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Les officiers du grenier à sel de Montrichard

Claude BOUSSEREAU avait précédemment publié un article sur le grenier à sel de Montrichard dans lequel il décrit excellemment l’imposition du sel sous l’Ancien Régime, le fonctionnement d’un grenier à sel et la fin d’activité de celui de Montrichard au moment de la Révolution.

Le présent article prend donc appui sur le précédent. Il apporte un complément d’informations sur le grenier de Montrichard. Et surtout, il sera pour l’essentiel consacré aux officiers du grenier à sel, une des catégories au cœur de la notabilité locale de l’époque.

Un rappel sur les greniers à sel.

Une très ancienne institution

La monarchie a assis, très tôt, un impôt indirect sur le sel, produit indispensable à l’alimentation humaine et à la conservation des denrées. La gabelle fut l’impôt le plus impopulaire de l’Ancien Régime.

Les greniers furent créés, dans sa foulée, en 1342.

L’Etat avait le monopole de cet impôt mais il le donnait à bail, avec les autres impôts indirects, tous les six ans à un consortium de fermiers qui, à partir de 1681, constituèrent la Ferme Générale.

Les greniers à sel étaient donc partie prenante de l’organisation et du fonctionnement de la Ferme.

La législation touchant les gabelles était fort complexe avec des statuts différents suivant les provinces, ce qui favorisait la contrebande des faux sauniers. La Touraine ( et donc Montrichard ) était un pays de Grande Gabelle, où le prix du sel était le plus élevé : de 39 à 42 livres, alors que les pays exemptés de gabelle le payaient 10 livres le minot ( environ 39 litres mais avec des variantes locales ).

Pour lutter contre la fraude, une obligation d’achat avait été instituée : le sel du devoir. Tous les paroissiens âgés de plus de 8 ans devait acheter l’équivalent de 3,5 kilos de sel, réservé « au pot et à la salière ». Le coût de ce sel du devoir s’élevait par feu à l’équivalent d’un salaire mensuel d’un ouvrier agricole. Le sel pour les salaisons était à prendre en plus.

Le sel vendu en Touraine venait de Brouage, des îles voisines et du pays nantais. Tout sel acheté ailleurs par les greniers de Touraine était considéré sel de contrebande.

Nous ne connaissons pas la date exacte de la création du grenier à sel de Montrichard ni l’emplacement de ce premier grenier.

Mais jusqu’en 1483, Amboise dépendait du grenier à sel de Montrichard et les habitants en étaient mécontents car ils devaient s’y déplacer. D’où, à cette date, fut créée une chambre du sel à Amboise pour le dépôt et la vente. Dès 1494, Amboise percevait directement la gabelle tout en continuant à dépendre de Montrichard pour la juridiction puis la ville bénéficiera d’un grenier de plein exercice.

Une chambre du sel existait aussi à Bléré, rattachée au grenier de Montrichard, qui fut supprimée en 1694 et la chambre de Bléré intégrée au grenier de Montrichard.


Après que François 1er en 1516 eut donné la terre et seigneurie de Montrichard à Jacques de GENOUILLAC, ce dernier ordonna des travaux d’aménagement dirigés par Jean de SEIGNE :

« au bord de la rivière dans le bastion de l’angle Sud-Ouest des remparts, il disposa un grenier à sel ».

On peut voir sur le cadastre napoléonien de Montrichard, établi en 1808, le tracé du long bâtiment de ce second grenier et la rue qui aboutissait au grenier porte toujours le nom de « rue du grenier à sel ».

Les trois fonctions du grenier à sel

C’était un ressort territorial :

Les Etats de dénombrements des ressorts des Gabelles pour 1724-1725, établis par le grenetier LENORMANT de Champhlé, nous apprend que le ressort territorial du grenier comportait 25 paroisses, en plus de la ville et des faubourgs de Montrichard : Angé, Athée, Bléré, Bourré, Céré, Chissay, Chisseaux, Choussy, Epeigné, Faverolles, Francueil, La Leu, Lusillé, Mareuil, Monthou, Oisly, Orbigny, Pontlevoy, Pouillé, St. Julien de Chedon, Sambin, Thenay, Thésée, Valaire.

Cela correspond en 1724 :

- pour les ressortissants soumis au « devoir de gabelles », à 316 feux et 1010 personnes pour Montrichard et les faubourgs ; à 3038 feux et 10665 personnes pour les paroisses ; soit un total de 3354 feux et 11675 personnes.

