La seconde guerre mondiale et le Vaulx St. Georges :


Georges Bernard, un résistant de la première heure

Avant-propos : dans l’article consacré à l’histoire du Vaulx St. Georges (1), j’avais donné quelques éléments sur un de ses propriétaires, Georges Bernard et son activité résistante.

Depuis, la poursuite de mes recherches sur la Ligne de Démarcation et la Résistance ont conduit à trouver d’autres données concernant Georges Bernard qui confèrent à son rôle dans la Résistance et à celui du Vaulx, une place nettement plus importante et originale que ce que j’en avais alors rapporté. J’ai aussi « creusé » un peu plus la vie de Georges Bernard pour mieux comprendre les déterminants qui ont fondé son engagement dans la Résistance.

En cette année 2024 qui marque bien des « 80e anniversaires » des faits marquants de 1944 et de la libération nationale, rendre hommage à Georges Bernard et à travers lui aux résistants de notre secteur, constitue une reconnaissance mémorielle dans un monde où se déchaînent toujours les guerres meurtrières et les souffrances infligées aux populations civiles.

Un milieu familial modeste et catholique

Georges Bernard, né à Hem (Nord) le 5 octobre 1890, est le fils de Louis Bernard et de Marie Rosine Dewailly, nés tous deux en Belgique. Cette origine belge aura de l’importance dans l’engagement futur de Georges.

Son père est ouvrier dans la brasserie Leclercq à Hem. La famille comprend douze enfants et vit modestement. Elle est catholique pratiquante.

Le petit Georges fait seulement des études primaires à l’école libre St. Corneille à Hem. il reprendra plus tard des cours du soir à Lille puis obtiendra une capacité en droit. C’est, pour une large part, un autodidacte.

En 1920, il épouse Cécile Louise Plouvier. Elle appartient à un milieu social plus élevé. Elle a quatorze frères et soeurs. Son père Achille Plouvier, d’employé de commerce est devenu directeur de banque. Les Plouvier, eux aussi de forte tradition catholique, sont de génération en génération depuis le XVIIIe siècle, organistes de l’église de Lannoy (Nord).

Georges et Cécile auront quatre enfants.

En 1923, il fonde à Willems, près de Hem, la teinturerie « Bernard frères ». Trois générations de Bernard la feront vivre. Elle sera radiée des registres en 2012.

Georges Bernard est donc une sorte de « self made man » qui s’est hissé par son travail et sa volonté de promotion sociale, au statut d’industriel.

A ses moments perdus, Georges participe à la fanfare St. Corneille de l’église du même nom.

A partir de 1926, il fait construire 73, rue du Calvaire à Hem, une belle villa qu’il nomme « Pax ». Il marque ainsi, on peut le penser, lui l’ancien combattant de 14-18, son attachement à la paix.


Un ancien combattant de la Grande Guerre

En 1914, l’armée allemande occupe 70% du territoire du département du Nord ( ainsi que la Belgique et partiellement d’autres départements du nord-est ) et l’administre avec les phénomènes inhérents aux occupations militaires : pillages des richesses d’un département riche en matières premières, manufacturées et agricoles ; méthodes brutales ; contraintes dans tous les domaines.

Une humiliation quotidienne pour les nordistes.

Cette situation a des conséquences désastreuses pour les Poilus du Nord : pas de nouvelles de leurs familles, pas de colis, de tabac, d’argent.

Le sergent Georges Bernard est sensible à leur isolement, lui qui comme eux souffre dans les tranchées. Il collecte le maximum d’adresses de soldats de Hem.

Il va créer en mai 1915, un bulletin de liaison « Le Trait d’union » où il publie toutes les nouvelles et informations concernant les poilus de sa ville qu’il rassemble avec l’aide d’amis à Paris.

Ce petit journal mensuel est bientôt tiré à 300 exemplaires, attendu avec impatience.

Lorsque Georges est envoyé avec l’armée de Salonique en Serbie, faute de remplaçant pour le rédiger, il se fait envoyer toutes les informations, écrit son bulletin sur place et l’expédie à un ami à Paris qui le fait imprimer et envoyer aux soldats.

