Le Loir et cher à l'heure de verdun


Sommaire de la Page

LE LOIR ET CHER À LA VEILLE DE LA GUERRE.

  • Un Département à dominante agricole et rurale : 
  • Une agriculture en première activité : 
  • Un commerce et un artisanat bien implantés : 
  • Une industrie en développement :
  • Une exploitation ancienne des carrières :
  • Une énergie ancrée sur le charbon :
  • L’énergie électrique en est à ses débuts :
  • Des communications téléphoniques balbutiantes :
  • Des voies de transport nombreuses :
  • Un enseignement majoritairement public : 
  • Un tissu urbain modeste :
  • Une société inégalitaire :
  • ...le canton de Montrichard :

NOURRIR ARMEE ET POPULATION

  • Le passage à "l'économie de guerre ".
  • Le naufrage de beaucoup de secteurs :
  • Le Blé : l'enjeu des enjeux pour le Loir et Cher.
  • Une production nationale en diminution ..
  • ... comme la  production du département de Loir et Cher.
  • la contribution du loir et cher à l’approvisionnement des armées.
  • La question cruciale de la main d’oeuvre agricole
  • Le recours aux " permissions agricoles " 
  • Tous aux champs : fonctionnaires, infirmiers, convalescents, malades !
  • ….Et les travailleurs coloniaux.
  • Main d’oeuvre fournie aux travaux agricoles par la 5e Région Militaire
PRIORITE NATIONALE  A L’ENERGIE
  • Le charbon : l'indispensable énergie ou la gestion de la pénurie.
  • Une sévère pénurie :
  • Vers une économie administrée du charbon :
  • Approvisionnement en charbon des entreprises de battage agricole :
PRIX, TAXATION, RATIONNEMENT.
  • La cherté de la vie..la préoccupation majeure de la population.
  • ...Un pain au prix contenu pour être " acceptable »
  • La viande, l’autre baromètre du moral alimentaire des populations :
  •  La hausse des prix ...toujours les mêmes causes :
VOTRE MORAL ...NOUS INTERESSE
  • Le moral des populations sous surveillance.
  • Une surveillance généralisée :
  • Danger : agitateurs et pacifistes potentiels !
  • Confiance dans l’issue victorieuse de la guerre, mais……
  • Les rumeurs sur les fauteurs de guerre ...une manoeuvre de l’ennemi ?
  • Crédulité et escroquerie ou la prophétie de Sainte Odile. 


ET DÉJÀ LA RÉFORME DE L’HEURE…

  • A la recherche d’économies :
  • Des doutes sur son efficacité :
  • L’Académie des Sciences est contre :
  • Le Parlement vote la réforme de l’heure :

FINANCER LA GUERRE

  • L’énorme coût financier de la guerre.
  • Total des dépenses.
  • La création de l'impôt sur le revenu ….
  • ...et le recours à des mesures complémentaires :
  • Contribution extraordinaire sur les bénéfices exceptionnels des entreprises :

Le Loir et Cher à la veille de la Guerre.


Un Département à dominante agricole et rurale : 

A la veille de la guerre,  l’économie se mondialise. 

Les économies sont interdépendantes, déjà !

Les « affaires » ne connaissent plus les frontières.

Dans  son pamphlet intitulé « Conséquence économiques de la Paix » , publié en 1920, John Maynard Keynes en décrira les principaux traits  : «  Quel extraordinaire épisode de l’histoire du progrès économique de l’homme, cette époque qui prit fin en Août 14 ! (…) Un habitant de Londres pouvait, en dégustant son thé du matin, commander par téléphone les produits variés de la terre entière en telle quantité qu’il lui plaisait, et s’attendre à les voir bientôt déposés sur le pas de sa porte ».

L’Europe était  au sommet de sa puissance économique. 

Son PIB représente 33 % du PIB mondial pour une population de l’ordre de 15 % de la population totale.

L’Angleterre entraînait l’Europe occidentale dans la « révolution industrielle ».

Dans ce contexte, la France, était encore majoritairement agricole et rurale.

44 % de sa population était urbaine contre 78 % pour l’Angleterre et 60 % pour l’Allemagne.

Son industrie ne représentait que 6 % de la production industrielle mondiale, contre 14 % pour l’Angleterre, 16 % pour l’Allemagne et 32 % pour les USA.

Les progrès économiques, mais aussi de l’enseignement, de la médecine, de l’hygiène, sont autant de vecteurs de la transformation des modes de vie des populations.

La durée de la vie s’allonge, la mortalité infantile recule tout en restant à un niveau élevé.

La femme est toujours maintenue dans une situation mineure.

A la veille de la guerre, le département de Loir et Cher, est représentatif de cette France là.

Le département compte 271 231 habitants (recensement de 1911) répartis  dans les 297 communes regroupées dans 24 cantons et 3 arrondissements.

C’est un département majoritairement agricole et rural.

Le commerce et l’artisanat occupent une place importante dans la vie économique et sociale des villes et des bourgs du département.

L’industrie est en développement. 

Les services publics sont au début de leur croissance. Ils représentent en 1911, 3,3% de la population active masculine.

Les professions libérales représentent 1,60 % de la population active masculine.

Une agriculture en première activité : 

L’agriculture est de loin la principale activité. 

406 293 hectares sur les 636 949 du département sont cultivées. 

La culture des céréales est dominante : 209 890 hectares y sont consacrés.

La production de céréales s’élève à 12 630 700 quintaux, ( et à 3 922 890 quintaux de paille).

La production viticole occupe une place importante.

Elle est de 559 159 hectolitres en 1913 contre 1 463 494 hecto en 1912, à la suite de maladies du vignoble.

Le département compte 12 590 vignerons.

C’est aussi un département boisé. Les bois et forêts y couvrent 137 795 hectares.

Les professions qui relèvent de l’agriculture représentent 63 % de la population active masculine.

Un cheptel diversifié : 

Un commerce et un artisanat bien implantés : 

C’est l’autre activité essentielle dans le département. 

Elle emploie 25% de la population active masculine.

9000 commerçants de détail sont patentés.

Les progrès de la vigne ont impulsé le développement et la croissance des bourgs notamment, dans les cantons de Montrichard, Contres, Bracieux, Selles-sur-Cher et St Aignan.

Les deux activités, agriculture, commerce et artisanat,  représentent  en 1911, 85% de la population active masculine.


Une industrie en développement :

L’industrie se compose de « fabriques » et  de « manufactures ».  

On recense 22 000 ouvriers.

Le textile est la 1ère industrie en terme de production de valeur.

Elle regroupe la fabrication de draps, les filatures de laine, la bonneterie et la lingerie.  On trouve ensuite l’industrie des cuirs et peaux, des chaussures seules , de l’alimentation et de la céramique verrerie.

Il y a dans le département, 5 fonderies de seconde fusion possédant 7 cubilots.

2800 industriels et commerçants de gros et 1/2 gros sont patentés.

Notons qu’en 1914, la France ne pèse que 6% de la production industrielle mondiale, la Grande-Bretagne 14%, l’Allemagne 16%, les USA, 32%.

Une exploitation ancienne des carrières :

517 carrières 

 sont exploitées dans le département : 33 sont souterraines, 484 à ciel ouvert.

586 ouvriers en continu, et 856 ouvriers en interrompu, procédant à l’extraction des pierres de taille, des moellons bruts, de la pierre à chaux, des matériaux d’empierrement pour les ballasts, du tuffeau..

Une énergie ancrée sur le charbon :

Le Charbon est la principale énergie utilisée.

En 1913, le Loir et Cher en a consommé 93 000 tonnes.

Il provient de 7 mines françaises pour 66 000 tonnes, dont Valenciennes, 46 000 tonnes. 

Le reste, 27 0000 tonnes, est importé d’Angleterre et de Belgique.

498 établissements, dont 284 établissements agricoles, utilisent les chevaux vapeur.

L’énergie électrique en est à ses débuts :

Dans le département, 14 entreprises de fabrication d’électricité sont, soit sous contrôle de l’Etat, soit sous celui des municipalités.

48 municipalités ont signé des concessions avec des fournisseurs.

Dans 37 communes, fonctionne une distribution publique sous le régime de la permission de voirie  ou sous celui  des communes.

Des communications téléphoniques balbutiantes :

Au 31 décembre 1913, on ne compte que 153 bureaux télégraphiques, 123 bureaux téléphoniques et 300 abonnés, pour l’ensemble du département.

La Chambre de Commerce de Blois jouera un rôle majeur dans le développement de réseaux interdépartementaux, de liaisons de ville à ville et les circuits locaux. 

A titre d’exemple, en 1914, elle effectue à la recette principale des Postes le versement de la somme de 104 660 fr en vue de la création de 18 nouveaux circuits communaux et de 3 circuits d’interêt départemental.

Des voies de transport nombreuses :

Le département est bien irrigué.  Les voies de transport sont nombreuses.

