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L’HISTOIRE DU VAULX SAINT-GEORGES DE THÉSÉE


Les Titres :

Les origines de la seigneurie du Vaulx Saint-Georges,

Les seigneurs du Vaulx,

La dynastie des Bardon : 1785-1920,

Le Vaulx dans les recensements de la population,

Le Vaulx dans le cadastre,

Les Bardon une dynastie aussi municipale,

L’âge d’or du Vaulx : la famille de Place-Bardon,

Durant la Grande Guerre, le Vaulx à l’heure américaine,

De 1920 à 1968, une succession de propriétaires,

Et enfin la municipalité de Thésée

Les sources consultées,



Les origines de la seigneurie du Vaulx Saint-Georges

Les origines du nom : 

Le nom « Vau » est l’ancienne forme de « val ». C’est un espace de terre entre deux coteaux. Les orthographes peuvent être différentes : Vau, Veau, Vaulx… On adjoint un autre nom pour distinguer les divers Vau existants comme par exemple, près de Thésée, le Vau de Choussy.

L’appellation Saint-Georges s’est imposée naturellement en raison de la grande proximité de l’église paroissiale dédiée à ce saint. Une inscription carolingienne provenant de l’église initiale et enchâssée maintenant  dans le mur sud rappelle que, dès le haut moyen âge, l’édifice était dédié à Saint-Georges. En 1121,  l’évêque d’Orléans attribua cette église à l’Abbaye de Pontlevoy.

Les origines féodales :

Faute d’archives, il est bien évidemment difficile de reconstituer l’évolution féodale de cette seigneurie. On peut toutefois trouver quelques indices à partir des données contenues dans les quelques actes et chartes qui nous sont parvenus.

Ainsi, on relève en 1191, un Humbert, chevalier (dit aussi Imbault) de Thésée, mais impossible d’établir un lien avec le Vaulx. Il faut avoir à l’esprit la « porosité » des possessions d’un même chevalier, notamment sur les paroisses de Monthou, Saint-Romain et Thésée, voire Choussy et Couddes. Tout au long des XIIIème et XIVème siècles, apparaissent les familles du Gué, de Faverolles, de Mareuil, de Grobois, de Couffy, de Palluau. Les noms géographiques sont devenus des noms des familles. Toutes ces familles sont vassales du seigneur de Saint-Aignan et toutes sont originaires du Berry. Contre des terres données à titre usufruitier par leur suzerain, les vassaux tiennent des lieux de surveillance et assistent militairement leur seigneur. Le positionnement du lieu du Vaulx amène à penser que ce fut sa première fonction, probablement depuis des temps immémoriaux.

Cet endroit est situé sur ce qu’on appelle une zone frontière entre les anciennes  tribus celtes puis gauloises des Turons (vers Vineuil-Bourré), les Carnutes (vers Pontlevoy) et les  Bituriges (vers Noyers). Il est aussi situé à l’intersection de l’ancienne voie le long du Cher et de la voie antique Blois-Sambin-Thenay-Monthou (par le Gué-Péan et Bizard) -Thésée par la rue Jeunier. Par cette voie arrivaient marchandises, voyageurs, pèlerins, soldats… Le passage du Cher à gué était aisé à cet endroit et la Mansio, à usage polyvalent, (site des Maselles) toute proche. La présence d’un cimetière mérovingien entre l’ancienne Chapelle Saint-Jean, près de l’église, et la ferme du Vaulx, atteste qu’il s’agit bien d’un très ancien lieu de vie, probablement le berceau de la paroisse de Thésée.

Les seigneurs du Vaulx 

Guillaume de Montigny : premier seigneur du Vaulx ?

En 1384, un certain Guillaume Ourry fait aveu pour ce qu’il possède en indivision avec Guillaume de Montigny à Saint-Romain et à Thésée. Ces deux familles sont aussi berrichonnes.

Guillaume de Montigny, dans cette période, est dit seigneur de Bruère (une terre dans l’Indre héritée de sa mère) et du Vau. Il y a de fortes probabilités qu’il s’agisse de notre Vaulx. Les Montigny possèderont le Gué-Péan et Bizard, jusqu’au décès d’un Jean de Montigny en 1524. On peut penser que le Vaulx leur appartient sous le statut féodal de possession « annexée » à une de ces deux seigneuries principales. Les sœurs du dernier Montigny vont vendre par morceaux les possessions de la famille : Le Gué-Péan à Nicolas Alamant et Bizard à Philibert Tissart, en 1526. On ne connaît pas le sort du Vaulx.

Les Linières

Le Vaulx, en tant que seigneurie, c’est à dire relevant directement à Foi et Hommage du comte  de Saint-Aignan, apparaît avec certitude en 1543, avec la prestation de serment de Jean de Linières et sa femme Anne du Val, encore des familles du Berry. On relèvera que ces Linières ont des liens avec une branche de la famille des La Rochefoucault qui posséda pendant un temps la seigneurie de Bizard qui avait été donnée par le duc de Guise à son protégé Charles de La Rochefoucault, comte de Randan, 

Possesseur pendant la même période du fief de la Jamblonnière sur Thésée.

Florimond Bûcheron : fermier général du Gué-Péan et de Bizard.

L’orthographe varie, y compris dans le même acte, entre Bûcheron, Bucheron, Boucheron. Florimond Bûcheron (Il signe comme ça) appartient à une famille du Lochois, surtout implantée à Beaulieu-les-Loches, dont des membres sont aussi négociants à Tours. Un neveu sera Prieur de la prestigieuse abbaye de Beaulieu, dont dépendait le Prieuré de Monthou. On notera que le seigneur de Saint-Aignan dédommage en 1561, un certain Jean Bucheron, de ce qui lui est dû à la suite du rachat de la terre de Bizard par le duc de  Guise (Bizard sera racheté par François Alamant en 1602). Dès 1603, Florimond Bûcheron et d’autres membres de la famille sont parrains, marraines, témoins, à Monthou. Florimond Bûcheron a épousé Marie Bertin qui semble appartenir à une famille de Saint-Romain et dont la sœur Françoise a épousé Nicolas Louet, notaire à Saint-Romain. A partir de 1613, Florimond est qualifié de «fermier général » du Gué-Péan et de Bizard et Nicolas de « fermier ». Ainsi, les deux beaux-frères se sont associés pour affermer ce qui est devenue une importante châtellenie depuis 1573. Ils ont une solide assise financière. Ils appartiennent au noyau des notables dans la mouvance du Gué-Péan : avocats, notaires, militaires, employés supérieurs des Alamant, fermiers, négociants. Le couple Bûcheron a plusieurs enfants qui naissent à Monthou : Toussine en 1616, Gilles en 1617, Marie en 1621.

