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De l’Âge de la Pierre Polie à… la pierre concassée.
Si, à l’occasion d’une randonnée ou d’un balade digestive, vos pas vous conduisent sur le chemin de la Crémaillère à Monthou-sur-Cher, avant le moulin, faites une halte.
En bordure du chemin, sur la droite, sous la futaie, vous verrez des cubes de béton d'où surgissent de grosses tiges de ferraille tordues et noircies par le temps et la rouille.
A leurs côtés, deux blocs de roches.
Les rameaux de lierre , quelques ronces, de la mousse les couvrent, mais… approchez-vous et examinez attentivement ces deux roches.
Les rameaux de lierre , quelques ronces, de la mousse les couvrent, mais… approchez-vous et examinez attentivement ces deux roches.
En surface, des cuvettes ovales apparaissent distinctement et sur les côtés, en vous penchant un peu, vous apercevrez des stries horizontales, nettes et de différentes longueurs.
Passez vos mains sur le fond des cuvettes. La pierre est d’une surprenante douceur, les stries aussi.
Ce sont des polissoirs de l’époque néolithique.
Les cubes de béton, eux, ce sont les restes des fondations sur lesquelles reposaient le concasseur de l’armée américaine dont un régiment cantonnait à Monthou en 1918.
Ces deux « vestiges » sont imbriqués, alors que 10 000 ans environ les séparent.
Pourquoi ?
Les polissoirs :
Le Néolithique est plus communément appelé « l’Âge de la pierre polie ».
Le néolithique correspond à une période de la préhistoire caractérisée par l’apparition et le développement des premières sociétés agricoles sédentaires.
Il s’agit d’une évolution géographiquement disparate, lente, que les experts situent entre 10 000 et 5 000 ans avant notre ère.
Apparue initialement dans une zone géographiquement délimitée par les actuels Israël, Cisjordanie et Liban, elle s’est étendue à des rythmes et selon des modes différents dans le monde et jusqu’en Europe.
Dans l’évolution humaine, c’est une période capitale. L’homme préhistorique de cueilleur- chasseur-nomade, évolue vers un producteur sédentaire. Il domestique et élève les animaux. Il cultive certaines plantes. Il construit un habitant pérenne. Il polit ses outils, haches et pointes de flèches etc…
Le polissoir était utilisé pour le polissage par l’homme de cette époque.Les cuvettes ovales présentent sur la surface du polissoir, sont le résultat de l’affutage des tranchants. Les stries sont, elles, le résultat du polissage répété de bords des outils.
Cette opération de polissage va rendre le tranchant plus résistant.
L’homme du néolithique gagnera en productivité et efficacité dans son travail.
Avant d’être polie, la pierre était taillée. Elle était ensuite soumise à un travail d’abrasion sur le bloc de pierre (le polissoir) humidifié. L’homme qui effectuait cette action devait exercer une pression de plusieurs kilos pendant de longues heures. Ce devait être un travail harassant.
On peut penser, aussi, que le polissoir était un lieu de rencontre, d’échange entre les hommes d’un même habitat.
Les deux polissoirs attestent d’une longue présence humaine dans la vallée du Bavet et des Anguilleuses.
De nombreuses conditions étaient remplies pour cela : des forêts, de l’eau, des rivières peu profondes, des abris naturels, un climat clément. Les fossiles, haches, pointes de flèches retrouvées sur ce terrain confirment l’ancienneté de la présence de l’homme.
Les cubes de béton :
Ils sont, eux, des constructions américaines.
Lorsque la 41e Division de Dépôt et les services de l’intendance de l’armée de Pershing s’installent dans la Vallée du Cher, ils déploient un important matériel roulant, camions, autos, motos, etc.
C’est un balai incessant, sur les chemins de terre battue de toutes les communes de la Vallée du Cher et de Monthou-sur-Cher. Très vite, ils seront défoncés, inutilisables.
Les délibérations des conseils municipaux demandant aux Américains de les remettre en état, sont nombreuses. (Lire : Les Américains à Monthou sur Cher)
Pour les rendre carrossables, l’armée a besoin d’une quantité importante de cailloux.
Le site de la Crémaillère est tout indiqué pour répondre aux besoins des américains.
Octave Henault, dans son opuscule intitulé « Petite Histoire de Monthou-sur-Cher » (1924), nous dépeint la Crémaillère de cette période.
« Un paysage des plus pittoresque consistant en un véritable chaos de blocs erratiques, dénudés par les eaux à l’époque glacière faisait de ce coteau une sorte de curiosité naturelle appréciée des étrangers. La pierre de minuit, elle même si colossale a aussi disparue. C’était une pierre à légende : pendant la messe de minuit elle tournait et bien téméraire eut été celui qui l’eut regardée faire, un vertige subit l’eut sur-le-champs couché par terre ».
Les américains transformèrent la Crémaillère en carrière. Ils installèrent leur concasseur dans ce décor. Ils « attaquèrent » les blocs de roche à la dynamite , les éclats passèrent ensuite dans le concasseur.
Le paysage fut totalement transformé. La quasi totalité du chaos de roches évoqué par Octave Henaut a pour l’essentiel disparu.
L’Armistice, le 11 novembre 1918, mis fin au carnage.
De nombreuses vies humaines furent ainsi sauvées. Nos polissoirs aussi.
Lorsque les troupes américaines prirent le chemin du retour, elles laissèrent une partie de leur matériel. Nous ignorons ce que le concasseur est devenu. Les blocs sur lesquels il reposait sont toujours là.
10 000 ans séparent ces deux vestiges.
Ils témoignent de l’histoire de l’humanité et de notre histoire locale.
Ils devraient être mis en valeur dans la commune. ils sont la preuve matérielle que le présent est lié à un passé lointain, que nous sommes le fruit d’une longue construction sociale.
Il est impératif de préserver cette histoire, de la faire connaitre aux générations nouvelles, sous peine, pour l’espèce humaine de finir comme la colossale pierre de minuit, hachée menue !
Armand VILLA
27 Août 2017
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