Les chemins de fer :

L’année 1914, consacre l’apogée des chemins de fers. 

Dans le département le réseau ferré est bien plus dense qu’aujourd’hui.

1°) Les chemins de fer d’Orléans,

Le réseau composé de 7 lignes, représente 387 Km et 36 gares et stations.

2°) Les chemins de fer de l’Etat. 

Ils représentent 165 Km et 31 gares.

3°) Les voies de tramways vapeur.

Elles comportent 10 lignes, soit plus de 327 Km

Les voies des divers réseaux sont empruntées par un grand nombre de voyageurs : 583 923 pour l’année 1913.

Elles servent aussi pour le transport des colis, de la messagerie, des animaux.

Les voies de terre :

Le réseau des voies de terre est composé de :

6 routes nationales soit 306 km, 129 chemins d’intérêt commun soit 2890 km, 3956 km de chemins vicinaux secondaires.

Les voies d’eau :

Plusieurs voies d’eau sont ouvertes, certaines ne sont que partiellement utilisées par des bateaux de type « Bourrichon »..

Le canal de la Sauldre avec 21 464 tonnes.Le canal du Berry.Le Cher Canalisé, emprunté par 710 bateaux avec 28 873 tonnes.La Loire avec 2480 tonnes.Le Cher non canalisé.

Un enseignement majoritairement public : 

Enseignement Secondaire Public :

- 2 Ecoles Normales d’instituteurs et institutrices formant 36 garçons et 46 filles.

- 3 Ecoles primaires supérieures de garçons (137 élèves).

- 5 Cours complémentaires de garçons ( dont un à Montrichard) avec 33 élèves.

- 2 Ecoles primaires de filles, 152 élèves.

- 1 Cours complémentaire de fille (8 élèves).

 Soit, 330 élèves dans l’enseignement secondaire.

Enseignement primaire élémentaire :

- 201 écoles de filles et 201 écoles de garçons.

- 135 écoles mixtes.

- 14 écoles maternelles.

Total : 551 écoles; 872 classes, 37754 élèves, 20067 garçons et 15687 filles.

409 instituteurs, et 459 Institutrices.

Enseignement privé :

146 écoles, dont 10 écoles laïques de garçons et 111 de filles.

1 école congréganiste de filles, 1 école laïque mixte, 23 écoles maternelles laïques. 

Soit : 6829 élèves, 1453 garçons et  5376 filles.

L'école privée de filles de Monthou, financée par la famille de Cassin, avait un statut d'école laïque.

Un tissu urbain modeste :

Le département compte 271 231 habitants.

Blois, ville préfecture, avec 23 955 habitants est de très loin la plus peuplée des 5 grandes villes du département. 

Vendôme compte 9707 habitants,  Romorantin 8101, Selles -sur-Cher 4074 habitants.

Ce sont autour des ces villes que se concentrent pour l’essentiel les fabriques et les manufactures.

L’artisanat anime les gros bourgs : Montoire 2970 habitants, St Aignan 2952, Montrichard 2700, Contres 2543, Oucques 1579, Ouzouer- le- Marché 1458, Bracieux 1089.

Au niveau national, 44 % de la population de la France est urbaine pour 78% en Grande-Bretagne et 60 % en Allemagne.

Une société inégalitaire :

Dans son ouvrage «  Aspects de l’histoire sociale et politique du Loir et Cher 1848 -1914 », Georges Dupeux nous livre une étude intéressante : celle des successions ouvertes pendant les 9 premières années du 20e siècle.

Elle montre que :

-  la proportion des personnes mortes sans aucune fortune est de 1 sur 5.

les successions inférieures à 500 fr. (de l’époque) représentent 1/4 du total.les successions inférieures à 2000 fr, (elles rassemblent les vêtements et les effets personnels des défunts), sont de loin les plus nombreuses, 52 % du total.

-  1/3 des défunts  a laissé une fortune dont la valeur a été estimé entre 2 et 100 000 fr, soit 37 %. « Cela représente une catégorie sociale intermédiaire nombreuse et bien pourvue », nous dit-il.

moins de 50 personnes laissent à leur mort plus de 42 millions de francs (16% de la valeur totale )

La conclusion de cette étude est que les écarts de richesses entre les différentes catégories sociales, sont nets et importants. 

La misère est encore très présente dans le Loir et Cher.

Notons que Dupeux chiffre, pour cette période, les dépenses annuelles d’une famille de 5 personnes dont le chef de famille est un journalier à environ un  millier de francs

...le canton de Montrichard :

A la veille de la guerre, dans le canton de Montrichard, l’activité est conséquente.

L’entreprise de carrosserie à Montrichard tourne malgré le décès du propriétaire.

Les carrières de Bourré et de Pontlevoy ont une activité soutenue.

Il existe deux fours à chaux, 5 tuileries de faible importance mais dont l’activité se maintient.

Les coupes de bois se vendent bien.

Les champignonnières, elles, sont en expansion toutes les années.

Deux fabriques de conserves l’une à Bourré, l’autre à Montrichard, ont une activité très occupée.

La lingerie de confection occupe des femmes. Elles travaillent à domicile, et les salaires sont bas.

La récolte viticole n’est pas abondante. Mais les vins sont d'une qualité supérieure à ceux de 1912.  

Par contre, les récoltes de blé et d’avoine ont été mauvaises dans le canton.

NOURRIR ARMEE ET POPULATION

Le passage à "l'économie de guerre ".

Une guerre qui devait être courte et sera longue :

La guerre est déclarée alors que l’économie se mondialise.

Pour les dirigeants politiques et les responsables militaires des pays européens, la guerre devait être de brève durée. Compte tenu de la puissance des armes, notamment de l’artillerie et des mitrailleuses, la guerre serait, selon eux, meurtrière mais courte.

De plus, un conflit long paraissait impossible dans cette époque, car la survie de la nation dépendait de la continuation ininterrompue du commerce et de l’industrie.

Karl Krauss, dans son livre, « Les derniers jours de l’humanité » fait dire, en août 14, à un comte autrichien, proche des milieux ministériels : « cet hiver, dès que la paix sera faite, je me paie la Côte d'Azur» !

La guerre intervient donc dans un contexte particulier de la croissance économique de chaque pays.

C’est vrai pour la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne.   

L'économie doit être mobilisée pour la guerre :

Les premiers jours de la guerre puis son prolongement, vont considérablement  influencer les rapports de productions et les conditions techniques de la production des pays belligérants où, ni les industriels, ni les politiques, et encore moins les militaires, ne soupçonnaient que l’économie dans son ensemble allait devoir être mobilisée.

Dès  le 21 septembre 1914, le gouvernement Français, va demander aux industriels de réorienter le système de production industriel, pour le mettre au service des besoins militaires.

…En Allemagne le « tout à l’armée ».


En Allemagne, cette « réorientation » économique se fera au profit quasi exclusif de l’Armée. 

La population disposera des restes, si restes il y a. 

En France,  le gouvernement tentera de limiter les ambitions tarifaires des industriels, qui au travers du Comité des Forges, jouera un rôle considérable dans la réorientation obligée de l’économie..

… En France : ne pas sacrifier « l’arrière ».

Le Gouvernement s'efforcera, non sans mal, à opérer des régulations entre le front et l’arrière.

Lentement, avec hésitations, se mettront en place, divers outils d’interventions de régulations de l’Etat, dont les objectifs seront donc de maintenir autant que possible, le soutien de la population des zones de l’arrière.

Dans ce contexte les collectivités territoriales joueront un rôle important.

Dans le département, nous en avons plusieurs exemples dans l’agriculture, dans la taxation des prix, dans la gestion du charbon etc….

Le naufrage de beaucoup de secteurs :

Les données au 31 décembre 1915 révèlent que seuls les secteurs qui travaillent pour la guerre s'en sortent : les fabriques de draps, de chaussures, de chocolat, de conserves, de chemises et de confection. Il en est de même pour les tanneries, les fonderies, les minoteries ainsi que le commerce du bois destiné aux armées.

Les autres traversent une crise qui pour certains les met quasiment au bord de l'arrêt de leurs activités.

Il en va ainsi du bâtiment et de ce qui s'y rattache, les carrières, les tuileries, les fours à chaux, les machines à briques, le bois de commerce ou de construction, la carrosserie.

Cette dégradation s'est amorcée dès le début de la guerre.

On en devine aisément les causes : le manque de main d'œuvre, la pénurie de matières premières, la crise des transports avec ses difficultés d'approvisionnements et de déplacements.

Dans ce passage à l'économie de guerre, des domaines vont revêtir dans notre département des dimensions stratégiques.

Le Blé : l'enjeu des enjeux pour le Loir et Cher.

Le Loir et Cher est un département producteur de céréale notamment de blé.

Il est donc être directement concerné par les approvisionnements en blé et farine qui, en cette année1916, deviennent des questions cruciales.


