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La vie quotidienne à Monthou

L'habitat

Il faut imaginer MONTHOU à l'époque.

Un bourg excentré à près de deux kilomètres de la route nationale.

Un grand nombre de lieux-dits ou des écarts souvent appelés encore "villages".

L'habitat alors se concentre en ces lieux.

Les artisans sont installés au centre bourg.

Dans cette période autour de la guerre, on a très peu construit et on n'achetait pas.

On était propriétaire de la ferme ou de la maison, par transmission familiale.

Ou alors, on était locataire. Les familles avaient souvent hérité de une ou deux maisons.

Elles les louaient et les loyers étaient faibles.

Les habitats troglodytes étaient nombreux. Ils se louaient eux aussi : on habitait alors "dans le rocher".

Les maisons disposaient généralement de deux pièces d'habitation, au maximum de trois.

On comptait comme pièce celle qui disposait d'une cheminée.

La pièce à vivre servait de cuisine, pour les repas et une partie de la famille y dormait. Il y avait presque toujours un ou deux lits.

Le reste de la famille dormait dans la chambre.

Dans la plupart des familles, plusieurs générations cohabitaient : grands-parents, parents et enfants, y compris mariés.

L'autonomisation des enfants mariés se développera plus tardivement.

Les fermes vigneronnes comme celles de la route des Caves ou à Vineuil, disposaient d'une cave dans le rocher. Les autres possédaient un cellier.

La construction de maisons avait connu deux phases d'essor à MONTHOU : la période de la Révolution et du Premier Empire, puis la deuxième partie du Second Empire et le début de la Troisième République.

Ces deux périodes, en effet, avaient été porteuses d'un fort développement de la culture de la vigne et des moyens de transports, avec l'augmentation rapide de la consommation de vin rouge pour les besoins des armées et des guerres, de l'industrialisation et de l'urbanisation. 

Les habits

Les femmes : 

Elles portaient une longue jupe noire ou en tissu foncé, avec dessous une combinaison en finette à mi-jambes. Elles enfilaient dessus une sorte de chemise blanche sur le corps et puis un corsage boutonné, lui aussi foncé.

Elles mettaient un fichu sur leur tête, un tablier bleu en général noué derrière, des sabots et des charentaises pour les femmes âgées. 

Elles utilisaient des culottes " fendues " ( le vocable se suffit à lui-même ! ).

Bien évidemment, nos actuels soutiens-gorges n'existaient pas.

La nuit, les femmes usaient de chemises en finette à motifs et mettaient une "câline " sur la tête. Tout un programme !

L'hiver on se protégeait du froid avec une pèlerine, une veste en gros tissu ou en laine épaisse.

On avait les habits de tous les jours et les habits du dimanche. 

Ceux du dimanche se distinguaient par un tissu plus recherché et par des broderies. Ce jour là, le bonnet blanc brodé remplaçait le fichu. Parfois, elles mettaient un chapeau.

Les hommes :

Ils portaient eux des pantalons en velours ou côtelés, marron ou gris.

Une chemise à pans longs qui la nuit leur servait de chemise de nuit.

Un gilet en tissu et une casquette, et des sabots ou des guêtres complétaient leur tenue.

Les slips étaient inconnus.

La nuit, ils mettaient un bonnet en coton.

L'hiver, ils portaient un paletot de velours et par grand froid un caleçon long.

Le dimanche, les hommes portaient un costume droit ( jamais croisé) noir ou foncé, une cravate, et la casquette du dimanche. Les "riches" mettaient un chapeau 

Hommes et femmes marchaient avec des sabots ou des sabots "garnis", c'est à dire avec une découpe sur le dessus qui était en cuir.

Les couturières venaient travailler à domicile. 

Presque toutes les familles possédaient une machine à coudre. 

Un de nos Poilus était d'ailleurs représentant de la marque bien connue Singer.

Elles faisaient aussi bien les habits de femmes que d'hommes.