- pour les ressortissants non soumis au « devoir de gabelles », à 25 feux et 54 personnes pour Montrichard et les faubourgs ; 133 feux et 237 personnes pour les paroisses.

Soit un total de 3512 feux et 11966 personnes. Le nombre de personnes constituant un feu variait suivant les coutumes locales de 3 à 5 et suivant les catégories sociales.

Un autre État sur les gabelles en 1664, donne pour le grenier de Montrichard et Bléré : 26 paroisses concernées ( Montrichard est compté dedans ), 3093 feux, 9291 personnes dont 148 laboureurs, 148 nobles et 24 exemptés ( ce sont les seules catégories spécifiées).

Le grenier à sel de Montrichard était d’importance moyenne parmi ceux de la Généralité de Tours et équivalent à celui d’Amboise.

C’était un magasin :

Il existait une stricte réglementation pour le transport du sel par eau et par terre ainsi que pour les dépôts et réserves où était entreposé le sel. Ces dépôts appelés donc greniers étaient loués par l’adjudicataire des gabelles le plus souvent à des particuliers mais aussi à des communautés, au seigneur du lieu, etc.

C’était généralement une maison sommairement aménagée composée de trois parties : un bureau pour les tâches administratives, un local servant aux audiences, et le grenier proprement dit avec les stocks de sel, les instruments de mesures et de pesées, etc.

Le grenier de Montrichard était de « vente volontaire ».

Les particuliers pouvaient venir y acheter leur sel du devoir. Les collecteurs des tailles fournissaient chaque année copie des listes des taillables auxquelles, ils rajoutaient les listes des exemptés. Ces listes servaient aux commis du grenier à établir leurs registres appelés « sextés » où ils consignaient les ventes.

Les regrattiers s’approvisionnaient aussi au grenier et revendaient le sel au détail. Le sel du devoir ne suffisait pas aux besoins d’une année des familles qui devaient donc compléter leur consommation.


C’était une juridiction :

Les greniers jugeaient, en première instance, tous les litiges concernant la gabelle jusqu’à la valeur d’un minot. Les quantités supérieures étaient de la compétence des Cours des Aides, la juridiction royale pour les contentieux fiscaux.

Ils jugeaient les délits sur la gabelle elle-même et ceux liés à la contrebande ; ces derniers étaient sévèrement réprimés.

Cette juridiction comprenait : un Président, office crée en 1629 qui inspectait la réception et la « bonté » du sel ; un grenetier qui avait été auparavant l’officier le plus important du grenier ; un contrôleur qui supervisait l’activité du receveur ; le receveur qui était la cheville ouvrière du grenier ; un procureur du Roi qui représentait les intérêts du pouvoir royal ; un greffier, office qui avait remplacé celui de sergent, tenait le greffe et assistait les magistrats aux audiences.

Le cumul entre deux emplois au sein du grenier était fréquent. Le changement de fonction au sein du même grenier traduisait des progressions de carrière.

Un office au grenier pouvait aussi se cumuler avec certains autres offices royaux et des offices au sein d’autres greniers à sel.

Le grenier employait aussi des commis pour les tâches d’exécution.




Le statut social des officiers du grenier                        

Les offices du grenier étaient des emplois recherchés par les notables locaux car ils appartenaient à la catégorie des offices de Justice qui tiraient leur prestige de la fonction première du souverain : rendre la justice.

Les officiers du grenier portaient le titre de « Conseillers du Roi » car ils détenaient son pouvoir délégué de justice. Ce titre, au fil des siècles était devenu surtout honorifique, mais avait gardé une aura importante car l’office conférait à son titulaire un « état » qui lui donnait un rang dans l’organisation de la société.

Dans un acte du 2 décembre 1771, les officiers de Montrichard du moment procèdent à l’évaluation de leurs offices : Louis Lenoir, président, le chiffre à 2000 livres ; Louis de Frécine, grenetier, à 6000 livres ; Joseph François Rance, contrôleur à 5500 livres ; Philippe Corset de la Pierrerie, procureur, à 3500 livres et Claude Bournais, greffier, à 1500 livres.

Ils percevaient des gages annuels de l’ordre de 10% du prix estimé de l’office. Ils bénéficiaient d’une dotation de sel gratuit nommé « sel de privilège ».

