Mon vieux camarade Jean-Claude Poitou.

 Jean-Claude, je viens d'apprendre ton décès. Les souvenirs ressurgissent forcément. Pendant longtemps nous nous sommes simplement côtoyés au sein de la CGT. J'avais alors de toi l'image d'une excellente plume mais d'un homme réservé, timide, avare de ses paroles. Puis, sur mes dernières années confédérales au côté de Louis, nous avons été amenés à énormément travailler ensemble. C'était les années 93-96. J'ai découvert derrière les apparences, un homme de   passion : pour la culture, la poésie, le travail de récupération et transformation de vieux objets, et surtout ta passion et ton immense respect pour cette Afrique où tu avais été formateur pour la FSM. Et où tu avais observé tant de données anticipatrices. Très vite, nous avons constaté combien nous partagions le même diagnostic sur l'inexorable déclin de la CGT, si elle ne s'irriguait pas à nouveau à ses fondamentaux créateurs, en les concrétisant dans les mutations évolutives du monde, de la société, du travail. Comment penser et faire vivre les luttes de classe d'aujourd'hui ? Nous projetions ( et tout était prêt ), souviens-toi, la parution d'une revue syndicale CGT "théorique " au sens des Universités Populaires de G.Politzer pour former les militants ( es), pour aiguiser idées et esprit critique, pour échanger avec d'autres forces, etc. La coalition des conservateurs notamment du PCF et des adeptes de la vassalisation de la CGT au PS et à la CFDT, ont torpillé le projet. Louis qui ne supportait pas les conflits a cédé !

Le projet de brochure d'Armand sur l'Europe a connu le même sort.

De justesse, nous avons pu publier notre brochure sur les Exclus ; affaire des seules organisations caritatives, disaient certains ; pas possible que ce soient deux Cocos qui popularisent exclusion, SDF et misère enrageaient d'autres. Mais, et ce fut une grande joie, nous avons pu imposer notre conception du livre sur le centenaire de La CGT. Il faut dire que Seguy, Krasucki et Viannet soutenaient notre projet !! Écrire notre histoire sans autoglorification ni flagellation ! L'histoire avec rigueur, affection et lucidité. Tu es resté malgré les blessures. Je suis partie un matin de congrès confédéral où Louis a autorisé la distribution d'un tract de la CES sur les Services Publics qu'aurait adoré Macron !! Nous avons gardé des contacts puis le temps a fait son œuvre de délitement...aujourd'hui je sors de mon silence. Depuis plus de vingt ans. Pour toi. Depuis ce matin, cette phrase de toi que tu disais souvent me poursuit : " on tue toujours les prophètes, jamais les béni oui-oui de tous bords ". Ce soir je trinquerai à ta belle vie militante. Tu aurais aimé ça. J'associerai à ta mémoire celle d'Henri. Il a symbolisé beaucoup pour nous deux. Je t'embrasse, mon vieux camarade.