 Une production nationale en diminution ..

En France, la production moyenne de 1905-1914 est de 87 970 millions de quintaux :

  - 1914, 76 936 qx

  - 1915, 60 630 qx

  - 1916, 58 411 qx

La  production a été diminuée de 18 millions de quintaux 1916/1914, ( 29 millions de quintaux/moyenne) du fait de la guerre. 

La conséquence est que le pays doit s’approvisionner à l’étranger.

Les importations  s’accroissent : plus de 14 millions de  quintaux 1914-1915, plus de 16 millions de quintaux 1915-1917

Les prix d’achat à l’étranger ne cessent d’augmenter  : de plus 40 frs le quintal pour la récolte 1915/1916, il est envisagé à plus 65 frs pour la récolte  1916/1917.

... comme la  production du département de Loir et Cher.

La superficie cultivée se réduit, de 77 100 h en 1914, elle est passée à 64  016 h en 1916, pour 1917 elle est  estimée à 35 000 h. 

La production agricole, le blé en particulier, s’infléchit en conséquence : 1 407 000 quintaux en 1914, 680 250 quintaux en 1916, 400 000 quintaux en 1917 selon les estimations.

La culture du blé a diminué  de 16,68 %, celle de l’avoine de 14,10 %

Un prix pas assez rémunérateur ?

L'opinion des agriculteurs, majoritaires dans le département, estime que le prix du blé taxé à 33 fr.  n'est pas rémunérateur.

Cette position est reprise par le Préfet, les élus, notamment Pichery dans son rapport sur la situation économique dans le département.

Malgré les deux primes de 3 fr, ce prix ne couvre pas le prix de la main d’oeuvre et des engrais.

Pichet demande au Préfet d’intervenir auprès du gouvernement pour que le prix du quintal soit porté à 40 fr. 

Le Préfet, dans son rapport au ministre, en date du 8 février 1917, qui couvre donc une partie de l’année 1916, rapporte les propos d’un agriculteur : « Voulez-vous me disait un des conseillers généraux qui est un agriculteur connu en même temps qu’un républicain convaincu, voulez-vous apporter le seul remède à cette situation, laisser le cultivateur libre de gagner de l’argent, comme vous laissez toutes les autres professions libres d’édifier des fortunes.

Seuls les produits agricoles sont taxés avec une augmentation de 15 à 20 % sur les prix d’avant guerre, alors que tout a augmenté de 100 et même 200 %. (….)

La taxation lui enlève toute possibilité non seulement de s’enrichir, mais même de gagner sa vie.

Encore les agriculteurs sont- ils  mal reçus sur les marchés où on les traite d’accapareurs et de profiteurs de guerre ».

Il n’est pas certain, qu’un prix plus élevé du quintal de blé eut été suffisant pour augmenter de façon notable la production de blé.

En effet la mobilisation a opéré une saignée importante dans la main d‘oeuvre agricole, cause essentielle de la diminution de la production.

LA CONTRIBUTION DU LOIR ET CHER À L’APPROVISIONNEMENT DES ARMÉES.

Le ravitaillement alimentaire des armées avait d’autres fonctions que celle essentielle de nourrir les soldats sur le front.

Son organisation permettait aussi l’affirmation du soutien moral des populations de la zone arrière aux soldats. 

Elle permettait aux pouvoirs publics le contrôle social des tensions provoquées par la guerre parmi la population.

Elle constituait, enfin, un lien important entre l’arrière et l’avant, indispensable aux moral des troupes.

Le Loir et Cher a apporté une contribution non négligeable aux ravitaillements des armées et du camp retranché de Paris.

Au 31 décembre 1916, il a fourni :

plus de 100 000 quintaux de blé,plus de 18 000 de farine,plus  de 124 000 de pommes de terreprès de 500 000 quintaux d’avoine,44 300 têtes de bétail20 000 moutons,18 170 vaches3 450 porcs

Soit 66 818 quintaux de viande.

Ces prélèvements ont pesé sur l'approvisionnement des populations civiles en particulier dans les villes. 

Ils ont été une cause des hausses de prix, souvent spectaculaires, des denrées alimentaires.


La question cruciale de la main d’oeuvre agricole

Le rapport Pichery chiffre, donc à l'été 1917, que 46 500 hommes ont été mobilisés pour le service armé, 3200 hommes pour le service auxiliaire, 1700 jeunes de la classe 1918 ont été appelés en avance et 1400 exemptés ou réformés, ont été repris pour le service armé.

700 cultivateurs des classes 1888 et 1889 sont rentrés chez eux.

Le département a donc été privé d’environ 50 000 travailleurs.

Notons que si les agriculteurs ont fourni incontestablement la grande masse de l’infanterie française, tous les mobilisés ne relevaient pas du travail agricole.

Nombre d’ouvriers d’usines furent mobilisés.

En application de la loi Dalbiez, 500 000 furent retirés du front, à la demande du patronat, pour réintégrer les usines afin d’assurer la production des besoins militaires.

Mr Pichery  présente le calcul suivant : « Un agriculteur travaillant 300 jours par an, ce sont donc 15 000 000 de journées de travail qui ont été perdues ». 

Ce calcul est approximatif car tous les mobilisés ont été considérés comme agriculteurs. 

Il nous permet néanmoins de mesurer ce que fut l’effort fourni par les femmes, les enfants et les personnes âgées qui durent prendre la relève des mobilisés et assurer une production agricole minimale.

L’inspecteur de l’Académie précise, à propos des enfants, que 445 élèves, notamment en Sologne et dans la Vallée du Cher, ont déserté l’école, en 1916.  

Le recours aux " permissions agricoles " :

Pour tenter de pallier ce déficit, le rapporteur formule une série d’exigences.

Elles reposent sur le principe selon lequel il est un devoir hautement patriotique de produire du blé, pour réduire les achats à l’étranger mais aussi répondre aux exigences croissantes des armées et de la nation.

Pour cela « il faut rendre à la terre, pendant les moissons, les vendanges et les semailles, les hommes dont la présence n’est pas réellement indispensable au front ».

Il demande donc, un plus grand nombre de  permissions agricoles et une meilleure organisation de celles-ci.

Dans la 5e Région Militaire, 3676 permissions individuelles de 15 jours ont été donnés pour la première quinzaine de juillet. 

2860 hommes, du 1er Janvier au 11 août, ont été mis à la disposition du Loir et Cher, en équipes agricoles.

Le 9 août 1916, l’équipe n° 4 composée de 9 hommes dont un gradé a été affectée aux communes de Monthou-Thenay, l’équipe n° 3 de composition identique, aux communes de Pouille-Thésée-Angé.

Jugeant cela insuffisant, le rapporteur propose, de chercher avec la volonté de trouver, « jusqu’au fond des administrations et surtout les hôpitaux, un certain nombre d’auxiliaires qui pouvaient momentanément, pour quelques semaines, ou même en équipe volante, être distraits de leur service » pour être affectés aux travaux agricoles.

Tous aux champs : fonctionnaires, infirmiers, convalescents, malades !

A l’hôpital militaire de Pontlevoy, sur un effectif de 51 infirmiers, 44 ont été employés aux travaux agricoles.

Il faut, certes maintenir les lits en état, pour recevoir les blessés. 

Mais le temps que le convoi sanitaire arrive est suffisamment long pour que les infirmiers puissent rejoindre leur service.

Concernant les convalescents, « le travail agricole pour certains d’entre eux serait la meilleure mécanothérapie » affirme le rapporteur.

Il demande enfin, la mise en sursis du plus grand nombre possible, de maréchaux, de bourreliers, de charrons et les jeunes du département de la classe 17....mais elle sera appelée, pour le service armé, 18 mois avant la date légalement fixée !!

Sans oublier les prisonniers allemands…

Au printemps 1915, 40 prisonniers étaient utilisés pour les travaux agricoles dans le département de Loir et Cher….

Le nombre des prisonniers fut porté à 740.

Ces 740 prisonniers allemands étaient répartis en 35 équipes de 20, 30, 35, et 40 hommes.

Ils étaient tous employés aux travaux agricoles du mois de juin au début de la « fenaison ».

un nouveau contingent de 100 prisonniers est attendu.

En 1916, le département de Loir et Cher va disposer de 1000 prisonniers allemands.

Ils constituent la « Compagnie agricole de Loir et Cher », répartis en 76 détachements ou sous-détachements de 4 à 40 hommes.

Le cantonnement principal est en attente de restructuration. Il doit être divisé en deux parties.

Au cantonnement de Chouzy-Onzain, on dénombre :

11 cultivateurs, dont 6 aptes à conduire des instruments de récoltes,2 mécaniciens capables de réparer des machines agricoles,4 mécaniciens, 2 serruriers, 1 menuisier, 

il est proposé que les prisonniers non cultivateurs soient utilisés comme manoeuvres et que les prisonniers laboureurs soient affectés aux charrues.