 Le fait que leurs derniers enfants naissent à Thésée, Florimond le 28 avril 1632, puis Françoise le 9 avril 1634 et que Florimond Bûcheron soit parrain avec Charlotte Alamant, dame du Gué-Péan, le 23 avril 1630, aussi à Thésée, autorise à situer l’achat de la seigneurie du Vaulx vers cette période. Nicolas Louet a, lui, acheté la seigneurie de Brosses à Saint-Romain. Le 5 avril 1636, c’est le décès de Marie Bertin, suivi de celui de Florimond. Les deux décès sont mentionnés dans le même acte mais dont l’état d’usure ne permet pas de lire la date de décès de ce dernier avec certitude. Une épidémie devait sévir.

Les de Godefroy-Bûcheron 

C’est leur parent, Côme Louet, sieur de la Bergeonnière à Saint-Romain, qui est le tuteur des orphelins. Le 24 janvier 1643, il prête Foi et Hommage en leur nom. L’acte précise que Florimond en est le propriétaire par partage avec ses sœurs (le frère Gilles est probablement mort en bas âge). Une nouvelle Foi et Hommage interviendra le 20 août 1644.

Marie Bucheron épouse Pierre de Godefroy, seigneur de la Chaussay à Epeigné-les-Bois. Il appartient à la petite noblesse et sa seigneurie est modeste. Les de Godefroy et les Bûcheron se connaissaient au travers des réseaux de négociants et d’officiers du Roi dont certaines familles originaires d’Epeigné s’installeront à Thésée et Pontlevoy. Epeigné relevait alors de la doyennée de Montrichard et de l’élection d’Amboise. Le 3 mars 1660, Pierre de Godefroy prête Foi et Hommage pour le Vaulx, au nom de sa femme qui vient d’en hériter. Son frère Florimond, militaire, est mort à Calais en 1657. Il sera inhumé ultérieurement à Epeigné. Veuve en 1663, Marie Bûcheron prête à son tour Foi et Hommage, le 29 Juillet 1665. Une de ses filles, Marie, née en 1651, épouse le 31 janvier 1676, François de Gentils, seigneur de la Valade et de Bourré, alors dénommé Bonroy. Marie de Godefroy décèdera en 1694.

La famille de Gentils 

Les origines : c’est une famille aux nombreuses branches, originaire de Dordogne, assez caractéristique de cette petite noblesse de province qui fournit une bonne partie de l’encadrement militaire intermédiaire de l’armée royale. Ils sont seigneurs de petites seigneuries et fiefs : Croignac, la Valade, Saint-Romain (Ce n’est pas le nôtre !)…  Presque toutes leurs possessions sont situées à l’Isle (Dordogne).

L’alliance avec les Farineau : 

la famille Farineau est une importante famille tourangelle de financiers et officiers de justice du Roi. Une branche est présente à Bourré dès le début du XVème siècle. Ainsi, Guion Farineau, procureur du Roi, est seigneur de Bourré en 1407 et il est anobli avec son frère Pierre, en 1408. La présence des Farineau à Bourré est continue. Ils y demeurent dans le logis appelé encore de nos jours « la Seigneurie ». Sa descendante, Charlotte de Farineau, héritière de la seigneurie de Bourré, va épouser en 1636 Francois de Gentils. Elle décède en 1652. Le mariage de son fils François avec Marie de Godefroy, va associer les destinées de Bourré et du Vaulx jusqu’en 1739, année où un autre Jean de Gentils vendra la seigneurie de Bourré.

Les de Gentils, seigneurs du Vaulx : 

après François,  le Vaulx reste la propriété de la famille : celle de son fils Henri de Gentils, époux de Anne de Poulard, puis de Jean de Gentils, capitaine au régiment de Ribérac Infanterie, époux de Marie-Françoise du Rozier, enfin du dernier, Antoine-Henry de Gentils, sous-brigadier aux Gardes du Roi, neveu de Jean, époux de Marie-Madeleine d’Andigé de Montcheuil.

Le Vaulx baillé à ferme : 

il devait déjà l’être à l’époque des de Godefroy qui résidaient à Epeigné et il le sera sous les de Gentils. Ainsi la première date qui nous est connue est 1693, avec un bail en faveur de Pierre Joudon père. Puis des baux vont se succéder toujours au bénéfice de la famille Joudon, de génération en génération : en 1724 pour un autre Pierre Joudon, en 1729 confirmation du bail dans lequel Pierre Joudon est qualifié de « marchand fermier », en 1733 le bail est reconduit pour sa veuve, en 1741 le bail est passé par Marie Denis veuve donc de Pierre Joudon et par son fils Pierre, en 1750 bail pour les mêmes plus l’épouse de Pierre, Anne Mercier, en 1759 et 1769 au bénéfice des mêmes, le bail de 1781 pour Jean Joudon et sa femme Genevieve Manchet. Le Bas Saint-Georges est affermé à la veuve Joudon. La famille Joudon, originaire de Sambin, constitue une authentique dynastie avec plusieurs branches, comme les Bardon. Ils feront l’objet d’une étude ultérieure. Limitons-nous pour l’heure d’indiquer qu’ils sont présents dès le début du XVIIème siècle comme fermiers, marchands, propriétaires, principalement sur Thenay, Monthou, Phages, Choussy et Thésée. 

Le bail de 1781 :

sur la description du « lieu seigneurial », il n’y a pas de différence avec ce qui est reproduit ci-dessous de l’acte de vente en 1785. Par contre, il comporte des indications qui donnent une idée de l’importance de celle-ci. En gros, elle s’étend à l’ouest de la métairie de la Rangère et les terres des  Bardon sur Monthou (La Croix), au nord vers Bizard et la forêt de Choussy, à l’est au « plan » d’Aveigne, et au sud au Bas Saint-Georges. Le bail détaille toutes les terres, vignes, taillis… relevant de la seigneurie. Il y a 88 rubriques ! La perception des droits seigneuriaux et la gestion des baux entrent dans le bail. Son montant annuel est de 600 livres par an, ce qui est aussi un indicateur de la valeur du Vaulx.

L’installation des de Gentils à Thenay :

 Jean de Gentils, capitaine en pied au Régiment de Poitou, épouse le 6 mai 1751, Marie-Françoise du Rozier qui est l’héritière de la seigneurie du Roger à Thenay. Elle appartient à une famille noble de militaires. Le couple résidera « à semestre » au château du Roger et au faubourg de Nanteuil à Montrichard. Je n’ai pas trouvé où et quand est décédé Jean de Gentils. Mais sa veuve et son neveu qu’il avait adopté décèdent la même année à Thenay, en 1781. C’est un autre neveu qui va hériter de ses biens dont le Vaulx et le vendra. Antoine-Henry de Gentils est chevalier, seigneur de la Vallade, ancien mousquetaire du Roy. Il demeure au château de la Vallade dans la paroisse de l’Isle en Périgord.