Le Trait d’Union sera régulièrement publié jusqu’à la fin de la guerre. Il assure la liaison entre les poilus, avec leurs familles et la population d’Hem.

Pas étonnant qu’à son retour, Georges Bernard devienne président-fondateur de la « Fraternelle des Anciens combattants » d’Hem, adhérente à l’UNC (2). Il occupera rapidement des postes de responsabilité au sein des organisations d’anciens combattants.

Sa bravoure lui avait ainsi valu de nombreuses décorations : médaille militaire, croix de guerre 14-18, médaille d’Orient, médaille militaire serbe, chevalier du mérite combattant, etc.


Un militant du catholicisme social

Georges Bernard inscrit sa vie publique dans le courant d’idées du catholicisme social (3).Ses origines ouvrières le rendent sûrement sensible aux thèmes de solidarité, de dignité de la condition ouvrière sans pour autant remettre en cause les fondements des rapports patrons/ouvriers dans la production des richesses.

 En ce début du XXe siècle, le catholicisme social est particulièrement développé dans cette région industrialisée avec un nombre élevé d’ouvriers aux conditions de travail et de vie très dures.

Les organisations, qui porteront ce catholicisme social trouvent donc dans le Nord, un terrain propice : l’Association catholique de la jeunesse française, le Sillon, les Semaines sociales et le syndicalisme chrétien avec la création de la CFTC en 1919, etc. s’y implantent de manière significative.

Georges Bernard est conseiller municipal de Hem de 1920 à 1925.

Il adhère au Parti Démocrate Populaire dès sa création en 1924 : le PDP est le premier parti démocrate-chrétien d’envergure en France.

Le PDP prend ses distances avec les courants conservateurs du catholicisme politique du XIXe siècle, nostalgiques de la monarchie. Il se rallie au régime républicain et prône la réconciliation entre nations européennes après la fin de guerre 14-18.

Georges Bernard est candidat du PDP aux élections du Conseil général du Nord en 1932, puis aux élections législatives dans la 7e circonscription de Roubaix-Est en 1936.

Le PDP va se déchirer face à l’arrivée au pouvoir de Pétain. Si ses élus lui votent les pleins pouvoirs le 10 juillet 1940, la majorité de ses adhérents et sympathisants s’y opposent.

Nombre d’entre eux, par ailleurs anciens combattants de 14-18 qui n’ont pas oublié les horreurs des tranchées et la première occupation de leur département, vont se ranger résolument du côté de la résistance aux Occupants.

Georges Bernard en fait partie.

Une entrée immédiate en résistance

Le 25 septembre 1939, Georges Bernard sort le N° 1 du « Trait d’Union, Journal des Enfants d’Hem » pour « établir une liaison avec les camarades mobilisés ». 

Il affiche sans ambiguïté son positionnement anti nazi : « Par la volonté satanique d’Hitler, le fléau de la guerre s’est de nouveau abattu sur nous » et sa détermination unitaire : « le Trait d’Union est à la disposition de tous sans distinction ».

Georges Bernard est en liaison avec sa cousine maternelle Anna Dewailly, épouse Reversez.

Celle-ci est veuve et mère de cinq enfants. Elle demeure à Hem comme son cousin.

Elle a rejoint la résistance organisée avec deux de ses jeunes filles, Henriette et Louise, dès septembre 1940.

En effet, elles appartiennent au réseau Action 40 (4). Ce réseau est chargé de collecter des renseignements dans la région de Roubaix, véritable « capitale » de la résistance dans le nord, d’aider les réseaux belges d’évasion des soldats anglais bloqués dans la poche de Dunkerque ou faits prisonniers et évadés, pour les diriger sur Paris puis vers la Ligne de Démarcation.

Elles distribuent tracts et presse clandestine locale comme la « Voix de la Nation » et la « Voix du Nord ».

Anna héberge régulièrement des militaires anglais, des prisonniers de guerre français évadés, des aviateurs alliés et des agents parachutés.

Georges Bernard en abrite aussi.

Depuis juillet 1941, Georges a préféré fermer son usine de teinturerie plutôt que de la mettre au service de l’industrie de guerre des Allemands.

Dénoncées, Anna et ses filles sont arrêtées le 17 septembre (5). Deux soldats anglais se trouvaient chez elle.