Tout vêtement usé servait au rapiéçage de ceux qui étaient encore utilisables et les cols de chemises étaient "retournés."

Ces pratiques pour économiser ce qui était cher et rare se poursuivront encore longtemps.

Les enfants : des journées bien remplies.

A l'Ecole …

On l'a vu, Monthou avait une école publique de garçons et deux écoles de filles, une publique et une privée, crée et gérée par la famille des barons de CASSIN, propriétaires du domaine du Gué-Péan. Une vingtaine de filles fréquentait l'école privée dont une bonne partie étaient les enfants des employés du baron.

Les filles et garçons des écoles publiques qui arrivaient les premiers devaient allumer le poêle. Ceux qui étaient punis, étaient astreints à casser le petit bois.

Les enfants qui habitaient loin étaient autorisés à déjeuner sur place, près du poêle l'hiver.

Filles comme garçons portaient des "galoches", sorte de bottillons avec tige de cuir ou de contre cuir, à lacets et à semelles de bois.

La famille Plassard, les sabotiers, les vendait.

Les horaires scolaires ont été immuables pendant des décennies : 8h30-11h30 et 13h30-16h30.

A  la sortie, les enfants goûtaient : du pain avec de la confiture ou du beurre. Les jours fastes, c'était un morceau de pain et un petit carré de chocolat. Et les mères disaient alors souvent : " ne fais pas ton "lichon" (gourmand), car le bout était tout petit !

Puis, filles et garçons faisaient les devoirs.

L'objectif de ces enseignants publics était non seulement de faire passer et réussir le certificat d'études au maximum de leurs élèves mais de convaincre les parents des plus doués de leur faire poursuivre leurs études secondaires avec obtention d'une bourse. 

C'était en vain le plus souvent. On avait besoin de bras pour tout le travail à faire!

La nourriture

Dans la plupart des familles, les habitudes alimentaires étaient sensiblement identiques.

Chaque ferme élevait un ou deux cochons par an, avait des chèvres pour le fromage, parfois une ou plusieurs vaches, poulailler et clapiers. 

On tuait un cochon aux vendanges pour nourrir les vendangeurs. Un autre parfois en hiver.

Les habitudes alimentaires correspondaient aux productions locales et à des activités physiques en extérieur.

Le  petit-déjeuner du matin :

Morue frite, lard, hareng, rillettes, pain et ... vin blanc ! 

Café et café au lait seront d'utilisation plus tardive. On utilisait peu de beurre dans la cuisine.

Le déjeuner de midi :

La soupe avec du pain dedans, un ragoût de lapin ou volaille avec carottes, patates et surtout de la sauce pour tremper du pain et se caler l'estomac, fromage de chèvre ( peu de fermes faisaient du fromage de vache), un fruit de saison mais surtout de la confiture ou de la compote en dessert.

Le " petit goûter " :

Il avait lieu en été en raison de la longueur de la journée de travail. Il consistait en :

Fromage blanc, rillettes et ...un coup de vin rouge !

Lorsqu'il faisait très chaud, on buvait du " miet ", c'est à dire du vin rouge sucré, coupé d'eau et bien frais.

Le repas du soir : 

La soupe, les légumes de la soupe, parfois des œufs, fromage de chèvre et mêmes desserts.

Si on faisait une potée, le bouillon servait de soupe et le lard de viande. Et toujours du pain, du pain, dans le bouillon ou la soupe.

Le repas du dimanche :

Le pot au feu ou une volaille rôtie avec des patates. En dehors du pot au feu, on mangeait très peu de viande rouge. Il faudra attendre quelques décennies pour manger du rosbeef !

Le dimanche soir ( et seulement le dimanche soir ou soir de fête), on mettait des vermicelles ou des petites pâtes dans la soupe et on mangeait les restes du midi.

Le repas de fête :

C est la tête de veau ou un rôti de veau. Comme ce dernier coûtait cher, le boucher offrait alors du gras double. 