Il convient d’y ajouter la pratique des « épices », ces gratifications versées aux juges lors des procès et qui concernaient aussi les greniers à sel.

A leur origine, les offices constituaient une sorte de don gratuit du Roi contre le versement d’un prêt par l’officier moyennant des gages modestes, sortes d’intérêts. Il s’agissait généralement d’une charge inamovible. Les officiers étaient nommés par une lettre de provision du Roi. Les offices les plus convoités mais les plus chers, étaient ceux qui étaient anoblissants. Ce n’était pas le cas des offices des greniers à sel.

Peu à peu, l’office va évoluer avec les besoins d’argent grandissants de la monarchie. A partir de François 1er, l’office se vend, devient un objet de commerce et de transaction et revêt, peu à peu, un véritable droit de propriété.

Ainsi les offices deviendront héréditaires partir de 1604, avec la création de la fameuse « Paulette », une taxe annuelle qui permettait donc de transmettre son office à un membre choisi, généralement de la famille, et assurait au Roi des rentrées financières supplémentaires.

Le grenier à sel de Montrichard a, par deux fois, contribué à la jurisprudence royale sur le stat

1628 : l’affaire de la préséance des officiers du grenier à sel

Le 16 octobre 1628, le Grand Conseil du Roi, qui siège à ce moment là à Poitiers, statue sur une décision du bailli-juge ordinaire de Montrichard.

Les « appelans » à ce procès sont :

Antoine DUBOIS, René SEPTIER et Jacques DALUZEAU, écuyers de la Cuisine du Roi ; Charles GARNIER, hâteur de la Cuisine et René GARNIER, chevaucheur de l’Ecurie du Roi.

Lors d’une procession le 3 juin 1627, ils avaient provoqué « un tumulte » pour protester sur leur rang dans la procession en estimant : « … que les appelans sont domestiques de notre maison et officiers nécessaires qui par conséquent à cause de notre personne qu’ils servent, doivent être considérés en l’honneur qui leur appartient à cause de ce que outre Dubois est Me des Eaux et Forêts qui doit précéder les intimés ».

Ce trouble à l’ordre public, comme nous dirions de nos jours, avait été sanctionné le jour même par Jacques MALPENEE, le bailli-juge, qui avait précisé que « les officiers de la justice ordinaire marcheraient du côté droit ainsi qu’ils étaient accoutumés, qui seraient suivis immédiatement des avocats et procureurs du dit siège et que du côté gauche, marcheraient au premier rang les officiers des Eaux et Forêts et immédiatement après les officiers du grenier à sel et par après les appelans pourraient marcher en tel rang qu’ils arriveraient bon être et anticipé ( fixé par avance)».

Les « intimés » sont :

Pierre LE POT, grenetier du grenier à sel de Montrichard et de la chambre de Bléré qui en dépend ; Charles ADAM, contrôleur du grenier et de la chambre ; Jacques MALPENEE, bailli-juge ordinaire.

Ainsi que d’anciens officiers du grenier : Antoine BECQUEREAU, grenetier ; François FALLON et Etienne LALLIER, procureurs.

Les appelans récusent le droit d’être admis à ce procès à Jacques MALPENEE, accusé d’être juge et partie car il est le beau-frère de Pierre Le Pot. Dans une sentence du 25 septembre 1627, le Praésidial de Tours avait estimé, argumentent-ils, qu’il n’avait pas à intervenir.

Jacques MALPENEE objecte « qu’il n’a fait que ce qu’il devait nécessairement faire… il n’y avait que lui comme juge lors du tumulte fait par les appelans auquel il était nécessaire de remédier au même instant ».

Les intimés font eux valoir d’une part « que la qualité de maître des Eaux et Forets est incompatible avec celle d’écuyer de Cuisine » et que d’autre part, « il est inaudit ( dont on a jamais parlé, entendu ) que des officiers de notre Cuisine et un chevaucher de notre Ecurie puissent prétendre à une préséance contre les officiers du grenier à sel ».

Le Grand Conseil casse, révoque et annule le jugement du Praésidial de Tours.

Il arrête que « les dits Le Pot, Adam, Becquereau, Fallon, Lallier précèderont les dits Dubois, Septier, Daluzeau, Charles et René Garnier sans préséance au dit Dubois qui en sa qualité de Me des Eaux et Forêts précèdera les officiers du grenier à sel ».

Il les condamne aux dépens.