Georges Bernard sait ce que cela signifie : lui et sa famille sont en danger car les Allemands chercheront à débusquer d’autres membres du réseau. Il lui faut quitter rapidement le Nord.

Le 15 mai 1941, Georges Bernard avait signé l’acte d’achat du Vaulx. Pour mettre sa famille à l’abri si nécessaire, dira-t’il. Le Vaulx est certes en zone occupée car il est impossible alors d’acheter et de s’installer en zone dite « libre », mais comme par hasard la fin du parc du Vaulx se trouve à …150 m de la Ligne de Démarcation !

En, fait le choix du Vaulx était lié à ses activités résistantes et aux besoins de lieux d’étapes et d’hébergement des filières d’évasion.


Un résistant encore plus engagé

La famille Bernard s’installe au Vaulx début octobre 1941.

L’engagement de Georges Bernard va alors passer à un stade supérieur.

En mars 1942, il devient membre de Libération Nord et il est affilié au « bataillon corse » de Henri Letellier, pseudo Louvois ou aussi Chevalier de Louvois (6).

Celui-ci appartient aux corps francs de la région parisienne de Libération Nord. Il est membre du réseau « Zéro France ». Il travaille avec Louis Roussel (7), issu de mouvement de résistance CDLL et qui est aussi chef du sous-réseau de Paris du réseau Zéro-France, un réseau belge animé par des résistants français.

Je n’ai pas pu établir dans quelles conditions exactes s’est établie la liaison entre Georges Bernard et Henri Letellier.

Mais ces éléments laissent à penser qu’elle est intervenue au travers du réseau Zéro France, né début 1942 ( à partir du réseau belge Zéro crée lui en 1940 avec un groupe appelé Ali France ) à Roubaix avec une double mission de renseignements et d’évasion.

Fin 1941-début 1942, il n’y a pas encore de réseau organisé dans la zone de Thésée, hormis ceux des communistes.

Il faut avoir à l’esprit que dans notre secteur les militants socialistes modérés se sont d’abord engagés dans la résistance au sein du réseau Adolphe appartenant au SOE britannique qui sera décimé en juin 1943 (8). Puis certains de leurs principaux militants seront victimes d’arrestations comme Julien Nadau (9), mort en déportation. C’est au printemps 1944 que se constituera officiellement Libération Nord dans la vallée du Cher grâce aux efforts de Théo Bertin (10).

Les valeurs de Libération Nord correspondaient bien pour l’essentiel aux convictions de Georges Bernard. Ce mouvement avait été créé fin 1941 par des militants non communistes de la CGT et de la CFTC, pour beaucoup adhérents aux tendances modérées de la SFIO.

Il organise au Vaulx une chaîne d’évasion qui sera particulièrement active de mars à septembre 1942, puis de février à septembre 1943 et de janvier à mai 1944 ( belges et français souhaitant rejoindre les Forces Françaises Libres à Londres ou en Afrique du Nord, parachutistes alliés tombés, juifs, etc. )

De fait, il assumera ce rôle de passeur jusqu’à la libération en septembre 1944.

Hélas, je n’ai pas trouvé d’indications sur les modalités de ces passages organisés par Georges Bernard : où, par qui, comment ?

On peut supposer que Georges Bernard travaillait avec le curé Moreau en raison de leurs affinités religieuses : l’église et la cure jouxtaient le parc du Vaulx et on connaît la contribution du curé qui occupait les douaniers allemands en leur offrant à boire pendant que les passeurs opéraient.

En janvier 1943, Georges Bernard devient agent de liaison du réseau Libération Nord avec le grade de sous-lieutenant.

Il assure le rôle de confiance de boîte à lettre de son réseau.

C’est donc avec le groupe 33-34 de Libération-Nord d’Henri Letellier que travaillera Georges Bernard jusqu’à l’arrestation de ce dernier début 1944.

Il héberge au Vaulx de nombreux jeunes réfractaires du STO à qui il fait passer la Ligne.

Il cache des armes parachutées et transportées au Vaulx, provenant de plusieurs villes de France par son réseau, destinées à être passées en zone Sud.