La dynastie des Bardon : 1785-1920

Le 15 janvier 1785, Antoine-Henry de Gentils, vend pour 10 000 livres « le lieu seigneurial Vau Saint-Georges » à Charles-Jean Bardon, avocat en Parlement, qui demeure alors à Montrichard. Il le tient de la succession de Jean de Gentils, son oncle. Le lendemain, Antoine-Henry de Gentils  vend à Jean-Charles Bardon, négociant demeurant à Thésée, père du précédent, représenté par son autre fils Alexandre, le lieu du « Bas Saint-Georges », moyennant 4000 livres.  Antoine-Henry de Gentils avait acheté ce lieu en 1761. Bien des années plus tard, un acte sous seing privé nous apprendra qu’en fait, avec l’accord de la famille, Jean-Charles Bardon père avait acheté en sous-main pour son fils Charles-Jean (et que celui-ci récupérera) le Bas Saint-Georges par des échanges avec ses frères et sœur. Charles-Jean Bardon est donc l’ultime seigneur du Vaulx… pour 4 ans !

Qui sont ces Bardon qui prennent possession du Vaulx qui restera 135 ans dans la famille ?

Une famille originaire de Saint-Aignan et Romorantin : 

Leur présence est attestée dès le début du XVIIème siècle. Ils vont constituer deux branches principales. L’une est installée à Saint-Aignan. Ce sont des négociants-bouchers. Ils font partie des bourgeois de la ville et, comme il se doit, sont alliés aux principales familles de notables. La seconde,  la « nôtre », va s’implanter aux confins de la Sologne avec René Bardon. Il sera commis aux Aydes à Contres, époux de Marie Berthery dont la famille possède la terre de la Mardelle sur Monthou. Il sera vite qualifié de « marchand » et s’implante aussi sur Thésée. Louis Alamant, seigneur du Gué-Péan est parrain d’un de ses enfants en 1639, à Thésée. Parmi leurs enfants un autre René, qui épouse le 17 novembre 1695 Marie Guillot à Romorantin, va donner souche à « notre » dynastie. Avant même d’acheter le Vaulx, les Bardon sont présents par leurs possessions sur Thésée et Monthou et, par leurs alliances, sur Chaumont et Montrichard.

 Les premiers Bardon : des juristes et des négociants 

C’est une originalité des premiers Bardon. Ils vont cumuler des fonctions de juristes et de négociants. Leur spécialité sera complémentaire de la branche cousine de Saint-Aignan. Ceux d’ici élèvent les bêtes sur pied et vendent les peaux. Il faut avoir à l’esprit que la tannerie est une importante activité des XVIIème et XVIIIème siècles, tout le long de la Vallée du Cher. Le nombre de contrats notariés portant bail pour cheptel de ces premiers Bardon est impressionnant. Ils multiplient les achats, parfois de taille modeste, de terres, vignes, bois, taillis… principalement sur Thésée, Monthou et Chaumont. 

Ils vont assoir aussi leur fortune sur des alliances avec des filles de gros propriétaires terriens, pratiquant eux aussi l’élevage. Elles apportent de confortables dots composées pour l’essentiel de biens fonciers. Ainsi, Charles Bardon (1697-1750), fils de René et Marie Guillot, épouse à Thésée Marie Millet de Chaumont où il sera aussi notaire. Jean-Charles (1724-1798), son fils, 

marié avec Marie-Jeanne Chesnay à Courmenin, sera Président du Directoire du Département en 1791, habitera et décèdera à Chaumont. Son fils Charles-Jean (1749- 1821) est avocat et bien sûr toujours négociant. C’est vraiment celui qui va consolider la fortune des Bardon, installer les Bardon au Vaulx et faire une carrière publique. Il épouse en 1791, Marie Anne Peltereau. Les Peltereau sont les plus importants tanneurs de la ville de Château-Renault, considérée alors comme la capitale de la tannerie. A chaque génération, un membre de la famille Bardon est dans les ordres. Ainsi, Claude Bardon, clerc tonsuré, habite Monthou en 1695. René Bardon, curé de Contres, est inhumé en 1721 dans l’église de Thésée.

Le Vaulx sous Charles-Jean Bardon :

 « Le lieu seigneurial du  Vau Saint-Georges, métairie et closerie en dépendant, situé paroisse de Thésée, comptant en un bâtiment à logis du fermier, autre chambre, étable à vaches, chambre du vacher, caves en l’une desquelles est un pressoir en pierre d’une roue garni de roues et d’ustensiles,  deux cuves l’une de soixante quatorze pièces reliées de trois cercles de fer, l’autre de cent quatre pièces reliées de cercles de bois,

boulangerie, écurie, fuye peuplée de pigeons, cours, coursières haute et basse, étable dans le bas, grange, puits, bâtiments ayant premiers couverts à tuiles, le tout renfermé de murailles, jardins, ouches, terres labourables et non labourables, prés, noues, friches, vignes et plus généralement tout ce qui dépend de la dite seigneurie, métairie et closerie ».

La mise en sommeil du Vaulx Saint-Georges 

La débâcle de  Charles-Jean Bardon : 

à sa mort, Charles-Jean Bardon est criblé de dettes. Il a acheté beaucoup de biens fonciers depuis la Révolution et il s’est lancé dans des opérations commerciales qui ont mal tourné. Il a beaucoup emprunté. Ses créanciers réclament leur dû. Les événements vont s’accélérer. La liste de ses possessions, tant celles provenant de son contrat de mariage que celles acquises au fil des ans, est impressionnante. Citons parmi les plus importantes : le domaine et l’abbaye d’Aiguevives, la métairie de la Jamblonnière, la métairie de Brault, les métairies de la Colasserie, les Boulais, les Crosses, la Coulonnière, la Pinellerie, les locatures de Lamai, le Chesnai, la Meule, la Poissonnerie, la rue Joigné, plusieurs maisons et granges dans le bourg de Thésée, l’auberge des Trois Rois à Montrichard, le lieu et locature de l’Ecu, le domaine de Salboeuf  à Mur-de-Sologne… Sans parler de ses biens à Chaumont,  Morand et autres.

Sa veuve Marie-Anne Peltereau renonce à ses droits découlant de son contrat de mariage et à la communauté de biens. Elle fait donation de tous ses biens à ses enfants, conservant seulement l’usufruit. En quelque sorte, elle organise son insolvabilité pour sauver ce qui peut l’être pour ses enfants. Le tribunal civil de Blois avait en effet ordonné la liquidation judiciaire des biens de Charles-Jean. C’est le notaire Jean-Jacques Delorme, l’historien de la ville de Saint-Aignan, ami de la famille Bardon, qui de 1821 à 1825, organisera les ventes aux enchères. La famille a demandé à pouvoir vendre des biens à hauteur de 250 000 francs pour rembourser les dettes. Le Vaulx n’est pas compris dans les biens vendus. Mais parmi les fleurons des biens de Charles-Jean, toutes les terres d’Aiguevives sur Faverolles et Saint-Julien de Chédon (pas seulement l’Abbaye) seront vendues.