En automne, on dégustait la carpe ou d'autres poissons des étangs que l'on vidait.

Une ou deux fois par semaine, on mangeait des haricots secs qu'on appelait des "riz" car ils étaient petits et ronds. 

Maquereau, hareng, saumonette, morue mais fraîche à la poêle, étaient au menu du vendredi midi. C'était les poissons les moins chers.

Le riz était cuisiné exclusivement sucré en dessert.

Les commerçants :

On se ravitaillait au bourg pour l'épicerie. Les produits se vendaient au détail. On amenait sa bouteille pour l'huile.

On complétait le lundi au marché de Montrichard.

Les commerçants faisaient les tournées : boucher, poissonnier, boulanger.

Il y avait peu de variétés de pain : le pain de 4 livres, certains dits " fendus", des pains ronds de taille différente. C'était du pain blanc. 

Le boulanger pesait le pain dans chaque ferme et rajoutait une tranche coupée, si besoin, pour compléter le poids à 4 livres. Peu de familles cuisaient encore leur propre pain. 

Les familles les plus démunies achetaient ces tranches d'appoint restantes à la fin de la tournée du boulanger, et leur nourriture devait être plus frugale plus frugale.

Les cutures potageres et fruitieres

Les légumes :

Chaque famille cultivait ses productions potagères.

Ces "jardins" étaient la plupart du temps exploités dans les "vallées", zones impropres à la culture de la vigne et situées près des ruisseaux traversant Monthou, ou des nombreuses sources et fontaines.

Mais Monthou produisait aussi des légumes primeurs, en particulier des petits pois.   

Ils étaient cultivés sur ce qu'on appelait des " terres hâtives ", ou des "roussières . Ces terres se situaient sur les coteaux. 

La variété de ces petits pois était des " Prince Albert ". 

Les producteurs montholiens les vendaient au marché de Montrichard.

Les fruits :

La prune reine était la " Sainte Catherine", sorte de quetsche locale, très recherchée pour les confitures et le séchage au four. On les utilisait l'hiver en tarte ou compote, après réhydratation.

Les poires "Fidor" étaient appréciées car elles tenaient bien à la cuisson.

Les variétés de pommes les plus consommées étaient la SaintJean (variété précoce), la Reine des Reinettes, la Reinette du Mans. Cette dernière, variété tardive, petite et jaune, se conservait jusqu'en mars. 

On mettait à l'eau de vie les cerises de la variété dite "pâtée à la grande queue". 

Et on conservait plus d'un mois les plus belles grappes de raisin en les suspendant.

La vigne

Le travail de la vigne au fil des saisons.

De la vigne presque partout :

La vigne occupait alors des espaces plus étendus qu'aujourd'hui. 

Une partie de ce qu'on appelle " la plaine" était plantée en vigne. Celle-ci couvrait Terre Neuve jusqu'au chemin de la Grosse Borne et aux Landes. 

Les friches d'aujourd'hui sur le coteau ont remplacé de belles vignes recherchées comme celles à Touche-Ronde.

Nous l'avons vu avec le recensement, Monthou était une commune viticole.

Le phylloxéra n'avait pas épargné Monthou au début du siècle et beaucoup de vignes avaient été replantées dans les années précédant la guerre.

Un équipement encore rudimentaire :

A cette époque là, tout le monde n'avait pas de cheval pouvant tirer une " charrue dépareuse ", passant entre les pieds de vigne.

La plupart des vignerons piochaient à la main avec un "pic à marrer" dont les deux dents étaient presque aussi longues que le manche.

Ils portaient des guêtres sur les sabots.

Un calendrier immuable des phases de travail :

Le réchauffement climatique vient de loin. On vendangeait près d'un mois plus tard et les vendanges se terminaient en novembre. 

De décembre à mars, c'était la "taille". 

De mars à mai, c'était " le pliage" des baguettes, avant le démarrage des bourgeons.