Georges Bernard participe en 1944 à des actions de sabotage de la ligne Tour-Vierzon et des lignes électriques. Ce qui indiquerait qu’il s’est rapproché des structures de Libération Nord après leur constitution locale et la fin de son contact parisien.

Autant dire que Georges Bernard a pris d’énormes risques durant ces années.

Les allemands ont dû le surveiller assez rapidement car nous savons, mais sans plus de précision, qu’il fut arrêté par la Gestapo de Romorantin et vraisemblablement relâché très vite faute de preuves.


Février 1944 : la constitution des FFI

A partir du 1er février 1944, la fusion des principaux groupements militaires de la Résistance Intérieure française (RIF) qui s’étaient constitués de 1940 à 1944, s’opère à l’initiative du Gouvernement Provisoire de de la République Française (GPRF).  

Ainsi, sont crées les Forces Françaises de l’Intérieur (FFI) qui ont vocation à rassembler : l’Armée Secrète (AS) d’obédience gaulliste regroupant les grands mouvements de la zone Sud : Combat, Libération-Sud, et Franc-Tireur ; les Francs Tireurs et Partisans (FTP) dans la mouvance du Parti Communiste ; l’Organisation de Résistance de l’Armée (ORA), au départ proche du général Giraud ; les corps francs de Libération Nord, de sensibilité centre-gauche ; ceux de l’Organisation Civile et militaire, proche des formations de la droite républicaine ; ceux de Vengeance, influencée par les formations plus conservatrices voire d’extrême droite, etc.

L’intégration des différents groupements sera souvent complexe marquée par des situations conflictuelles, résultat des positions politiques différentes des groupes mais aussi des divergences sur les conceptions et pratiques de la lutte armée face à l’occupant.

Le refus, pendant longtemps, de donner les armes parachutées aux FTP, par les groupes qui étaient les partenaires privilégiés des Alliés (AS, OCM, Vengeance groupes du SOE) sera au centre des enjeux d’unification des FFI ( 11).

Ainsi, le département de Loir et Cher connaitra une situation particulière.

- Une partie des groupements de résistance de l’ancienne zone non occupée du département mais aussi certains groupements de la vallée du Cher sont rattachés aux FFI du Nord/Indre, relevant des FFI de l’Indre.

- Les FFI du Loir et Cher Nord qui rassemblent les FTP, l’ORA et Libération-Nord sont commandés par le colonel Henri de La Vaissière, membre de l’ORA (12). Ce sont de loin les plus nombreux. Le colonel Valin (son pseudo) avait été nommé sur proposition du Comité Départemental de Libération (CDL) par le Conseil National de la Résistance (CNR) et sa direction militaire le COMAC.

- Les FFI du Loir et Cher Sud, en fait localisés sur une partie de la Sologne, qui rassemblent l’OCM et Vengeance pour l’essentiel ainsi que des membres des réseaux du SOE, commandés par Henri Vésine de la Rüe (13), membre de l’OCM. Le colonel Dufour (son pseudo) avait été nommé directement par le général Koening, chef national des FFI, sans consultation des résistants du département qui le récuseront majoritairement.

Autour de Thésée : une résistance FTP

La répression des Occupants avait déjà frappé Thésée en 1941 et 1942. Comme ses voisines Thenay et St.Romain (14).

Des convictions républicaines bien ancrées et des comportements de lutte pour défendre leurs droits avaient fécondé un terrain propice aux idées tant des courants de la gauche de la SFIO que du PCF parmi les vignerons, paysans et ouvriers de la vallée du Cher.

Des groupes de résistants s’étaient créés dès 1942 à Thenay, St. Romain, pour nous limiter aux communes autour de Thésée.


Des individualités comme à Monthou, Choussy, Couddes qui n’avaient pu constituer un groupe local, les aidaient.

Ces groupes s’étaient, pourrait-on dire, « logiquement » engagés au sein des FTP. L’encadrement des FTP était généralement communiste mais ce n’était pas le cas de nombreuses recrues, jeunes pour la plupart avec beaucoup de réfractaires du STO, qui appréciaient avant-tout la combativité des FTP, leur démarche d’actions immédiates de harcèlement de l’ennemi et un état-d’esprit de camaraderie solidaire.

