Avant propos

Les Moulins du Bourg et de la Coudre.

Le Prieuré de St-Cyr et St. Julitte (de Monthou) était propriétaire de deux moulins : le moulin du Bourg et le moulin de la Coudre.

Ces « usines » (1) étaient administrées par le prêtre fondé de « procuration » du Prieur titulaire du prieuré.

Tous les deux construits vraisemblablement dans le même période, étaient proches l’un de l’autre : moins de cinq cent mètres les séparent, sur le ruisseau le « Bavet ». 

Le Moulin du Bourg.

Appelé ainsi parce que situé au centre du bourg, très près de l’église.

1471 :

Le millésime le plus ancien pour dater le moulin du Bourg est un acte de 1471.

Selon cet acte, ce moulin donné à ferme à Vincent Bahuet, était « un moulin à draps ».

Le moulin portera le nom de ce fermier-meunier pendant de longues années.

A cette époque, il s’agissait d’un moulin à foulon.

Ce type de moulin était, selon des études universitaires, connu à Montrichard depuis le douzième siècle, sans que l’on puisse déterminer son emplacement sur les rives du Cher.

Au Moyen-âge, l’activité drapière connaissait en Sologne une certaine notoriété, notamment à Romorantin, mais aussi à St Aignan, pour ne citer que ces deux lieux.

L’hypothèse probable est que le moulin du bourg - le Moulin Bahuet - était une usine de foulonnage dans le circuit de la fabrication des draps de laine.

Le moulin à foulon servait à la finition de la fabrication des pièces de draps.

Elles étaient placées dans des auges remplies d’une eau mélangée à de l’argile et de l’urine. Les pièces de draps étaient frappées par les maillets du moulin. Sous les coups de maillets, les mailles tissées, se resserraient, s’imbriquaient et se feutraient.

Les maillets étaient actionnés par un arbre à came, lui même mis en mouvement par la roue du moulin.

Avec le moulin à foulon, un cap technique avait été franchi par la passage du mouvement rotatif au mouvement alternatif.

Ce type de moulin remplaça, non sans conséquences sociales dirions nous aujourd’hui, le foulonnage pratiqué avec les pieds. Les foulonneurs piétinaient les pièces de draps dans des auges.

Un moulin remplaçait plus de dix foulonneurs.

On peut imaginer l’activité que cela représentait dans le petit bourg de Monthou de l’époque.

1511-1512 :

Le censier (2) de Jean Fumé, Prieur du prieuré de Monthou-sur-Cher des années 1511 et 1512, confirme l’existence de ce moulin.

Vincent Bahuet était alors décédé.

Sa succession, « la hoirie Vincent Bahuet », est assujettie aux cens et rentes au profit du Prieur.

1567 :

Reconnaissance d'une rente sur le moulin

1577 :

Le 1er Janvier, la trentième partie du moulin Bahuet est "baillée par eschange »

1578 :

Sentence contre les possesseurs du moulin Bahuet pour le paiement de sept setiers six boisseaux de mouture valant seigle restant à payer au Prieur de Monthou

1594 :

Sentence pour le paiement de douze boisseaux de mouture au Prieur.

1649 :

Le moulin est donné à ferme pour 100 livres, 2 septiers de mouture valant « bled » et 2 chapons, par an.

La même année, on trouve la trace du moulin Bahuet dans un bail à ferme passé, par le Prieur de l’époque, Mathieu Chailly, avec Martin Hervet, le preneur, menuisier à Thésée. Ce bail porte sur la totalité du revenu temporel du prieuré, pour un montant de 280 livres. Il porte mention des deux moulins du prieuré.

1691 :

Le 21 mai, un nouveau fermier : un bail à ferme est donné à Jean Ferragu, marchand et laboureur au bourg de Thenay.

1710 :

Berthelin Maurice est le fermier-meunier du moulin.(3)

1744 :

Le 20 Février : le Moulin Bahuet figure sur l’Etat de récapitulation des moulins. (4)

Le Prieur est Monseigneur de Voulgny, et le meunier, Hervet Claude.

1760 :

Le 21 octobre, un bail à ferme passé devant Charles Fourré, notaire, par le curé Dubois au nom du Prieur Mathieu Bellet à Pierre Arrault, vigneron, pour une durée de 9 ans, et pour une somme de 36 livres payée au presbytère de la cure de Monthou-sur-Cher.

Le contenu du bail porte essentiellement sur les terres labourables et non labourables, ouches, jardin, vignes, prés, pâtureaux, et leur exploitations etc.. Pierre Arrault occupe les locaux et notamment le logement du meunier, les bâtiments et autres ustensiles « du dit moulin à bled qui depuis plusieurs années sont hors état de moudre ».