Ainsi, le Grand Conseil a débouté les officiers de la Maison du Roi, confirmant que les offices de Justice y compris des greniers à sel, primaient les autres offices dans la hiérarchie des offices et leur symbolique honorifique.

Sous l’Ancien régime les procès de ce type étaient nombreux comme par exemple pour déterminer la place de tel ou tel sur les bancs proches de l’autel dans les églises ou l’emplacement de leur inhumation.


1637 : la tentative de faire payer la taille aux officiers du grenier à sel

Cette fois, il s’agit d’un arrêt du Conseil d’Etat du Roi tenu à Paris le 17 décembre 1637 et transcrit sur les registres de la Cour des Aides.

En effet, malgré plusieurs arrêts donnés en Conseil du Roi interdisant d’imposer les officiers des greniers à sel aux rôles des tailles et d’emprunts des paroisses, des intendants de Généralités font du zèle et cherchent des motifs pour les imposer. Leur exemption est aussi contestée par les habitants. Plusieurs contentieux avaient opposés les habitants de Montrichard et les officiers du grenier à sel depuis ces dernières années.

Ainsi, « Mr. de Laubardemont, Intendant de Justice, Police et Finance de la Généralité de Tours aurait fait imposer au rôle de l’Emprunt, M. Jacques Malpenée, Pierre Le Pot, Antoine Becquereau, Charles Adam et François Fallon, grenetiers, contrôleurs et procureurs de sa majesté, sous prétexte qu’ils sont pourvus d’autres offices, savoir ledit Malpenée de l’office de Bailli de la Châtellenie dudit Montrichard, qui est un des plus petits sièges du Bailliage de Touraine, ledit Le Pot de l’office de procureur de sa Majesté aux Eaux et Forêts dudit Montrichard, ledit Adam de l’office de contrôleur des deniers communs de ladite ville, crée en 1629 avec exemption de tailles, qui a pour tout revenu cent livres de gages et ledit Fallon de l’office de de notaire royal en la dite ville de revenu de vingt livres ».

Le Conseil d’Etat du Roi rappelle les lourdes contraintes des officiers du grenier.

Ils sont tenus d’ouvrir le grenier et d’être présents tous les jours, de surveiller de près le travail des commis et « faire la distribution au peuple ». Ils déposent un cautionnement. Ils sont solidaires entre eux des résultats financiers du grenier.

La monarchie craint qu’une imposition à la taille ne rebute les candidats à ces offices : « en quoi sa Majesté et le public souffriraient un notable intérêt s’il n’y était pourvu ».

L’arrêt ordonne donc « que les officiers tant dudit grenier à sel de Montrichard que des autres greniers de la Ferme générale des Gabelles de France et du Lyonnais, jouiront de l’exemption de toutes tailles, aides, emprunts, contributions, subsistance, logement des gens de guerre, et autres privilèges attribués à eux par lesdits édits et arrêts ».

Il est interdit aux échevins, maires, collecteurs, etc. de les inscrire sur les rôles et aux gens de justice d’user de la force à leur égard. Ils seront remboursés des sommes indues payées et il conviendra « d’en faire le rejet sur les autres contribuables » !

Si cet arrêt faisait l’objet d’oppositions ou « d’appellations », elles relèveraient directement du Roi et de son Conseil, sans passer par les juridictions intermédiaires.

Les officiers du grenier à sel faisaient ainsi partie des privilégiés de l’Ancien Régime exonérés d’impôts, de contributions financières et d’obligations comme le très impopulaire logement des troupes.


Des réseaux familiaux….

Les premières données trouvées remontent à la moitié du XVIe siècle. Elles établissent la présence de quelques familles d’officiers du grenier à sel qui vont s’entrelacer tout au long du XVIIe siècle au travers des alliances matrimoniales. Elles entretiennent aussi des liens de sociabilité avec les notables militaires, administratifs et de justice comme en témoigne le choix des parrains, des marraines, des témoins des mariages.

Les mariages entre les familles du grenier à sel, de manière plus large entre le monde de la judicature et les familles des officiers de la maison du Roi, se multiplieront à partir de la seconde moitié du XVIIe siècle, au-delà des rivalités honorifiques.

On notera les rapports avec la chambre puis le grenier à sel d’Amboise.

Le cumul est fréquent entre les offices des Eaux et Forêts, qui étaient aussi des offices de justice, et ceux du grenier à sel.