Les groupes les plus proches de Thésée étaient :

 - celui de St.Lhomer ( sur Thenay ), dirigé par le lieutenant Pierre Ferrandou (15). Il constitue la 5e compagnie du bataillon FTP du commandant Jérôme.

 - celui du Motheux ( sur Sassay ), dirigé par le lieutenant Gaston Marida (16). Il constitue la 1e compagnie du même bataillon.

Ces deux compagnies sont sous l’autorité du capitaine Max Paumier (17) originaire de Thenay, pseudo « Fredo ».

Elles sont intégrées aux FFI du colonel Valin.

Des groupes de Libération-Nord existaient sur Pontlevoy et surtout Contres qui se retrouveront aussi dans les FFI.

Le débarquement allié du 6 juin 1944 ouvre enfin la période de la libération nationale.

Le rôle imparti aux FFI est d’affaiblir et de gêner au maximum les troupes allemandes pour que celles des Alliés avancent rapidement sur le territoire français, le libèrent au passage et foncent sur l’Allemagne.

Le débarquement allié joue le rôle de catalyseur dans l’engagement en particulier des jeunes au sein de la Résistance.

Le phénomène des maquis prend alors de l’ampleur. Il faut en effet accueillir, organiser, discipliner et former au combat ces nouvelles recrues sans expérience.

Avoir des armes devient un élément décisif pour constituer un maquis en état d’être une unité combattante capable de porter des coups décisifs contre les occupants.

Les Alliés ont donc besoin d’une résistance intérieure active. Il n’est plus possible d’ignorer les FTP qui dans le Loir et Cher constituent une part importante et agissante de la résistante.

Ils vont enfin recevoir des armes de manière significative.

Le 24 juin, un parachutage d’armes et de munitions a lieu près des bois de St. Lhomer. Il avait été annoncé par le message de la BBC : « Le roi Pausole est toujours vivant ». Trois avions larguent leurs containers réceptionnés par les FTP et Libération Nord.

Le 26 juin, se constituent les maquis de St. Lhomer et du Motheux.


Georges Bernard met le Vaulx à disposition des FFI

Je n’ai pas trouvé de données indiquant qu’une partie des armes parachutées à St. Lhomer aient été tout de suite stockées au Vaulx.

On sait que les FTP privilégiaient la cache des armes en plusieurs endroits par prudence d’une part et par rapidité d’armement des hommes en cas de besoin, d’autre part.

Les armes de St. Lhomer ont servi à toutes les actions des FFI du capitaine Fredo durant l’été 1944 ( libération de la prison de Blois dans la nuit du 9/10 août, interceptions de camions allemands, attaques de voitures d’officiers allemands, capture de soldats allemands, opérations sur la ligne Tours-Vierzon, etc.)

Dans la deuxième quinzaine d’août 1944, le reflux des troupes allemandes s’accélère.

Hitler leur a ordonné de remonter défendre le Reich.

Leur nervosité conduit à des actes de représailles comme à Bourré, Monthou, Thésée où ils abattent le jeune Pinault.

Comme jamais, le Vaulx occupe un emplacement stratégique, tout proche de la nationale 76 empruntée par les convois allemands et de la ligne de chemin de fer qui relie l’Allemagne à l’Atlantique via Dijon.

Vers la fin Août, l’Etat-Major des FFI de « Frédo » s’installe au Vaulx, avec l’assentiment de Georges Bernard.

Un stock d’armes y est constitué en prévision des ultimes combats.

Les Allemands ont mis 150 soldats au repos dans le Vaulx. A l’initiative de Georges Bernard, les FFI préparent une attaque contre eux.

Le 28 août, les Allemands arrêtent Georges Bernard et sa famille qu’ils détiennent en otages ( sur dénonciation ? ). Les FFI interviennent sur le champ au Vaulx, chassent les Allemands et libèrent les Bernard. Un soldat allemand est grièvement blessé lors des fusillades.

Le 30 août, le passage d’une division allemande est annoncé. Les FFI quittent le Vaulx pour se porter sur le trajet de cette division. Ils confient le stock d’armes à Georges Bernard : « le dépôt d’armes fut camouflé et gardé par moi-même » (18).