En mai et juin, c'était "l'ébourgeonnage" qui consistait à enlever les bourgeons inutiles.

De la St.Jean jusqu'au 14 juillet, on procédait à "l'accolage", en relevant les fils de fer sous les ceps pour attacher les bourgeons au pieu.

Il fallait aussi procéder régulièrement au "rognage" pour que la vigne soit à la même hauteur.

On sulfatait de manière préventive pour empêcher les maladies, notamment avant la pluie. On employait un mélange de sulfate de cuivre et de chaux vive, dans un pulvérisateur à dos, souvent encore en bois.

Les sarments, les tiges coupées, étaient assemblés pour constituer une "javelle".

On"sarmentait" lorsqu'on mettait les fagots au milieu des rangs de vigne.

On travaillait dans les vignes généralement de 8 heures à midi et de 14 heures au coucher du soleil.

Les vendanges :  

Elles ne commençaient guère avant le 10 octobre.

On avait recours à la famille, les amis, parfois des journaliers. 

Toute cette main-d'œuvre était locale. Il fallait 7/8 vendangeurs par ferme "moyenne".

Les vendangeurs étaient nourris le midi. On mangeait toujours à l'extérieur sur place dans les vignes même sous la pluie ! 

Morue, rillettes, pâté, rôti froid étaient au menu.

Sans oublier les sardines et les pilchards en boîte. Et les très appréciés harengs fendus grillés sur un feu de javelles.

La dernière voiture de raisin était décorée avec le "bouquet", fait avec les fleurs de saison.

Ce rite sera respecté jusqu'à la disparition des vendanges traditionnelles.

Le repas de fin de vendanges, la "farcie", avait lieu le soir même, ou plus souvent le lendemain midi. On y invitait les conjoints des vendangeurs.

La fabrication du vin :

Le vin rouge :

On mettait directement les raisins dans la cuve.

La première fermentation commençait. C'était la fermentation alcoolique.

Elle était de durée variable mais durait en moyenne trois semaines environ.

Après ce temps, on "tirait le jus ou la cuve" que l'on remettait dans la cuve.

Le marc était passé au pressoir et le jus qui en résultait était mélangé avec le premier. 

La deuxième fermentation dite malolactique commençait alors, elle aussi de durée variable.

Vers Noël, on procédait au "soutirage". On enlevait la lie qui sera distillée pour faire de l'eau de vie appelée communément "goutte".

Il fallait procéder à 2 ou 3 soutirages.

Le vin blanc et le vin rosé :

Contrairement à des idées acquises, le vin rosé n'est pas un mélange de raisins ou de vins rouges  et blancs. Ce sont des cépages spécifiques.

Les raisins  de ces deux vins étaient passés eux directement au pressoir.

Le jus mis en cuve.

Les procédés de fermentation et soutirage étaient identiques que pour le rouge.Les vieux cépages :

Pour les rouges : Gamay, Cot, Petit Boucher, Grolleau, Tarass.

Pour les rosés : Pinot d'Aunis, Gamay à Jus Blanc.

Pour les blancs : Arbois, Meslier, Gros Blanc, Pinot Vert.

La commercialisation :

Les courtiers venaient à domicile. Le courtage débordait largement la zone de Montrichard. 

Ceux-ci dégustaient, prélevaient des échantillons pour les faire goûter aux négociants qui décidaient les achats.

Lorsque le courtier avait la pleine confiance de son patron, il prenait lui même la décision d'achat.

Les négociants se chargeaient de faire enlever le vin au domicile du vigneron. 

Les tonneaux étaient des demi-muids, soit une tonne. Ils étaient pesés à vide, pour s'assurer qu'il n'y avait pas tricherie.

Le vigneron gardait pour la consommation courante de la famille le moins bon vin...et quelques bonnes bouteilles pour les fêtes.

Il n'y avait pas de vente au détail à la ferme à cette époque là.

Les cereales

Les céréales : une culture d'appoint. 

