste définitive, opérer une sélection plus fine des locaux.

Ils attribuent à chacun d’entre eux un coefficient de zéro à vingt qui déterminera les priorités d’affectation des immeubles.

Pour Blois et ses environs :

La liste comprend 18 adresses et dénominations.

Coefficient zéro attribué pour :

  •  le château de Cheverny déjà occupé par les américains,
  •  le Grouet Villa,
  •  le château de Beauregard, ancien hôpital annexe n° 105, capacité de 40 lits.
  •  le Haras de Blois, dont l’adaptation aux besoins sanitaires supposent des travaux onéreux.
  •  le Palais de justice inutilisable : ni eau, ni gaz, ni électricité, une mauvaise aération, capacité 150 lits.
  •  le château de Blois, inutilisable, sert de garde meuble national, et occupé par le 113eme d’Infanterie.
  •  le château d’Avaray.

Coefficient 10 pour,

  • le château de St Gervais-Le-Prieuré d’une capacité de 67 lits, il conviendrait pour la convalescence des officiers.
  • le groupe scolaire Faubourg de Vienne, capacité 10 lits, mais des travaux « d’amené des gaz et électricité » sont nécessaires, et la distribution d’eau à créer.
  •  l’école primaire de garçons d’une capacité de 75 lits, annexe de l’hôpital américain 25.
  • l’école Victor Hugo, capacité 66 lits, pas de locaux disponibles. Pas de coefficient.
Coefficient 15 pour : 
  • le collège de garçons donnerait 100 lits pour hôpital annexe américain,
  • l’école normale d’instituteurs très utilisable, (ancien hôpital auxiliaire 1 bis), capacité de 150 lits,
  • l’école normale d’institutrice, ancien hôpital annexe,
  • l'école supérieure de filles, très utilisable, 160 lits comme annexe hôpital américain en face
Coefficient 16 pour :

  •  la Villa Montigny. Tout confort, capacité de 40 places pour officiers ou 64 hommes. Le propriétaire est d’accord pour louer.

Coefficient 17 pour :

  • le château de Ménard dont les communs seraient cédés gratuitement, avec une capacité de 145 lits et l’emplacement pour 10 baraques.

Pour Pontlevoy :

Coefficient zéro pour :

  •  les écoles de filles et et garçons

Coefficient dix huit pour :

  •  l’école primaire supérieure de jeunes filles, capacité de 74 lits pour américains seulement.

Quant au Couvent de la Nativité il est déjà occupé par les américains. On peut en faire un hôpital de 350 à 400 lits.

Pour Vendôme.

Coefficient dix huit pour :

  •  le quartier Rochambeau. Mais il est dans un état médiocre. L’hôpital vétérinaire devra déménager. De plus, de gros travaux sont nécessaires pour créer 500 lits.
  •  l’hôpital complémentaire 35

Coefficient vingt pour :

  •  les pensions Labrousse et Finot, utilisables comme hôpital annexe de l’hôpital 35 et pour le collège de jeunes filles du faubourg Chartrain.

Les exigences de l’Armée Américaine :

Le 30 août 1918, le Préfet convoque la Commission de Répartition des Immeubles. A son ordre du jour, l’examen de l’attribution des immeubles au service de santé américain.

L’armée américaine y est représentée par le docteur MAY d’Orléans, et le Colonel MARIETTA, chef de service de Santé Américain à Blois.

Le Dr MAY s’exprime dans un français parfait :« Il faut, a-t-il dit , à l’armée américaine 100 000 lits de blessés d’ici le 1er Janvier et, d’ores et déjà en prévision d’une offensive peut-être prochaine, le service a besoin immédiatement du plus grand nombre de lits possible. Blois doit fournir 3 000 lits, soit à Blois, soit aux environs ».

Le Colonel Marietta confirme.

Le médecin principal Petit, adjoint au Directeur du Service de Santé de la 5ème Région, appuie la demande américaine.
Difficile de dire non aux exigence américaines.

L'Inspecteur d’Académie, le Maire de Blois et le Préfet vont engager la discussion sur un « point délicat, celui de la cession d’immeubles affectés à l’enseignement, sans que cette cession ne porte un préjudice grave à l’enseignement ».


La décision de la commission :

La commission est résolue de céder aux services de santé :

A Blois et ses environs :

  1. Le château de Ménard,
  2. - Le groupe scolaire de Ménard,
  3. - L’école supérieure de jeunes filles attenante à un hôpital américain (ancien hôpital français). Elle fusionnera avec l’école normale de filles.
  4. - L’école primaire près du Théâtre dite école de la place Louis XII, « Très demandée par les américains à cause de sa proximité d’hôpitaux déjà occupés par lui ». Les élèves seront répartis dans d’autres écoles.
  5. - La Villa Montigny.