La succession de Charles-Jean : 

elle va pouvoir enfin se terminer en 1825, avec le tirage au sort des lots des biens subsistants entre ses enfants. Ils sont au nombre de six dont une seule fille Marie-Anne Désirée qui a épousé son cousin germain Pierre-Claude-Placide Peltereau, négociant tanneur à Château-Renault. Considérant que le montant de sa dot équivaut à la valeur d’un lot, elle est exclue du partage et son mari ira devant la justice ! Les garçons sont : 

  • Charles-Claude, dit l’aîné, qui habite Thésée, époux de Marie-Elisa Naudet de Saint-Aignan, fille de notaire.
  • Paul-Emmanuel-Camille qui habite Chabris où il s’est marié aussi avec une fille de notaire.
  • Michel-Alexandre-Eugène qui habite Thésée.
  • Jean-Baptiste-Elie qui habite d’habitude Thésée mais est alors « employé dans la commune du vin à Paris » ! En clair, il travaille à Bercy. Il vient d’être émancipé.
  • Emmanuel-Félix-Hypolite qui est encore mineur ; c’est son frère Camille qui est son tuteur. Il décèdera à Blois en 1828 où il était surnuméraire à l’Enregistrement.

Comme l’acte notarié ne détaille pas le contenu des lots, il est difficile d’affirmer avec une certitude absolue qui a « tiré » le Vaulx et s’il n’est pas passé d’un frère à un autre. Mais comme Élie Bardon en est dit propriétaire (cadastre de 1840) et qu’il le donnera à son fils Eugène dans son contrat de mariage en 1854, on peut penser que le Vaulx devait être dans son lot.

Le Vaulx au décès de Charles-Jean :

 il n’a pas laissé de testament. Il sera fait un inventaire après décès, pour un bilan exact de sa situation et pour permettre aux héritiers de décider leur acceptation ou non des biens qui demeureront après les ventes judiciaires. Il y aura aussi inventaire dans sa demeure de Chaumont et au château de Morand en Indre-et-Loire (héritage de sa femme). L’inventaire débute le 7 février 1821 et dure plusieurs jours. Il permet d’avoir une idée de l’état du Vaulx à cette date.

Toutes les pièces d’habitation sont au rez-de-chaussée (cuisine, office, chambres de Charles-Jean et de sa femme, salon, chambre de Charles-Claude, cabinets, placards, un corridor qui longe toutes les chambres. Des greniers se trouvent au-dessus des chambres et de la  cuisine. Il y a plusieurs cours avec du matériel : brouettes, tombereau, voiture à deux chevaux, charrettes, pelles, arrosoirs, tas de terre […] une grange qui contient « 240 décalitres d’amandes douces et amères, 400 bouteilles de vin de noix », des tonneaux vides, des ustensiles liés au vin dont des bouteilles […] un cellier et plusieurs caves à réserve de vin dont une contient 74 poinçons « de vin du cru de Thésée ». Par contre, il n’est pas fait état de cuves et de pressoirs. Le grenier au-dessus de la cuisine est rempli de grains : orge, blé de mars, blé froment […] ils seront mesurés avec « l’ancienne mesure de Saint-Aignan ». Le contenu des greniers au-dessus de « la grange appelée la Rangère », de l’écurie aux vaches, de l’écurie aux chevaux, est inventorié. Le bois et les pierres dites de Pontlevoy font l’objet d’un comptage minutieux. On note encore un « parterre au-dessus du jardin au levant » et un « autre jardin au couchant ». Le 8 février, il est précisé « que le linge n’est pas inventorié encore car une grande partie se trouve à la lessive et que l’autre est dispersée dans différents appartements... Il va être réuni par les parties en un seul endroit ». La famille est nombreuse et les Bardon possèdent une partie de Thésée ! Il se posera le même problème pour l’argenterie.

Le Vaulx dans les recensements  de la population 

Le recensement de 1831 :

c’est un des premiers. Il n’est pas établi sur une localisation des rues et des lieux. Les noms sont énumérés les uns derrière les autres. La liste contient les noms de Michel-Eugène Bardon, propriétaire (nous savons qu’il habite le bourg) et Charles-Claude Bardon qui est alors maire. Ce dernier demeure-t-il au Vaulx ? Impossible à dire.

Le recensement de 1836 : 

on y trouve seulement, habitant le bourg, Michel-Eugène Bardon avec des domestiques et employés. Comme en 1831, il est impossible d’identifier, dans la liste, les employés demeurant au Vaulx. 

Le recensement de 1841 : 

Michel-Eugène habite toujours au bourg de Thésée avec une dame de compagnie et un domestique. Le Vaulx est maintenant identifié : Pierre Berthelot, jardinier et Marie Dolloir, domestique, y demeurent.

Le recensement de 1846 : 

deux ménages se trouvent au Vaulx : Louis Bertin, passeur et Geneviève Goudon sa femme et, à nouveau, Pierre Berthelot, jardinier avec Marie Deloire, domestique.

Les recensements de 1851, 1856, 1861, 1866 :

le Vaulx n’apparaît plus dans ces recensements et il n’y est plus fait état de la présence d’employés.

Il faut donc attendre le recensement de 1872, pour voir à nouveau une référence au Vaulx. Un certain François Poulain qualifié « d’homme d’affaires » y vit avec sa femme et deux domestiques. C’était un homme de confiance des Bardon. C’est lui qui avait déclaré le décès d’Eugène Bardon au Vaulx le 5 février 1865, à l’âge de 35 ans. En effet, c’est Jean Baptiste Eugène Bardon qui va redonner vie au Vaulx à partir de la fin des années 1850.

Le Vaulx dans le Cadastre 


1834 : discordance entre l’élaboration du cadastre et la reconstruction du Vaulx

Le premier cadastre, dit « napoléonien », ordonné et débuté sous l’Empire, est tardif pour Thésée en comparaison avec d’autres communes limitrophes, comme celui de Monthou qui date de 1809. Celui de Thésée est officiellement daté de 1834. Nous possédons deux éléments de ce cadastre concernant le Vaulx :

  • Le plan d’assemblage : il était généralement moins précis que le plan par section et sa fonction première était de situer les emplacements et noms des lieux, écarts, villages, etc. Sur ce document, il y a un vide à la place de ce qui correspondait au « logis seigneurial » acheté par Charles-Jean Bardon en 1785 : seuls apparaissent les bâtiments annexes. Mais il est indiqué dans la matrice cadastrale qu’il y avait bien « une maison de maître » avec une porte cochère et quatre « ouvertures ».
  • Le plan de section : nous savons qu’il a été établi entre le 1er et le 30 juin 1833. Le bâtiment correspondant au Vaulx y apparaît. Il est précisé que « la maison est en reconstruction » et qu’elle comportera « 19 ouvertures de plus lorsqu’elle sera finie ». En fait, elle aura bien 15 ouvertures,  une porte cochère et 4 lucarnes. 

