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La secrétaire de la mairie de Bourré :


Noémie BARDOT.


Un bel exemple de la Résistance dans l’Administration Municipale durant la Seconde Guerre Mondiale.

Noémie Marie Proust est d’origine modeste.

Elle est née à Bourré le 13 novembre 1895. Elle est la fille de Noé Proust, né à Chaumont-sur-Loire, bûcheron puis vigneron et de Marie Allion de Pouillé, domestique.

Le couple habite le village de Vallagon à Bourré. On notera que Noé Proust est titulaire du Brevet de l’Enseignement Primaire (c’est à dire l’équivalent du BEPC). C’était un niveau d’instruction élevé à l’époque, caractéristique de ces bons élèves ruraux de l’école républicaine mais qui ne pouvaient pas poursuivre des études en raison du manque de moyens et de perspectives de leurs parents.

Noémie débute ses fonctions de secrétaire de la mairie de Bourré, en janvier 1927.

Le 29 janvier 1937 à Bourré, elle épouse Marcel Bardot, originaire de l’Allier, né en 1893 et déjà deux fois veuf. C’est un ancien combattant de la Guerre de 14-18 où il avait été gravement blessé. Il est cuisinier au Château de Vallagon.

En pleine guerre, le 2 juin 1941, nait leur fille Annette.


Utiliser ses fonctions

Noémie Bardot fut ce qu’il est convenu d’appeler une résistante « isolée », c’est à dire qui n’a appartenu à aucun mouvement ou groupe organisé de la Résistance.

Elle est entrée en résistance par altruisme et idéal patriotique. Elle ne se résignait pas à l’Occupation allemande.

On ne souligne pas assez le rôle important qu’ont joué les secrétaires de mairie, hommes et femmes, dans la Résistance.

Noémie Bardot en est un exemple caractéristique.

Les mairies étaient à l’avant-scène des réalités et conséquences de l’Occupation.

Ce sont elles qui étaient confrontées à une double administration : celle de Vichy et celle des Allemands.



Elles étaient l’interface entre les populations et ces politiques de restrictions et de répression.

Nombre de secrétaires de mairie, souvent avec l’assentiment du maire et d’élus, vont mettre à profit les domaines d’intervention des communes pour aider la Résistance.

Certains sont des membres actifs des principaux mouvements organisés. Dans notre zone, de la Vallée du Cher, il s’agit en 1943-1944, de LibéNord, des FTPF-Front National et de l’ORA qui constituent les FFI.

D’autres, comme Noémie agissent d’eux-mêmes.

Ils font passer des informations reçues en mairie à la Résistance comme pour de probables arrestations de tel ou tel. Ils font trainer les choses pour gagner du temps avant de répondre à des demandes de renseignements concernant des gens suspectés d’être anti-allemands, proches de la Résistance ou communistes, juifs, francs-maçons. Souvent, ils falsifient ces renseignements.

Ils vont apporter une aide irremplaçable pour fournir des documents administratifs indispensables pour survivre sous l’Occupation : les cartes d’identité quand on était controlé x fois par jour et les cartes d’alimentation quand existait la distribution réglementée des produits de première nécessité (nourriture, textile, chaussures, etc.), ainsi que telle ou telle attestation.

Ils utilisaient le matériel officiel et les précieux tampons de la mairie.

Aider particulièrement les jeunes.

Noémie Bardot va utiliser ses fonctions pour apporter son aide notamment aux jeunes requis pour le STO.

De premières mesures, dès 1941, organisaient l’envoi de main d’oeuvre vers l’Allemagne.

Ce furent des échecs. Les Allemands exigent alors une politique de grande ampleur de transfert de main d’oeuvre pour faire tourner leur industrie de guerre et remplacer aux champs leurs soldats.

Ce sera le Service du Travail Obligatoire qui impacte totalement les jeunes français à partir de la classe 1942.

Le phénomène des «réfractaires » est massif. Les jeunes refusent cette déportation du travail et se réfugient notamment dans nos campagnes où ils sont cachés dans les fermes et y travaillent. Il y a aussi ceux requis pour travailler pour l’organisation TODT, chargée des grandes constructions dans les pays occupés et en Allemagne.

Saluons aussi le courage de tous ces ruraux qui aidèrent et sauvèrent ces jeunes.

Noémie Bardot leur fournit ces précieuses cartes d’identité, fausses bien sûr, et d’alimentation.

Elle recevra, lors de la constitution de son dossier de Résistante en 1956, beaucoup de chaleureux témoignages de ces réfractaires.

Citons entre autres :

René Vannier en son nom et celui de ses camarades de la section du canton de Montrichard des Réfractaires et Maquisards.

Philippe Daufresne de Paris.

Maurice Deniau de Villiers St. Paul dans l’Oise.

François Lempart de Versailles.

Gilbert Boisbourdin de Pontlevoy.