Au 3 septembre 1944, toutes nos communes de la vallée du Cher ont été libérées par les FFI, aidés par les populations.


Un rapide retour dans le Nord

Le 15 septembre 1944, les Bernard quittent le Vaulx pour rentrer en voiture dans leur Nord natal.

Georges Bernard rouvre son usine de teinturerie en novembre.

Il participe aux États Généraux de la Renaissance Française (19), le 8 juillet 1945.

Georges Bernard n’avait pas fait homologuer ses services au sein des FFI par l’autorité militaire en raison vraisemblablement de son rapide retour dans le Nord et des impératifs de la reprise de son activité industrielle. Or, l’homme, on le sait, était attaché aux symboles de l’armée.

Aussi, il s’adressera à la commission militaire du CNR pour faire reconnaitre ses droits à porter le brassard des FFI. Ce qui lui sera accordé.

Son épouse et lui adhèrent au Rassemblement du Peuple Français lors de sa création en 1947 par le Général de Gaulle. Il en portera les couleurs, sans succès, à plusieurs élections.

Fidèle à la défense des anciens combattants, il devient membre du comité directeur de l’UNC.

Le 13 décembre 1964, Georges Bernard est fait Chevalier de la Légion d’honneur : son rôle dans les deux guerres fut déterminant.

Il avait conservé le Vaulx comme résidence secondaire pendant quelques années après la fin de la guerre. Ses enfants et petits enfants s’y retrouvaient pour les vacances.

Georges Bernard vend le Vaulx le 20 avril 1957.

Il décède à Roubaix le 21 décembre 1972 et son épouse le 7 août 1984 à Croix dans le Nord.

Ses funérailles furent célébrées dans l’église St. Corneille de son enfance, en présence des autorités locales et de beaucoup de monde, à commencer par ses chères associations d’anciens combattants.


Thérèse GALLO-VILLA


Notes :