Ainsi le cadastre sectionnaire, le plus détaillé, a anticipé la fin de la reconstruction du Vaulx au même endroit que l’ancien. Cette construction a dû être achevée dans les années suivantes. Le nouveau Vaulx a été intégré définitivement au Cadastre en 1840, le temps de procéder à son évaluation fiscale. Il s’agit bien « d’une nouvelle habitation ». On savourera une des vieilles orthographes, le Veau, qui sera vite rectifiée en Vau. L’orthographe actuelle est plus tardive.

1858 : le Vaulx est démoli

En 1840, Elie Bardon est le propriétaire. Il est inscrit sur la liste des plus imposés de la commune, puis sur la liste électorale de Thésée, mais il ne réside pas de manière assidue au Vaulx. Né en 1805, il épouse en 1828, Jeanne Henriette Drouillon de Montlivault où il résidera toute sa vie et décèdera le 1er mars 1871. C’est un propriétaire-rentier. Il avait, rappelons-le, donné le Vaulx à son fils unique Jean-Baptiste Eugène, lors de son mariage en 1854.

C’est donc Eugène Bardon qui fait démolir le Vaulx en 1858, reconstruit seulement une vingtaine d’années avant ! Étonnant à première vue. Je n’ai trouvé aucune information sur les raisons de cette «démolition », bien précisée comme telle dans le cadastre : envie d’un autre style ? malfaçons ? sinistre ? Mystère. Je n’ai pas trouvé de nom d’architecte, maçon ou autre artisan, ayant participé à la reconstruction du Vaulx d’aujourd’hui.

1861 : le Vaulx est reconstruit

La nouvelle construction, appelée « château », comporte 56 fenêtres et 2 portes cochères. Son propriétaire est dorénavant Eugène Bardon qui réside à Bourges avec sa femme Marie Menier, fille d’un riche marchand de biens.

Eugène qui est lui aussi propriétaire-rentier ne profitera pas longtemps du nouveau Vaulx puisqu’il y décède en 1865. L’inventaire après décès qui sera effectué nous donne quelques indications.

Le beau-père fait bien préciser que le Vaulx « a été totalement reconstruit durant la communauté » du mariage de sa fille qui bénéficiera de l’usufruit du Vaulx. Elle y décèdera en 1899. Le Vaulx est estimé à 55 000 francs d’alors.

Eugène avait emprunté, en 1860, deux fois 20 000 francs à une tante et un cousin Peltereau, les tanneurs de Château-Renault. Ces grosses sommes ont dû être investies dans la nouvelle construction.

Les Bardon, une dynastie (aussi) municipale 

René- Alexandre Bardon, fils de Jean-Charles Bardon avait été syndic, équivalent de maire, de la paroisse de Thésée en 1787, lors cette bien tardive réforme municipale de la monarchie. On le retrouve encore adjoint en 1813, aux côtés de son frère Charles-Jean.

Jean-Charles Bardon père, n’exercera pas de responsabilité sur Thésée car il habite Chaumont. Mais il continue à y exploiter ses terres et vignes. Ainsi, lorsque le 12 fructidor An III, lorsqu’il sera procédé à la réquisition des vins, il sera le plus gros contributeur avec 9 poinçons de vin blanc ! Il sera par contre membre du directoire du Département en 1790 au titre du district de Pontlevoy dont fait partie Chaumont.

Charles-Jean Bardon, c’est l’homme public de la dynastie des Bardon. Au début de la Révolution, il est administrateur suppléant au tribunal du district Montrichard – Saint-Aignan. Il avait été syndic-maire de Montrichard de 1782 à la mise en place de la première municipalité révolutionnaire en janvier 1790. Il fait donation à la municipalité de Thésée du presbytère qu’il vient d’acheter comme bien national et transforme en grange la Chapelle Saint-Jean, désaffectée, qu’il a aussi achetée. À la session d’octobre 1792, il est nommé membre du directoire du Département et le préside jusqu’à la fin de cette session en décembre 1792. Il sera arrêté le 7 décembre 1793, en compagnie notamment de Noël Goislard de la Droitière (qui sera aussi maire de Thésée), en application de la loi du 17 frimaire An II sur les suspects. Les Bardon sont en effet des bourgeois modérés. Ils seront vite libérés. Charles-Jean présidera aux destinées de l’administration du canton de 1795 à 1798. Puis, il sera maire de Thésée de 1800 à 1815. Comme beaucoup de notables qui avaient soutenu les débuts de la Révolution, il deviendra bonapartiste et un fidèle soutien de l’Empire, ce qui lui vaudra d’être révoqué au second et définitif retour de Louis XVIII. Le préfet écrira : « Ce maire est un gueux à destituer ». Il remettra toutes ses archives de maire à son adjoint, en lui faisant observer « qu’à son arrivée lui n’avait rien trouvé » ! Il séjournera de plus en plus à Chaumont et à Morand, chez sa femme.

Charles-Claude Bardon, son fils dit « l’aîné » (il signe ainsi) est nommé au conseil municipal en 1825 et désigné maire la même année. Pour des raisons que le Préfet qualifiera « d’inexplicables » mais « d’inadmissibles », il ne présente pas au contrôle du Tribunal Civil de Blois les registres de l’Etat-Civil, de 1828 à 1831 ! Le parquet entreprend une procédure contre lui et saisit le Préfet qui lui demande sa démission. Je n’ai plus trouvé trace de lui après sa démission en 1831.

Eugène Bardon, son frère, était entré au Conseil en 1830 (son frère Elie était aussi candidat) et fut élu maire en remplacement de Charles-Claude, en 1831. Il donnera sa démission au Préfet fin 1834 pour des raisons de santé. Il souffre de sérieux problèmes cardiaques et qualifie son état de « valétudinaire ». En 1846, Jean Joudon, qui ne souhaite plus être maire, propose au Préfet de nommer Eugène Bardon à sa place car, estime-t-il, c’est « le seul capable de remplir comme il faut les fonctions ». Le Préfet lui préféra le meunier Alexandre Allion. Mais après les élections municipales de 1848, ce sera Eugène Bardon qui sera élu maire sous la Seconde République. Il était capitaine de la Garde Nationale de Thésée. Les Gardes Nationales, supprimées par la Monarchie de Juillet, venaient d’être rétablies. Il sera remplacé après son décès par son adjoint  Alexandre Allion. Eugène Bardon meurt à Montrichard le 2 juillet 1849 laissant ses biens à ses frères et sœur et une coquette rente à sa gouvernante, Maria Cerf-Jacob, dont il précise « qu’elle est une israélite native de Toul ».