A Pontlevoy travaille une équipe de 20 prisonniers.

A Monthou, quelques prisonniers sont placés chez les artisans liés au travail agricole ( charron, maréchal, etc).


Il s’appuie, pour cela, sur une circulaire-instruction du Sous-Secrétaire d’Etat au Service Militaire de Santé qui donne ordre que :

1° Les infirmiers cultivateurs soient mis en permissions de moisson. Les infirmiers non cultivateurs seront mis en équipe et placés à la disposition des maires des communes avoisinant la formation sanitaire, « même s’ils doivent, en raison du service sanitaire, consacrer au travail agricole qu’un certain nombre d’heures dans la journée ».

2° Les blessés des centres et dépôts de physiothérapie doivent participer aux travaux agricoles.

3° Les militaires convalescents hébergés dans les établissements de l’oeuvre des convalescents doivent aussi contribuer aux travaux agricoles.

Le Sous-Secrétaire d’Etat exige un état faisant apparaître le nombre de lits et le nombre d’infirmiers. Il ouvre la chasse aux surnombres.

Pour le Loir et Cher, plus de la moitié des infirmiers sont dans des hôpitaux où aucune brigade volante n’a été formée.

….Et les travailleurs coloniaux.

En effet, 248 travailleurs agricoles Tunisiens sont affectés aux travaux agricoles et à ceux de l’exploitation de bois. 

Encadrés par un adjudant-chef, ils sont accompagnés de 9 interprètes. 

Main d’oeuvre fournie aux travaux agricoles par la 5e Région Militaire :

Du premier jour de la guerre à la session d’août 1917 du Conseil Général du Loir et Cher, un effectif total de 15 500 militaires de la 5e Région M

ilitaire ont été, soit mis en sursis agricole, soit en permissions individuelles. 

Pour l’année 1916, ils ont été organisés en équipes du 27 juillet au 11août et du 12 août au 28 août.

Le nombre de journées de travail, prisonniers de guerre compris, est de

741 500.

(La 5ème région militaire comprend les départements de Loir et Cher, Loiret, Seine et Marne, Yonne, Aube et une partie de Paris).

PRIORITE NATIONALE  A L'ENERGIE

Le charbon : l'indispensable énergie ou la gestion de la pénurie.

En ce début de XXe siècle, le charbon est à la fois la principale source d’énergie pour l’activité économique et un bien de consommation pour la population civile.

La France en consomme 63,7 millions de tonnes alors qu’elle n’en produit que 40,8 millions. 

Elle en importe donc 24 millions de tonnes.

L’Angleterre est son principal fournisseur, puis l’Allemagne et de la Belgique.

La guerre, dès les premiers jours, bouleverse les conditions  d’approvisionnement en charbon du pays.

Le 21 septembre 1914, dans l’urgence, le gouvernement décide de réorienter l’appareil productif, en collaboration avec les industriels, vers la production en grande quantité, de biens d’armements. 

Dès lors l’industrie va devoir compter sur un approvisionnement en charbon conséquent.

Mais :

l’occupation d’une partie du territoire par les troupes Allemandes, prive le pays des ressources charbonnières du Nord et du Pas de Calais. En 1913, les mines de ces deux départements avaient produit 27 millions de tonnes.la mobilisation réduit le nombre de mineurs disponibles pour travailler dans les mines,les transports ferroviaires, maritimes, les ports, sont désorganisés,les importations allemandes et belges sont stoppées.

Les pouvoirs publics vont gérer, pour les besoins de l’industrie et de la population, la pénurie de charbon.

La situation du Loir et Cher illustre cette situation complexe et tendue..

Une sévère pénurie :

.....qui pèse sur les entreprises..... 

En 1913, le Loir et Cher a consommé 93 000 tonnes de charbon.

66 000 tonnes proviennent de 7 mines françaises, dont Valenciennes pour 46 000 tonnes. 

Le reste, 27 000 tonnes, est importé d’Angleterre et de Belgique.

498 établissements, dont 284 Etablissements agricoles, utilisent les chevaux vapeurs.

La guerre a modifié la donne.

Dans son rapport déjà cité, le Conseiller Général Mr Pichery, souligne l’importance du charbon dans la vie économique du département.

A l’appui de sa démonstration, le rapporteur donne en exemple le cas de l’usine électrique de Blois.

Elle fournit l’eau potable à la ville de Blois, mais aussi l’eau pour les machines à la gare. 

Elle assure l’éclairage électrique de Blois et de 19 communes.

Elle alimente les pétrins mécaniques, seuls existants à Blois, du Moulin Chouard, de la chocolaterie Poulain, et de l’usine Rousset.

Si cette usine ne pouvait être approvisionnée en charbon et réduise ou cesse son activité, on imagine les conséquences. Cela « supprimerait le travail à 2000 ouvriers environ ».

Le rapporteur exhorte le préfet à prendre les mesures les plus efficaces pour assurer l’approvisionnement en charbon.

A cette date, le charbon provient des mines du Bourbonnais, Il est livré par train. Il est de moins bonne qualité que le charbon anglais bien plus cher. Le charbon anglais est livré par voies maritimes, puis par chemins de fer depuis les ports de Dieppe et de Bordeaux.

Les ports sont fortement encombrés, le déchargement est ralenti. 

La crise des chemins de fer est aiguë.

Le manque de wagons se fait cruellement sentir.

Avant la guerre, 360 000 wagons appartenant aux sociétés ferroviaires étaient en circulation.

54 000 se sont trouvés en territoire ennemi. La France en récupérera une partie mais en perdra plus de 10 %.

Sur le total restant, 2000 Wagons-citernes sont affectés aux trains sanitaires, 9000 aux mouvements de troupes, 5500 aux stations-magasins et aux gares régulatrices, 2200 pour les sapeurs des chemins de fers et l’artillerie lourde sur voies ferrées, 1600 pour le service des poudres et 220 pour la poste.

70 000 wagons sont donc affectés aux besoins de l’armée. Ce chiffre augmente en fonction des offensives militaires.

La pénurie de main d’oeuvre touche aussi les chemins de fers, plus de 80 000 cheminots sont sous les drapeaux.

...et aggrave les conditions de vie des populations :

Dans le Loir et Cher, si l’industrie dispose de 2 à 3 mois de stock pour fonctionner, il n’en est pas de même pour les particuliers.

Ils sont confrontés à la fois  aux difficultés pour en trouver et à l’augmentation des prix.

Les difficultés du transport accentuent la rareté du produit et facilitent spéculation et hausses des prix. « le charbon devient introuvable » indique le Préfet. « (…) « je vis au jour le jour, sans avoir un stock important devant moi, toujours à la merci d’un retard de train ou d’un manque de wagons dans les gares expéditrices » (…) «  je n’ai pas jusqu’alors d’usine fermée, ce qui d’ailleurs peut se produire du jour au lendemain ».

La presse départementale apporte des précisions pour calmer l’impatience de la population en bute aux difficultés d’approvisionnement.

A l’approche de l’hiver et notamment pendant l’hiver 16-17 qui fut particulièrement rigoureux, certaines collectivités territoriales vont, par diverses actions, tenter d’atténuer les conséquences de la pénurie de charbon  parmi les populations les plus vulnérables.

Les pouvoirs publics vont donc devoir agir dans deux direction : assurer l’approvisionnement en charbon, maintenir un niveau de prix acceptable pour les industriels et les particuliers.

Vers une économie administrée du charbon :

 Le 4 décembre 1914, le Ministre des Travaux Publics confie aux Chemins de Fer de l’Etat, l’achat du charbon destiné aux Services Publics.

Le contrôle de l’Etat sur le marché du charbon sera maintenu jusqu’en mars 1921 et janvier 1922 pour le coke.

Le marché du Charbon sera placé sous le contrôle du Bureau National des Charbons. 

Il s’agit dans les faits d’une forme d’économie administrée. 

.... par la taxation gouvernementale : 

Trois mesures, rapprochées dans le temps, de taxation des prix du charbons sont décidées

1er juin 1916, fixe le prix maximum du charbon Anglais et du fret charbonnier.une 2e et une 3e taxations suivront quelques semaines après, le 1er Juillet 1916.

Les besoins du pays sont estimés à 100 000 tonnes/Jour.

…par le un rôle accru du préfet : 

Le préfet est compétent pour organiser la répartition du charbon aux petits consommateurs, c’est-à-dire les foyers domestiques, les petits commerces, la petite industrie et les professions libérales.

Des offices départementaux du charbon sont créés dans les départements dont un dans le Loir et Cher.

Cet Office à pour objectif, de regrouper à l’échelon local les besoins, de centraliser les demandes et de les adresser au Bureau des Charbons.

Le total estimé de la consommation annuelle est divisé par 12 pour correspondre aux besoins mensuels. Les quantités allouées pendant l’été sont supérieurs aux besoins, afin de constituer des stocks en prévision de l’hiver.