Le moulin Bahuet est donc à l’arrêt. Il est utilisé comme une ferme et ce sont ses dépendances qui sont exploitées.

1789 :

Le 3 juin, Alexandre André Le Bas, prêtre curé de la paroisse d’Orgeval (dans les Yvelines), Prieur du Prieuré de Monthou-sur-Cher donne à bail à Charles Minier, marchand-meunier et Catherine Thion sa femme, demeurant au moulin Bernet, pour une durée de 9 ans, « tous les bâtiments, terres, près dépendant dudit prieuré Saint- Cyr et Sainte-Julitte de Monthou sur Cher sans exception ».

Dans l’énumération des biens constituant le prieuré, il est précisé notamment, que dans le bâtiment servant de logement au Prieur se trouve « au bas, un sellier servant de basserie… ».

La « basserie » est une opération qui consiste à plonger les peaux, en vue de les gonfler, dans une série de cuves remplies de jus de tanin à concentration toujours plus forte.  

Il est possible que cette pièce était équipée de cuves en bois, dans lesquelles il était procédé à l'opération de la « basserie ».

Cette mention est importante. On peut émettre l’hypothèse que le moulin du Bourg, fut aussi un moulin à tan.

Le bail indique par ailleurs que « un autre bâtiment au delà du ruisseau du bourg dudit Monthou formant les anciens bâtiments du Moulin Bahuet …au couchant est l’emplacement où était autrefois le moulin et où sont les pierres des meules… ».

Le moulin est toujours hors d’état de fonctionner.

Le marchand-meunier, Charles Minier ne pourra mettre à profit son bail.

La révolution éclate et les biens du prieuré sont vendus comme biens nationaux.

1791 :

Charles Minier est le fermier depuis 1789.


Le 16 juillet, le moulin avec ses dépendances est vendu par le district de St-Aignan.

Le lot se compose d’« un bâtiment situé au bourg de Monthou sur Cher, chambre non carlée, « grenier non carlé couvert de tuiles », « au couchant est l’emplacement de ce qui était autrefois le moulin et ou sont les pierres des meule, petite cour au midi, jardin au nord entouré de haies au-delà du ruisseau, et un morceau de pré de 5 à 6 boisselées avec saules et aulnes ». L’ensemble  « comprend grange, cellier, étables, couvert en tuiles, ouches, jardin fermés de haies, dans lequel enfermée est une planche d’ouche appartenant au sieur Jean Baptiste Lemoine »

D’autres parcelles de près, « une saulaie, et un arpent de terre » .

Estimé à 1500 livres, il sera adjugé, après 10 enchères, à Antoine Rouet-Chevalier pour 5200 livres.

Le moulin est en ruine.

1806 :

1er septembre, date de présentation des titres.

 A l’occasion du recensement des titres des moulins de Loir et Cher, il est précisé sur le relevé que le propriétaire présente un « procès verbal d’adjudication devant le district de St Aignan daté du 15 juillet 1791 », qui constate « l’emplacement de ce moulin qui était en ruines.

Il a été vendu au sieur Rouet Chevalier, auquel on a accordé en même temps la faculté de reconstruire le dit moulin de la manière dont il jugeait convenable. »

Le moulin a été remis en état

Antoine Rouet-Chevalier est un tanneur.

1816 :

20 Avril : on apprend par la relation d'un incendie au moulin qu'il appartient à un certain M. Gauche Noël habitant à Saint-Aignan.

1825 :

13 Juin, le moulin est acquis par Claude Minier.

1843-1848 :

Minier est toujours propriétaire.

1872 :

24 juin : un bail est consenti à M. Sylvain Pinault-Morissot pour la somme de sept cent douze francs par an.

6 Juin 1873 : 

Adjudication du moulin du Bourg au profit de M. Bodin-Ricard.

1906 :

Le meunier est Garnier Désiré.

Le moulin est déclaré en état de vétusté.


Droit de Chasse

Il est noté sur le livre des rentes seigneuriales du Gué-Péan que le moulin du Bourg est redevable d’un droit de chasse d’un montant de 24 setiers de mouture.

Il figure sur la liste des moulins « qui ne tournent pas ».



Notes

1 - Jusqu’au 18es. le mot est employé comme terme générique pour désigner un bâtiment dans lequel on pratiquait une activité utilisant des machines, des rouages mus par la force hydraulique.(CNRTL

2 - Sources : ADLC, série, 3 E 68/280

3 - Sources : ADLC, série,3 E 68/280 

4 - Gustave Henault, ‹Monthou sur Cher, petite histoire locale›, Collection personnelle.