Il convient de souligner le rôle majeur du Cher.

Certaines de ces familles sont à l’origine membres de la « Communauté des marchands fréquentant la rivière Loire et fleuves descendant en icelle ». Le Cher est aussi un lien entre deux greniers à sel, Montrichard en Touraine et Selles en Berry, qui va se traduire par des mouvements d’officiers entre ces greniers et des alliances.

Les LE POT : la famille emblématique du grenier à sel de Montrichard.


Ils seront sieur de la Motte à Faverolles sur plusieurs générations. Chacune d’elle donne aussi un LE POT comme Abbé d’Aiguevives et Prieur de Nanteuil.

Le premier connu est Toussaint LE POT dit l’ainé (vers 1530) ; on ne peut affirmer avec certitude qu’il avait des fonctions au grenier à sel. Il a eu avec son épouse ( nom inconnu ) un fils Pierre, Abbé d’Aiguevives et Prieur de Nanteuil. Une fille Catherine sera mariée à René ADAM, parents d’un futur contrôleur du grenier à sel.

Son autre fils Toussaint LE POT dit le Jeune (vers 1550) était avocat et procureur au grenier à sel. Il avait épousé Antoinette MAGISSIER ou MAGICIER dont le père était un des responsables pour Montrichard de la Communauté des marchands fréquentant la Loire.

Les alliances de leurs enfants sont significatives :

Marie mariée à Simon FALLON, avocat ; le couple aura…17 enfants !

Pierre qui va suivre.

Catherine mariée à Jacques MALPENEE, juge et châtelain, d’une des plus importantes familles de Montrichard.

François, Prieur de Nanteuil et Abbé d’Aiguevives..

Elisabeth mariée à Pierre VOULGE, Lieutenant des Eaux et Forêts et contrôleur au grenier à sel.

René, contrôleur au grenier à sel, marié à Claude DENIAU, fille de Jean DENIAU, gendarme de Mgr. le duc de Montbarrey.

Pierre LE POT, né en 1582, cumule les offices de Procureur des Eaux et Forêts et grenetier du grenier à sel. Il a épousé Renée DUMONT, la fille de Blaise DUMONT, vers 1623.

Blaise DUMONT, dont je n’ai pu établir le lieu d’origine, était maître des Eaux et Forêts et grenetier du grener à sel de Montrichard. Il l’est déjà en 1594. Il est marié à Madeleine DELAHAYE, une importante famille de marchands de Montrichard.

Une de leurs filles, Louise DUMONT épousera Claude GOISLARD, sieur de la Droitière, lieutenant au Baillage de Romorantin, qui est en lien familial avec les CURAULT, une famille du grenier à sel de Selles ; une autre Geneviève DUMONT sera mariée à Etienne Chappelier, grenetier du grenier à sel de Cheverny.

Parmi les enfants du couple Pierre LE POT et Renée DUMONT, plusieurs filles seront religieuses ; une fille Renée épousa Guillaume BELOT, sieur de Laleu. Un seul fils, Jean LE POT, survivra.

Jean LE POT semble être le dernier de sa famille à occuper un office au grenier à sel. Il est grenetier. Né en 1637 et décédé en 1712, il épouse en 1659, Marguerite BOISGAULTIER, fille de Georges BOISGAULTIER et Marguerite TEXIER.


Les BOISGAULTIER : une autre dynastie du sel

La famille BOISGAULTIER est originaire de Touraine et compte plusieurs branches.

Celle qui nous concerne est localisée à Amboise où elle a noué des liens matrimoniaux avec la famille METIVIER, détentrice d’offices au grenier à sel d’Amboise.

Notre branche est aussi ramifiée aux BOISGAULTIER, propriétaires de la seigneurie des Grandes Bordes à Pontlevoy.

François BOISGAULTIER né vers 1567 à Montrichard sera l’auteur d’une lignée d’officiers du grenier à sel de Chateaudun.

Georges BOISGAULTIER, né vers 1570, époux de Marie METIVIER, est grenetier du grenier à sel de Montrichard. Il l’est déjà en 1590.

François, son fils né en 1607, épouse en 1634, Marguerite BECQUEREAU, fille de Antoine BECQUEREAU, receveur du grenier à sel de Montrichard, originaire de Blois.