Et l'hiver 1916/1917, fut particulièrement rigoureux.

... par une intervention des collectivités territoriales : 

La presse départementale, Le Progrès notamment, se fait l’écho de l’action de la commune de Vendôme.

Les charbonniers vendaient pendant l’été le charbon entre 19 et 20 fr les 100 kg.

Pour faire baisser les prix, le conseil municipal crée une commission qui va tenter de constituer un stock de charbon destiné à la vente aux particuliers.

La Sté Coopérative propose de vendre le charbon à 15 fr les 100 kg.

La commission commande  200 000 kg de charbon. 

Les charbonniers, pour éviter la vente par la ville, proposent de vendre le charbon avec un bénéfice de seulement 1 fr par Kilo !

C'est ce qui se fera.

La ville de Montoire adoptera la même attitude. Elle arrive à ramener le prix du charbon de 20 à 17 Fr les  100 kg

La pénurie de charbon est mise à profit par les compagnies électriques et gazières  pour demander aux collectivités territoriales une augmentation des prix de l’électricité et du gaz.

Les conseils municipaux de Blois et de Vendôme refuseront les augmentations de tarifs demandées !

"

Approvisionnement en charbon des entreprises de battage agricole

Dans une lettre en date du 1/8/1916, le Préfet de Loir et Cher, précise au député Pichery les conditions d’approvisionnement des  entreprises de battage.

Le charbon consommé dans le Loir et Cher est débarqué dans le port de Saint- Nazaire.

Un certain Blanchet Romain, représentant de 2 grandes maisons d’importation de St Nazaire, propose d’approvisionner le Loir et Cher.

Le Préfet indique au représentant Blanchet, les noms des acheteurs-entrepreneurs de battage, la quantité de charbon demandée et la gare où le charbon doit être livré.

Le Préfet s’occupe également « d’assurer les moyens de transports de St-Nazaire aux diverses gares où le charbon » sous forme de briquettes doit être livré.

L’objectif étant d’assurer au Loir et Cher la quantité de charbon nécessaire aux battages.

Mr Blanchet Romain, n’a pas le monopole de la vente, est-il précisé, dans la lettre préfectorale.

L’organisation est la suivante :

1° Ligne Tours - Blois - Orléans - Paris : 23 acheteurs, soit 784 tonnes;

2° Ligne Tours - Vendôme - Châteauroux : 13 acheteurs soit 575 tonnes.

3° Ligne de Tours à Vierzon et la ligne de Blois à Romorantin : 25 acheteurs soit 7O7 tonnes.

dont :

7 acheteurs à Montrichard pour 115 tonnes,

1 acheteur à Bourré pour 12 tonnes,

1 acheteur à Thésée pour 10 tonnes.

9 entrepreneurs de battages rayonnent sur le canton de Montrichard.

Le battage devait être terminé vers  le 15 juin pour les céréales. Les ouvriers étaient ensuite affectés aux nettoyages et réparations des machines, puis au battage du trèfle incarnat.

*, le battage de l‘orge d’hiver et du seigle devait commencer.

PRIX, TAXATION, RATIONNEMENT.

La cherté de la vie..la préoccupation majeure de la population.


« Le Progrès » - journal de la SFIO dans le département - publie, dans le numéro du 8 décembre 1916, un article intitulé : « le problème de la vie chère constitue à l’heure présente une des principales préoccupations » ….

 

En effet, le coût de la vie n’a cessé de s’élever depuis le début de la guerre.

La hausse s’étalera sur toute la durée de la guerre et après.

Ainsi en 1920, les prix de gros seront en effet multipliés par plus de 6 par rapport à 1913. 

 

En 1916, plus encore que les années précédentes, l’immense majorité de la population est confrontée à deux difficultés pour s’approvisionner.

Celle de trouver certains produits qui se raréfient : le charbon, le sucre, et évidemment le pain blanc, etc. 

Celle des prix qui ne cessent de monter, y compris ceux des produits alimentaires.

Le Loir et Cher est certes un département agricole, mais la mobilisation a réduit la production, et toutes les familles ne possèdent pas un jardin potager suffisamment grand pour assurer l’auto-subsistance de familles nombreuses.

Elles doivent s’approvisionner sur les marchés ou à la ferme.

Pour tenter d’amoindrir les effets de ces difficultés quotidiennes sur le moral des populations, les pouvoirs publics vont tenter de mettre en oeuvre des mesures pour tenter de contrôler les prix et les restrictions.

 

Le pain et la viande sont au centre des préoccupations alimentaires.

...Un pain au prix contenu pour être " acceptable"

Le pain demeure l'aliment principal de la nourriture quotidienne des Français.

Son prix variera peu mais sa qualité se dégradera beaucoup.

- En 1914, au 2ème semestre, la ville de Blois compte 31 boulangeries.

Elles fabriquent et vendent 3 qualités différentes de pain.

Le pain de 1ère catégorie est vendu 0,50 fr, le pain de 2ème catégorie 0,40 fr et enfin celui de 3ème catégorie 0,333 fr.

Le prix de vente en boulangerie est supérieur au prix indiqué par « la taxe officieuse » en vigueur dans le département.

La taxe officieuse, prise en application d’une loi de 1791, dite « loi du Maximum », n’est autre que le prix de vente que le « préfet estime convenable » et qu’il communique à la population ( en principe ).

Cette taxe officieuse est respectivement de 0,427 fr ; 0,342 fr ; 0,285 fr pour les 3 catégories.

A Montrichard, qui compte 7 boulangeries à la même époque, le prix de vente du pain de 1 kilo en boulangerie est identique à celui de la taxe officieuse soit 0,35 fr. 

C’est le prix le plus bas du département et il n’existe qu’une seule catégorie de pain, la première.

A Contres, 6 boulangeries vendent le pain de 1ère catégorie 0,38 fr, et celui de 2ème Catégorie 0,36 fr.

En 1917, l’édition du 5 janvier du journal « L’Indépendant de Loir et Cher" indique que le pain est vendu à Contres 0,42 fr le kilo le pain de 1èrecatégorie, et 0,40 fr celui de 2ème catégorie.

Soit une augmentation sensible par rapport à 1914.

Pour maintenir le prix du pain à un niveau acceptable par les populations, les gouvernements vont prendre une série de dispositions pour limiter les importations de blés de l’étranger.

......Un pain au prix contenu pour être " acceptable "

Pour maintenir le prix du pain à un niveau acceptable par les populations, les gouvernements vont prendre une série de dispositions pour limiter les importations de blés de l’étranger.

...mais un pain rationné et de moindre qualité :

La consommation par personne sera limitée, la fabrication et la vente de pain fantaisie interdite, le pain rassis imposé, le taux de blutage de la farine sera modifié à deux reprises.

La loi du 16 octobre 1915 avait fixé le taux de blutage à 74 %, la loi du 25 avril 1916 le fixera à 77 %.

Le Sénateur Émile Aimond, rapporteur du projet de loi devant le Sénat explique le choix du taux et les objectifs de cette loi :

« La mouture donne trois produits, la farine blanche, le son et le remoulage, produits respectifs de la pulvérisation de l’amande du grain, de sa pellicule externe et des couches les plus proches de cette pellicule. Le taux de 74, excluait le son et le remoulage.

En portant le blutage à 77 %, nous incorporons donc le remoulage à la farine blanche, mais nous obtiendrons ainsi jusqu’à la soudure, une économie de 2,5 à 3 millions de quintaux…. ».

Une qualité en baisse pour un prix en légère hausse égale une économie substantielle de blé importé mais s'accompagne de l'insatisfaction de la population.


La viande, l’autre baromètre du moral alimentaire des populations :

Le prix de la viande, son possible rationnement, généreront craintes et lassitude parmi la population.

Comme pour le pain, le service des subsistances de l’armée a fait procéder à des enquêtes sur les prix de la viande dans le département :

En 1914, au 2ème semestre, les 23 boucheries de la ville de Blois, vendent :

le kg de boeuf 2,10 fr,  le kg de vache 2,10 fr,  le kg de veau 2,20 fr,  le kg de mouton 2,30 fr,  le kg de porc 1,80 fr.  

Les 5 bouchers de Montrichard, pratiquent des prix assez similaires :

le kg de boeuf 1,80 fr,le kg de vache 1,70 fr, le kg de veau 2,20 fr, le kg de mouton 2,40, le kg de porc 1,80 fr.

Au 1er décembre 1916, la viande de boeuf de « qualité la moins chère » est vendue 2,8O fr le kg, et « de qualité la plus chère » 6,80 le kg. 

La viande de porc « de qualité la moins chère » est vendue 5,00 fr le kg, « de qualité la plus chère » 5,20 le kg.

En 1917, le Préfet fera procéder à une enquête pour mesurer l’impact de l’arrivée des premiers contingents de soldats américains sur les prix.