  1. Bulletin des Amis du Musée, 2018/N°34
  2. Fondée en décembre 1918 par le Révérend Père Brottier. Georges Clemenceau est considéré comme son « parrain », en raison de l’aide qu’il lui apportera.
  3. Ce mouvement de pensée, initié vers les années 1830, puis porté par le développement de l’industrie et du monde du travail, prend de l’ampleur après la publication par Léon XIII des encycliques « Rerum Novarum », sorte de doctrine sociale de l’Eglise en 1891 et « Au milieu des sollicitudes » en 1916, sur le nécessaire ralliement des catholiques français à la IIIe République.
  4. Le réseau Action 40 a été fondé en août 1940, par le militant socialiste Marcel Guislain . Il s’intègre aussi au groupe Ali France ( une branche du réseau Zéro, l’autre étant Zéro France ). Il est un des rédacteurs de La voix de la Nation. Arrêté le 3 mai 1942, il sera déporté et reviendra de Buchenwald. Il occupera après-guerre des fonctions électives politiques et associatives chez les anciens combattants.
  5. Anna Dewailly-Reversez est condamnée en octobre 1941 à 4 ans et demi de travaux forcés par le Tribunal Militaire Allemand de Lille. D’abord détenue à Lille, elle sera transférée à la prison de Bruxelles puis dans plusieurs prisons allemandes dont la sinistre forteresse d’Anrath. Elle est envoyée au camp de Ravensbruck fin septembre 1944, où elle est considérée « disparue » fin 1944. Sa fille Henriette, condamnée à 27 mois de prison, sera détenue jusqu’au 17 juin 1943 à la prison de Lille.
  6. Nom choisi par Letellier sans rapport avec la Corse. Henri Letellier (1916-1968), membre aussi des FFI sur Paris, est arrêté le 9 février 1944 et déporté à Neuengamme. Il est libéré le 9 mai 1945. Il recevra plusieurs décorations françaises et belges pour faits de résistance.
  7. Louis Roussel (1897-1976) membre du mouvement Ceux de la Libération ( CDLL), fondé en août 1940 par Maurice Ripoche a pour pseudo «Ours du Sahara ». L’activité de CDLL est essentiellement du renseignement pour l’Intelligence Service Britannique. CDLL faisait partie du CNR. Roussel se rapprochera de France Zéro ( il est né dans le Nord) et de Libération Nord après une vague d’arrestations au sein de CDLL. Arrêté et chaque fois évadé, il participe à la Libération de Paris. Lui aussi est très décoré.
  8. Le Spécial Opération Service (SOE) est un service secret britannique créé par Churchill en juillet 1940. Il avait pour mission d’aider les mouvements de résistance dans les pays occupés par les Allemands ( parachutages d’agents, de matériel radio, d’armes, munitions, argent ). Dans la zone qui nous concerne, il est représenté le réseau Adolphe mis en place par Pierre Culioli (1912-1994), un agent des Impôts, avec des groupes sur Montrichard, Chaumont, Pontlevoy, Contres, Bracieux, Romorantin, Noyers, etc. Le réseau Adolphe est rattaché à l’important réseau Prosper dirigé par Francis Suttill. Ces deux réseaux « tomberont » en juin 1943, entraînant de nombreuses arrestations et déportations dont celle de Pierre Culioli qui reviendra de Buchenwald. Ces réseaux sont souvent appelés « Buckmaster » du nom du directeur du service à Londres.
  9. Julien Nadau (1901-1945) : militant actif de la SFIO, électricien installé à Contres en 1929. Il s’engage au sein de SOE fin 1942. Après le démantèlent du réseau Adolphe, il devient chef du BOA, le Bureau des Opérations Aériennes, rattaché aux services gaullistes de Londres et spécialisé dans les parachutages. Il est arrêté le 2 mai 1944 avec six autres résistants et déporté au camp de Neuengamme. Il y décède le 7 mars1945.
  10. (10) Théo Bertin (1896-1963) : membre du SOE puis de Libération Nord. Il fut l’organisateur de plusieurs parachutages. Il constitue un corps franc au sein des FFI avec lequel il investit le siège de la Milice à Blois le 13 août 1944. Il fut nommé vice-président du Comité Départemental de Libération, présidé par son ami le député-maire de Contres, Robert Mauger.
  11. (11) Pour des informations sur les mouvements et réseaux de la résistance, il existe de nombreux ouvrages mais on peut utilement se référer au Dictionnaire Historique de la Résistance, sous la direction de François Marcot, Ed. Robert Laffont, 2006.
  12. (12) Henri de La Vaissière de Lavergne (1901-1944) : St. Cyrien, il choisit de faire carrière dans l’armée de l’air. En 1940, il commande le groupe de reconnaissance le GR 2/14. Maintenu dans l’armée d’Armistice, il est démobilisé en décembre 1942 et entre immédiatement en Résistance avec l’ORA. Il héberge deux groupes FTP sur sa propriété à Lassay-sur-Croisne en Sologne. Il est nommé chef des FFI en février avec lesquels il conduit la Libération d’une grande partie du département. Il crée le régiment du 4e RIA avec les engagés issus des FFI qui combattra sur le Front de Lorient. Il est assassiné avec son adjoint le commandant Verrier, le 19 décembre 1944 à Audray par un soldat qu’il avait refusé d’amener en Bretagne.
  13. (13) Henri Vésine de la Rüe (1899-1979 ) : il est responsable de l’OCM pour le 16e arrondissement de Paris sous les ordres de Marc O’Neill. Celui-ci devenu Délégué MIlitaire Régional (DMR) des FFI pour les départements 45-41-18 et 28, le nomme responsable départemental et il entre en conflit avec la majorité des FFI du département qui dénoncent ses positions jugées réactionnaires. Il deviendra général. Vésine de la Rue soutiendra l’OAS au moment de la guerre d’Algérie.
  14. (14) Voir « Les martyrs de Thenay et de Thésée » sur le site www.tharva.fr et l’article sur l’attentat de Romorantin dans le Bulletin des Amis du Musée, 2017/33. A St. Romain, en juillet-août 1941, la Jeunesse Communiste avait été anéantie dans le cadre de la lutte contre les communistes qui était de la compétence de la police de Vichy. Plusieurs de ses membres d’abord condamnés par la Section Spéciale d’Orléans à des peines de prison seront ensuite livrés aux allemands et déportés.
  15. (15) Pierre-Charles Ferrandou (1912-1980) : il commandera la 6e compagnie du 1er bataillon du 4e RIA. Je dois encore rassembler des informations sur ce résistant.
  16. (16) Gaston Marida ( 1922-1970) : il appartient à une famille de passeurs de Mareuil-sur-Cher et le fut lui-même. Il est devenu résistant FTP début 42 puis réfractaire au STO en 43. Il doit quitter son emploi et devient clandestin. Il sera lieutenant aussi dans la 6e compagnie.
  17. (17) Max Paumier (1913-1977) : après déjà un importants parcours résistant dans le Cher et la Vienne, malade, il revient dans le Loir et Cher et prend contact avec la résistance FTP. Il va enchainer les actions contre les Allemands, créer deux maquis, contribuer à la libération de la prison de Blois et poursuivre « le nettoyage » de la vallée du Cher jusqu’en septembre 1944. Il est nommé capitaine FFI le 1er août 1944 par le colonel Valin. Il se retire à Blois où il exerce le métier de céramiste d’art.
  18. (18) On ignore si les FFI récupérèrent certaines de ces armes. Mais de vieilles armes rouillées furent trouvées dans la « ferme du Vaulx » des années après la Libération, lors de travaux ( interview d’André Chabault par l’auteure, le 14 avril 2018 ).
  19. (19) Les Etats Généraux de la Renaissance Française ont été organisés du 10 au 14 juillet 1945 par le CNR. Ils avaient été précédés par des réunions départementales à l’initiative des Comités Départementaux de la Libération chargés de faire rédiger des cahiers de Doléances, préparés par un questionnaire très exhaustif largement diffusé. Ces Etats Généraux actaient la volonté du CNR d’associer les citoyens à la renaissance politique, économique et sociale du Pays.