Les céréales constituaient, pour l'essentiel, une culture d'appoint pour la nourriture des bêtes. 

Chaque ferme avait généralement une vache, un cochon, sa volaille. Souvent plus.

L'orge pour nourrir les cochons, l'avoine pour la volaille. On cultivait peu le seigle.

Le blé servait lui pour les besoins domestiques en farine.

On vendait le surplus de blé.

Cette culture céréalière se faisait sur de petites parcelles, impropres à la culture de la vigne et là où des risques de gelées existaient.

De même, les parties en creux, dans les vallées, servaient à l'élevage et à la culture potagère.

C'était un dur labeur.Tout se faisait à la main. 

On fauchait les grains et les près dès le soleil levant. 

Le foin était tiré au râteau et rassemblé en grands tas que l'on chargeait sur une grande voiture à cheval pour être rangé dans les greniers.

Les gerbes de blé (les bottes) étaient entassées pour constituer une "meule ou bauge".

En hiver, on les battait au "fléau "sur la terre battue pour en extraire les grains.

Puis, on secouait ces grains dans un "van", une sorte de panier en osier, pour enlever les "balles", enveloppes des grains.

Avant les semailles, le "trieur de grains" passait dans les fermes avec sa machine pour séparer les grains les moins beaux qui servaient de semences.

On stockait le blé pour le vendre. La partie correspondant aux besoins de la famille était apportée au meunier pour la transformer en farine. Quelques familles faisaient encore leur farine avec un "moulin à sasser".

Il y avait encore plusieurs moulins à blé en fonction à Monthou.

Les Fêtes

Les Fêtes et Divertissements.

L' Assemblée :

Elle se tenait le dimanche qui précédait l'Ascension.

Elle tirait ses origines de l' Assemblée annuelle des habitants sous l'Ancien Régime.

La fanfare défilait. Il y avait des divertissements et un bal.

On invitait famille et amis à déjeuner pour un bon repas.

a St Vincent :

Fête des vignerons, elle était fêtée par tous, au-delà des idées politiques et religieuses, des uns et des autres.

Elle était l'occasion d'un repas en famille et avec les amis. 

Le 14 juillet :

C était une fête publique importante.  

Les enfants des écoles y participaient activement : jeux des ciseaux pour les filles, courses en sac pour les garçons. 

Un bal le soir et puis un feu d'artifice.

Noël et jour de l'An :

L'importance respective que les familles leur attribuaient était souvent fonction des idées religieuses de chacune.

La notion de cadeau pour la Noël était des plus limitées : on offrait aux enfants une orange, fruit rare et coûteux, avec des bonbons fondants.

Le dimanche :

Le dimanche matin, les gens travaillaient car il fallait s'occuper des bêtes. 

On entretenait aussi les potagers.

Les pratiquants allaient à la messe et les hommes passaient boire un verre au café.  

Les autres hommes allaient plutôt au café le dimanche après-midi.

Au café, on jouait aux cartes et au billard.

Les dimanches après-midi, les femmes notamment se promenaient et rendaient visite à la famille.

Les veillées :

On lira par ailleurs les souvenirs d'Octave HENAULT.

Elles débutaient généralement après les vendanges, en novembre.

On se réunissait entre voisins après le repas. On jouait aux cartes et surtout on discutait. 

On mangeait un "petit" gâteau, des châtaignes, des marrons grillés à la poêle : la variété dite des "nouzillats" dont la chair sortait facilement en appuyant dessus.

On buvait de la bernache, du vin chaud, des grogs.

Le marché de Montrichard :

Les gens allaient assez souvent le lundi après-midi au marché de Montrichard.

Tout le monde ne possédait pas une carriole. Aussi, on pratiquait un covoiturage très organisé entre voisins ou parents.

On y allait pour vendre ses productions et acheter ce qu'on ne trouvait pas au bourg.

Mais tout autant pour voir "des nouveautés". 