Les prix seront respectivement de 3fr et 7fr pour le boeuf, et pour le porc de 5,80 et 7,00 fr.

L’augmentation des prix est donc importante entre 1914 et 1916, et elle se poursuit donc.

En 1917, l’éventualité de l’instauration de deux jours par semaine sans viande est véhiculée par la presse. 

Les articles décrivant des recettes adaptées de plats et de soupes "à la viande » mais sans viande, fleurissent !

Les prix continueront leur ascension jusqu’en 1920. La présence massive des soldats américains favorisera la hausse des prix notamment des prix de, produits tels que les oeufs frais, les légumes frais, le vin, l’alcool etc… comme en atteste les PV dressés sur les marchés par la gendarmerie pour contravention à la législation sur les prix.

 La hausse des prix ...toujours les mêmes causes :

Plusieurs causes se cumulent :

1°) La chute de la production industrielle et agricole, conséquence de la mobilisation générale et de l’occupation d’une partie du pays.

2°) L’augmentation de la masse fiduciaire.

Pour financer le coût de la guerre, les gouvernements utilisèrent la « planche à billets ».

L’augmentation de la masse de monnaie en circulation eut pour conséquence l’accroissement de la demande de la consommation  intérieure. Celle-ci ne put être satisfaite, car l’appareil de production était orienté à la fabrication des moyens de guerre au détriment des produits de consommation.

Il s’ensuivit une augmentation des prix du seul fait du jeu de l’offre et de la demande.

3°) Les difficultés d’approvisionnement.

La pénurie des produits de consommation est amplifiée par celle de la main d’oeuvre, des matières premières, du charbon, des difficultés des transports. 

De plus une partie du pays est ravagé par les combats.

4°) La spéculation.

Des producteurs ou des commerçants s’appuient sur la demande pour augmenter les prix. 

Les hausses de prix, les difficultés d’approvisionnement, s’ajoutent aux conséquences de la guerre sur les mobilisés et leurs familles. Elles alourdissent le climat et révèlent le mécontentement de la population.

Pour tenter de limiter l’inflation et ses effets, les pouvoirs publics locaux et nationaux vont, à tâtons, mettre en place une politique de contrôle des prix embryonnaire.

 Le gouvernement : un contrôle des prix embryonnaire :

C'est la loi du 20 avril 1916.  

La taxation est autorisée :

Elle autorise les préfets à recourir à la taxation toute les fois qu'une hausse injustifiée sera constatée. 

Un triple objectif est recherché :

- réprimer les spéculations illicites ayant pour but de fausser les prix,

- ramener le prix à un taux normal,

- éviter les bénéfices exagérés,  

Les marchandises qui pourront être taxées sont nommément désignées par la loi. 

Il s'agit du café, des huiles, essence et pétrole, des pommes de terre, du lait, de la margarine, des graisses alimentaires, des huiles comestibles, des légumes secs, des engrais commerciaux, des sulfates de cuivre et le souffre.

Ce sont tous des produits de première nécessité.

La taxation du pain et de la viande relèvent des maires.

Les préfets peuvent remédier, soit par voie de réquisitions, soit par des achats à l'amiable, aux dissimulations de marchandises ou aux insuffisances constantes dans l'approvisionnement des communes. 

Le 1er septembre 1916, en application de la loi du 25/4/1916, le préfet publie l’arrêté préfectoral  sur le taux de blutage de 77% de la farine mentionné ci-dessus.

La répartition du sucre est organisée :

Le 10 novembre 1916, il procède à l’installation d'un comité départemental de répartition du sucre.  

Ce comité est composé de représentants des municipalités, des industries et commerçants et des compagnies de transports 

La commission départementale de répartition du sucre  décide : 750 gr de sucre par personne et par mois

La quantité totale de sucre mise à la disposition du département est insuffisante pour assurer 750 gr par personne et par mois. 

Il y aura donc pénurie de sucre.

Puis viendra le 18/12/1916, la taxation du prix du sucre.

 - pour le sucre  granulé  et cristallisé,1,35 f /kg

-  pour le sucre roux, 1,30 f /kg

-  pour le sucre mécanique,  1, 50 la boîte de 1 kg ; 7,40 la boîte de 5 kg

-  pour le sucre en pain ou irrégulier, poudre et semoule 1,50 f/ kg             

Des marges limites sont fixées.

Le préfet refusera, par exemple, l’augmentation du prix du litre de lait de 0,20 à 0,30 fr demandée par les producteurs.

La gendarmerie procédera à une surveillance accrue des prix pratiqués sur les marchés.

D’autres mesures seront prises par le Parlement qui décide de baisser le prix de l'essence et du pétrole de 1 fr pour le pétrole et de 2 fr pour l’essence.

Les raffineurs sont accusés d'entente illégale.

Les communes interviennent aussi :

Tout au long de l’année 1916, l’action des communes sera diversifiée.

Entre les communes, les différences de prix sont quelques fois importantes.

La vie est plus chère à Blois qu’à Vendôme.

La presse départementale, notamment « Le Progrès », relate l’action des collectivités, en particulier de Vendôme.

 .... Vendôme semble être en pointe :

Elle tire les autres communes.

Elles agiront dans 4 directions :

Tentative d’organiser les marchés,Création de commissions communales permanentes contre la vie chère,Faire bloc face aux exigences des compagnies gazières et électriques.Aide aux plus démunis.

Tentative d’organiser les marchés du département :

Une première initiative avait été prise à Blois et à Vendôme, le 23 juin 1916. Elle vise à afficher les prix sur les marchés en vue d’obtenir l’unification des prix. 

Création de commissions permanentes contre la vie chère chargées des approvisionnements.

La mairie de Vendôme crée une « commission permanente contre la vie chère ». 

Elle interviendra dans divers domaines comme le prix du charbon ou l'alimentation.

Ainsi, la commission achète des boites de saumons de 500 gr. Les épiciers la vendaient 1,90 fr.

La commission leur propose de la vendre 1,50. Ils refusent. 

La commission en vend 7000 à 1,20 fr. Les épiciers acceptent de les vendre 1,25 fr.

La commission agira aussi sur le prix des pommes de terre, du sucre, du lait..Elle obtient des réductions de prix importantes. 

La mairie de Vendôme prendra l’initiative d’inviter les maires des villes et bourgs du département à une réunion pour examiner ensemble «  les moyens propres à enrayer la hausse du prix des denrées les plus nécessaires à la vie ».Tous ne purent être présents en raison des problèmes de transport. Mais la réunion est un succès.

Ils veulent que le Préfet prenne des mesures pour les prix du pain, de l'électricité, l'éclairage public.

Ils demandent que le généralissime règlemente aussi les marchandises sur le front.

Les maires mettent en accusation les " coquetiers " : ce sont eux qui raflent les marchandises sur les marchés pour approvisionner Paris.

Blois et Vendôme leur fixent des heures précises pour que la population puisse s'approvisionner  avant.

Les " coquetiers", dits aussi " mercanti " vont alors organiser des marchés sur les route bien que seul l'approvisionnement à la ferme soit autorisé.

Les maires menacent les boucheries d’une taxation municipale.

...et Blois crée un " fourneau "municipal :

Le Conseil municipal dans sa séance du 18 décembre 1916 décide de la création d'un fourneau municipal pour permettre à la population de se procurer des aliments  sains et à un prix aussi réduit que possible.  

Il sera procédé à 2 distributions par jour, à partir de 11 h et de 6 à 7h30 le soir...

Les bénéficiaires  seront les personnes inscrites sur les listes d'assistance, les bénéficiaires d'allocations militaires, les réfugiés bénéficiaires d'allocations, les familles ouvrières dont le loyer est inférieur à 250 fr.... 

Déjà une sorte d'épicerie sociale !

VOTRE MORAL ...NOUS INTERESSE

Le moral des populations sous surveillance.


Une surveillance généralisée :

Les pouvoirs publics ne se contentaient pas de prendre le pouls de la population confrontée aux conséquences multiples de la guerre.

Ils traquaient les propos et les opinions « pacifistes » qualifiés de défaitistes. Ils tentaient d’en débusquer les « colporteurs », permissionnaires ou autres.

Ils surveillaient les syndicalistes de la CGT, scrutaient les frémissements du mécontentement ouvrier des usines travaillant pour la Défense Nationale, afin de « désamorcer » de possibles grèves.

Ils tentaient d’étouffer dans l’oeuf toute « campagne pacifiste » naissante, ou toute « entreprise de déstabilisation venant de l’ennemi ».

Cette surveillance méticuleuse, accompagnait  leur action pour maintenir la politique d’union sacrée, et veiller à une inébranlable confiance dans l’issue victorieuse de la guerre.

Ces rapports « secrets » à l’époque, qui couvrent toute la période de la guerre, nous renseignent aujourd’hui sur l’évolution du moral de l’opinion publique dans le département de Loir et cher.

