Montrichard sous l’Occupation


                               

...il fallait peu de choses !


Le contrôleur du cinéma


Silvain Bodin, né à Montrichard le 10 octobre 1887 et y demeurant, était journalier aux Établissements Monmousseau, durant la semaine,

Le dimanche, il arrondissait ses modestes revenus, en travaillant au cinéma de Montrichard en qualité de contrôleur.

Durant la guerre, l’établissement appartenait à M. Servagnet et s’appelait le Casino. Il y avait un bar.

Le 15 mars 1942, vers 20 heures, deux soldats allemands qui venaient d’effectuer différents travaux sur les lignes téléphoniques, se rendent au cinéma.

Après avoir pris leurs billets à la caisse, ils se sont placés d’autorité au rez-de-chaussée, au côté des spectateurs civils.

Or, sur ordre de la Kommandantur, les militaires devaient s’installer au balcon. Les places y étaient d’ailleurs plus chères. On peut penser que des raisons de sécurité n’étaient pas étrangères à cette disposition de placement.

Silvain Bodin s’est alors approché d’eux, leur a tapoté l’épaule en les invitant à monter au balcon.

Les places que celui-ci leur avait désignées ne leur ayant pas plu, les allemands sont redescendus s’installer à nouveau au rez-de-chaussée.

Une discussion animée s’ensuivit. Monsieur Servagnet et un douanier allemand intervinrent pour leur faire respecter les règles. Rien n’y fit.


« Balcon » ou « cons »

Ces soldats allemands allèrent ensuite protester auprès de leur hiérarchie.

Ils accusaient Silvain Bodin de les avoir traités de « sales cons » alors que ce dernier maintenait leur avoir dit : «votre place n’est pas ici mais au balcon».

Silvain Bodin est arrêté le soir même avec plusieurs autres personnes qui seront elles libérées le lendemain matin

Il est inculpé pour « outrages et voies de fait » sur des soldats allemands.

Le 16 mars à 16 heures, il est conduit à la prison allemande de Romorantin.

Le 17 mars, la brigade de gendarmerie de Montrichard transmet au Préfet un rapport sur ces incidents : le Préfet ne semble pas avoir réagi.

Le 23 avril, la Feldkommandantur 589 ( celle de Blois ) informe le Préfet du jugement du 9 avril condamnant Silvain Bodin à 6 mois de prison, « pour avoir tourné en ridicule l’armée allemande ».

Le Préfet prend alors l’initiative de demander un autre rapport aux services de la Sûreté Nationale. Il est effectué par l’Inspecteur Bezard résidant à Noyers, qui corrobore le rapport « à chaud » des gendarmes de Montrichard et laisse entendre que Bodin a dit la vérité sur ses propos.

Il souligne que « Bodin est un très brave homme, très bien considéré ».

Une menace permanente de répression

Le 1er mai, le Préfet écrit à la Feldkommandatur d’Orléans, dont dépend celle de Blois, pour solliciter « sa bienveillante attention » sur le cas Bodin car les renseignements de la police française démontrent que « les paroles de M. Bodin ont été mal interprétées et qu’il n’a proféré aucune injure à l’égard des militaires de l’armée allemande ».

Le cinéma, sur ordre de la Kommandantur d’Orléans, restera fermé du 21 mars au 7 avril 1942 et Silvain Bodin est maintenu en prison.


Ce qui est arrivé à Silvain Bodin est significatif du quotidien des populations sous l’Occupation. La menace de répression y était omniprésente.

Les peines prononcées étaient lourdes pour des faits mineurs souvent non avérés. Elles visaient à faire peur et dissuader de toute attitude publique d’hostilité aux troupes d’Occupation qui aurait pu faire boule de neige.

De plus, nous sommes au printemps de cette année 1942 qui va constituer un tournant.

Les passages de la Ligne de Démarcation sont nombreux, la Résistance s’organise peu à peu autour de plusieurs groupes à Montrichard et ses environs, la Wehrmacht est tenue en échec à l’Est, la résignation recule dans les esprits bientôt révoltés par le STO.

L’espoir est en train de renaître.


                                                                                             

  Thérèse GALLO-VILLA




Source : ADLC 1375 W 68