Les Bardon ont donc donné 5 maires à Thésée. Il est intéressant de noter que sur ce qu’on appelait « la liste des citoyens les plus imposés », établie dans chaque commune, les Bardon se situent dans le peloton de tête, sous la monarchie de Louis-Philippe comme ils le seront encore ensuite sur la liste électorale.

L’âge d’or du Vaulx : la famille de Place-Bardon

Une longue présence permanente 

Les recensements de 1876, 1881, 1886, 1891, 1896 et 1901 attestent la présence du couple de Place et de leurs enfants. Les naissances se succèdent : Anne (1875), Ernest (1876), Eugène (1878), Joseph (1879), Solange (1880).

Le personnel est très représentatif du train de vie de ces familles des châteaux de la fin du XIXème siècle dans notre région. Ainsi en 1891, alors que la veuve de Eugene Bardon demeure maintenant au Vaulx, on dénombre : une institutrice dite « domestique en chef », 1 cocher, 1 maître d’hôtel, 1 valet de chambre, 2 cuisinières, 3 femmes de chambre et, logés dans une maison à part, le couple de jardiniers et leurs enfants.

Le recensement de 1906 ne fait plus état des de Place mais d’une famille de nobles de Bourges : René de Pomyers, sa femme Jeanne de La Guère et leurs enfants sont domiciliés au Vaulx. Une location ? Un hébergement gracieux ? Ces Pomyers disparaissent du recensement de 1911 comme, définitivement, les de Place. La famille de Place demeure dorénavant, surtout à Bourges dans leur hôtel particulier, 36 rue Moyenne, une des rues principales du centre historique et économique. Toutefois, ils séjournent régulièrement au Vaulx l’été et pendant la saison des vendanges et de la chasse.

Les origines de la famille de Place 

C’est une famille originaire du Limousin dont les diverses branches se sont installées dans le Forez, puis le Bourbonnais et l’Auvergne. Le nom est souvent écrit « Deplace ». C’est une famille non noble, appartenant au Tiers-Etat et comportant de très nombreuses branches. Elle est caractérisée par l’engagement militant, religieux et monarchiste, de la plupart de ses membres.

On relève un Jean-Baptiste, né en 1713,  qui fut un savant,  un Guy-Marie, né en 1772, littérateur qui collabora avec Joseph de Maistre, théoricien anti-révolutionnaire du monarchisme, un Mathieu, né en 1752, qui fut un linguiste renommé.

Le grand-père de Paul de Place, Joseph Constant, né en 1783, était notaire et fut maire de Noisy-le-Sec. Son père Louis-Ernest, né en 1811 à Noisy, est qualifié de « négociant » : il était entré dans la société de cognac créée par son oncle maternel.


Le frère de Louis-Ernest et deux de ses oncles sont des militaires. En poste à Angers, il mène des activités de représentant de commerce dans l’Ouest, ce qui peut expliquer le mariage de Louis-Ernest en 1847, à Doué-la-Fontaine, avec Marie Vaslin, fille adoptive de Denis-Pierre-Guy Vaslin, maire de Doué et conseiller général, sous la monarchie de Juillet. Elle était née de père et mère inconnus. La famille faisait dire que Vaslin était en fait son grand-père. Paul de Place naît à Versailles, en 1850. Il a une sœur et deux frères, eux aussi militaires de carrière. Paul fait des études de droit  et passera un doctorat. Pendant la guerre de 1870, il sera lieutenant des Gardes Mobiles de Maine-et-Loire. Visiblement attiré par les thèmes du mysticisme, de la fin du monde et autres ésotérismes, il écrit des brochures sur les signes symboliques des peuples anciens. Il en consacrera une aux prophéties de Malachie. A la fin de la guerre, il s’installe à Thonon auprès de son cousin, le jésuite Régis d’Arcis de Chazournes. Ils collaborent à la revue « La correspondance de Genève » destinée au gratin mondial politique et catholique. 

Cette revue défend les intérêts de la papauté. Le jeune Eugène Bardon, frère de Marie, fait partie de leur groupe. Il mourra dans les bras de Paul de Place d’une hémorragie cérébrale, le 20 août 1873. La mère de Paul de Place vient de s’installer à Bourges, dans une rue proche des familles Bardon-Menier, car un des fils, officier d’infanterie, y est caserné. Paul épouse donc Marie Bardon,  le 17 novembre 1874, dans la cité berruyère.

Paul de Place : un serviteur du Vatican

Les Bardon étaient certes catholiques comme presque tout le monde à l’époque. Mais aucun élément ne fait apparaître un engagement notoire dans la défense de l’Eglise. Du côté de la famille Menier, une tante de Marie était entrée par son mariage dans une famille et une sociabilité  appartenant aux milieux catholiques ultramontains et cléricaux. Marie Bardon sera « tertiaire de Saint-François », une fraternité séculière de femmes (et, séparément, d’hommes), consacrée aux pratiques religieuses et activités de ce qu’on nomme le catholicisme social.

Quoi qu’il en soit, Paul de Place va se signaler, en ces années 1880 qui voient se développer lois et politiques laïques, par des activités de soutien aux congrégations religieuses et de récolte de fonds pour l’Eglise. Cette activité a dû être conséquente puisqu’elle va lui valoir d’être nommé « camérier secret de cape et d’épée » par le Pape Léon XIII en 1889. Il y avait 5 camériers secrets, sortes de chambellans secrets car ils se tenaient dans une antichambre appelée secrète (traduire en fait cet italianisme en discrète) de cape et d’épée, appellation réservée aux camériers laïcs. Ils devaient séjourner de temps en temps à Rome pour leur service. Puis en 1891, il est titré « comte romain », à titre héréditaire de primogéniture. La fonction s’achevait à la mort du pape. Pie X, élu pape en 1903, ne le reconduira pas dans cette charge, comme c’était fréquent. En effet, les de Place adoptent des positions de plus en plus extrémistes, critiquent violemment l’archevêque de Bourges qui avait finalement accepté les inventaires des biens des églises au moment de la loi de Séparation. Toutefois, le titre nobiliaire est acquis définitivement.

Les de Place sont donc une noblesse papale et récente. Le comte de  Place ne badinait pas avec ses convictions.  Il cassera le bras, à coups de canne, d’un journaliste en lui lançant que « comme ça, il n’écrirait pas d’infamies sur son compte, pour un temps ». Il fut condamné à quelques jours de prison. Il s’y présentait chaque lundi matin, mais le directeur refusait de l’incarcérer. Une version différente existe selon une autre source familiale. En mars 1905, il aurait été condamné à six jours de prison ferme et cent francs d’amende pour injures envers le fonctionnaire de l’enregistrement chargé des inventaires, portés en appel à quinze jours avec sursis et deux cents francs d’amende.