 Danger : agitateurs et pacifistes potentiels !

Le 8 décembre 1915, par une note manuscrite, le préfet demande aux commissaires de police et aux commandants de gendarmeries du département, de « surveiller étroitement, les agissements individuels de ceux qui vous sembleraient susceptibles de propagande pacifiste » et de « lui signaler tous mouvements collectifs qui se prépareraient dans le sens d’une agitation pour la paix ».

Le 14 Janvier 1916, il rappelle ses instructions et insiste sur leur mise en oeuvre car « la propagande pacifiste semble prendre une certaine activité » écrit-il.


Confiance dans l’issue victorieuse de la guerre, mais……

Le 21 février 1816 - hasard du calendrier, c’est le jour de l’offensive du Kronprinz sur Verdun - le préfet de Loir et Cher, adresse à son ministre son rapport sur « l’Etat moral de la population ».


Nouvellement nommé dans le département, il venait de terminer sa tournée des centres de ravitaillement pour stimuler les maires.

Ceux-ci devaient inviter les agriculteurs à fournir « un énorme contingent d’avoine ».

Il traduit donc les impressions qu’il tire de ses discussions avec les élus.

« La confiance dans l’issue militaire » ne fait pas de doute. 

Mais…« la lassitude et le fléchissement du moral des populations rurales sont assez notables ».

En effet, les difficultés s’accumulent dans les campagnes.

Il constate que « la pénurie de main d’oeuvre » s'aggrave avec la mobilisation de plus en plus de jeunes hommes.

La pénurie de chevaux augmente aussi, car ils ont été réquisitionnés.

Restent pour travailler la terre, les femmes, les jeunes enfants et les vieillards.

Ils et elles « négligent ou abandonnent » les exploitations. « Le déficit des emblavures d’automne varie du quart au cinquième » selon les territoires du département .

Les maires demandent une meilleur organisation mais aussi l’augmentation des permissions agricoles.

« Les ustensiles, les outils, les attelages, les cuirs, nécessaires à l’agriculture s’usent ». Ils ne peuvent être réparés et remplacés.  

Par contre, les populations « supportent les restrictions » sauf « celle du pain qui continue à être accueillie diversement ».

...un moral de plus en plus dégradé :

A la fin de l’année 1916, le ton du préfet a changé.

Dans son rapport du 21 décembre, s’il constate  « qu’aucun incident de nature à troubler l’ordre public et à compromettre la Défense Nationale n’est intervenu», il ne peut « cacher que le moral des populations s’est encore dégradé ».

Selon lui, les cause sont multiples :

les « lettres du front » tout d’abord. Les « poilus » invitent leur famille « à ne pas souscrire à l’emprunt ».. « pour terminer la guerre au plus vite ».les privations ensuite, « le charbon devient introuvable »; « le sucre se raréfie tous les jours et il faut s’en priver»; « les magasins sont fermés tôt, à 6 heures ». D’autres restrictions sont envisagées, « l’on parle de deux jours sans viande ».

Le préfet se livre à une explication pour le moins surprenante :

« Le Loir et Cher découvre que nous sommes en guerre » écrit-il. « Les deuils le lui avaient déjà appris, mais la vie matérielle restait large et plantureuse, les ressources en argent étaient abondantes, grâce aux allocations d’une part, aux salaires élevés d’autre part et à la facilité d’écouler des produits de la terre à un prix rémunérateur ». Aujourd’hui, écrit-il « les populations sont atteintes dans leur bien être ».

Les faits, contredisent les propos du Préfet sur le « bien être » !.

Le département a déjà accordé, 34000 secours à des familles.L’allocation évoquée par le préfet est l’allocation accordée aux familles de mobilisés. Son montant est de 1, 25 Fr plus 0, 50 Fr  par enfant de moins de 14 ans. De quoi ne pas mourir de faim.La hausse des prix est importante et les mairies s’organisent pour lutter contre la vie chère et la spéculation.La ville de Blois ouvre à la fin de l’année 1916 un « fourneau populaire ».Concernant les salaires, faute d’indication, il est difficile d’en connaître la réalité. Toutefois, la surveillance dont le syndicat fait l’objet de la part de la Sureté Nationale, les demandes croissantes dans le secteur public d’indemnités de vie chère, donnent à penser que les salaires ne sont pas aussi élevés que le préfet le prétend.

Fin 1917,  dans son rapport de fin d’année le préfet écrira que « les augmentations de salaires des ouvriers compensent les hausses des prix », que « des industriels qui travaillent presque tous pour l’armée réalisent des fortunes », que « les petits rentiers, les employés, les petits fonctionnaires souffrent vraiment de la guerre ». 

D’année en année de guerre, la lassitude, l’attente, l’espoir, la volonté de plus en plus forte parmi la population, de voir enfin se terminer la guerre, affleurent sous le langage  « politico-administratif correct » de ces différents rapports préfectoraux…

….Une enquête et un fait divers rocambolesque le confirment.


Les rumeurs sur les fauteurs de guerre ...une manoeuvre de l’ennemi ?


Le Député Roulleaux-Dugage, pose une question écrite au Ministre de l’Intérieur.

Il lui demande : « quelles sanctions le Ministre de l’Intérieur envisage de prendre pour mettre fin, sans plus tarder, à la  campagne qui s’exerce de toutes parts dans les campagnes ( et d’une façon générale qu’on doit y voir une manoeuvre ennemie) à l’encontre des origines de la guerre et  la durée de la guerre, et contre certaines catégories ou classes sociales françaises, et qui risque, si elle se prolonge, de compromettre actuellement « l’union sacrée » nécessaire et de faire germer pour l’avenir dans tout le pays, des ferments redoutables de troubles et de discordes ».

Le Préfet du Loir et Cher est directement mis en cause par le député à la suite de son intervention dans la presse locale sur ce sujet.

Donc le ministre interroge le préfet qui interroge à son tour les sous-préfets qui interrogent les chefs de compagnie de gendarmerie,  sur l’existence d’une manoeuvre ennemie.

Le sous-préfet de Romorantin précise « qu’aucune manifestation ni tentative de manifestation ne s’est produite, aucun mouvement violent n’est apparu dans l’opinion publique ».

Mais, il souligne, que les plaintes sur la durée de la guerre, les critiques sur les mesures d’ordre militaire ou politique, les propagations de fausses nouvelles, « sont des flottements inhérents à la période », et « qu’ils sont plus fréquents en février 1916 qu’en 1915 ».  il constate aussi  « le fléchissement du moral » dans les campagnes. « A Romorantin, agglomération urbaine où aucune usine ne chôme, aucun fait précis n’est résulté de ces tendances et la population ouvrière continue de travailler ».

Le sous-préfet de Vendôme fait un constat similaire. Mais il relate le contenu d’une plainte déposée à la gendarmerie, par le curé d’une petite commune du canton de Montoire qui s’en revenant à bicyclette de sa tournée pastorale, fut accueilli par les quolibets de quelques travailleurs des champs. La plainte du curé se termine par une interrogation : « est-ce le résultat de ces rumeurs infâmes accusant les nobles, les riches, les fonctionnaires et les curés de faire la guerre ? ».


Crédulité et escroquerie ou la prophétie de Sainte Odile. 

Un certain Georges Stoeffer, Alsacien, parcourt la Sologne et diffuse « la prophétie de Sainte Odile ». 

«  Dans ses considérations, il développe une profonde haine de l’allemand, et les prophéties de Ste Odile».

La Sainte aurait prédit, dans un texte en latin, les aéroplanes, les torpilles aériennes et surtout, le retrait des allemands pour le 17 janvier 1917. 

Ce monsieur lève des fonds pour l’érection d’une basilique et fait signer un engagement à verser de l’argent.

Le Diocèse de Blois s’alarme et interroge un spécialiste, historien de Sainte Odile, qui était la fille duc d’Amalric. 

Conclusion de l’expert : il n’y a pas eu de prophéties.

Tout était bon pour faire de l’argent sur l’aspiration des populations au départ des Allemands et à la fin de la guerre !

Le Préfet du département reprend ces analyses, et accuse les milieux conservateurs, relayés par les journaux, L’Echo du Centre et l’Avenir de Loir et Cher, de propager ces rumeurs. Les milieux conservateurs selon le préfet,  accusent les colporteurs, « les nomades qui vendent de la bimbeloterie et disent la bonne aventure » ainsi que les « mercantis » qui « parcourent les hameaux et visitent les fermes isolées ».

Selon les rumeurs, la Banque de France rassemblerait l’or des français pour l’envoyer en Allemagne….

 Ainsi les rumeurs les plus folles circulent, portées par la lassitude de la guerre.

Et déjà la Réforme de l’Heure…

L’éditorial du mercredi 12 avril 1916 du Journal « L’Indépendant de Loir et Cher» est consacré à « La Réforme de l’Heure ».