Sources :

AD du Nord :

Son dossier de Combattant ( 1914-1918 )

Son dossier de demande de Carte de Combattant Volontaire de la Résistance ( CVR )

SHD Vincennes :

Dossier Henri Letellier GR 16 P 368294 et GR 28 P 4 402 5

Dossier Henriette Reversez GR 16 P 507166

SHD Caen :

Dossier Anna Dewailly ( veuve Reversez ) AC 21 P 530557

ADLC :

Fonds Georges Bernard ( don de son petit-fils Alain Delecroix ). Je remercie les Archives Départementales qui m’ont autorisée à le consulter bien qu’il ne soit pas encore classé et coté.

Les dossiers de résistants dans la série série 1693 W ( notamment celui de Max Paumier ).

Sites Internet :

Le site de l’Association d’Histoire de Hem : www.histori.hem.free.fr

Le site de de l’Association sur l’histoire de la région de Roubaix : www.ateliers-memoire.com

Le site avec les recherches de l’auteure sur la seconde guerre mondiale dans le Loir et Cher :

www.tharva.fr

Le site sur la Résistance : www.museedelaresistanceenligne.org

Interview d’André Chabault de Thésée.

Bibliographie :

CASAS Raymond, Les volontaires de la Liberté, PUF Vendôme, 1982

CAUDRON André, Roubaix « capitale » de la résistance ( été 1940-Printemps 1941), Revue du Nord, 1994, n° 306.

CHALINE Nadine-Josette, Le catholicisme social dans le Nord au début du XXE siècle, Revue du Nord, 1991, n° 290-291.

DESGRANGE Bernadette, GALLO-VILLA Thérèse, GAUTHIER Philippe : la brochure sur l’exposition « De Chissay/St. Georges à Noyers/St. Aignan- Le Cher une frontière intérieure- 25 juin 1940/ 1er mars 1943 » -2023/2024.

FOSTY Jean, Les réseaux belges en France, Cahiers d’histoire de la seconde guerre mondiale, II, 1972/1 ( revue belge ).

JARDEL Lucien et Raymond CASAS, La Résistance en Loir et Cher, PUF Vendôme, nouvelle édition1994.

VIVIER Thierry, Le maquis de St. Lhomer, dans la Revue Résistances en Touraine et en Région Centre, Colloque 1er Avril 2009 sur les « Maquis en Région Centre ».