Paul de Place et les aménagements du Vaulx 

Le Vaulx va embellir sous les de Place. En 1884, une pièce d’eau est creusée et un réservoir est aménagé. Les communs sont construits en 1889. En 1901, une éolienne sera installée, témoignant d’un goût pour les nouveautés techniques. L’aménagement global du parc dans sa configuration à l’anglaise doit dater de cette époque. En effet, cette mode bat son plein et nombre de châteaux dont Chaumont ou plus modestement le château de La Croix (la villa Ariane) à Monthou s’en dotent. 

Après la vente du Vaulx, en 1920, les de Place vendront peu à peu les terres, les vignes, les fermes et les maisons dépendantes.

 La vie au Vaulx 

La mémoire collective de la commune a gardé peu de souvenirs. Ceux que nous avons proviennent de familles dont des membres ont travaillé pour les de Place. Comme dans la plupart de ces situations, les témoignages transmis par les femmes sont très bienveillants à l’égard de ces familles nobles, notamment les femmes et les enfants, qui pratiquaient un paternalisme bienveillant à l’égard de leur domesticité et des villageois. Les témoignages transmis par des hommes reflètent eux davantage les rapports maîtres/ employés qui prolongeaient parfois des comportements d’Ancien Régime. Les de Place exploitaient deux fermes et 35 ha de vignes, une partie du vignoble autour du château. Les nombreux journaliers devaient y travailler dur, surveillés d’une fenêtre du Vaulx  à la jumelle par le comte qui les réprimandait ou carrément les renvoyait si leur travail ne lui convenait pas ! On ne semblait pas mener « la vie de château » au Vaulx. Aucun écho de fête ou de réception importante ne nous est parvenu, comme chez leurs voisins les de Cassin au Gué-Péan, à la même époque. Mais, la religiosité des de Place se manifestait par exemple, dans les repas servis aux enfants qui ne pouvaient rentrer chez eux, lors de la préparation à la communion solennelle et la confirmation. Paul de Place meurt à Bourges en 1925 d’une rupture d’anévrisme. Marie Bardon lui survivra jusqu’en 1945.

Durant la Grande Guerre, le Vaulx à l’heure américaine 

Le 6 avril 1917, les Etats-Unis entrent dans le grand conflit mondial. Du printemps 1918 à l’automne 1919, environ 500 000 soldats et officiers séjourneront dans la Vallée du Cher, base arrière de l’armée américaine. Il y a des cantonnements dans tous nos villages et environ 700 militaires sont basés à Thésée. Il faut y ajouter 650 chevaux et 20 canons, sans parler d’autres équipements. Le camp américain pour la troupe est installé à la ferme du Bouc. Le quartier général avec les officiers siège au Vaulx qui va servir aussi d’hôpital pour les soldats américains convalescents ou blessés légers.

Quelques graffiti et quelques baraquements rachetés par des locaux gardent la mémoire, un peu gommée dans les communes d’alentour, de la présence américaine. A Thésée, la population se souvient aussi du foyer américain géré par l’association YMCA, installé dans un bâtiment rue nationale, en face de la boulangerie actuelle et qui accueille maintenant la bibliothèque. Ce local a gardé l’appellation “Y” en souvenir de l’occupation des “Sammies”.

De 1920 à 1968, une succession de propriétaires

Six propriétaires vont se succéder au Vaulx en moins de cinquante ans !

Francisco José Petitjean et sa femme Suzanne Léonie Doutreleau

Il était né, en 1886, à Lima (Pérou) où des Petitjean s’étaient établis au milieu du siècle. Il est qualifié d’artiste peintre. Je n’ai pu établir s’il était parent avec Edmond-Marie Petitjean (1844-1925), peintre français, assez connu pour ses natures mortes et ses marines. Je n’ai pas trouvé de trace non plus de tableaux de Francisco José Petitjean. C’est le couple de Place qui lui vend le domaine et château du Vaulx, le 16 janvier 1920, pour la somme de 60 000 francs payés comptant.

Suzanne-Emilie de Metz 

Elle est la veuve de Jean-David Gérente, propriétaire habitant Paris. Son mari était de son vivant un négociant, issu d’une famille d’épiciers de l’Est de la France. Elle a un fils. Les Petitjean lui vendent le Vaulx, le 4 novembre 1922. Elle semble avoir eu une confiance limitée quant à la situation financière des Petitjean, car malgré leurs assurances, elle fait accomplir par le notaire les formalités pour la purge des hypothèques légales, si besoin était ! Il faut dire qu’ils revendent le Vaulx deux ans seulement après l’avoir acheté ! Les Petitjean vendront « le Paradis », maison du régisseur située en face du château, et d’autres immeubles en 1924.

Francois-Eugène Tafanel et sa femme Carmen de Boyères

C’est un négociant en vins à Bercy, né en 1881. Les Tafanel acquièrent le Vaulx le 22 septembre 1928 pour la somme de 145 000 francs. Ils vont tout de suite s’investir dans l’aménagement du domaine. Ils transforment  le parc en le faisant redessiner, font construire une sortie sur la rue nationale,  bâtissent le grand escalier, la terrasse, la pergola et la clôture. Ils ont eu recours aux services d’un cimentier spécialisé en béton armé venu du Nord, qui restera environ un an à Thésée. Ils ont dû probablement procéder à des améliorations à l’intérieur de l’immeuble d’habitation. Le couple, qui n’a pas d’enfants, réside souvent au Vaulx. Les travaux sont achevés en 1930. M. Tafanel, qui souhaitait rentabiliser ses dépenses,  envisageait la création d’un haras. Ce projet ne verra pas le jour.

Georges Bernard et sa femme Cécile Louise Plouvier

Fils d’un ouvrier de brasserie, Georges Bernard naît à Hem (59) en 1890. Il créa et anima durant toute la guerre 14-18, un journal de liaison pour les Poilus nés à Hem. Puis,  le « Trait d’Union » reparaîtra durant toute la guerre 39-45. Il fondera et présidera jusqu’à sa mort en 1972, la Fraternelle des Anciens Combattants de sa ville. Il était devenu industriel dans la teinture, en cette région d’industrie textile, alors développée. L’acte d’achat du Vaulx du 15 mai 1941 est bref sur la description des lieux :

- La maison de maître, composée de sous-sols, rez-de-chaussée, étage et greniers mansardés, communs, éolienne et bassin, cour, caves, jardin, potager, verger, parc.  Le tout sur environ 6 hectares.

- Un petit terrain de l’autre côté du chemin.