Il fera sa carrière au grenier à sel de Selles où sa soeur Marguerite a épousé Annet Dubois, commis puis grenetier. de Selles. François sera d’abord commis puis grenetier lui aussi. Cet Annet DUBOIS semble être le fils d’un précédent Annet DUBOIS, grenetier, qui fut aussi gouverneur de Selles pour le futur Henri IV durant les guerres de religion, en même temps qu’un certain Claude de BOISGAULTIER qui était lui receveur des gabelles du Berry et sieur des Bordes à Pontlevoy.

Georges BOISGAULTIER son frère, né en 1609, détient l’office de greffier aussi à Selles où il a épousé la fille de Denis TEXIER, receveur du grenier. Devenu veuf, il épouse en 1648, la belle-soeur de son frère, Françoise BECQUEREAU, et finira sa carrière avec l’office de grenetier du grenier à sel de Montrichard. On peut penser que c’est en remplacement de son beau-frère Antoine BECQUEREAU, fils du précédent Antoine.

Un des fils de Georges Boisgaultier, issu de son premier mariage et ses descendants poursuivront une carrière au grenier à sel de Selles.


Les LENORMANT, bienfaiteurs de l’Hôtel-Dieu

La famille LENORMANT est originaire d’Orléans. Ce sont d’abord des marchands. Au début du XVIIe siècle, un Jean LENORMANT est grenetier des greniers à sel d’Orléans et Beaugency.

Son fils Jean LENORMANT, sieur d’Oranté, receveur des gabelles d’Orléans, épouse en 1663, Marie Goislard fille de Claude Goislard et donc petite fille de Blaise Dumont qui lui amène la seigneurie de Champhlé à Monthou.

Un de leurs fils Jean sera receveur des Rentes de l’Hôtel de Ville et l’autre Louis-Gilles, receveur du grenier sel de Montrichard. Une leurs soeurs s’unira à un officier du grenier à sel de Loches.

A sa mort en 1731, le fils de Louis-Charles, Louis Henry Auguste, poursuit dans l’office à Montrichard.

C’est le dernier LENORMANT dans le sel. Il a eu trois fils : un sera receveur général des Finances de Picardie, un autre officier de Marine et le troisième, déficient mental placé sous curatelle.

Par testament, Louis Henry Auguste, décédé en 1780, avait légué 10 000 livres à l’Hospice pour y entretenir deux pauvres des paroisses de Pontlevoy et Monthou. Ce legs sera effectif en 1784.


Enfin, on relève deux FALLON, fils de Simon FALLON et Marie LE POT, qui s’inscrivent dans la parentèle des LE POT ; deux Jacob LABBE, père et fils, qui cumulent avec leur office d’avocat ; deux de FRECINE, père et fils, qui cumulent eux avec leur office de notaire. Le second est le futur conventionnel Augustin Lucie Frécine.


.. puis des carrières personnelles.


Comme le montre l’inventaire des officiers ci-dessous, les offices ont évolué.

Ils ne sont plus, un bien patrimonial support du statut social de la famille dans sa ville. Sauf encore quelques exceptions pour des ressortissants de Montrichard.

L’office est devenu un bien-marchandise qui se vend et s’achète sur le marché des offices que la monarchie crée en grande quantité. Le turnover des titulaires est donc plus affirmé. L’obligation de résidence est devenue quasi fictive. Certains de ces officiers sont étrangers à la ville, voire à la région.

Liste des officiers du grenier à sel de Montrichard

Cette liste est n’est sûrement pas complète. Ce sont les noms trouvés au fil des documents consultés notamment les registres paroissiaux. Les dates sont celles de ces documents et ne donnent pas les dates précises de début et/ou fin d’activité des officiers mais elles permettent de les situer dans le temps. Toutefois, les Archives Nationales ont numérisé des lettres de provision pour une partie du XVIIIe siècle qui indiquent, par année, l’ancien et le nouveau titulaire de l’office. De même, il n’est guère possible d’établir dans quelles conditions un officier à acquis son office au grenier à sel. On peut les déduire pour les transmissions intra-familiales.

L’orthographe des noms est fluctuante.

Mais cette liste a pour objet de garder la mémoire de ces officiers et de constituer des données pour les personnes intéressées par d’autres recherches concernant ces personnages et leurs familles.

J’ai opté pour un classement alphabétique des noms.