A Vendôme :

Le service de santé Américain a « demandé avec la plus grande insistance ».

  1. - Le collège de jeunes filles
  2. - L’hôpital complémentaire 35 avec les annexes des deux pensions.
Il obtient gain de cause.


Un Préfet « agacé » :

Le Préfet est quelque peu agacé par l’attitude de l’armée américaine. Dans son compte rendu au Ministre il souligne :

« je crois devoir, en terminant, faire remarquer que l’armée américaine, me paraît avoir une tendance marquée à négliger les établissements d’enseignement privé. Je n’en veux pas chercher les raisons, bien que je crois que le service de santé français n’est pas étranger à cet état d’esprit qu’il me paraît avoir suggéré … j’ai cru devoir signaler à votre bienveillante attention cet état d’esprit contre lequel il est nécessaire de réagir sous peine d’avoir de sérieuses difficultés. La seule façon de les éviter toutes est de prendre également dans l’enseignement public et dans l’enseignement privé. »

Des locaux inoccupés :

Certains locaux, notamment scolaires ont été adaptés par l’armée américaine sans pour autant être utilisés.

L’Inspecteur d’académie réclame la rétrocession de ces locaux.

Le 20 novembre 1918, le collège de jeune filles de Vendôme n’est toujours pas utilisé par les américains, alors que la rentrée scolaire s’est faite dans des locaux de remplacement et que l’internat a été fermé, faute de local de remplacement.

Le 24 novembre 1918, l’Inspecteur d’Académie interroge le Préfet à nouveau : dans l’école de garçon de l’Avenue Victor Hugo à Blois, le service de santé de l’armée américaine y exécute des travaux importants, y construit des baraquements.

L’Armistice est intervenu, ces locaux vont-ils être utilisés ?.

Les locaux de l’école de supérieure de St Aignan sont occupés, des soldats ont été installés dans les ateliers et dans le préau couvert « il y aurait intérêt à savoir d’une façon précise si le service de santé américain compte utiliser cet établissement comme hôpital car il ne lui a été cédé que pour cela ».

Les Américains avaient envisagé de porter la capacité totale de leur service de santé à un million de lits sur l’ensemble du territoire.

C’est dans cette optique que s’inscrit le projet de l’hôpital de Montoire.

L’Armistice mit un point final à cette ambition.


Restitution pour cause d’Armistice :

La fin des combats intervenue, les locaux de santé nouvellement créés, mais inoccupés, vont devenir inutiles.

L’armée Américaine renoncera à les occuper.

Pour les autres, la restitution se fera au rythme de l’évacuation des blessés ou malades.

Le 9 décembre 1918, le Général de l’Espée, s’adresse au Préfet pour lui signifier que le service de santé américain a renoncé à utiliser pour ses besoins d’hospitalisation les immeubles suivants :

à Vendôme, l’hôpital complémentaire N° 35, l’hôpital auxiliaire N° 25, le collège de jeunes filles, les pensions Finot et La brousse, ains que l’école normale d’institutrices et l’école St -François de Sales à Blois.

Le 18 décembre 1919, c’est l’école Victor Hugo qui est restituée (70 lits y étaient installés).

Le 15 janvier 1919, c’est au tour de l’école primaire supérieure de garçons (100 lits) de St-Aignan d’être restituée, à la suite de l’évacuation totale de l’école

Le 27 mars 1919 seulement, l’inspecteur d’Académie, demande l’intervention de l’architecte départemental, pour procéder à l’état des lieux et à l’évaluation du coût des travaux de remise en état.

Le 15 janvier, le collège de Pontlevoy est rendu à sa vocation, 350 lits y avaient été installés.

Le 29 février 1919, l'école primaire de garçons de Blois est rendue.

L’école normale d’instituteurs de Blois, elle, n’est restituée que le 20 mars 1919.



Des locaux pour stocker vêtements, vivres, matériels :

A la demande pressante du Sous-Secrétaire d’Etat, du Chef de la Mission régionale près l’armée américaine, va s’ajouter celle des autorités militaires américaines à la recherche de locaux de toutes natures pour y stocker marchandises, effets militaires et loger les militaires chargés de gérer et surveiller ces stocks  

Le 20 Août 1918, le Chef d’Etat-Major du SOS, stationné à Tours, s’adresse au Préfet pour lui demander son bienveillant concours.  