Il y avait de nombreux "camelots", des marchands ambulants.

C'était aussi un lieu de circulation des nouvelles et de rencontres entre amis et parents des communes avoisinantes.


TEMOIGNAGES

Octave HENAULT, d'une vieille famille montholienne, nous a laissé une précieuse   " Petite Histoire Locale de Monthou-sur-Cher", terminée en 1924.

Ce qu'il décrit de la vie quotidienne et des mœurs couvre la période de la fin du XIX siècle.

Mais ses descriptions valent sur bien des points pour la période que nous traitons.

Aussi, nous lui donnons ici la parole, avec reconnaissance et respect.

Le vieux logis. La veillée.

Ce vieux logis ! Comme nous l'aimons aussi ! C’est la demeure que nous ont construite, que nous ont léguée nos aïeux. C'est là que sont nés, qu'ont vécu, que sont morts nos anciens parents. Ces meubles qui leur ont appartenu, ces objets qui leur furent familiers, cette place qu'ils occupaient, comme tout ici nous rappelle leur souvenir !

Si l'aspect extérieur de nos vieilles demeures n'a guère changé, il n'en est pas de même de leur ameublement, nous allons essayer cependant de reconstituer cet intérieur que nous avons modernisé, mélangeant ce qui nous reste avec nos acquisitions modernes.

C'est avec une énorme clef que nous ouvrons la porte massive faite de solides planches de chêne assujetties aux barres par de gros clous forgés et retournés. Derrière la porte, voici la bassie, l'évier ou l'on range la vaisselle, plats d'étain, assiettes de cailloux. A l'énorme poutre en saillie est accroché le fusil à pierre ; cette poutre est soutenue en son milieu par un poteau de bois appelé le tourneux parce que les enfants tournaient autour de ce pilier, y essayant leurs premiers pas. 

Voici maintenant le moulin à sasser : autrefois chacun faisait sa farine à l'aide de cette petite bluterie. Chaque famille cuisait son pain et la bouche du four s'ouvre là dans la cheminée. 

Un, deux hauts et larges lits à quatre quenouilles, entourés de leurs grands rideaux verts ; et là, dans la ruelle, un massif coffre de chêne. Plus ou moins pesant suivant qu'il contenait plus ou moins d'écus !.... Comme meubles, ces buffets simples ou hauts et bas, de simples chaises, une table de chêne aux pieds reliés par un châssis. Aux murs quelques petits tableaux, images de saints ou de saintes, un crucifix taillé d'une façon toute rudimentaire et fait d'un morceau de bois ou d'os à peine dégrossis. Qui de nous ne possède aujourd'hui quelques-uns de ces vieux objets que nous regardons et avec raison comme de précieux souvenirs ?

Tel était autrefois l'ameublement de nos vieilles demeures et dans son cadre intime nos aïeux passaient leur vie simple et paisible. On s' y réunissait souvent en famille. 

Chaque maison faisait tous les ans son repas de cochon ( réunion de parents et d'amis ).

Au menu invariable :

                       Soupe à la tête de porc

                       Tête à la vinaigrette

                       Boudin grillé

                       Carbonade

                       Grillade

                       Rôti 

                       Salade

                       Pruneaux

On fêtait aussi la Saint Eloi, la Saint Vincent. 

Au cours de ces repas, la conversation s'animait et quelques vieilles bouteilles étant apportées, on dégustait ce bon vin vieux des meilleures années. Alors les chansons commençaient, n'oublions pas ces vieilles chansons que chantaient encore il y a 20 ans nos vieillards de 80 ans ; n'étaient elles pas ces  derniers échos d'un passé à jamais disparu ?

L'hiver on faisait des veillées tantôt chez les uns, tantôt chez les autres.  

Les Noëls.