A la recherche d’économies :

En 1916,  on est à la recherche d’économies de toutes sortes pour financer l’effort de guerre. 

Un député de la Gauche Radicale, Mr Honnorat, reprend une idée évoquée par Benjamin Franklin en 1784, dans le « Journal de Paris », selon laquelle pour réaliser des économies d’énergie, il suffit d’avancer l’heure de l’horloge par rapport à celle du soleil.

Mr Honnorat propose donc de « chercher midi à onze heure » selon les termes de l’éditorialiste de l’Indépendant de Loir et Cher en avançant  « tous les cadrans d’1 heure pour faire commencer le travail plus tôt et le faire cesser 1 heure plus tôt ».

Une économie d’une heure de travail qui se traduirait par des millions d’économies de gaz et d’électricité… voilà la « Réforme » que propose Mr Honnorat. Cette proposition recueille un écho favorable au Parlement.

L’ Allemagne a déjà adopté ce principe depuis le 30 avril 1916 et l’Angleterre l’adoptera en mai de la même année.

Mais, en 1916, dans notre pays, profondément rural, et qui n’a adopté l’heure nationale de Paris que depuis 1891, cette idée paraît quelque peu révolutionnaire et farfelue. 

De plus, présentée par la Gauche Radicale, elle ne peut être que minimisée voire combattue par les conservateurs.

Des doutes sur son efficacité :

L’éditorialiste considère, et il l’écrit, que c’est une idée honorable que de rechercher des économies, pour mieux affirmer qu’elle est sans efficacité !

En effet : « Il y a - écrit-il - deux catégories de gens, ceux qui travaillent et ceux qui ne font rien »

« Ceux qui ne font rien, les cheminots des grandes routes, et les infâmes capitalistes qui vivent de leurs rentes, ne se lèveront pas et ne se coucheront pas plus tôt ».

Parmi les gens qui travaillent, il y a :

« les agriculteurs, ils se guident sur la marche du soleil »,« les commerçants débutent leur activité lorsque leur clientèle circule et cessent leur activité quant leur clientèle se repose »,« les industriels appliquent déjà ce que propose Mr Honnorat depuis longtemps. Ils réalisent des économies en utilisant l’éclairage naturel du soleil, les horaires des ouvriers sont ainsi réglés. « D’ailleurs les chemins de fer et les tramways modifient leurs horaires suivant les saisons, pour éviter aux salariés de se lever tôt lorsqu’il fait froid et de circuler lorsqu’il fait chaud ».« Il y a, enfin les employés de certaines administrations … pour lesquels l’heure, c’est l’heure et le soleil n’est rien ». Il stipendie la « sereine inertie de Mr Lebureau ». Déjà !

L’Académie des Sciences est contre :

Après avoir exposé les principes naturels et moraux de la flexibilité liée à la course du soleil, il assume l’argument scientifique délivré par l’avis de l’Académie des Sciences pour régler son  compte à la proposition du député.

En effet, un de ses membres Mr Lallemand estime que « cette mesure fausserait d’une manière inacceptable, sans utilité démontrée, les notions séculaires que représentent les mots de midi et de minuit. Un écart intolérable de trois heures, par exemple, apparaîtra à Brest, certains jours de l’année , entre les deux moitiés théoriquement égales de la nuit et du jour, respectivement séparées par les heures nominales nouvelles 0 et 12.

On serait obligé de conserver l’heure normale pour les besoins de la science et ceux de la navigation, ainsi que pour les relations internationales, ferroviaires, télégraphiques. Il en résulterait une dualité d’heure qui, dans la pratique, serait source de confusion ».

« J’en conclus, écrit l’éditorialiste, que si la proposition de Mr Honnorat est adoptée, elle constituerait un changement, non une réforme… ».

Le Parlement vote la réforme de l’heure :

La proposition de Mr Honnorat sera votée par le Sénat et ensuite l'Assemblée Nationale, le Jeudi 1er juin 1916. L'article unique de la loi stipule : "jusqu'au 1er octobre 1916, à partir d'une date fixée par décret, l'heure l'égale fixée par la loi du 9 mars 1911 sera avancée de 60 minutes".

Ce sera la nuit du 14 au 15 juin.

Fort heureusement, les progrès de la science, tant dans l’analyse des phénomènes scientifiques que dans leurs explications, ont considérablement évolué depuis 1916.

Mais force est de constater que dans l’exposé des vertus du changement horaire et des justifications de la flexibilité des horaires de travail, peu de choses ont changé sous le soleil !

FINANCER LA GUERRE

L’énorme coût financier de la guerre.

Total des dépenses.

Le total des dépenses militaires de la France s’élève à 25 Milliards de dollars. 

Soit, 125 Milliards de francs or.

Soit 30 milliards par an.

Soit 6 fois le budget annuel d’avant guerre.

Il y a donc un énorme besoin de financement.

La création de l'impôt sur le revenu ....

La fiscalité d’avant guerre repose sur les « 4 vieilles ». 

Ce sont des taxes foncières.

L’impôt sur le revenu n’existait pas encore, alors que 1% des plus riches concentre 55 % des patrimoines déclarés.

Le 14 juillet 1914, Joseph Caillaux fait voter l’impôt sur le revenu. Le coût de la loi des 3ans (la durée du service militaire passe de 1 à trois ans avec la loi du 7 août 1913) et du programme de réarmement qui accompagne cette loi, conduit le Sénat à accepter -enfin- le projet d’un impôt annuel sur le revenu. 

Il ne produira ses premiers effets qu’en 1916.

Les rentrées fiscales sont donc insuffisantes pour couvrir les frais de guerre.

Le total des dépense publiques est passé de 1,1% du Revenu National en 1912 à 2,4 % en 1920.

La dette publique fut, pour la même  période, multipliée par 6.

Pour faire face à une telle dépense avec des moyens insuffisants, les gouvernements utilisèrent divers moyens.

.et le recours à des mesures complémentaires :

1°) La création monétaire.

La planche à billets a toujours été le moyen le plus simple et rapide pour financer les déficits publics.

En 1919, le total des avances faites à l’Etat par la Banque de France s’élevait à 25,6 milliards de francs.

La Banque de France était alors un établissement privé : elle fut nationalisée en 1945.

Fin 1918, le total des billets en circulation représentait 30,2 milliards de francs contre 5,7 fin 1913.

Les conséquences furent multiples avec un changement dans la structure de la masse monétaire. 

Puis, l’or fut remplacé par les billets.

Il en résulta une  augmentation importante des prix à la consommation.

En effet, l’énorme quantité de moyens de paiement mis en circulation - l’Etat rachète l’or des particuliers et paye avec des billets - s’accompagna d’une augmentation de la demande de consommation intérieure, alors que, ce qui restait de l’appareil de production du pays, était orienté vers la production militaire au détriment des biens de consommation dont la production était réduite.

La demande était supérieure à l’offre.

Les prix à la consommation furent multipliés par 4 voire plus.

2°) Les emprunts.

L’Etat a lancé 4 grands emprunts nationaux.

Tous furent accompagnés d’affiches patriotiques et d'encarts dans la presse, visant à convaincre les français à participer à l’effort de guerre.

Ces 4 emprunts perpétuels aux taux d’intérêts compris entre 5 et 5,5 %  rapportèrent 67 milliards de francs.

25/11/1915              15 Milliards

Octobre 1916          12 Milliards

Octobre 1917          14 Milliards

Octobre 1918          27 Milliards

Le département de Loir et Cher a souscrit en rentes 1 877 900 fr à l’emprunt de 1915 et 1 472 000 fr à celui de 1916.

3°) La reconstitution des réserves d’or.

L’Etat demanda aux français de céder leur or afin que l'Etat reconstitue ses réserves.

L’or était payé en billets et un certificat de civisme était délivré aux vendeurs.

Le franc verra sa valeur divisée par 5 en 10 ans.

Les français détenteurs du certificat de civisme furent ruinés !

Le département de Loir et Cher contribua à hauteur de : 11 750 000 fr d’or.

4°) Le rapatriement des avoirs placés à l’étranger.

Contribution extraordinaire sur les bénéfices exceptionnels des entreprises :

Le 1er Juillet 1916, le Parlement vote une loi visant à l’imposition, sous la forme d’une contribution extraordinaire, des bénéfices exceptionnels ou supplémentaires réalisés pendant la guerre, entre le 1er août 1914 et la fin du 12ème mois suivant la fin des hostilités.

Cette loi était justifiée par l’état des finances publiques. 

Elle répond aussi au mécontentement de l’opinion publique. 

En effet, une partie grandissante  de la population, supporte de plus en plus difficilement l’inégale répartition des sacrifices, aggravée par l’inégalité de répartition des richesses.

26 entreprises du département de Loir etCher, sont concernées par cette contribution extraordinaire.



 

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