ADAM Charles                               Contrôleur                    1628, 1631, 1643

ALLAIRE Jean                                 Président (nouveau)       1727-1752   (ancien Georges Baron). Il est sieur de Villiers


BARON Georges                             Président                      1727

BECQUEREAU Antoine                     Grenetier                        1644

BECQUEREAU Antoine                     Receveur                        1612, 1615, 1620

BERTHIN René                               Greffier                           1649

BOILEAU Charles                            Receveur                         1719, 1733

BOISGAULTIER François                   Greffier                           1634, 1656

BOISGAULTIER Georges                   Grenetier                        1656, 1659

BONNEAU Louis René                       Huissier (nouveau)          1755  (ancien Charles Liger),1760  

BOUCHERON Florimond                   Receveur                       1629.  Il est aussi fermier des terres du Gué-Péan et de Bizard et sieur du Vau St. Georges à Thésée.

BOUCQUIN Florimont                       Grenetier                        1535

BOUILLY Charlemagne                     Receveur                        1638

BOURNAIS Claude                           Greffier (nouveau)           1766 (ancien Jacob Labbé), 1774. il est aussi greffier en chef du bailliage.


CABY Gabriel Claude                         Procureur                      1721

CORSET de LA PIERRIE                   Procureur (nouveau)        1768 (ancien Jacques Chartrain), 1774

COTTEREAU Michel                         Greffier                           1617, 1643            

CHARTRAIN Jacques                       Procureur (nouveau)        1753 (ancien Gabriel Caby)

CROCHARD André                           Receveur                        1665. Il est sieur de Fontenelle.


DELANOUE Jean                             Huissier (nouveau)      1760 (ancien Louis rené Bonneau)

DIARD                                           Receveur                         1777

DUBOIS René                                Greffier                            1649, 1662

DUMONT Blaise                             Grenetier                          1594. Il est aussi Me des Eaux et Forêts

DU RUAU Mathurin                        Contrôleur                         1520


FALLON François                             Procureur                      1624, 1628, 1641, 1656

FALLON Simon                                Greffier                         1652

FRECINE (de) Louis                         Grenetier                       1758, 1777, 1780

Il est aussi notaire royal

FRECINE (de) Augustin Lucie           Grenetier (nouveau)         1780 (ancien Louis de Frécine). Il est notaire royal.


GAILLARD Claude Auguste               Contrôleur (nouveau)      1785 (ancien Joseph François Rance). Il est sieur de la Delbeine

GARNIER René                               Grenetier                       1698, 1715, 1744

GABORE Jacques                            Président (nouveau)        1777 (ancien Louis Lenoir)

GAULTIER de LA FERRIERE Luc       Receveur                         1779

GUESDIER Pierre                                   ?         (nouveau)     1779 (ancien Louis Roujon)


HANSART (de) Adrien                       Receveur                       1594, 1601

HAREN François Claude                   Président (nouveau)         1782 (ancien de Lacarte)



JONQUET DE PONTESA Martial       Contrôleur (nouveau)         1728-1738 (ancien Etienne Moreau),


LABBE Jacob                                  Greffier                            1737

LABBE Jacob                                  Greffier (nouveau)             1737 (ancien Jacob Labbé)

LALLIER Etienne                             Procureur                         1637, 1645

LACARTE (de) Jacques Hyacinthe   Président (nouveau)            1780 (ancien Jacques Gaboré)

LANCHENU Pierre                             Receveur                       1643

LECOMTE Martin                               Contrôleur                     1777                                        

LENOIR Louis                                     Président (nouveau)     1752 (ancien Jean Allaire),1777. Il est sieur du Mesnil

LENORMANT Louis Gilles                 Receveur                         1731 Il est sieur des Poiriers à Noyers

LENORMANT Louis Henry Auguste   Receveur                          1732. Il est sieur de Champhlé à Monthou.

LE POT Jean                                  Grenetier                         1659, 1675                      

LE POT Pierre                                 Grenetier                        1623. Il est aussi procureur des Eaux et Forêts.

LE POT René                                  Contrôleur                       1616

LE POT Toussaint                           Procureur               1597.  Il est aussi procureur des Eaux et Forêts. Les LE POT sont seigneurs de la Motte à Faverolles.