Henri Montprofit, Robert Proust, Pierre Thevenas, Pierre Legout de Bourré.

Elle a aussi aidé les résistants en tant que tels comme en atteste Lucien Gigaud qui fut maire de Bourré et Conseiller Général de Mennetou, en 1945, en leur fournissant cartes d’identité et d’alimentation. Il était le responsable du Groupe du canton de Mennetou-sur-Cher, affilié à LibéNord.

Ce qui frappe à la lecture de ces témoignages, c’est que Noémie Bardot a pratiqué une aide sur la durée et non ponctuelle. Ceci est particulièrement remarquable pour les cartes d’alimentations et les tickets qui s’y rattachaient. Pour beaucoup de ces réfractaires, elle les a aidés de 1943 à 1944, parfois dès 1942

 Noémie bénéficiait d’un « Ausweis » l’autorisant à passer la Ligne de Démarcation car elle assurait aussi le remplacement du secrétaire de mairie de St. Julien de Chedon, en zone libre.

Elle transportera ainsi des papiers et documents, d’un côté et de l’autre.

Elle sera aussi « passeuse » en facilitant le franchissement de la Ligne aux réfugiés et prisonniers évadés, nantis par ses soins de faux-papiers. Près d’une quarantaine de leurs vraies cartes d’identité laissées aux soins de Noémie furent retrouvées dans ses archives.

Il faut mesurer les risques pris par Noémie Bardot !

Ni Vichy, ni les Allemands n’étaient indulgents avec ces secrétaires de mairie résistants.

Ils payèrent un lourd tribut, généralement la déportation et, dans notre département, pour une dizaine, la mort horrible dans un camp.

Reconnue comme résistante  

Le 25 février 1946, Noémie Bardot se voit attribuer la Médaille de la Reconnaissance Française. C’est une décoration officielle destinée aux civils, créée en 1917 au coeur de la Grande Guerre, qui honore les actes de courage et de dévouement en temps de guerre (elle sera supprimée en 1959).

Elle a attendu plusieurs années pour demander l’attribution d’une Carte de Combattante Volontaire de la Résistance. Comme beaucoup de résistants qui estimaient qu’ils n’avaient fait que leur devoir. Et comme eux, Noémie Bardot parlait peu de cette tragique période et de ses activités résistantes.

Ceux qui l’ont connu, saluent sa modestie et sa simplicité.

Dans la Commission Départementale des Combattants Volontaires de la Résistance qui donna un avis favorable le 11 février 1957, siégeaient deux grands résistants du Département : Marcel Buhler membre du SOE/Réseau Adolphe qui fut déporté, puis maire de Blois et Théo Bertin de Contres, responsable de LibéNord, condamné à mort par les Allemands, un des libérateurs de Blois et Vice-Président du Comité Départemental de Libération. Elle lui sera délivrée le 26 novembre 1959.

Puis, le février 1960, elle bénéficiera de la carte du Combattant 1939-1945.

Elue Maire de Bourré  

Après la guerre, Lucien Gigaud avait été nommé instituteur à Bourré. Il en sera le maire de 1953 à 1962, date de sa mutation à Romorantin.

Noémie fait valoir ses droits à la retraite en novembre 1961, à 66 ans.

C’est la conseillère municipale Noémie Bardot qui le remplace comme maire, le 8 février 1962.

Cette élection est significative de la confiance de la population à son égard pour son rôle dans la Résistance, ses compétences de gestionnaire locale et sa disponibilité pour ses concitoyens.

Et cela à une période où très peu de femmes accédaient à des responsabilités de cette nature.

Elle sera réélue maire pour la mandature 1965-1971 et finit son mandat le 26 mars 1971.

Noémie Bardot recevra aussi des décorations pour ses services civils à la mairie.

Son mari Marcel décèdera à Bourré le 29 septembre 1964.

Cette femme menue, portant un strict chignon et habillée sobrement, avait choisi de se retirer à la Maison de Retraite de Montrichard où elle mourra le 22 septembre 1983 : elle avait 88 ans.

Elle avait habité au village du Rigodon à Bourré.

La municipalité a perpétué le souvenir de Noémie Bardot en donnant son nom à un chemin : le chemin Noémie Bardot.

N’oublions pas ces femmes et ces hommes qui nous ont sauvé de la barbarie nazie.

 Thérèse GALLO-VILLA


Sources :

ADLC : Carte de CVR 1693 W 27.

Fiche Lucien Gigaud sur le Maitron.

Etat-civil de Bourré et informations sur les élections municipales transmises par la Mairie.

Travaux de l’auteure sur la Résistance.

Je remercie Mme. Michel Delalande, Mme. Monique Lefèvre et Mr. Charles de Belder pour leur aide et j’adresse ma gratitude à Madame Annette Bardot-Thil pour les documents transmis.