La veille de Noël, le terfou bûche énorme, quelquefois un arbre entier, brûlait dans l'âtre accompagné de deux morceaux plus petits : le cousin et la cousine. Il fallait bien se garder de les tisonner car on aurait eu des furoncles ! Et en attendant la messe de minuit, on chantait de vieux Noëls oubliés aujourd'hui, mais combien charmants :

Boutons nous habit le plus biau

Que j'ons quand il est feste

Pour adorer l'enfant nouveau

Ce serait malhonneste

Si j'alions en saligau

Visiter noute maiste

J'ai de beaux souliers tout fin neus

Que m'a laisses mon pèze

Tu le croizas si tu veus

Je le tiens de ma meze

Si je ne fais d' mon mieux

Je ne saurais mieux faize.

Ces vieux Noëls ! Sur quel air harmonieux et tendre que je ne saurais rendre ici nos grands-mères, nos mères les chantaient !

 Les prophéties. Les sorciers.

Durant ces longues veillées, pendant que les femmes filaient, les hommes causaient de leurs récoltes, des nouvelles du pays.

Quelquefois, une vieille voisine, qui savait lire un peu apportait la prophétie. C'était une sorte d'almanach perpétuel pouvant durer jusqu'à la fin du monde, vieux bouquin qu'elle n'ouvrait pas sans faire le signe de la croix, car telle était la première formule. 

S'approchant de l'oribus fumeux, bâton de résine fixé à l'âtre dans son fendu, elle apprenait à ses auditeurs attentifs si les saisons allaient être propices aux biens terriens, si quelque événement important n'était point prédit pour l'année qui allait commencer.

Puis, passant aux horoscopes des hommes et des femmes, elle contait à chacun sa bonne aventure et alors c'était la surprise, les éclats de rire, des jeunes filles surtout. On avait beaucoup foi autrefois en ces prophéties car chose étonnante, elles se réalisaient pour ainsi dire toujours

On s'entretenait aussi des derniers exploits des sorciers car nos grands-pères avaient leurs sorciers, ces faiseurs de tours qui vous en faisaient de pendables. Ils vous faisaient égarer ;  ils faisaient verser votre voiture cinq et six fois de suite ; ils vous faisaient attraper des peurs terribles en vous faisant porter des bêtes pesantes ; ils vous faisaient voir un étang ou il n'y avait rien, si bien que vous étiez obligé de faire un long détour pour regagner votre demeure.

Ils étaient capables de tout, ces satanés coquins ! Jusqu'à vous faire noyer dans votre lit quand vous étiez endormi bien tranquille ; tout d'un coup, l'eau montait si bien que vous étiez obligé de grimper sur un meuble afin d'échapper à cette inondation aussi subite qu'inattendue ! 

Un de ces vieux sorciers, sorte de magicien, accomplissait même de véritables prodiges : c'est ainsi qu'il sciait seul un tronc d'arbre avec un passe-partout et cela rien qu'en mettant son bonnet de coton sur la poignée opposée à l'outil. C'était le guiate qui pour quelques instants s'était réfugié dans le bonnet du vieux  !

Il est inutile de dire que le prétendu pouvoir de nos sorciers n'était fait que de l'effroi qu'ils inspiraient à leurs voisins.

Tout ceci ne doit pas nous surprendre ; n'avons nous pas encore aujourd'hui même ( cf. c'est écrit en 1924) nos rebouteux qui par de petites prières accompagnées de gestes bizarres remédient les entorses, nos vieilles femmes qui par des procédés semblables arrêtent les brûlures ? Et de même que nos voisins de Fougères ont eu leur maison hantée en 1913, n'avons nous pas eu notre Bête Noire en 1891, cet être fantastique, d'une taille surhumaine, tout de noir habillé, qui la nuit parcourait nos campagnes et que personne ne pût identifier ?

Comme nous nos ancêtres aimaient le merveilleux..... Cette imagination vive, un peu superstitieuse, n'était-elle pas la source inépuisable de contes qui faisaient le charme des veillées d'antan ?

( texte reproduit en l'état à partir du manuscrit de Octave HENAULT ).


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