- La propriété d’un petit chemin, à charge de laisser passer les propriétaires des immeubles vendus par Petitjean.

- Un  certain nombre d’ares de terre confinant le Vaulx.

Le prix est de 315 000 francs, payés comptant en espèces. Grâce au témoignage de ses descendants, nous connaissons la motivation de l’achat du Vaulx par M. Bernard en 1941. Il souhaitait mettre sa famille à l’abri et éventuellement la faire passer en zone libre si la situation d’occupation se dégradait. La ligne de démarcation se situait à seulement 150 m du parc du Vaulx ! En fait, Georges Bernard entre en résistance dès l’Appel du 18 Juin 1940. Il participe à des filières d’aide aux Anglais parachutés. L’achat du Vaulx s’inscrit ainsi dans l’organisation de ces filières d’évasion, compte tenu de la proximité de la ligne. Inquiété par les Allemands, il ferme son usine de Hem et s’installe ici avec les siens. Durant toute la guerre, Georges Bernard participe activement à la Résistance locale à laquelle il adhère en mars 1942. Il sera membre de Libération-Nord. Il héberge des réfractaires, des demandeurs de passage de la ligne, des résistants. Il collabore avec les FFI du maquis de Saint-Lhomer qui établira au Vaulx son commandement à l’été 1944. Le Vaulx servira aussi de dépôt pour les armes et munitions parachutées. Georges Bernard sera pris en otages avec sa famille par les Allemands qui soupçonnent ses activités. A la fin de la guerre, il rentre à Hem mais séjournera régulièrement au Vaulx, notamment l’été.

André-Pierre Doué et sa femme Lucienne Camille Grillon 

Il était ingénieur du génie maritime. C’était un polytechnicien (promotion 1914) et travaillait dans la société des raffineries et sucreries Say. Il habitait Saint-Germain en Laye.

La vente a lieu le 20 avril 1957 pour la somme de 7 500 000 AF.

La société anonyme « Meubles Roc » - A. Black et Cie.

Cette société acquiert le Vaulx Saint-Georges le 23 janvier 1961, pour la somme de 120 000 NF. C’est le Président Directeur Général de cette société, André-Georges Black, qui revendra le Vaulx le 5 octobre 1968, à la municipalité de Thésée, représentée par son maire Edgar Baron.

Et enfin, la municipalité de Thésée

L’acte de vente nous permet d’avoir une idée précise de ce qu’était alors le Vaulx, acquis par la commune pour 450 000 francs :

- Au sous-sol : salle de chauffe, halle d’entrée, salle de billard, oratoire, bibliothèque.

- Au 1er étage : hall d’entrée, chambre à coucher, salle de bains, salon, petit salon, salle à manger, cuisine, arrière-cuisine, w-c.

- Au 2ème étage : couloir, 5 chambres, 2 salles de bains, w-c.

- Greniers mansardés : 6 chambres, salle de bains, w-c.

- Cave dans le roc, communs.

- Cour, piscine, jardin potager, verger, parc et terres.

Le reste des biens est identique. Le tout représente 6 ha 92 ares et 43 centiares. La municipalité en fera le siège de la mairie et des services municipaux, du musée archéologique, d’une bibliothèque. Elle y aménagera un court de tennis, une salle des fêtes et favorisera les initiatives culturelles, éducatives et festives dans le magnifique parc du Vaulx.

La municipalité de Thésée contribue ainsi à la sauvegarde d’un patrimoine, ancré dans l’histoire de cette commune et de la Vallée du Cher, et sa mise à disposition de larges publics est appréciée tout alentour.

Peu après son acquisition par la municipalité, le Vaulx Saint-Georges devient la mairie de Thésée. Elle est inaugurée le 5 juillet 1969, en présence de Monsieur Vitalis Cros, préfet de Loir-et-Cher, et de Monsieur Maurice Druon, de l’Académie Française, Monsieur Edgar Baron étant maire de Thésée-la-Romaine.


La belle demeure, emblématique du village, regroupe dorénavant la salle des fêtes au rez-de-chaussée, la mairie au premier étage et le musée archéologique au second. Le parc municipal, remarquable avec une centaine d’essences différentes, est un autre fleuron de la commune.



Thérèse GALLO-VILLA

Le 20 janvier 2018


Les sources consultées 

Internet

  • Les registres paroissiaux et d’état-civil des communes  de Thésée, Monthou-sur-Cher, Thenay, Choussy, St. Romain, Contres, Montrichard, Saint-Aignan, Romorantin, Chaumont, Loches, Beaulieu- les-Loches, Epeigné-les-Bois…
  • Les principaux sites sur les généalogies, les familles nobles, l’héraldique.

Archives Départementales de Loir-et-Cher :

  • La série P pour le Cadastre de Thésée (P/3/260 de 1 à 11)
  • La série 6 M  pour les recensements de la population de Thésée (2 MILN R 290)
  • La série 3 M pour les élections municipales et les nominations de maires et adjoints.
  • La série Q pour l’Enregistrement et les Hypothèques, essentiellement sur les cantons de Saint-Aignan et Montrichard, pour les recherches sur les successions, les contrats de mariage…
  • La série L pour la période de la Révolution.
  • La série 3 E concernant les actes des notaires, achats, ventes, baux, successions, partages, testaments, contrats de mariages… Les principales études concernées sont, pour Saint-Aignan l’étude 3 E 68, et pour Montrichard et les études rattachées de Pontlevoy et Thenay, les études 3 E 5 et 3 E 46. 
  • La série  E/ Dépôt 236, pour les dépôts d’archives de la commune de Thésée.

Bibliographie sur l’histoire locale :

  • René Guyonnet et ses ouvrages des années 1980, sur l’Histoire de Saint-Aignan, qui reproduisent notamment les données  de l’inventaire des Archives des Beauvillier sur les seigneuries.
  • Jean-Jacques Delorme et son Histoire de la ville de Saint-Aignan (1846), riche en informations sur les familles de notables.
  • L’abbé Labreuille et son Historique sur Montrichard (1896),  pour le contexte institutionnel.
  • La documentation  fournie par les Amis du Musée de Thésée.
  • Agnès de Place, Histoire et Généalogie de la Famille de Place, 1993.

L’auteure a utilisé les données résultant de ses recherches antérieures sur notre zone géographique, notamment pour les origines du Vaulx, les seigneuries, les sociabilités, les familles, l’économie locale.

Elle a mis à profit des informations diverses sur le Vaulx, rassemblées par Claude Boussereau, Noël Gris, André Chabault à qui elle manifeste sa gratitude pour leur aide.

Enfin, ses remerciements vont aux familles Berger, de Place, Flamen d’Assigny, François, Monin, Patry et Jourdan pour la communication d’informations et de documents concernant les familles de Place et Bernard.


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