« J’ai à peine besoin de rappeler à votre esprit la nécessité qu’il y a pour que la France soit délivrée, de la présence de l’ennemi, d’une armée américaine d’au moins trois millions d’hommes. Or, quand l’armée américaine en France aura été portée à ce chiffre, il lui faudra des dépôts pour garer tout ce qui est nécessaire à son parfait fonctionnement. »


« Les transports maritimes sont dangereux, nous ne pouvons construire des hangars en bois, car nous ne pouvons faire venir des troupes de services et la déforestation sera trop importante, et la construction demandera du temps.

Nous avons donc, avec l’accord de votre gouvernement, décidé de mettre à part certains secteurs du pays, qui devront servir comme « secteur dépôt » pour l’armée américaine…

« il se trouve justement qu’une partie de votre département se trouve dans un de ces secteurs..... »

En conséquence, il demande au Préfet, de prier les maires de recenser, tous les locaux qui peuvent accueillir des effets militaires, des vivres, du matériel.

De plus, les soldats américains qui auront en charge la surveillance et la gestion de ces dépôts seront logés chez l’habitant. Il faut donc des billets de logements.

Enfin, il faut régler le tout avant l’arrivée du mauvais temps. L’été arrive à sa fin.  

Il rajoute « je n’ai pas besoin de vous parler du bien que la présence des troupes américaines fera au petit commerce, car partout où elles se sont établies, elles ont alimenté le commerce. »

Après la carotte, le bâton : « Mais surtout - car cette procédure laisse toujours un sentiment de gêne qui ne devrait pas exister entre nos deux peuples -nous ne voulons pas procéder par voie de réquisition, et j’espère que partout, il sera nécessaire de louer les propriétés qui nous sont nécessaires. »

Le 29 août 1918 donc, le Préfet s'adresse aux maires des communes de l’arrondissement de Vendôme : « j’ai l’honneur de porter à votre connaissance que la région du département où est située votre commune a été choisie par l’armée américaine - dont les services prennent tous les jours une extension considérable - pour servir de dépôt de vivres, effets et matériels ».

Il les invite à procéder au recensement des hangars, granges, fabriques, maisons inhabitées, ou que les propriétaires pourraient rendre disponibles.

La gendarmerie est mobilisée pour cela.

Sur l’ensemble de l’arrondissent de Vendôme, 2625 m2 pourraient être utilisés. Ce sont des garages, des hangars, des magasins à grains ou la salle des fêtes de Droué par exemple.

Encore faut-il vider ces lieux des objets et matériels qui y sont entreposés.

Au regard des besoins de l’armée américaine, 2625 m2 c’est notoirement insuffisant pour « un secteur de dépôt » .


Un Préfet "excédé" :

Le 2 septembre, le préfet informe le Ministre de l’Intérieur de la demande du Major.

« Donc tout mon département va être occupé, au sud de la Loire, par les troupes actives, au Nord de la Loire par les dépôts de vivres, de munitions et d’effets. »

Que fait-on des réfugiés ? De ceux déjà arrivés et de ceux qui vont arriver ?

Il souligne les risques de hausse des prix.

C’est un Préfet de mauvaise humeur qui écrit :

« Pour loger leurs blessés, j’ai dû partout donner des établissements scolaires au risque de compromettre leur prospérité, pour loger leurs soldats, j’ai comprimé tous les services partout où ils ont demandé des locaux pour leur en céder le maximum possible.... » mais la situation, pour le Préfet devient grave.

Des efforts importants ont été consentis.

Quant à loger des soldats chez l’habitant ? Le maire de Busloup, dans sa réponse au Préfet, en décrit la difficulté, voire l’impossibilité sur le territoire rural concerné : « Peu d’habitants ont des chambres d’amis ou de réserve....Presque tous les habitants n’ont qu’une seule pièce pour toute leur famille et n’ont pas de lits disponibles….. ».

Une réalité loin des préoccupations « stratégiques » de l’armée américaine.

Sur le front, l’offensive dite des « Cent Jours » a débuté le 8 août. C’est l’ultime offensive conduite par les Alliés qui se conclura le 11 novembre par la signature de l’Armistice.


 Notes :

1 - Jules Mary est un des grands feuilletonistes de la fin du XIXe siècle en France, emblématique de ce qu’on a appelé « le roman de la victime », typique de la littérature populaire de ce temps. Il est l’auteur de plus d’une centaine de romans, dont La Pocharde et surtout Roger la Honte, toujours lus de nos jours. (Source, gallica.bnf.)