LEROY Pierre                                 Procureur                        1777, 1787

LESUEUR Anne                               Contrôleur                      1611

LOYSEAU                                       Contrôleur                      1615

LE VASSEUR Pierre Samuel              Contrôleur                      1742

LIGER Charles                                Huissier (ancien)             1755


MOREAU Etienne                           Procureur                        1712, 1728

NADAL Louis                                 Grenetier (nouveau)         1744 (ancien René Garnier) Il est sieur de la Pomarède


PINEAU Théophile                         Receveur                         1635


RANCE Joseph François                   Contrôleur (nouveau)      1738 -1774   (ancien Martial Jonquet). l est aussi écuyer fourrier des Ecuries du Roi et sieur de Vallagon à Bourré.

RICHARD Joseph                               Grenetier                     1592. Il est sieur du Mesne à St. Georges-sur-Cher.

ROGER Simon César                         Huisssier-audencier        1788  

ROLLAND (de) Artus                           Contrôleur                   1591

ROUJON Louis Thomas                       ?                                 1742


SEPTIER Mathurin                               Illisible                        1592

SUPPLIGEON René                           Contrôleur                      1600. Il est aussi greffier des Eaux et Forêts.


VALADON Jacques                             Greffier (nouveau)         1762 (ancien Jacob Labbé),1774

VOULGE Pierre                                   Contrôleur                   1622 Il est aussi procureur des Eaux et Forêts.


La fin de la gabelle et des greniers à sel


La gabelle est abolie par l’Assemblée Constituante le 1er décembre 1790.

La loi du 27 mars 1791 ordonne de procéder à l’inventaire des greniers à sel. Il sera effectué à Montrichard le 3 décembre 1791.

Les locaux du grenier sont loués et le receveur doit s’acquitter des derniers termes.

Le dernier propriétaire est le duc de Penthièvre, seigneur de Montrichard ; ce qui laisse à penser que le grenier était installé de longue date dans un bâtiment relevant de la seigneurie de Montrichard.

Le sel restant dans le grenier est vendu au détail à la population les 9, 10, 11 et 12 juillet 1792.

Le sieur Gaultier, ex-receveur, remet les clés du grenier et des autres locaux en dépendant à la municipalité le 31 décembre 1792.


  Thérèse GALLO-VILLA

Sources et bibliographie :


ADLC : L 564, 566, 569, 570 sur le grenier à sel de Montrichard à la Révolution.

AN : Série V/1 Lettres de provisions d’offices.

BNF, Atlas des Gabelles, 1665, notice FRBNF40740784.

BNF, Etats des Dénombrements des Ressorts des Gabelles, 1775, cote : Français 23924.

Les registres paroissiaux de Montrichard et communes avoisinantes, les études notariales et le cadastre.

Généanet et Wikipédia.

L’incontournable livre de l’abbé C. Labreuille sur l’histoire de Montrichard.

Les ouvrages classiques sur les gabelles et les offices.

Les ouvrages de Françoise de PERSON sur la contrebande du sel sur la Loire.

L’exposition « Hommes et femmes célèbres de Montrichard » avec la biographie de Augustin Lucie Frécine, Les Amis du Vieux Montrichard, 2021.

BOUSSEREAU Claude : Le grenier à sel de Montrichard, Bulletin des Amis du Vieux Montrichard,

N°26/1993.

FILLEAU Jean, Recueil général des Edits, Arrêts et Règlements notables concernant les Offices, Paris, 1630.

GALLO-VILLA Thérèse, L’histoire de Champhlé à Monthou-sur-Cher, Bulletin des Amis du Musée et du site de Tasciaca, N°26/2010.

Même auteure, La famille GOISLARD de la DROITIERE et la Bougonnetière à Thésée, même Bulletin, N°38/2022.

GODEAU Robert, En remontant les « rotes salines », sur le site de la mairie de Civray-de-Touraine.

GORRY Jean-Michel, Les ressorts des greniers à sel sous l’Ancien Régime, Atlas Archéologique de Touraine, 53e Supplément, 2014.

GUENOIS Pierre, La Grande Conférence des Ordonnances et Edits royaux distribuée en 12 livres, Paris, 1678.

JOUBERT Micheline, La découverte d’un trésor à Montrichard, Touraine Archéologie, N°76/2008. La maison, rue Nationale, où a été trouvé le trésor en 2007 lors de travaux, appartenait à la famille LE POT.

TANGUY Guy, Le grenier à sel de Selles-en-Berry, Les Cahiers des Amis du Vieux Selles, 1986.


Je remercie Alexis DURAND, chargé d’études documentaires aux ADLC, pour sa coopération.